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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #paléontologie

 

évolution homo sapiens
il n'y a pas de chaînon manquant...

 

 

 

 

     Depuis la parution du livre de Darwin qui, en 1859, bouleversa totalement notre compréhension de l’évolution du monde du vivant, les divers opposants à cette nouvelle approche avancent un argument qu’ils considèrent comme implacable : s’il existe réellement une évolution des espèces au fil des âges, disent-ils, comment se fait-il que l’on ne trouve pas plus de fossiles intermédiaires ? Par exemple, si l’on admet que l’Homme est un primate, comment se fait-il que l’on ne puisse jamais mettre en évidence « l’ancêtre de transition », celui que l’usage appela rapidement « le chaînon manquant » ? Nous allons essayer de répondre à ces questions en expliquant notamment que c’est parce que ce maillon manquant n’a jamais existé et qu’il n’est que le fruit d’une mauvaise compréhension des lois de l’Évolution. Bien entendu, le raisonnement que nous allons suivre pour l’Homme s’applique à l’ensemble des espèces.

 

 

La grande chaîne du vivant et les préjugés religieux

 

     Au printemps 2014, dans le microcosme scientifique, on reparla soudain d’un « chaînon manquant ». Il s’agissait cette fois d’expliquer la découverte d’un micro-organisme baptisé

source hydrothermale

lokiarchaeota décelé près d’une source hydrothermale située entre le Groenland et la Norvège et qui possédait des caractéristiques à la fois avec les bactéries et avec l’espèce humaine : il n’en fallait pas plus pour que certains s’exclament que l’on venait de découvrir un des « chaînons manquants » de la longue lignée ayant conduit des premières entités vivantes à l’Homme  ! Après étude, il fut conclu qu’il n’en était rien : lokiarchaeota est un microbe certes très intéressant mais moderne et descendant probablement d’un ancêtre très lointain appartenant à un groupe dont faisait également partie les ancêtres éloignés des mammifères d’aujourd’hui. Comment se fait-il que, des années après la parution du livre princeps de Darwin, on en soit encore à chercher des ancêtres communs qui viendraient peupler des évolutions linéaires du vivant, comme si cette évolution n’était qu’un long cheminement vers le but ultime de la Nature, l’Homme, être suprême ?

 

     Cette idée de « développement linéaire » qui encombre encore les consciences est en réalité, fondée sur la notion de « la grande chaîne du vivant » qui est une invention de la théologie médiévale, basée sur des concepts développés par Platon, Aristote et bien

évolution homo sapiens vues erronées
l'Homme -évidemment - est tout en haut de l'échelle !

d’autres philosophes de l’Antiquité. Dans cette théorie, on imagine un processus continu de la vie qui se complexifie progressivement, de façon hiérarchique, selon un schéma pensé et voulu par Dieu. Les liens qui unissent les différents objets de la chaîne ne peuvent être rompus ou modifiés, de même que la place des différents éléments qui la composent (à moins, dans certains cas très précis, d’avoir recours à l’alchimie). Bien entendu, au sommet de cette hiérarchie (juste en dessous de Dieu et des anges) se tient l’Homme qui est appelé à régner sur un univers uniquement peuplé d’animaux qui lui sont forcément inférieurs puisque lui-même n’est pas un animal mais une « créature supérieure de Dieu ». Il est curieux de constater que cette théorie qui ne repose évidemment sur aucune base scientifique existe toujours dans le subconscient de bien des chercheurs (en biologie de l’Évolution, on continue à parler « d’échelon supérieur » ou de « formes inférieures », là où, dans ce dernier cas, il vaudrait mieux parler de formes archaïques ou primitives).

 

     Il est vrai que « l’ego de l’Homme » a, depuis quelques siècles, subi un certain nombre de désillusions : après que Copernic eut expliqué au monde que c’était la Terre qui tournait autour du Soleil et non l’inverse (ce que l’on croyait depuis des siècles), on en arriva ensuite à affirmer que notre étoile n’est qu’un astre banal, situé en périphérie d’une galaxie ordinaire (de 150 milliards d’étoiles) comme il en existe, à perte de vue, des milliards d’autres. Et voilà que, pour couronner le tout, Charles Darwin explique que toutes les observations du vivant concourent à faire de l’Homme un animal comme les autres : pis encore, il est biologiquement parlant un primate, c’est-à-dire un « singe dit supérieur »…

 

     Après avoir provoqué la grosse colère de toute une foule de créationnistes, l’idée au départ scandaleuse que « l’homme descend du singe » finit par être reconnue par le monde scientifique. Plus encore, on arriva à admettre que l’Homme était lui-même un singe, de la série des grands primates  ! Toutefois, les préjugés ont la vie dure puisque si l’on admettait cette idée, on concluait immédiatement que c’était l’aboutissement d’une évolution directe comme en témoigne le succès d’un dessin fameux où l’on peut voir des animaux se redresser

fausse évolution vers homosapiens
image fausse, archifausse !

progressivement pour arriver à l’Homme et à sa marche droite en station debout (illustration ci-contre) : de nombreux esprits - parfois assez éclairés - continuent à croire que les choses se sont passées ainsi, ce qui est une ineptie. Cette « filiation » n’existe en fait que dans l’esprit d’individus mal informés…

 

 

L’erreur fatale : l’Homme moderne « descend directement » du singe 

 

     S’il y a une lignée « directe », il faut donc en découvrir les différents protagonistes successifs. On n’explique pas autrement le succès d’une des plus importantes mystifications scientifiques de l’époque moderne, celle de "l’homme de Piltdown". Nous sommes alors au tout début du siècle dernier et les scientifiques pensent tous au « chaînon manquant » qui relierait homo erectus à homo sapiens (Neandertal est vécu comme si « affreux » qu’il ne peut être considéré comme un ancêtre de l’Homme  !). Voilà qu’en Angleterre, à Piltdown, dans le Sussex, un paléontologue amateur met au jour un crâne possédant des caractéristiques humaines associé à une mâchoire manifestement d’apparence simiesque : le monde entier se réjouit puisqu’on vient de trouver le fameux

machination de Piltdown
crâne de Piltdown : 50 ans avant de découvrir la supercherie

maillon intermédiaire, l’ancêtre direct de Sapiens. Il faudra attendre 1959, soit 47 ans plus tard, pour que la supercherie soit reconnue : le crâne est bien celui d’un homme… mais ayant vécu au Moyen-âge et la mâchoire est celle d’un vrai singe  ! (voir le sujet dédié : la machination de Piltdown). Suite à l’étude (postérieure) des australopithèques, on sait à présent que cette supercherie aurait pu être bien plus crédible s'il avait été associé un crâne de singe à une mâchoire d’homme…

 

     Comment un tel mensonge a-t-il pu subsister si longtemps dans la communauté scientifique ? Eh bien précisément parce qu’on voulait absolument trouver ce chaînon manquant, survivance inconsciente dans l’esprit de tous de la fameuse « chaîne du vivant » évoquée plus haut. Dans un sujet précédent, j’avais expliqué que lorsque, comme les créationnistes du « dessein intelligent », on cherche à démontrer une conclusion dont on a au préalable décidé les termes (ce que l’on nomme « raisonnement finaliste »), on sort du domaine scientifique pour entrer de plain-pied dans la fiction (voir le sujet : science et créationnisme). Avec la machination de Piltdown, nous sommes en plein dedans…

 

     Mais alors quelle est la « filiation d’homo sapiens » la plus vraisemblable ?

 

 

L’évolution vers l’homme moderne

 

     Il faut définitivement oublier les « arbres » généalogiques classiques, où l’on voit, parti d’un tronc commun robuste, les espèces vivantes évoluer sous forme de branches, puis de branches plus petites, de rameaux enfin, comme s’il n’y avait chaque fois qu’un seul chemin à suivre pour expliquer les formes vivantes actuelles. Comme le faisait remarquer le paléontologue Stephen J. Gould, « il n’y a pas, il n’y a jamais eu d’arbre unique mais des buissons foisonnants ».

 

     Reprenons la généalogie de l’Homme. Il n’y a pas un ancêtre commun qui serait en quelque sorte un homo sapiens archaïque, ancien, et dont on risquerait de découvrir un jour le fossile permettant d’affirmer qu’il est le chaînon qui manquait. Au contraire, il est certain que de nombreux caractères évolutifs appartenant à l’homme moderne ont été pris à des formes variées d’hominidés ayant vécu conjointement dans la savane africaine durant des millions d’années. Il est donc probable qu’il nous sera toujours impossible de trouver l’espèce d’hominidé qui avait en commun avec nous telle ou telle caractéristique et nous l’a transmise.

 

     Avant, il a certainement existé un ancêtre commun avec les grands singes à une époque que les scientifiques situent il y a environ de 5 à 8 millions d’années. Par la suite, donc, de nombreuses espèces d’hominidés ont coexisté et certaines se sont révélées être des impasses comme, par exemple, paranthropus, dont on pense qu’il s’est éteint sans descendance il

anc^tres homo sapiens
de nombreux hominidés ont cohabité

y a 1 million d’années. Ailleurs, différentes lignées ont vécu parallèlement, échangeant certains caractères et l’une d’entre elle, celle de Sapiens, s’est individualisée avec le succès que l’on connaît. Cette « réussite » doit tout au hasard et l’on sait que, à certains moments, notre espèce fut proche de l’extinction totale. S’il n’en fut rien, cela est dû à ce que Gould appelle la contingence, c’est-à-dire essentiellement la conjonction d’un hasard total associé au déterminisme des événements accidentels ayant conduit à l’état actuel. Le hasard aurait basculé dans une direction légèrement différente et le monde d’aujourd’hui pourrait n’être peuplé que de chimpanzés.

 

« Il y a cinq millions d’années, une simple femelle de grand singe non humain a été la mère commune d’une descendance ayant conduit aux trois espèces encore vivantes de nos jours : les hommes, les chimpanzés et les bonobos. Les enfants de cette mère originelle se sont unis avec d’autres grands singes de leur propre espèce qui ont eu des enfants qui ont eu des enfants et ainsi de suite durant plusieurs centaines de milliers de générations... À aucun moment de cette évolution, les enfants ne sont apparus ou se sont comportés différemment de leurs parents. Pourtant, au départ, il y avait de grands singes non humains et, à la fin de la lignée, des hommes. Les hommes ne sont apparus à aucun moment particulier au cours du temps. Ce sont plutôt les organismes non humains qui ont progressivement évolué par de légères modifications partiellement humaines jusqu’à lentement aboutir à l’espèce que nous appelons Homo sapiens. »

 

Lee M Silver (Challenging Nature, 2006, Harper Collins, New York, USA)

 

 

    Il y a 65 millions d’années, un astéroïde totalement imprévisible a heurté la Terre si fort que la conséquence en a été la disparition de toutes les espèces dominantes de l’époque, une domination qui durait depuis des centaines de millions d’années. Cet événement imprévu permit la prépondérance ultérieure des mammifères dont, notamment, les grands primates. Hasard.

 

     Bien plus tard, dans la savane africaine d’il y a quelques millions d’années, une succession d’événements accidentels permit l’apparition de l’Homme moderne. Hasard encore une fois. On peut toutefois se poser la question de savoir si ce hasard-là aura été une chance pour la planète et ses autres occupants.

 

 

 

 

 

Sources :

 

* https://fr.wikipedia.org/

* https://www.hominides.com/

* https://theconversation.com/

* https://www.evolution-outreach.com/

 

 

Images

 

1. le chaînon manquant (sources : histoire-fr.com)

2. source hydrothermale Loki Castle (sources : phenomena.nationalgeographic.com/)

3. le grand arbre de la Vie par Ernst Hackel 1873 (sources : fr.wikipedia.org)

4. la (fausse) filiation de l'Homme (sources : hominides.com)

5. crâne de l'homme de Piltdown (sources : linternaute.com)

6. de nombreux hominidés ont longtemps cohabité (sources : Elisabeth Daynès, photo Philippe Plailly/Eurelios in hominides.com) 

(pour lire les légendes des illustrations, passer le curseur de la souris dessus)

 

 

Mots-clés : lokiarchaeota - homme de Piltdown - australopithèques - dessein intelligent - Stephen J. Gould

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. la notion d'espèce

2. science et créationnisme

3. la machination de Piltdown

4. le dernier ancêtre commun

5. les humains du paléolithique

6. l'apparition de la conscience

 

 

 

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Mise à jour : 19 mars 2023

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