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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution

 

 

 

 bonobo.jpg

 

 

 

 

 

 

     Le fait de se tenir debout et de marcher grâce à ses deux pattes postérieures existe depuis (presque) le début de l’apparition de la Vie sur Terre : le premier squelette identifié d’un animal se déplaçant ainsi est celui d’un petit reptile (eudibamus cursoris) qui vivait il y a environ… 300eudibamus-cursoris.jpg millions d’années. C’est dire qu’il s’agit d’une affaire ancienne et on peut certainement affirmer que la bipédie a été probablement, à un moment ou à un autre, un facteur adaptatif majeur dans l’évolution de bien des espèces animales.

 

     L’explication la plus souvent avancée du développement de l’intelligence humaine repose précisément sur l’apparition de la bipédie chez un primate supérieur, l’ancêtre commun du genre homo (voir le sujet : le dernier ancêtre commun), une avancée qui, en libérant la main, aurait permis notre progressif développement cérébral. Est-ce si sûr ? D’éminents scientifiques avancent au contraire que la bipédie n’a été qu’un facteur parallèle - mais non générateur - de ce développement. Alors, bipédie indispensable à l’apparition de « l’intelligence » ou non ? C’est ce que nous allons essayer de clarifier.

 

 

La bipédie dans la Nature

 

     Les animaux capables de bipédie sont en définitive assez nombreux mais ils marchent alors avec le buste très incliné vers l’avant et toujours équilibré par la queue : c’est le cas des oiseaux – et avant eux des dinosaures bipèdes – mais également des kangourous, de certains lézards, etc. D’autres encore, comme, par exemple, les mangoustes, les girafes, les zvenjo-debout-copie-1.jpgfélins ou les chiens, arrivent à se dresser sur leurs pattes postérieures afin d’adopter une position verticalisée mais il s’agit en pareil cas d’attitudes transitoires (pour observer ou attraper un objet) qui n’a rien à voir avec une bipédie réelle.  On peut donc affirmer que, contrairement aux oiseaux, les mammifères sont peu doués pour la bipédie : en réalité, seuls l’homme et le pingouin sont capables de marcher longuement, buste vertical, sur leurs membres inférieurs.

 

     Le cas des primates est toutefois assez particulier : habitués à un habitat spécial qui est celui des arbres, ils ont des possibilités de se mouvoir assez étendues, alliant les sauts d’une branche à l’autre, la quadrupédie au sol, le grimper et, parfois, une vraie bipédie mais qui est loin d’être exclusive. Il faut se tourner vers certains grands singes pour rencontrer des bipèdes un peu plus qu’occasionnels : les singes gibbons sont bipèdes lorsqu’ils sont au sol… c'est-à-dire pratiquement jamais alors que les chimpanzés sont bipèdes sur leurs branches et parfois à terre (quand, par exemple, ils transportent de la nourriture). Les gorilles qui, eux, vivent à terre, ne sont bipèdes que lorsqu’ils se font menaçants, probablement dans le but d’augmenter leur taille tandis qu’ils se frappent violemment la poitrine en un geste d’intimidation puissant. En fait, parmi les grands singes, seuls les bonobos sont réellement bipèdes (même s’ils marchent sur leurs phalanges) et ressemblent ainsi parfois aux hommes, bipèdes exclusifs, même si ces derniers ont gardé de leur passé arboricole une certaine habilité à se suspendre.

 

 

Les origines de la bipédie

 

     Ces origines sont bien difficiles à définir. Classiquement, on a présenté cette faculté de marcher sur ses deux jambes comme une acquisition progressive aboutissant à l’Homme, seul capable de la mettre réellement en pratique ; les premiers hominidés, précurseurs de Sapiens, se seraient progressivement relevés pour aboutir à l’homme moderne (voir le célèbre evolution-de-l-homme1.jpgdessin ci-contre) mais il s’agit là encore d’un apriori et, en réalité, d’une approche certainement finaliste. Une approche d’autant plus facile à défendre quand on part de l’arrivée pour refaire l’histoire (déjà choisie) à l’envers. En réalité, la situation est bien plus complexe.

 

     Parler de « redressement » progressif des précurseurs successifs de Sapiens, c’est d’abord privilégier un développement purement terrestre… alors que les singes (et les grands singes) vivent essentiellement dans les arbres ! Il n’est donc nullement prouvé que cette approche soit la bonne : peut-être la verticalité est-elle précisément apparue chez des individus habitués à se suspendre et secondairement descendus sur le sol… Les deux théories s’opposent et ont leurs partisans. On peut les résumer ainsi :

 

   * théorie du gibbon : c’est la théorie classique (et historique). Comme le singe de ce nom, la bipédie serait la conséquence de l’acquisition d’une position verticale lors du passage des individus d’un arbre à l’autre. Certains individus descendent au sol en conservant leur position verticale, la bipédie se développant peu à peu.

 

   *  théorie du chimpanzé : ici, la bipédie serait apparue dans la savane chez des grands singes qui se sont « redressés » pour voir au loin et ainsi anticiper les attaques des prédateurs ou repérer plus facilement sourceschimpanze.jpg de nourriture et points d’eau. Il s’agit là d’une théorie entrée en faveur avec la notion de nos origines africaines, surtout lorsqu’était évoquée comme certaine la théorie de l’East Side Story (voir article : East Side Story, la trop belle histoire), malheureusement aujourd’hui battue en brèche. D’où, chez les spécialistes de la question, un certain regain de l’autre théorie, celle du gibbon.

 

     Mais les bonobos que l’on évoquait un peu plus haut ? Ne démontrent-ils pas que la marche sur les pattes arrière est possible depuis fort longtemps ? Et s’il n’existait pas LA bipédie mais DES bipédies, comme autant d’évolutions convergentes ? Des bipédies d’origines diverses ?

 

     De nombreuses théories ont été avancées pour expliquer cette singulière particularité de ne se servir que de ses membres inférieurs pour se déplacer. En voici quelques unes :

 

   *  théorie de la bipédie initiale : prenant le problème à l’envers, cette approche propose que la quadrupédie serait postérieure à la bipédie,bipédie initiale celle-ci ayant été dès le départ une faculté partagée par tous les mammifères des origines. Dans cette optique bien particulière, ce sont les grands singes qui sont devenus arboricoles, perdant progressivement une bipédie qui n’aurait subsisté que chez homo sapiens. Les scientifiques qui la défendent (mais ils sont une minorité) s’appuient non plus sur la paléontologie mais sur l’embryologie et l’anatomie comparée…

 

   * théorie de l’économie d’énergie : la recherche des aliments demande de l’énergie et, dans certains milieux notamment découverts, il semble que la bipédie soit « moins dépensière » que la quadrupédie ;

 

   * théorie de la sélection naturelle : la station debout permettrait aux mâles d’exposer plus facilement à la vue de tous leurs attributs et, au contraire, aux femelles de dissimuler les leurs, une idée reprise par Richard Dawkins (vous vous rappelez : l’auteur du « gène égoïste ») qui y voit un avantage reproductif certainement sélectionné par l’Evolution ;

 

   * théorie de l’accroupissement intermédiaire : pour certains auteurs, la bipédie serait la conséquence de longues périodes durant lesquelles les individus auraient vécu en position accroupie, par exemple à la recherche d’une alimentation au sol (graines, vers, insectes, baies et fruits tombés, etc.). Une transformation progressive du bassin, des muscles et os des jambes et surtout des plantes des pieds aurait secondairement conduit à la position debout ;

 

   * théorie aquatique : plusieurs auteurs ont montré la similitude existant entre la physiologie de l’Homme et celle des mammifères aquatiques ; il n’en fallait pas davantage pour qu’on évoque un éventuel passé semi-aquatique d’homo sapiens qui aurait vécu en milieu inondé à une époque voisine de celle de la divergence entre humains et grands singes.

 

     On le voit, les idées ne manquent pas pour expliquer la station verticale d’homo sapiens… Mais, bien qu’on ne connaisse pas l’ancêtre direct (s’il en existe un) des divers homos, que nous apprennent les fossiles ?

 

 

La bipédie des ancêtres de l’Homme

 

     En 1978, Mary Leakey une paléontologue de renom et son équipe, mit à jour à Laetoli (Tanzanie) des traces de pas fossilisées dans les cendres  du volcan Sadiman, il y a 3 millions d'annéesleakey-traces-hominides.jpg. Ces empreintes sont celles d’hominidés marchant debout, en réalité trois individus de corpulences différentes (l’un d’eux était probablement un enfant). Conservées dans une fine couche de cendres d’environ 15 cm cimentée par une pluie fine et recouvertes secondairement d’autres dépôts de cendres qui les a ainsi préservées, ces traces présentent des caractères certainement non humains, aujourd’hui attribuées à Australopithecus Afarensis. Point le plus important, leur datation est d’environ 3,5 millions d’années

 

     Toutefois, la bipédie remonte encore plus loin dans le temps puisqu’un autre hominidé, Orrorin Tugenensis, a laissé un squelette prouvant ses aptitudes à la marche… il y a 6 millions d’années.

 

     La conclusion semble évidente : la bipédie est un trait commun à tous les hominidés, une faculté qui, avec le temps, est devenue chez l’homme moderne l’unique moyen de locomotion.

 

 

La bipédie n’est pas le propre de l’Homme

 

     Enfant, on m’a enseigné que la bipédie était le facteur principal (à l’époque, on disait même exclusif) du développement de notre intelligence : la libération de la main grâce à la marche sur nos deux jambes aurait conduit au développement de notre cerveau. C’était simple et direct. Aujourd’hui, rien n’est moins sûr. De nombreux hominidés semblent avoir également présenté cette même faculté de se mouvoir verticalement sans que leurs lignées n’aient abouti à l’égal d’homo sapiens.

 

     La bipédie est certainement un facteur permissif de notre développement cérébral mais il n’est pas le seul et peut-être pas le plus important. De nouvelles recherches, de nouvelles découvertes, notamment fossiles, permettront de préciser cette importante question mais je ne serai pas surpris si l’on finissait par impliquer une origine multifactorielle à l’émergence de notre pensée conceptuelle. Comme toujours, rien n’est jamais simple.

 

 

 

 

Images

1. bonobo (sources : http://www.chezpilou.com)

2. eudibamus cursoris (sources  http://www.uua.cn/)

3. Zvenjo, teckel mâle (coll. personnelle)

4. fausse évolution humaine (sources : www.hominides.com)

5. chimpanzé (sources : www.mentalindigestion.net)

6. théorie de la bipédie initiale (sources : wapin.ath.cx)

7. traces de pas à Laetoli (sources : www.sasquatchresearch.net)

  (Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

  Documentation :

* Pascal Picq : origine et évolution de l'homme (www.inrp.fr/Acces/biotic/evolut/homme/html/bipedie.htm)

* la bipédie humaine (www.hominides.com/html/dossiers/bipedie.php)

* Wikipedia, la bipédie (fr.wikipedia.org/wiki/Bip%C3%A9die)

* théorie de la bipédie initiale (initial.bipedalism.pagesperso-orange.fr/biped_fr.htm)

 

 

Mots-clés :  primates - bonobos - hominidés - East Side Story - théorie du gibbon - théorie du chimpanzé - bipédie initiale - Richard Dawkins - Mary Leakey - traces fossilisées - australopithèque - Orrorin Tugenensis

  (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

Articles connexes sur le blog

1. le dernier ancêtre commun

2. East Side Story, la trop belle histoire

3. les mécanismes de l'Evolution

4. le rythme de l'évolution des espèces

 

 

 

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dernière mise à jour : 8 mars 2023

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