Constatation de l'évolution
Lorsqu'on observe la descendance immédiate d'un animal, on est frappé par la ressemblance existant entre lui et ses parents, et cela au fil des générations. On a donc beaucoup de mal à comprendre qu'il puisse apparaître des variations risquant par la suite de se maintenir et de transformer durablement l'espèce étudiée : l'explication tient au fait que l'observation est toujours faite à l'échelle d'une (ou plusieurs) vies humaines, un période de temps bien trop courte pour noter le moindre changement. Il est pratiquement impossible de s'imaginer ce que représentent les temps dits géologiques, c'est à dire les millions d'années qui nous séparent du début : l'Humanité proprement dite ne possède un recul que de quelques milliers d'années, un battement de cil à l'échelle de la Vie sur Terre.
Il y a, bien sûr, les fossiles. En étudiant ces squelettes plus ou moins bien exploitables (il est extrêmement rare que les parties molles des animaux disparus soient conservées, voir sujet le schiste de Burgess), on remarque combien les espèces du passé étaient différentes tout en conservant certains liens anatomiques avec les vivantes. Cela ne suffit pourtant pas pour faire la preuve d'un lien de parenté. Après tout, George Cuvier lui-même pensait que ces espèces – qu'il croyait immuables – avaient été créées telles quelles par Dieu avant de subir des extinctions brutales.
Darwin proposa sa théorie au milieu du XIXème siècle. A cette époque, on n'avait aucune idée de l'importance de la génétique, ni même de ce qu'elle était. Le moine autrichien Gregor Mendel – qui travaillait sur les pois – avait bien publié un article résumant ses observations sur la transmission des caractères héréditaires dès 1865 mais ses travaux étaient demeurés inconnus. Ce n'est qu'à l'aube du XXème siècle qu'on redécouvrira les lois de l'hérédité et il faudra encore des décennies pour que celles-ci soient enfin admises. Jusqu'à ce que Watson et Crick décrivent le modèle en double hélice de l'ADN, découverte qui leur valut le Prix Nobel et permit le développement de la génétique moderne. On ne s'étonnera donc pas que Darwin ait, pour une grande mesure, cru à l'hérédité des caractères acquis. Cela ne l'empêcha pas de fonder sa théorie résumée en trois grands principes :
b. les individus les mieux adaptés à leur milieu sont les plus aptes à survivre et donc à se reproduire : c'est ce que Darwin appelle la « sélection naturelle ». Il veut dire ainsi que certains sujets échappent plus facilement à leurs prédateurs, qu'ils sont moins malades et que, accédant plus facilement à la nourriture, ils vivent plus longtemps, suffisamment en tout cas pour se reproduire. Ces « survivants » peuvent également posséder des caractéristiques qui les rendent plus attirants pour le sexe opposé (en tout cas, dans la reproduction sexuée) et, en copulant davantage, engendrent une plus grande descendance (c'est la sélection sexuelle). Pour tous ces cas, on parlera « d'avantages sélectifs » ;
c. les avantages sélectifs doivent pouvoir se transmettre à la descendance de l'individu qui les possède : c'est un caractère forcément héréditaire et, ce que Darwin ne pouvait que supposer, ce sont les gènes (formant le génotype) qui entraînent le maintien de l'avantage d'une génération à l'autre.
Mécanismes de l'évolution
On vient de dire que la transformation progressive d'une espèce se caractérise par l'apparition de différences qui se maintiennent, une fois apparues, chez ses descendants. Elle est de nature génétique et apparaît principalement du fait de mutations.
* mutations génétiques
Le fait que l'acquisition d'un caractère nouveau apparaisse – et se transmette – s'explique par plusieurs mécanismes, d'ailleurs parfois liés. On se souvient que lors de la méiose, c'est à dire la formation d'une cellule à partir de la moitié des chromosomes des parents, il existe une recombinaison du matériel génétique : il peut alors exister des erreurs lors de la réplication des gènes. Ces « erreurs » peuvent être ponctuelles (portant sur le code lui-même) ou résulter d'une duplication de ces gènes, voire d'une cassure des chromosomes qui les portent. Ailleurs, il s'agira d'une délétion ou de l'insertion anormale d'une séquence chromosomique. Dans tous les cas, le génotype du descendant sera différent de ce qu'il aurait dû être si la duplication s'était normalement déroulée. Le descendant sera donc doté de caractères différents de ceux de ses parents, caractères qui, si cela constitue un avantage évolutif, seront conservés comme on a déjà eu l'occasion de le dire.
* échange de matériel génétique
Les mécanismes décrits ci-dessus concernent la reproduction sexuée. Les organismes qui n'y ont pas recours verront les différences apparaître par transfert simple de matériel génétique : c'est le cas, par exemple, des virus et des bactéries.
* épimutations
Il s'agit ici de la transmission de différences, non sur l'ADN lui-même, mais sur des groupements chimiques qui lui sont attachés (voir sujet évolution de l'Evolution.)
Les mutations que l'on vient de brièvement résumer sont le plus souvent létales, c'est à dire qu'elles perturbent tant le sujet qui les possède que celui-ci n'est pas viable. Elles peuvent également être neutres : les modifications génétiques sont bien inscrites dans le génome mais elles n'ont aucune conséquence visible. Enfin, de temps à autre, une mutation entraîne l'apparition d'un caractère qui apporte un véritable « plus » à l'individu qui en est porteur et ce dernier pourra transmettre à sa descendance un moyen de prendre le dessus sur ses (presque) semblables. A quel rythme ces variations ont-elles lieu ? Comme on va le voir, cela reste encore amplement débattu. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre : les modifications du matériel génétique d'un individu relève du hasard et seulement de lui.
* le Darwinisme originel
Comme on l'a déjà signalé, Darwin ignorait l'origine génétique des mutations et par conséquent des caractères qui y sont liés. Il proposa donc une modification graduelle, progressive des caractères expliquant, par la sélection naturelle, la transformation des espèces au fil du temps. Quelques années plus tard, l'irruption de la génétique va modifier l'approche originelle de la théorie.
* la théorie synthétique de l'évolution
Afin d'intégrer les nouvelles données de la science, dès les années 40, un grand nombre de scientifiques repensèrent la théorie de Darwin dans une approche plus globale intégrant non seulement la génétique mais aussi la paléontologie, la biologie, l'embryologie et la génétique des populations. Dans cette optique, on ne s'intéresse plus uniquement aux individus mais à des groupes d'individus : c'est la fréquence d'une mutation dans une population qui importe. Lorsque cette fréquence devient élevée en raison d'un facteur facilitant (comme, par exemple, un changement du milieu), on arrive alors à la modification de l'espèce.
Signalons aussi, à l'appui du néodarwinisme, le phénomène de dérive génétique qui concerne le fait que si des populations d'une même espèce sont géographiquement longtemps séparées, les différences génétiques qui s'accroissent entre elles finissent par aboutir à la formation de deux espèces distinctes, incapables de se reproduire entre elles.
La théorie synthétique de l'évolution s'est finalement imposée chez la majorité des scientifiques puisqu'elle permet une « relecture du Darwinisme » par intégration des données génétiques sans en toucher les trois principes que nous avons évoquer plus haut, notamment la sélection naturelle. Reste une question déjà soulevée dans l'article : à quelle fréquence apparaissent ces mutations ? Progressivement et graduellement au fil du temps disent les tenants de cette « synthèse darwinienne ». De façon brutale entrecoupée de longs moments de silence, rétorque S. J Gould.
* la théorie des équilibres ponctués
La théorie de Darwin aujourd'hui
Hormis quelques créationnistes patentés dont l'obscurantisme est d'autant plus virulent qu'ils se situent loin des disciplines scientifiques, plus aucune personne sensée ne remet en question la théorie de l'évolution qui, à proprement parler et depuis longtemps, n'est d'ailleurs plus une simple théorie tant les faits et les idées militent en sa faveur.
1. le périple de Charles Darwin autour du monde de 1831 à 1836
Placée dans les conditions environnementales de ses ancêtres, la mouche drosophile ne retrouve pas ses caractéristiques originelles. Telle est la conclusion d'une expérience menée par des chercheurs portugais et américains. Après avoir fait évoluer pendant vingt-cinq ans des populations de drosophiles dans des environnements différents, Henrique Teotonio et ses collègues ont replacé les mouches dans leur environnement initial. Après 50 générations, elles s'étaient à nouveau adaptées à leur environnement ancestral mais d'une manière différente de celle de leurs aïeux : s'il arrive que les mouches retrouvent un phénotype (les traits physiques et biochimiques) semblable à celui de leurs ancêtres, elles sont néanmoins génétiquement différentes. Malgré la réadaptation à l'ancien milieu, 50% des variations génétiques survenues au cours des vingt-cinq ans d'évolution étaient maintenues. Inversement, il paraît donc impossible de prédire comment évoluera une population lorsque le milieu change.