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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie

 

 

            

 

 

 


     Au début, il n’y avait rien. Ou quelque chose. S’il n’y avait rien, comment l’Univers s’est-il constitué ? S’il y avait quelque chose, d’où cela pouvait-il venir ? Voilà quelques unes des questions fondamentales sur la matière que se sont de tout temps posé les hommes. Il n’est pas encore possible pour la Science de répondre à ces interrogations mais elle peut aujourd’hui apporter un éclairage sur l’origine de notre propre univers (qui n’est peut-être qu’un parmi d’autres) et ce n’est déjà pas si mal.

 

 

 

 
Deux univers possibles

 


     Dans un précédent sujet (voir article les galaxies), j’évoquais le fait que du temps de mon enfance la communauté scientifique hésitait encore entre deux types d’univers :


                • l’univers dit stationnaire, notamment défendu par l’éminent astronome Fred Hoyle, dans lequel des étoiles se créent approximativement en quantité identique à celles qui meurent : un univers finalement sans véritable début ni fin,


                         • et un univers marqué par un point de départ, à savoir un « noyau » initial à partir duquel, par un phénomène d’expansion, étoiles et galaxies se sont créées. Ce modèle était défendu entre autres par Alexandre Friedmann et l’abbé Lemaître (qui l’évoquèrent les premiers) et Edwin Hubble.

 
     De nos jours, il n’y a plus guère de doute et le deuxième modèle, celui du Big Bang, fait la quasi-unanimité de la communauté scientifique. Il faut dire que deux éléments ont entretemps été mis en évidence : d’abord, il y a eu la découverte de l’expansion de l’univers par Hubble puis celle du fonds diffus cosmologique par Penzias et Wilson (voir article fond diffus cosmologique). Ajoutons que, récemment, on a pu mettre en évidence que non seulement il y a expansion mais que celle-ci s’accélère. Essayons d’en dire un peu plus.
 

 

 

  
Le « Big Bang »

 

 
     Fred Hoyle (vous vous rappelez, c’était l’opposant à la théorie du noyau originel) s’esclaffait à l’idée qu’un « truc » hyperdense et hyperconcentré ait pu donner naissance à l’univers tout entier et, un jour, à la radio, pour tourner en dérision ce concept qu’il jugeait grotesque, il lui donna le nom de « Big Bang ». Cette appellation ironique ayant été reprise par l’usage courant, ce fut en quelque sorte sa contribution à la théorie qu’il détestait. Mais que dit-elle au juste, cette théorie ? Revenons sur les principales étapes de la formation de notre univers, il y a environ 13,7 milliards d’années.

 
     En fait, tout s’est joué au cours de la première seconde comme nous allons le voir. Ensuite… Ensuite, l’histoire a suivi son cours. Toutefois, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, au tout début, les principes de la physique ne peuvent pas s’appliquer (puisqu’ils sont en rapport avec l’Univers d’aujourd’hui qui est bien différent) : il est donc impossible pour les chercheurs actuels de trouver les équations qui décrivent ce point de départ et encore moins possible de le modéliser, même partiellement. Revenons sur le début de l’histoire et essayons de comprendre ce qu’il en découle.

 
     On évoque donc un « début » mais on ne sait évidemment pas ce qu’il y avait avant : rien du tout ? Un autre univers qu’il nous est bien difficile d’imaginer ? Un univers comme celui dans lequel nous vivons mais qui en serait arrivé à son stade ultime de contraction dans ce que l’on appelle un Big Crunch ? Ces questions ont été abordées dans un sujet spécifique : "avant le Big bang". Néanmoins, il est pour l'instant impossible de répondre à cette interrogation et il est assez probable que cette connaissance restera pour toujours hors de notre portée… Il y a toutefois une chose que nous pouvons aujourd'hui affirmer : « autour » de ce noyau originel, il n’y avait rien : ni espace, ni temps. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on n’a pas le droit de parler « d’explosion » (le terme Big Bang est d’une certaine manière impropre) qui ne peut se produire que « dans quelque chose » : l’Univers, lui, s’est créé au fur et à mesure de son expansion…

 
     De fait, si expansion il y a (et tout le donne à penser), il faut bien convenir que le point de départ est forcément infiniment plus petit que l’Univers actuel et que, d’autre part, puisque aucune nouvelle matière ne peut se créer, il contenait déjà toute la matière : c’est l’un des points qui contrariait tant Fred Hoyle. Sous quelle forme était-elle cette matière ? La théorie du Big Bang en donne une idée qui, outre les preuves visibles déjà évoquées, permet l’utilisation relativement crédible des équations (hormis le point originel).

 

 

 

Les principales phases de la théorie du Big Bang

 

 

 
          • avant

 
     L’espace, le temps, l’énergie et la lumière sont fusionnés et il n’existe qu’une seule force unique, appelée la supergravité. C’est un moment de l’histoire de l’Univers que l’on appelle « l’ère de Planck », ainsi nommée d’après le physicien allemand qui, le premier, lui donna un rôle central dans la mécanique quantique.

 

 
          • 10-43 seconde : le temps de Planck

 
     L’incroyable température du début décroissant, la gravité est la première des quatre forces (voir le sujet : constituants de la matière) à se séparer de la supergravité. Du coup, les trois autres forces (interaction électromagnétique, forces nucléaires forte et faible) constituent ce que l’on appelle la force électronucléaire.

 

 
          • 10-35 seconde : l’inflation

 
     Une des trois forces associées du temps précédent, la force nucléaire forte, se sépare à son tour définitivement des autres et
devient indépendante : c’est le temps de l’inflation, c'est-à-dire d’une dilatation prodigieuse et violente de l’espace dans toutes les directions ce qui, au demeurant, explique l’homogénéité de l’Univers tel qu’il nous apparaît lorsqu’on le regarde quel que soit le point d’observation. Cette inflation – ou brutale expansion – s’est produite en un temps si court qu’il ne compte pas par rapport à la durée de vie actuelle de l’Univers et on trouve ici l’explication de ce paradoxe déjà évoqué : si l’univers a 13,7 milliards d’années, comment se fait-il qu’il soit si homogène dans toutes les directions (ce qui traduit une origine commune) car, du coup, il devrait avoir 27 milliards d’années environ (13,7 x 2) ? Eh bien, non, « l’inflation » est là pour expliquer cette apparente anomalie (que l’on nomme « problème de l’horizon »).

 

 
          • 10-11 seconde : indépendance des quatre forces

 
     Les deux dernières forces de l’Univers encore soudées, la force électromagnétique et la force nucléaire faible, se séparent. Nous nous trouvons alors en présence d’une répartition des forces universelles fondamentales qui subsiste toujours aujourd’hui. L’histoire de la formation proprement dite de l’Univers actuel peut commencer.

 

 
          • 1/100 000 de seconde : formation des quarks

 
     Les quarks – on l’a vu dans un sujet précédent sur les constituants de la matière - sont les « briques » élémentaires permettant la constitution des atomes puisque composant les protons et les neutrons.

 

 
          • Une seconde : la matière prédomine

 
     Il existe théoriquement presque autant de matière que d’antimatière et, de ce fait, particules et antiparticules se détruisent mutuellement dans un grand maelstrom d’énergie pure. Toutefois, nous le savons bien, notre Univers actuel est composé de matière : on suppose qu’il y en avait un léger excès ce qui explique la disparition complète de l’antimatière, notre Univers actuel étant en somme issu de cet excès de matière « normale ». Il n’en reste pas moins que cette question du rapport matière-antimatière est assez mystérieuse et, il faut bien le dire, nous n’avons pas d’explication réelle sur la question, une question dont la résolution reste certainement comme un des défis de la physique moderne.

 

 
          • Les trois premières minutes : la formation des atomes

 
     Les premiers atomes apparaissent et, évidemment, ce sont des atomes dits « légers », c'est-à-dire simples comme l’hydrogène puis l’hélium. Les autres ne viendront qu’ensuite. D’ailleurs, si l’on regarde la composition de l’Univers, on se rend compte que ces atomes légers sont – et de loin – les plus nombreux : environ 73% d’hydrogène et 25% d’hélium… Rappelons néanmoins que cette matière « visible » ne représente qu’à peu près 5% de toute la matière de l’univers, les reste étant représenté par la matière noire et l’énergie sombre dont nous ne savons rien (voir sujet matière noire et énergie sombre).

 

 
          • 300 000 ans (environ) : l’ère de la transparence

 
     La température du magma initial ayant considérablement baissée, il est possible pour les électrons (négatifs) de se lier aux noyaux atomiques (positifs) et donc d’aboutir à des structures électriquement neutres représentées par les atomes. Par voie de conséquence, la lumière peut commencer à se propager puisque la matière devient transparente. Vers 3000°, un flash énorme est émis et c’est lui (ou plutôt ses restes) qui donne le rayonnement cosmologique, le fameux fonds diffus cosmologique mis en évidence par Penzias et Wilson. Le rayonnement cosmologique a donné ses lettres de noblesse à la théorie de Big Bang, seule capable de l’expliquer. Ajoutons que ce rayonnement dit « fossile » est perceptible depuis la Terre dans toutes les directions et qu’il est extraordinairement homogène. Totalement et complètement homogène ? Pas tout à fait puisque quelques irrégularités – des fluctuations – ont pu être mises en évidence en son sein par nos satellites d’observation et c’est tant mieux : ce sont ces irrégularités qui expliquent la formation des galaxies…

 

 
          • Naissance des galaxies

 
   

télescope spatial Hubble : espace lointain
Hubble Deep Field : des galaxies en réseau dans toutes les directions, partout dans l'Univers

 

      Les prémices des galaxies apparaissent sous la forme d’immenses filaments de gaz dont la condensation à certains endroits permet la formation des étoiles qui se regroupent en amas constituant progressivement les galaxies telles que nous les connaissons aujourd’hui (et ce en raison des forces gravitationnelles). Précisons une fois encore que, plus nous regardons loin, plus nous voyons dans le passé : on trouve ici l’explication selon laquelle les galaxies visibles le plus lointaines sont également les plus actives. En réalité, ces images appartiennent à un temps révolu et il est certain que ces mêmes galaxies sont aujourd’hui beaucoup moins actives mais, évidemment, leur aspect actuel ne nous parviendra que dans des millions d’années : leur éloignement est en effet considérable (et de plus en plus puisqu’elles s’éloignent de la nôtre en raison de l’expansion) or leur lumière ne peut circuler qu’à environ 300 000 km par seconde. A titre d’exemple, la seule galaxie dont nous percevons véritablement l’état actuel, la Voie lactée, notre galaxie, ne crée plus que quelques étoiles chaque année.

 

 

 

 
La recherche de la théorie du tout

 

  


     Voilà résumée en quelques lignes la théorie du Big Bang et ce que nous soupçonnons de la formation de notre univers. Est-ce à dire que nous avons tout compris ? A l’évidence non : il reste bien des éléments à éclaircir mais notre connaissance des lois de la physique ne nous permet pas pour le moment d’aller plus loin. Il nous manque les outils nécessaires, c'est-à-dire une physique plus complète qui permettrait de réintégrer la gravité universelle dans la mécanique quantique ce qui n’est pas encore le cas. L’unification de la théorie de la relativité générale d’Einstein (qui décrit l’univers macroscopique) et de la mécanique quantique (qui décrit les phénomènes à l’échelle atomique) s’appelle la « théorie du tout » qui n’existe pas encore : seule cette unification permettra aux scientifiques de mieux interpréter la théorie du Big Bang. Il reste donc encore beaucoup à faire.

 

 

 
Sources :
     • Dossier SagaSciences (http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbig/decouv/decouv.htm)
     • Wikipedia France
     • Encyclopaedia Universalis
     • Encyclopaedia Britannica



Images :

 
     1. Le Big Bang (sources : library.thinkquest.org/.../AstroNet/ANphoto.htm)
     2. fonds diffus cosmologique par le satellite COBE (sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Cosmologie/Image_du_mois%3D11)
     3. l'inflation (sources : astronomia.fr)

     4. où est passée l'antimatière ? (sources : chocobehen.wordpress.com)

     5. galaxies (sources : irfu.cea.fr/.../Ast/ast_visu.php?id_ast=2533)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)



Mots-clés : univers stationnaire, Fred Hoyle, Big Bang, expansion de l'univers, fond diffus cosmologique, ère de Planck, inflation, antimatière, quarks, matière noire, énergie sombre, théorie du Tout

 (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. fonds diffus cosmologique

2. matière noire et énergie sombre

3. les galaxies

4. les constituants de la matière

5. les premières galaxies

6. juste après le Big bang

7. la théorie des cordes ou l'Univers repensé

8. les étoiles primordiales

9. avant le Big bang

10. l'expansion de l'Univers

 

 

 

 

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 Mise à jour : 2 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution

 

 

 

 

 

 

 

     Lorsqu’on se penche sur la reproduction sexuée des animaux (et donc de l’Homme), il semble qu’on soit confronté à un paradoxe dès lors que l’on veut intégrer celle-ci dans le grand mécanisme de l’évolution. Voyons cela de plus près.

 
     Pour faire simple disons que la théorie de l’évolution explique la survie des espèces par la sélection naturelle. Cela veut dire que, parmi tous les animaux faisant partie d’un écosystème, seuls les plus aptes seront sélectionnés et donc susceptibles d’avoir la descendance la plus nombreuse. En effet, puisqu’il apparaît de temps à autre des modifications chez certains individus (par exemple par mutation génétique), s’il s’avère qu’une de ces modifications est favorable à l’espèce, qu’elle apporte un plus, l’individu qui en est porteur sera sélectionné, sa descendance se développant au point de supplanter les autres individus moins performants. Cette sélection strictement naturelle explique l’évolution des espèces durant les âges géologiques (qui sont très longs) et, à terme, la disparition de certaines espèces moins bien adaptées, par exemple à l’occasion d’une modification sensible du milieu.

 
     Or la reproduction sexuée, dans une très grande majorité des cas, a entre autres recours à une parade nuptiale précédant l’accouplement (la formation des couples dans le but de procréer est appelé pariade); il s’agit là d’un comportement qui, dans le but d’attirer l’attention de la femelle (rarement l’inverse), met le mâle en grand danger puisqu’il devient également susceptible d’attirer l’attention des prédateurs de l’espèce… Dès lors, ne pourrait-on pas penser que cette attitude inhabituelle, d’autant plus visible que le sujet est performant, va à l’encontre de la théorie de l’évolution ? Cette mise en danger n’est-elle pas en définitive contradictoire avec la sélection naturelle ? On va voir que, bien au contraire, la pariade se situe parfaitement dans l’approche darwinienne et qu’elle en est même un des pivots les plus solides.

 

 

 
la pariade


     En forgeant sa théorie il y a plus de 150 ans, Darwin s’était longuement interrogé sur la persistance d’un mécanisme qui, à première vue, aurait dû disparaître – car apparemment mal adapté - sous l’influence de la sélection naturelle. Mais, au juste, de quoi s’agit-il ?

 
     Afin de permettre l’accouplement, les mâles (mais c’est le contraire chez les insectes et les arachnides) peuvent se parer d’ornements extraordinairement voyants (des caractères sexuels dits secondaires) tandis qu’ils recourent à un comportement au cours duquel ils paraissent « oublier » leurs habituelles précautions de sécurité. On peut, par exemple, citer l’exemple célèbre du paon qui s’agrémente d’une imposante traîne (il fait alors « la roue ») particulièrement handicapante s’il devait fuir un quelconque prédateur ou bien encore la cigale qui, par son craquètement, révèle à tous son emplacement. Ailleurs, certains oiseaux arborent des couleurs presque criardes (comme également certains poissons), couleurs qui les rendent visibles à de grandes distances. Chez les mammifères, on retrouve cette même caractéristique : les cerfs, par exemple, voient leurs bois se développer de façon parfois presque incapacitante. D’une manière plus générale, il existe presque toujours une différence de taille entre les individus de sexes opposés (les mâles sont souvent plus imposants chez les mammifères) et on parle alors de dimorphisme (l’autre orthographe, « dysmorphisme » étant également acceptée par l’usage bien que, stricto sensu, impropre). Au-delà de cette apparence donnant une impression de « mauvaise adaptation » au milieu, il existe toute une série de comportements instinctuels et de manèges rituels qui font que la période des amours, chez beaucoup d’espèces, rend les sujets très vulnérables. Il faut alors bien convenir que cette apparente inadaptation, si elle a perduré au fil du temps, doit apporter quelque chose aux espèces qui en sont dotées, c'est-à-dire la grande majorité.

 

 

la sélection sexuelle

 
     Il s’agit en réalité d’une forme très particulière de la sélection naturelle qui n’existe, évidemment, qu’à la condition que les deux sexes de l’espèce soient parfaitement distincts. A la différence de la sélection naturelle, plus générale, la sélection sexuelle ne met pas en jeu la survie de l’individu puisque, même en cas d’échec, ce dernier aura le plus souvent les moyens de survivre. Le but en est la sélection par les femelles (ou l’inverse chez certains insectes) du mâle le plus performant, c'est-à-dire celui capable d’avoir le plus grand nombre de descendants les plus résistants possibles : cette notion de « pression évolutive » par les femelles a d’ailleurs eu bien du mal à être acceptée et ce n’est que depuis les années 1970 qu’elle n’est plus réellement discutée.

 
     On décrit deux mécanismes distincts de sélection sexuelle : la compétition entre les mâles pour que le plus fort soit choisi pour la reproduction (c’est la sélection intrasexuelle) et la sélection par les femelles des mâles avec lesquels elles choisissent de copuler (c’est la sélection intersexuelle) ; la première explique les combats entre les cerfs ou les lions mâles tandis que la deuxième correspond à la queue du paon ou aux attributs dits « virils » des primates supérieurs (il s’agit évidemment d’exemples pris parmi des milliers d’autres).

 
     Pour bien saisir les raisons de ces mécanismes, il faut comprendre que la transmission de ses gènes pour un individu est encore plus importante que sa propre survie. Nous autres humains sommes volontiers individualistes et nous avons du mal à percevoir que dans la Nature (voir sujet : indifférence de la nature) l’individu ne compte pas (ou si peu) et que c’est la survie et la transformation de l’espèce à laquelle il appartient qui importe : la pérennisation de l’espèce passe avant tout par les gènes et non par les individus qui n’en sont, en quelque sorte, que les dépositaires provisoires. On saisit alors mieux pourquoi ce sont les sujets les plus jeunes, les plus vigoureux – j’oserais dire les mieux adaptés – qui ont le plus de chance de transmettre leur patrimoine génétique.

 
     Voilà la raison pour laquelle le dimorphisme ou les parades prénuptiales ritualisées sont d’une importance capitale pour la majorité des animaux, même au risque que les intervenants soient mis en péril : souvent, d’ailleurs, certains prédateurs profitent de cette période si spéciale qui précède l’accouplement de leurs victimes pour frapper plus aisément. Cela n’a, au fond, guère d’importance pour la sélection naturelle puisque les quelques individus perdus sont largement compensés par la sélection et la transmission de gènes (et donc d’une descendance) plus performants. Au-delà de la description brute des faits, il subsiste néanmoins une question : quel peut bien être le support – le support biologique – d’une telle adaptation ? Ou, dit autrement, existe-t-il un dispositif biologique ayant permis à l’évolution de se diriger dans cette direction si particulière ?

 

 

l'apport d’une mouche


     Comme souvent en biologie de l’évolution, ce n’est pas l’étude de la faune animale dans son habitat naturel qui a apporté une réponse mais l’étude d’un petit animal de laboratoire, déjà célèbre pour avoir permis des avancées décisives en génétique : la mouche drosophila melanogaster, plus connue sous le nom de « mouche à vinaigre ». Cet insecte est depuis toujours particulièrement étudié par les biologistes car il allie le double avantage d’être facile à élever en laboratoire et de se reproduire très rapidement au point que, en quelques semaines, il est possible d’en obtenir des générations entières.

 
     Comme l’indique son nom, la drosophile possède un ventre noir ou, pour être plus précis, les mâles de cette espèce possèdent cette caractéristique de pigmentation sur les deux derniers segments de leurs abdomens. Evidemment, ce n’est pas aussi spectaculaire que la roue du paon mais, là aussi, il s’agit indéniablement d’un caractère sexuel secondaire. D’ailleurs, les femelles drosophiles ne s’y trompent pas…

 
     Depuis longtemps, on sait que cette pigmentation résulte d’un gène, appelé gène « bric-à-brac », dont l’activation supprime la coloration abdominale noire. On peut présenter cela autrement : ce gène est actif partout sur la femelle et partiellement sur le mâle (uniquement sur la partie antérieure de son abdomen). Alors, me direz-vous, pourquoi cette différence ? C’est là qu’une découverte récente présente un intérêt fondamental : on a pu mettre en évidence l’action d’un facteur de transcription (voir glossaire), appelé « doublesex », agissant sur le gène bric-à-brac. Ce facteur doublesex est une protéine qui active normalement le gène sauf dans la partie postérieure de l’abdomen du mâle car il diffère de celui de la femelle par quelques minuscules acides aminés… Ce sont donc de toutes petites variations dans la régulation des gènes qui explique les différences morphologiques parfois conséquentes entre les sexes. Mieux encore : on a pu se rendre compte que chez les ancêtres de la drosophile, l’abdomen n’était pas coloré ce qui laisse supposer que, avec le temps, ce caractère a été sélectionné par l’évolution et notamment la sélection sexuelle. Un individu drosophile a, un jour, au cours d’une très légère mutation, présenté le caractère « ventre noir » et ce caractère ayant attiré l’attention des femelles, ce mâle porteur de la différence a pu multiplier sa descendance jusqu’à éclipser les non-porteurs.

 

 

 
l’évolution, encore et toujours


     La Nature n’invente que rarement du neuf car, pour des raisons évidentes d’économie, il est plus facile de « faire avec du vieux ». C’est la raison pour laquelle elle a souvent recours à des « bricolages ». Ainsi, des variations parfois infimes apparaissent, variations le plus souvent en rapport avec des mutations qui, selon le milieu qui lui aussi se transforme, seront ou non retenues dans la grande machinerie de l’évolution. Bien sûr, cela ne se fait pas en un an, ni en mille, mais au long de dizaines de milliers de siècles : n’oublions jamais que au moins trois milliards et demi d’années nous séparent du début de l’émergence de la Vie sur Terre. Cela en fait des générations d’êtres et d’espèces aujourd’hui disparus ! L’Homme est un animal récent si l’on juge à l’aune de ces chiffres. C’est encore plus récemment qu’il a commencé à transformer le monde dans lequel il vit. D’une certaine manière, il est admirable que les civilisations humaines puissent se développer aussi vite mais il existe un écueil : le monde biologique se transforme beaucoup, beaucoup plus lentement. Il ne faudrait pas que ce qui fait la force immense de nos civilisations les conduisent prématurément à leur perte.
 

 


Glossaire


Facteur de transcription : dans la cellule, ce sont des protéines qui agissent sur l’expression des gènes. Elles peuvent se lier à l’ADN pour y déclencher cette expression ; elles peuvent aussi se lier à d’autres facteurs de transcription et réguler ainsi l’expression des gènes. Certains facteurs de transcription entrent en action après s’être eux-mêmes liés à des substances provenant de l’extérieur de la cellule (des hormones, par exemple). Leurs interactions complexes sont un aspect essentiel de la vie cellulaire. (Sources : Science & Vie, décembre 2008, n°1095, 107).
 

 


Images
1. combat de cerfs (sources : francois.ribeaudeau.org)
2. paon faisant la roue (sources : fond-ecran-image.com)
3. parade nuptiale de grèbes hubbés (sources : synellkox.spaces.live.com)
4. drosophila melanogaster (sources : pagesperso-orange.fr)
5. tête de drosophile (sources : membres.lycos.fr/doublemouche)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 


Mots-clés : évolution, sélection naturelle, sélection sexuelle, reproduction sexuée, pariade, parade sexuelle, caractères sexuels secondaires, dimorphisme, Darwin, gènes, drosophile, drosophila melanogaster, facteur de transcription

 (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

 

 Sujets apparentés sur le blog :

 

1.les mécanismes de l'Evolution

2.l'agression

3.indifférence de la Nature

4. insectes sociaux et comportements altruistes

5. le rythme de l'évolution des espèces

6. comportements animaux et Evolution

7. l'inné et l'acquis chez l'animal

 

 

 

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Mise à jour : 25 février 2023

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Du même auteur, en lecture libre :

 

Alcyon B, roman de science-fiction 

 

Viralité, roman 

 

Camille, roman

 

La mort et autres voyages, recueil de nouvelles (djeser2.over-blog.com)

 

 

 

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