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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

ethologie

Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie

 

 

 

 

     Ernst Mayr (1904-2005), ornithologue, biologiste et généticien, s’était posé la question suivante : « Pourquoi les fauvettes qui occupent l’environnement de ma maison du New Hampshire ont-elles entamé leur migration vers le sud dans la nuit du 25 août ? ». Selon lui, on peut évoquer quatre possibilités :

 

  • Les fauvettes se nourrissent d’insectes qui désertent singulièrement l’endroit en hiver : si elles devaient rester, il est vraisemblable qu’elles mourraient de faim. Il s’agit là d’une cause écologique.

 

  • Au fur et à mesure de l’évolution de leur espèce, ces oiseaux ont acquis une constitution génétique qui les prédispose à un comportement migratoire lorsque se présentent certains stimuli environnementaux : il s’agit là d’une cause génétique.

 

  • Lorsque le jour décline et que sa durée tombe en dessous d’un certain seuil, des changements comportementaux et physiologiques poussent les fauvettes à migrer : le comportement migratoire est alors lié à la photopériodicité et on évoquera ici une cause physiologique intrinsèque.

 

  • Enfin, le 25 août, le temps s’est dégradé et une masse d’air froid s’est abattue sur le New Hampshire : alors que les oiseaux étaient prêts à migrer, cette baisse soudaine de la température et de la luminosité à été le signal du départ : il s’agit là d’une cause physiologique extrinsèque.

 

     Pour Ernst Mayr, il faut opposer les deux causes « immédiates », c'est-à-dire pour lui celles qui agissent du vivant de l’organisme (les causes physiologiques intrinsèque et extrinsèque) aux causes « ultimes » qui, elles, se rapportent à un temps antérieur au vivant de l’organisme et donc se rattachent à l’histoire de l’espèce (les causes écologique et génétique).

 

     Ces dernières – les causes ultimes de Mayr - se rapportent à la biologie de l’Évolution. Elles sont présentes chez tous les représentants d’une même espèce. Peut-on avancer que ces causes ultimes participent à ce que l’on nomme l’instinct que l’on définit classiquement comme la part héréditaire et innée des tendances comportementales (étant entendu que l’Homme, un primate donc un animal) est également concerné ?

 

 

Comment évaluer un caractère instinctif ?

 

     Avant de chercher à comprendre comment il se manifeste, il convient d’identifier de façon formelle ce qu’est un comportement instinctif. Plusieurs approches, d’ailleurs fortement complémentaires, sont envisageables.

 

 

L’évaluation par l’éthologie

 

Depuis Konrad Lorenz (1903-1989), l’un des pères fondateurs de l’étude des animaux, l’éthologie essaie, autant que faire se peut, de les étudier dans leur milieu naturel, dans leur environnement. Et quels sont donc les moyens pour un animal d’agir sur son environnement ?

Konrad Lorenz (1903-1989)

Sa seule possibilité d’action est d’utiliser ses muscles : en effet, un acte, ici, se caractérise par une succession de contractions musculaires. Le problème est alors de savoir si l’acte est inné (génétique) ou acquis (apprentissage). Quatre critères d’appréciation sont possibles pour départager son origine.

 

        • Tous les représentants d’une espèce donnée ont une réponse absolument identique : on parle alors de comparaison horizontale.

 

        • D’une espèce à l’autre, la réponse varie en intensité et en forme selon la distance séparant des groupes proches du point de vue de l’Évolution : il s’agit en pareil cas d’une comparaison verticale.

 

        • Il est parfois envisageable d’identifier le centre nerveux responsable de l’acte considéré et d’en percevoir le contrôle automatique (méthode physiologique), enfin

 

        • L’apprentissage ne doit en aucune façon modifier l’acte. La vérification de cette notion se fait par la méthode dite d’isolation : l’absence effective de soins parentaux ou la mise à l’écart de l’individu depuis sa naissance permet d’exclure un apprentissage extérieur.

 

Les coordinations héréditaires

 

     Les coordinations héréditaires sont ainsi nommées lorsqu’un acte se déroule jusqu’à la fin une fois qu’il a été enclenché et cela même si la cause qui l’a engendré a disparu. On prend souvent l’exemple de l’oie qui, face au mouvement de roulis de son œuf, exécute des mouvements latéraux du cou pour le ramener au bon endroit : toutefois, même si l’expérimentateur retire l’œuf du champ de vision du volatile, celui-ci poursuit ses mouvements du cou et doit les terminer avant de passer à autre chose. Ajoutons que des conditions sont souvent requises pour que l’acte ait lieu : dans l’exemple de l’oie, pour que celle-ci cherche effectivement à replacer son œuf, il faut qu’elle soit en période de couvaison.

 

 

L’instinct sexuel et la méthode neuroscientifique

 

     Il est possible de rechercher des circuits neuraux innés en les identifiant par traçage ou l’étude de lésions. C’est ainsi que l’on a pu identifier les différentes conditions de l’instinct sexuel chez les animaux non-primates. Normalement c’est la reproduction sexuée donc hétérosexuelle qui est toujours privilégiée et un certain nombre de mécanismes se succèdent alors :

 

  • D’abord entrent en jeu les phéromones sexuelles : ce sont elles qui attirent le mâle vers la femelle et permettent à celle-ci de ne pas s’enfuir.

 

  • Lorsque le choix est fait, un réflexe de lordose (hypercambrure de la colonne vertébrale) permet la présentation en bonne position du vagin pour une pénétration optimale

 

  • Des poussées pelviennes cadencées du mâle se trouvent alors initiées par un réseau de neurones de la moelle épinière qui fonctionne de façon autonome sans intervention de circuits supérieurs.

 

  • L’éjaculation est favorisée par la transformation du vagin qui s’est lubrifié.

 

  • Enfin, la motivation sexuelle est amplifiée par un système de récompenses (sensations agréables péniennes, vaginales, etc.).

 

     Il existe donc ici un circuit d’actions qui échappe totalement à un quelconque élément volontaire. En revanche, c’est par l’apprentissage que certaines séquences, comme celle de la monte, peuvent se réaliser (observation des autres, essais plus ou moins réussis lors des premières tentatives).

 

     Précisons que chez les primates – et notamment chez les hominidés – la sexualité échappe en grande partie à ces circuits automatiques : par exemple, le réflexe de lordose disparait au profit du système de récompense qui est devenu prépondérant.

 

 

Les processus moteurs

 

     Un certain nombre d’éléments de base se manifestent dès la naissance et cela indépendamment de tout apprentissage, notamment d’origine parentale. C’est le cas de la marche (et de la course). Tous les animaux peuvent d’emblée marcher même si certains

la plupart des animaux nagent d'emblée

mammifères (prédateurs notamment) rampent durant leurs premiers jours. Rapidement, le mouvement s’améliore pour devenir très tôt optimal. Nous avons tous en mémoire les images des bébés gazelles qui, dans la steppe africaine, cherchent à se lever dès la mise-bas et qui, après quelques essais balbutiants, trouvent rapidement leur équilibre. Le même mécanisme existe chez les animaux pour la nage (qui n’est, en réalité, qu’une marche tête hors de l’eau). Cette faculté est plus difficile à réaliser d’emblée chez les grands singes anthropoïdes dont la morphologie n’est ici guère adaptée.

 

Facteurs déclenchants

 

       Un éthologue célèbre, Nikolaas Tibergen (1907-1988) a longtemps étudié les facteurs susceptibles de déclencher une réaction instinctive chez l’animal. Il étudia tout

une épinoche

spécialement un petit poisson de quelques centimètres de longueur et pourvu de trois épines dorsales, l’épinoche. Ce petit animal est capable de présenter une terrible agressivité lorsqu’il est mis en présence d’un de ses congénères mâles. Un jour, Tibergen observa cette réaction violente chez une épinoche qu’il avait posé dans son bocal sur sa fenêtre. Il n’y avait pourtant aucun autre poisson à portée de vue. C’est alors qu’il remarqua la camionnette de la poste qui était venue se garer en contrebas : c’est la couleur rouge de l’engin qui provoquait la colère du petit poisson. En effet, à l’époque de la reproduction, les mâles de cette espèce arborent une coloration rouge de la gorge et de l’abdomen. Dans ce cas, seule la coloration rouge est donc le facteur déclenchant du réflexe d’agressivité du poisson.

 

     Bien entendu, dans la nature, si un facteur déclenchant peut être seul à même d’entrainer une réaction, cela se fait dans un contexte où interviennent également l’espace, la vitesse de déplacement, l’orientation etc.

 

       Chez l’animal, une réaction instinctive est toujours déclenchée par un stimulus qui peut être visuel (comme dans le cas de l’épinoche que nous venons d’évoquer), sonore, tactile ou odorifère. Il existe même des cas où le stimulus peut être amplifié, entraînant alors une réaction encore plus grande : par exemple, une oie va réagir de façon bien plus forte lorsqu’elle est mise en présence d’un œuf d’autruche, beaucoup plus gros, en dehors de son nid ; elle va même finir par préférer cet œuf géant aux siens, même si elle est incapable de le transporter… On parle alors d’hyperstimulus.

 

       Lorenz explique également que seules quelques caractéristiques fondamentales sont nécessaires pour provoquer la réaction instinctive, indépendamment du reste de l’objet lui-même : on parle de stimulus-clé (la tâche rouge pour l’épinoche qui agresse un leurre en carton pourvu que celui-ci soit taché de rouge).

 

 

Les activités de déplacement

 

     Dans certains cas, la réaction instinctive se produit alors qu’aucun stimulus ne semble présent. Lorenz rapporta en 1937 l’exemple suivant : un étourneau captif présenta tous les actes de prédation  (guet, attaque et déglutition) alors qu’aucun insecte n’était présent. En apparence, il s’agit là d’une activité de déplacement : tout se passe comme si l’oiseau, incapable de chasser puisque emprisonné, avait cherché à compenser sa frustration par une activité de remplacement. Il est toutefois difficile d’être certain qu’aucun stimulus n’était présent (un grain de poussière ?) et on sait que la séquence une fois entamée, elle doit aller jusqu’au bout.

 

     Un autre éthologue, Frederik Kortlandt (né en 1946) observa deux oiseaux se menacer alors qu’ils étaient à la limite de leurs territoires respectifs. Leur agressivité s’amplifia jusqu’à ce que, tout à coup, chacun des deux se mette à picorer des matériaux de construction pour construire leur nid : l’agressivité avait soudain été détournée vers une tâche plus pacifique…

 

     Lors d’un séjour sur l’Ile de la Réunion, j’ai été témoin d’une scène peu banale : alors que

un margouillat...

je regardais la télévision, sur le mur blanc qui me faisait face, un margouillat (sorte de lézard local) se trouva nez à nez avec une araignée babouk (ou babouque). Ces araignées, noires et dotées de grosses pattes, font, quand elles sont très petites, volontiers l’ordinaire d’un margouillat mais celle-ci était vraiment très impressionnante (de la taille d’une grosse soucoupe).

... et une babouque

Les deux animaux s’observèrent durant environ vingt minutes, chaque mouvement de l’un compensé par un mouvement contraire de l’autre. Je me demandais si le margouillat allait se risquer ce qui aurait pu lui coûter cher. Finalement aucun stimulus ne prédisposant à l’attaque de part et d’autre ne sembla s’imposer et le margouillat se mit à se lécher la queue… ce qui permit immédiatement à l’araignée de passer rapidement sans encombre et sans que le lézard ne réagisse alors qu’il voyait parfaitement son ennemie se faufiler à sa portée.

 

     Tous ces exemples semblent montrer que les réactions innées peuvent parfois être détournées selon un autre protocole inné : l’instinct est plus complexe qu’il n'y paraît.

 

Importance de l’instinct en fonction du degré d’évolution

 

     Plus une espèce est dite évoluée, moins les actes instinctifs semblent présents. On pense bien sûr aux primates et tout particulièrement à l’Homme. Il s’agit là à la fois d’une vérité et d’une illusion d’optique. Vérité car, chez l’Homme, l’apprentissage, c’es-à-dire sa dimension culturelle, est immense. Ses pouvoirs d’analyse et de réflexion lui permettent tout à fait de choisir des modes d’action qui l’éloignent du simple comportement instinctif. Toutefois, la situation n’est pas toujours aussi claire et l’illusion d’optique consisterait à croire que l’être humain échappe presque intégralement à sa part génétiquement instinctive : c’est manifestement une erreur car cette part automatique de nos comportements est certainement plus importante qu’on veut bien le croire. Le problème est d’ailleurs si complexe que cet aspect devrait (et fera peut-être) l’objet d’un sujet à part.

 

 

Instinct et apprentissage

 

     Comprendre dans quelle mesure, chez l’animal, l’apprentissage (par les parents, par l’expérience personnelle, par l’observation des autres, etc.) peut restreindre la part purement instinctive d’un comportement relève d’un débat fort ardu qui nécessiterait un approfondissement qui devrait faire l’objet d’un autre article : pour en démontrer toute la complexité, je souhaiterais en guise de conclusion rapporter le cas d’un oiseau très étrange : le drongo.

 

le Drongo, un oiseau plein de ressources

 

     Le drongo est un petit passereau africain remarquablement « intelligent » selon les observateurs. En effet, il se nourrit d’insectes et de larves mais ne sait pas ou ne peut pas creuser les trous où les insectes se cachent. Lorsqu’il ne trouve plus de nourriture, il est assez rusé pour voler celle des autres. Voilà comment il procède. Après avoir repéré une bande de fauvettes ou de suricates, ces petits mammifères du désert de la famille des mangoustes, il se positionne sur une branche d’arbre surplombant le groupe. Dès qu’il aperçoit un prédateur, serpent ou oiseau de proie par exemple, en parfait imitateur, il vocalise le cri d’alerte de la sentinelle passereau ou suricate : tout le groupe s’enfuit. Après quelques véritables alertes, le drongo passe à la tromperie : il alerte le groupe alors qu’il n’y a aucun prédateur et profite de sa fuite éperdue pour voler la nourriture. Tous les drongos sont capables d’organiser une telle tromperie : il s’agit là d’un comportement complexe qui a probablement été choisi par la sélection naturelle au cours de millions d’années. Mais est-on certain qu’une part d’apprentissage n’existe pas ? Est-on certain que le bébé drongo n’a pas observé certains de ses congénères avant de mettre en place sa propre stratégie ?

 

     On conçoit ici toute la difficulté d’une réponse claire…

 

 

 

Sources :

 

 

Images :

  1. Une oie et sa couvée (sources : www.yahki.com)
  2. Konrad Lorenz (sources : www.tumblr.com)
  3. Chat qui nage (sources : www.assuropoil.fr)
  4. Epinoche (sources : www.siahvy.org)
  5. Margouillat (sources : www.maillyn.over-blog.com)
  6. Araignée Bibe (sources : photos-reunion974.wifeo.com

 

 

Mots-clés : Ernst Mayr - Konrad Lorenz - Nikolaas Tibergen - hyperstimulus - coordination héréditaire - stimulus-clé - activité de déplacement - apprentissage - Freredik Kortland (en anglais) - drongo

 

les mots en blanc renvoient à une documentation complémentaire

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. la notion d'espèce

2. reproduction sexuée et sélection naturelle

3. l'inné et l'acquis chez l'animal

4. l'intelligence animale

 

 

 

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mise à jour : 2 juillet 2020

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Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie, #paléontologie

Voici quelques unes des "brèves" parues il y a quelque temps sur le fil Facebook du blog.

 

 

 

 

IL Y A TELLEMENT D’ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION !

 

 

   On estime à deux millions le nombre d'espèces identifiées de nos jours... et probablement cinquante millions qui restent à découvrir (essentiellement chez les insectes). Malheureusement, en raison du saccage de la Nature mené par l'Homme, la plupart de ces espèces inconnues auront disparu avant même d'être étudiées.


   Dans le passé déjà, nombre d'espèces ont été réduites à néant par l'insouciance (ou l'esprit de lucre) des humains : un exemple caricatural en est le dodo de l'île de la Réunion (et de l'île Maurice) qui, ne sachant pas voler, a été purement et simplement exterminé.


   Sur la photo ci-dessus, on peut voir un loup de Tasmanie, sorte de chien marsupial, dont le dernier représentant a été abattu en 1936 (le gouvernement australien offrait une prime pour chacun de ces "nuisibles" détruits). Une perte absolument inestimable en terme d'évolution...


   Tant d'autres espèces, souvent moins "visibles", ont été rayées de la surface de la Terre sans que quiconque (ou si peu) ne s'en émeuve... et le carnage continue en s'accélérant !

 

   Mais, à propos, comment définir ce qu'est une espèce ? Comment se fait-il que l'on sache instantanément qu'un Yorkshire et un Saint-Bernard sont tous deux des chiens alors que le Yorkshire, par sa taille et sa vivacité, se rapproche plus du chat avec lequel pourtant on ne le confond jamais ? Est-ce culturel ? Scientifique ? Imprimé dans nos gènes ? On en saura un peu plus en lisant le sujet dédié à cette question en cliquant sur le lien suivant ICI

 

 

 

LES CORBEAUX SONT PARMI LES PLUS INTELLIGENTS DES ANIMAUX !

 

 

   On ne prête pas beaucoup d'attention aux corbeaux et autres corvidés (choucas, corneilles, pies, geais, etc) que certains ont même tendance à considérer comme des nuisibles. Et pourtant ! Les éthologues l'ont démontré : ces oiseaux sont parmi les plus intelligents des animaux. Dotés d'une excellente mémoire, ils sont parfois capables d'un esprit de déduction remarquable. Vous en doutez ? Cliquez sur le lien ICI : dans ce court extrait tiré d'une émission d'éthologie d'ARTE, on peut y voir le comportement plus que surprenant d'un corbeau.

 

   D'une manière plus générale, comment quantifier l'intelligence animale ? Que sait-on réellement de l'intelligence des invertébrés ? Comment situer l'intelligence des animaux par rapport à celle des hommes ? Voilà quelques unes des questions abordées dans le blog de Céphéides à la rubrique de l'intelligence animale : ICI

 

 

 

NÉANDERTAL N'ÉTAIT PAS CE QUE L'ON A LONGTEMPS PENSÉ !

 

 

 

   Je relisais récemment "deadly décisions", un roman policier de Kathy Reichs et j'ai remarqué que cet auteur (par ailleurs excellent) présentait quelques lacunes en paléo-ethnologie puisque, au moins à deux reprises, elle écrit : "Néandertal, our ancestor"... Eh bien non, ne lui en déplaise, Néandertal n'a jamais été "notre ancêtre". C'est tellement vrai que durant quelques milliers d'années nous avons même partagé avec lui notre bonne vieille Terre... jusqu'à ce qu'il disparaisse sans que l'on sache trop pourquoi (mais quelque chose me dit que, d'une façon ou d'une autre, nous n'y sommes pas étrangers...).

 

   Néandertal n'est donc pas notre ancêtre, tout au plus un cousin éloigné avec lequel, d'ailleurs, nous avons échangé quelques gènes. Il n'empêche, ce Néandertal était loin d'être l'être fruste et inculte qu'on nous a d'abord présenté. Bien au contraire puisque, outre son cerveau plus gros de 25% en moyenne que le nôtre, il fut indéniablement empreint de spiritualité : il enterrait ses morts (et croyait donc à un au-delà) et s'était certainement organisé une vie sociale que beaucoup de nos représentants d'alors, les homo sapiens de l'époque (autrefois appelés Cro-Magnon), auraient pu lui envier.

 

   Récemment, un élément important est venu conforter cette approche de l'intelligence de Néandertal : des scientifiques français et allemands ont découvert sur deux sites de Dordogne où vivaient des néandertaliens il y a 50 000 ans, des fragments d'outils en os de cervidés ayant servi à façonner des peaux, de même que des lissoirs comparables à ceux des tanneurs actuels. Il s'agirait des plus vieux outils en os trouvés à ce jour en Europe occidentale, bien avant la survenue de Sapiens (l'homme moderne) arrivé en Europe quelques 10 000 ans plus tard. On se demande même si Néandertal n'a pas transmis ces outils à ses nouveaux (et envahissants) cousins ! Comme quoi, il ne faut jamais conclure trop vite : Néandertal aurait sans doute gagné à être connu.

 

   On trouvera sur le blog (lien ci-après) un sujet : "Néandertal et Sapiens, une quête de la spiritualité" qui revient sur cette lointaine cohabitation et qui se risque à quelques hypothèses sur la disparition de cet hominidé si proche et si lointain tout à la fois. Cliquer ICI

 

 

 

UN POISSON VIEUX DE 420 MILLIONS D'ANNÉES

 

 

   Il s'appelle antelognathus primordialis et peuplait nos mers il y a 420 millions d'années à une époque lointaine appelée le silurien (début de l'ère primaire). C'est à peu près à cette époque que sont apparus les requins (si menacés aujourd'hui par les obscurantistes amateurs d'ailerons). Son corps fossilisé parfaitement bien conservé a été découvert en Chine. Et alors ? allez-vous dire. C'est que cette bête remet en question toute la généalogie des êtres vivants !


   En effet, jusqu'à présent, on pensait que les ancêtres des vertébrés étaient les poissons cartilagineux (ancêtres des raies et des requins) mais pas les placodermes aux mâchoires articulées comme notre poisson chinois. Alors faut-il recommencer toute la classification ? Certains scientifiques le pensent !


   En tout cas, une chose est sûre : on voit combien la science n'est jamais figée et qu'elle se remet toujours en question. C'est là son grand mérite !

 

crédit image : taringa.net

 

 

 

UN MERVEILLEUX MONDE DE COULEURS

 

 

 

  

   Il y a peu, au large de l'île Little Cayman, dans les caraïbes, des scientifiques du muséum américain d'histoire naturelle cherchaient à mettre en évidence la biofluorescence des coraux. En effet, ces étranges petites bêtes ont la particularité d'absorber la lumière bleue qui prédomine sous la mer pour la réémettre sous une autre longueur d'onde, en général dans le rouge ou le vert. Les chercheurs installaient donc leur matériel spécial lorsque, tout à fait par hasard, une anguille est passée dans leur champ d'exploration et elle leur est apparue vert fluo ! Très intrigués, les scientifiques se sont demandés si les poissons ne se paraient pas de couleurs étranges, invisibles pour l'œil humain. Pour cela, ils sont allés observer (avec leur caméras spéciales) la faune marine des îles Salomon, des Bahamas et même, pour faire bonne mesure, des aquariums de certains musées océanographiques...

 

   Surprise ! La vie sous-marine s'est alors présentée à eux sous la forme d'une débauche de couleurs chatoyantes, toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Près de 200 espèces de poissons possèdent ces couleurs fluorescentes : des roussettes, des raies, des rascasses, etc.

 

   Pourquoi ? Probablement pour communiquer, notamment lors des pariades, c'est à dire lors des amours, afin de choisir le partenaire le mieux adapté. A moins (mais les deux options ne sont pas incompatibles) que ce soit pour mieux se cacher des prédateurs au sein des massifs coralliens...

 

   On savait que les abeilles voient la vie en ultra-violet et voilà que, à leur tour, les poissons nous apprennent que leur monde est composé de merveilleuses couleurs que nous ne pouvons malheureusement pas voir avec nos yeux au spectre limité...

 

L'image représente la faune sous-marine que l'on peut rencontrer au large des îles Coco, au Costa-Rica (crédit-photo : easyvoyage.com)

 

 

 

 

LES CROCODILES NE SONT PAS SI BÊTES...

 

 

   Il y a quelques mois, j'évoquais l'intelligence des corbeaux et autres corvidés, capables d'ouvrir une cage avec un bout de bois mais les crocodiles et les alligators ne sont pas en reste !

 

   Des chercheurs américains de l'Université du Tennessee ont pour la première fois mis en évidence l'utilisation d'outils chez les reptiles. Ils ont en effet observé des crocodiles, à demi-immergés dans des marais d'Amérique du nord et présentant sur leur longs museaux des brindilles et autres bouts de bois. Il s'agit là d'un piège subtil destiné à tromper les oiseaux en train de bâtir leurs nids : en effet, lorsque ceux-ci se présentent pour s'emparer des matériaux de construction qu'ils recherchent, l'alligator n'a qu'à ouvrir la gueule pour attraper le volatile trop audacieux !

 

   Plus encore, les chercheurs ont pu constater que, en dehors de la période de reproduction des oiseaux, les alligators n'utilisent jamais ce subterfuge puisque leurs repas potentiels ne construisent alors pas de nids. Malin, n'est-ce pas ?

 

Photo : un crocodile (ici, crocodylus palustris) attendant sa pitance (source : pourlascience.fr)

 

 

 

L'ANIMAL LE PLUS ÂGÉ JAMAIS DÉCOUVERT

 

 

   Connaissez-vous la praire d'Islande (artica islandica) ? C'est pourtant à cette espèce qu'appartient l'animal le plus vieux jamais découvert par l'Homme. En 2006 fut en effet remontée une praire d'Islande qui paraissait très âgée. Comme toujours en pareil cas, les scientifiques s'acharnèrent à compter le nombre de stries sur sa coquille (une strie représente un an) et arrivèrent à la conclusion que l'animal avait environ 400 ans ! Mais comme il était difficile de compter les premières stries quelque peu effacées, on a, dans un deuxième temps, eu recours à la datation par le carbone 14 (université de Bangor, pays de Galles). Résultat : l'animal était vieux en réalité de 507 ans !

 

   Il fut baptisé Ming car c'était la dynastie chinoise qui régnait à l'époque de sa naissance... en 1499. Du coup, cet extraordinaire coquillage avait été contemporain des découvertes de Magellan, de la bataille de Marignan, de la Révolution française et des attentats du World Trade Center. Bien plus vieux que les plus vieux animaux connus comme la tortue géante des Seychelles (150 ans) ou la baleine boréale (130 ans).

 

   Une question se pose : combien de temps aurait encore vécu cet animal s'il n'avait pas été remonté en 2006 ?

 

Image : valve gauche du coquillage Ming âgé de 507 ans (source : Wikipédia France)

 

 

 

 

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Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie
radeau de survie d'une colonie de fourmis de feu (Solenopsis invicta)

radeau de survie d'une colonie de fourmis de feu (Solenopsis invicta)

 

 

     Dans un précédent sujet, nous avons cherché à évaluer l’intelligence des animaux en tant qu’individus représentatifs de leur espèce (voir sujets apparentés en fin d'article). Il existe toutefois une autre forme d’intelligence animale, conséquence de l’activité commune d’un certain nombre de ressortissants d’une même espèce et qui peut être largement supérieure en termes de résultats à l’action de chacun des individus pris séparément. On évoque alors une intelligence de groupe que l’on peut trouver par exemple chez les oiseaux migrateurs, les bancs de poissons et surtout les insectes dits sociaux. Chez ces derniers, le produit de l’action du groupe est toujours infiniment supérieur à celui des individus pris isolément, non seulement en terme de force d’action, ce qui est aisément compréhensible, mais également et surtout pour l’intelligence de la réalisation qui aboutit presque toujours à un résultat surprenant. Ainsi, une fourmi isolée n’est guère intelligente et elle se révèle incapable d’accomplir des tâches un tant soit peu élaborées. Par contre, dès que l’on a affaire à un groupe suffisamment important de ces hyménoptères, les actions réalisées par leur association sont parfois extraordinaires. Comment se fait-il que des individus qui, solitaires, ne peuvent que très peu, trouvent ensemble des solutions parfois stupéfiantes grâce à ce qu’il faut bien appeler une « intelligence collective » ?

 

 

 

la somme du tout est bien supérieure à la somme des parties

 

 

     L’intelligence collective, c’est pour une espèce grégaire le fait de compenser la faiblesse de chacun de ses ressortissants par la possibilité de trouver ensemble et de mettre en ordre des actions parfois terriblement complexes. On y reviendra mais, d’ores et déjà, on peut souligner que seules les lois de l’Évolution adossées à la sélection naturelle sur un long, très long espace de temps sont capables d’expliquer ces réussites qui, aux yeux du profane, paraissent si extraordinaires qu’il en vient parfois à se demander s’il n’y a pas du créationnisme là-dessous : il n’en est à l’évidence rien. Prenons quelques exemples.

 

 

* des fourmis formidablement bien organisées

 

     Solenopsis invicta est une variété de fourmis originaires d’Argentine mais qui, à présent, peuple tout le sud des Etats-Unis ; on les surnomme les « fourmis de feu » en raison de leur grande agressivité et de la douleur occasionnée par leurs piqures.

 

       Leur réaction est très particulière lorsqu’une montée d’eau brutale

intelligence collective animale
radeau de survie de fourmis Solenopsis Invicta

(fréquente dans ces contrées) menace la fourmilière. Voilà que, à mesure que l’eau envahit leur habitat, des milliers d’ouvrières s’associent sur la surface de l'eau, s’accrochant les unes aux autres ici par les mandibules, là par leurs pattes. Chaque fourmi se trouve en contact par ses six pattes avec ses voisines, cherchant dans le même temps à les repousser le plus loin possible, créant ainsi de minuscules poches d’air dont la multiplication assure une bien meilleure flottabilité à l’ensemble.

 

     En quelques minutes se forme alors un véritable radeau vivant ! Les pupes et les larves - qui sont très légères - sont placées dans la partie immergée du radeau afin de servir de flotteurs tandis que la Reine est installée au centre de l’esquif. Celui-ci part alors à la dérive jusqu’à trouver un point de fixation (terre émergée, tronc d’arbre, etc.) où la colonie attendra patiemment la fin de l’inondation. Élément très particulier : le radeau vivant peut dériver des semaines avant de trouver un point de fixation jugé valable ! Ensuite, lorsque les conditions seront redevenues normales, il suffira aux fourmis de pratiquer la gymnastique inverse : la colonie est sauvée…

 

 

* la traversée du fleuve

 

    Bon nombre d’entre nous ont assisté, grâce aux documentaires animaliers, à la grande migration des gnous depuis les plaines du Serengeti, en Tanzanie jusqu’à celles de Masaï Mara au Kenya. Des dizaines de milliers de gnous accompagnés de quelques zèbres parcourent cette énorme distance à la recherche de nouveaux pâturages. Problème : pour rejoindre les terres convoitées, il faut que l’immense troupeau traverse la rivière Mara où les attendent des dizaines de crocodiles affamés regroupés à cet endroit précis chaque année à la même époque.

 

     Les scientifiques qui observent depuis longtemps ce drame inévitable sont arrivés à la conclusion que, si un zèbre s’appuie sur son intelligence

intelligence collective
Crocodiles à l'affût, la traversée de la rivière Mara demande du courage

propre qui est plus de dix fois supérieure à celle d’un gnou, les bovidés ont, eux, recours à une sorte d’intelligence collective : au total les gnous s’en sortent bien mieux que les zèbres. En effet, lorsque le gigantesque troupeau arrive sur la berge du fleuve, les premiers individus s’arrêtent, hésitent, piétinent, reculent tandis que les zèbres choisissent de traverser individuellement après avoir repéré les endroits qui leur paraissent les plus sûrs. Mais les nouveaux arrivants toujours plus nombreux repoussent de plus en plus les premiers gnous et l’un d’entre eux tombe finalement dans la rivière. Immédiatement, le troupeau entier se lance et, dans un énorme mouvement d’eau, fait reculer les crocodiles, circonspects devant le bruit et la masse qui s’approche d’eux. Bien sûr, des gnous seront happés au passage mais ce sont les zèbres qui traversent individuellement et latéralement qui feront souvent les frais du recul obligé des crocodiles…

 

     Arrivés sur l’autre rive, les gnous se séparent en différentes colonnes pour découvrir un passage et lorsque celui-ci est trouvé, tout le monde s’y engouffre, y compris les zèbres.

 

 

* la surveillance partagée

 

      Le Queléa ou « travailleur à bec rouge » (Quelea quelea) est un petit passereau connu pour être un des oiseaux les plus représentés au monde (un milliard et demi d’individus selon les dernières estimations). Habitant l’Afrique subsaharienne, ce petit oiseau (12 cm de long pour une quinzaine de grammes) est évidemment la victime de prédateurs, notamment les oiseaux de proie. Cependant, il lui faut bien se désaltérer et pour cela il a recours à une technique spéciale.

 

     Regroupés près du point d’eau, ce sont les plus anciens qui vont d’abord

intelligence collective
passereau de l'espèce Quelea quelea

se désaltérer tandis que les plus jeunes, grimpés sur les branches les plus hautes, scrutent le ciel. D’autres quéleas se placent sur les branches les plus basses pour prévenir d’une attaque terrestre. C’est seulement, lorsque les premiers auront étanché leur soif que les oiseaux échangeront leur place de façon à ce que chacun soit servi… Un oiseau de proie est repéré ? Immédiatement, tous les quéleas s’envolent dans un immense nuage virevoltant empêchant le prédateur de se fixer sur une proie précise et le plus souvent il repart bredouille.

 

     On peut donc constater, dans chacun de ces exemples, que le résultat obtenu par l’interaction entre les différents individus d’un même groupe est bien supérieur à ce qu’auraient obtenu les différents participants pris isolément (à supposer même que ces individus aient pu intervenir réellement sur le problème posé). Comment un tel dispositif est-il possible ?

 

 

 

une intelligence partagée pour quelle

organisation ?

 

 

     Jusqu’à il y a peu, la plupart des scientifiques s’étant intéressés à l’intelligence collective des animaux pensaient que la structure de l’organisation permettant la réalisation d’attitudes communes était de nature pyramidale. En d’autres termes, l’organisation des sociétés animales était vue comme celle des hommes : des décisions transitant par une hiérarchie au sommet de laquelle présidait le chef suprême donneur d’ordre, par exemple la Reine qui, dans la société des abeilles,  « ferait passer des ordres » à des ouvrières afin d’appliquer un programme prédéterminé.

 

     L’éthologie moderne a tendance à rejeter ce modèle : une des raisons avancées est que les individus concernés, des fourmis par exemple, n’ont tout simplement pas les aptitudes individuelles pour mettre en œuvre un tel programme : leurs capacités cognitives sont trop limitées. Pourtant, des actions mettant en jeu des milliers de participants existent bien, comme on l’a vu dans les exemples précédents. Comment cela est-il possible ? Eh bien, on pense qu’il s’agit d’interactions élémentaires induites entre individus qui n’ont accès qu’à des informations locales simples, peu nombreuses et forcément parcellaires.

   

     En d’autres termes, des sollicitations automatiques passent d’un individu à l’autre entraînant des réponses programmées, par exemple l’accrochage à la fourmi voisine en cas de danger par les eaux. L’individu pris isolément n’a aucune notion de ce que sera le résultat définitif : il ne sait pas du tout à quelle architecture il participe ni quel est l’objectif final de l’entreprise.

 

 

 

l’optimisation des procédures

 

 

     Comment une procédure peut-elle alors s’imposer comme règle de conduite de la communauté alors qu’il n’existe aucun « ordre venu d’en haut » et comment les individus qui vont être amenés à participer à une action commune bénéfique pour l’ensemble ont-ils « choisi » de le faire ? Pour le comprendre, reprenons l’exemple, très instructif, des fourmis  car il s’agit de sociétés animales où le nombre des participants est immense alors que l’indépendance de chacun d’entre eux est quasi-nulle.

 

     Imaginons une fourmilière et des centaines de fourmis partant d’elle pour aller explorer les environs à la recherche de nourriture. On sait qu’une fourmi laisse une trace odorante, appelée phéromone, sur l’espace qu’elle emprunte : c’est sa façon de communiquer avec ses congénères et de

intelligence animale collective
trouver le retour de façon fortuite

retrouver sa propre trace. Pour se rendre à un point B situé à distance de la fourmilière, il existe de nombreux chemins différents empruntés par des dizaines d’individus. Imaginons que l’une des fourmis « ait trouvé », de façon totalement aléatoire, le chemin le plus court pour aller du point A (fourmilière) jusqu'au point B (source d’approvisionnement) : en toute logique, elle retournera plus vite au nid avant de repartir par son chemin qu’elle empruntera plus souvent que les autres fourmis le leur. Son action se répète donc à de nombreuses reprises et le chemin le plus court finit par être marqué par davantage de phéromones que les autres, attirant de ce fait d’autres individus qui se mettent à l’emprunter, accentuant le phénomène. En pareil cas, la fourmi responsable d’avoir découvert le chemin le plus court ne le sait pas ; mieux encore, à aucun moment elle n’a cherché à communiquer l’information aux autres et pourtant celle-ci a fini par passer : il s’agit là d’un phénomène auto-organisé.

 

     Pour de nombreux problèmes se posant à une communauté d’animaux sociaux, l’acquisition de la solution la plus profitable à l’ensemble suit donc un tel schéma informatif. Mais, bien sûr, pour qu’une information demeure intacte au fil des générations, il faut davantage, comme on le verra plus loin.

 

 

 

critères d’intelligence collective

 

 

     On trouve des éléments d’intelligence collective chez d’assez nombreux animaux : les oiseaux, par exemple, sont capables de voler en groupe de façon à économiser les énergies de chacun (c’est le cas des oies sauvages dont la formation en V permet d’étendre la distance de vol, chaque individu profitant de l’aspiration de son prédécesseur) ou bien de réagir conjointement à la menace d’un prédateur. Ce type d’auto-organisation se rencontre également chez les petits poissons grégaires et permet au banc de répondre « comme un seul homme » aux différents stimuli extérieurs, notamment menaçants. C’est toutefois chez les insectes sociaux comme les fourmis, termites et autres abeilles que le modèle est porté à son paroxysme. Reprenons l’exemple des fourmis. Quels sont les critères d’organisation nécessaires à l’apparition d’une réponse collective adaptée ? On peut individualiser les suivants :

 

* l’information : les capacités cognitives de la fourmi en tant qu’individu sont, on l’a déjà souligné, limitées ce qui fait que chaque fourmi a finalement peu d’informations sur la fourmilière elle-même (il est d’ailleurs probable qu’elle ne sait rien de son organisation générale et de sa fonction globale). En revanche, grâce aux phéromones échangées, un individu est en contact avec ses voisins immédiats avec lesquels il peut échanger des informations locales ;

 

 * l’organisation par division des tâches : la Reine, bien sûr, est l’avenir de la colonie (il est d’ailleurs dommage d’avoir donné ce nom à cet individu primordial puisque, comme on l’a déjà dit, la décision d’action n’est pas pyramidale), les ouvrières, petites et accédant à l’ensemble de la fourmilière et les soldats, plus robustes et affectés à la surveillance et à la défense de l’ensemble. Ajoutons que chez d’autres animaux sociaux comme les abeilles, les rôles sont encore plus pointus, les ouvrières étant elle-même très spécialisées (voir le sujet : insectes sociaux et comportements altruistes). Quoi qu’il en soit, nos fourmis sont capables d’accomplir des tâches spécifiques comme collecter la nourriture, défendre la colonie, nourrir le reine et les larves, etc. Toutefois, on sait que, en cas de besoin, un individu peut changer complètement d’activité et on a souvent vu des fourmis ouvrières se battre et défendre l’entrée du nid contre des envahisseurs en cas de présence insuffisante des fourmis soldats. Cette faculté de changement traduit une certaine plasticité dans la division des tâches et pose une question : comment un individu dont on a dit que ses capacités étaient très limitées peut-il basculer ainsi dans un autre fonctionnement ?

 

* flexibilité et seuil de réponse : selon la « spécialisation » d’un individu, son seuil de réponse à une action sera plus ou moins important. Par

intelligence animale collective
pourquoi une ouvrière se bat-elle ?

exemple, il faudra peu de sollicitation pour qu’une fourmi ouvrière s’occupant plutôt de nourrir les larves le fasse effectivement puisque c’est sa fonction première. En revanche, son seuil de réponse est plus élevé pour, par exemple, défendre l’entrée de la colonie : ici, il lui faudra bien plus de stimuli pour qu’elle se « reconvertisse ». Or, nous avons vu que ce sont des informations locales qui font réagir une fourmi. Peu de sollicitations : elle accomplit sa tâche habituelle. Des sollicitations beaucoup plus importantes face à une menace (excès de phéromones, désorganisation locale, présence de « senteurs » étrangères, etc.) : elle se bat. Une sollicitation extrême, par exemple la fourmilière est inondée et certaines variétés de fourmis (décrites plus haut) s’accrochent les unes aux autres pour former un radeau flottant…

 

 

 

Pérennisation des comportements

 

 

     Ce que nous venons de décrire pour les fourmis concerne des attitudes collectives souvent compliquées résultant d’attitudes individuelles simples. On peut se demander comment de tels comportements ont pu se maintenir au fil du temps Il est évidemment exclu qu’un comportement collectif comme le radeau vivant des fourmis Solenopsis soit redécouvert par hasard à chaque fois qu’une colonie de ce genre est menacée par la montée des eaux. Il est également impossible que, chez des fourmis aux capacités individuellement si limitées, ce comportement ait été acquis par apprentissage (comme chez certains animaux intellectuellement plus évolués).

 

      Il s’agit donc forcément d’un instinct génétique et, en reprenant l’exemple du « radeau vivant » mais c’est vrai pour tous les autres acquis génétiques, on peut imaginer les choses de la façon suivante : les fourmis Solenopsis ont été confrontées depuis toujours aux inondations qui ont vu dans la plupart des cas disparaître des colonies entières. Et cela a duré pendant une période de temps immense, à savoir des centaines de milliers, voire des millions d’années. Puis, un jour, apparaît une mutation (chromosomique ou épigénétique) qui fait que, face à la menace de l’eau, un individu s’accroche à un autre pour se sauver. La mutation « accrochage à l’autre » n’est théoriquement intéressante qu’en cas de danger et elle apparaît chez une Reine, seule à même de donner des descendants. La mutation est transmise aux ouvrières qui, toutefois, ne sont nullement gênées par elle dans leur existence habituelle. Elle se maintient donc. En revanche, face au danger des eaux, la colonie porteuse de la mutation sera plus souvent sauvée que les autres et essaimera plus facilement d’où la diffusion progressive de cet élément favorable à la survie des colonies de ces fourmis.

 

 

 

L’intelligence collective

 

 

     Les animaux supérieurs qui chassent en bande (loups, lionnes, primates, etc.) montrent une sorte d’intelligence collective, ou du moins de groupe,

intelligence animale collective
loups : plus une collaboration qu'une action collective

puisque leur association leur permet d’obtenir des résultats qu’aucun d’entre eux n’aurait obtenu seul. Toutefois, il s’agit à mon sens de la limite d’une telle appellation : les animaux concernés ici possèdent des facultés cognitives bien supérieures aux insectes précédemment cités (et donc une bien plus grande liberté individuelle) et, d’autre part, le nombre des individus présents dans l’action est beaucoup plus faible. Ce type d’intelligence relève certainement plus de la coordination et de l’organisation que l’on retrouve dans un travail collaboratif, voire un travail d’équipe.

 

     À l’autre bout de l’échiquier se situe l’espèce humaine car l’intelligence collective la plus élaborée sur Terre est incontestablement celle des hommes : eux seuls ont réussi à s’affranchir de la communication locale entre individus (qui existe évidemment mais n’est plus primordiale) mais la comparaison s’arrête là. En effet, grâce à l’accumulation et à la transmission des connaissances acquises d’une génération à l’autre, l’aspect génétique évoqué pour les insectes sociaux est ici absent et toute comparaison est illusoire.

 

     L’intelligence collective proprement dite relève donc bien des sociétés animales sociales, sociétés d’autant plus performantes que l’aspect individuel est le moins présent possible. Elle traduit une faculté d’adaptation assurément très particulière et souvent très performante à moindre coût. Finalement assez mal connue, cette forme d’organisation mériterait que l’on s’y intéresse de près car elle a certainement beaucoup à nous apprendre.


 
 

 

Note brêve : rôle social des fourmis et épigénétique

 

Chez les fourmis, on naît ouvrière ou soldat et on le reste toute sa vie. Du moins, c'était le cas jusqu'ici. Car des biologistes de l'université de Pennsylvanie (Etats-Unis) ont réussi à inverser leurs rôles. Sans modifier leurs gènes mais en leur injectant des enzymes qui modulent l'expression des gènes par un simple changement de configuration de l'ADN. Un contrôle dit épigénétique qui pourrait jouer un rôle dans d'autres comportements sociaux chez la fourmi... et même chez l'homme.

(revue Science & Vie, avril 2016, n° 1183)


 

 

Sources :

 

1. Wikipedia France

2. Science et Avenir, n° 181, avril-mai 2015

3. CNRS (http://www.cnrs.fr/)

4. Encyclopaedia Britannica

5. http://www.animogen.com/

 

 

 

Images :

 

1. radeau de survie de fourmis Solenopsis (sources : journaldelascience.fr)

2. radeau de survie Solenopsis bis (sources : sweetrandomscience.blogspot.fr)

3. migration de gnous dans le Serengeti (sources : gentside.com)

4. Quélea (sources : calphotos.berkeley.edu)

5. fourmilière (sources : agoumatine.centerblog.net)

6. combat de fourmis ouvrières (sources : war2100.fr)

7. meute de loups (cources : loup.org)

 

 

Mots-clés : intelligence de groupe - hyménoptères - sélection naturelle - migration des gnous - organisation non pyramidale - information locale - phéromone - phénomène auto-organisé - plasticité comportementale

(les mots en gris renvoient à des sites d'information complémentaires)

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. le rythme de l'évolution des espèces

2. insectes sociaux et comportements altruistes

3. intelligence animale (1)

4. intelligence animale (2)

 

 

 

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Dernière mise à jour : 16 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie

 

 mustangs2.jpg

 

 

 

 

     Dans le célèbre film de John Huston, « les désaxés » (the misfits, 1961), Clark Gable avait fait de la capture des chevaux sauvages son métier au grand désespoir de Marylin Monroe qui trouvait particulièrement cruel de priver de liberté les derniers mustangs (pour accessoirement les convertir en nourriture pour chiens). Depuis, la législation américaine a évolué et les mustangs sont à présent protégés : il en reste un peu moins de 100 000, pour la moitié d’entre eux dans l’état du Nevada. Ces chevaux sont les descendants de générations retournées à l’état sauvage bien des années auparavant et ayant survécu malgré les conditions parfois très dures de leur nouvel environnement. Dans un sujet précédent, nous avions évoqué la domestication par l’homme de nombreuses espèces animales : il s’agit ici du chemin exactement inverse. On peut certainement s’étonner de l’adaptation d’animaux jusque là hyperprotégés à des milieux forcément hostiles et se demander si de tels phénomènes sont fréquents…

 

 

Des cas plus fréquents qu’on ne le croit

 

     Le retour à l’état sauvage de nombreux animaux ne date pas évidemment pas d’aujourd’hui. De nos jours, toutefois, deux éléments supplémentaires sont à prendre en compte : d’abord le rétrécissement inévitable des territoires « possibles » pour ce retour et cela du fait de l’expansion humaine qui se fait de plus en plus pressante et, par ailleurs, la plus grande facilité des transports sur de longues distances en rapport avec les progrès techniques. Ces deux éléments sont en apparence antagonistes mais le premier est probablement plus important que le second. Quoi qu’il en soit, il faut souvent assez peu de temps (en termes d’évolution) pour voir des populations entières d’animaux revenir à leur état ancestral en s’organisant véritablement. Prenons quelques exemples :

 

 

* les mustangs du Nevada

 

     Revenons sur nos mustangs déjà évoqués. La légende veut qu’ils soient les descendants des chevaux amenés dans le nouveau monde par lesmustangs  conquistadors auxquels se seraient ajoutés les chevaux en surplus à la fin de la guerre de sécession. Ce qui est certain, c’est qu’ils ont assez rapidement prospéré puisqu’on en comptait jusqu’à un million au début du XXème siècle. Comme cela est très bien raconté dans le film que j’ai cité en début de sujet, leur nombre a progressivement diminué jusqu’à s’établir à un chiffre d’environ 100 000 à présent qu’ils sont protégés.

 

     Ce qu’il est intéressant de noter (et on le verra pour d’autres espèces), c’est que l’organisation de ces chevaux a très vite copié celle de leurs congénères sauvages. Ces animaux étant particulièrement robustes et très indépendants, ils errent par petits groupes d’une quinzaine d’individus entrainés par un étalon, souvent aidé de la jument la plus âgée. Bien entendu, les jeunes mâles qui sont rejetés du groupe lorsqu’ils atteignent 3 ans et se retrouvent par force solitaires, viennent régulièrement disputer le harem au mâle dominant. Bref, rien que de très classique dans la Nature.

 

     On peut d’ores et déjà se poser une question : le fait de retrouver une structure de groupe ancestrale est-elle d’origine génétique, un patrimoine en partie caché jusque là par la domestication ou ne s’agit-il que d’une conséquence de la vie sauvage elle-même qui n’autoriserait en fin de compte que ce genre d’organisation ?

 

 

* le dingo d’Australie

 

     Dans tout le sud-est asiatique vivent des chiens retournés à l’état sauvage. Nombreux il y a quelques années, ils ne subsistent plus de nos jours que dans quelques poches forestières résiduelles. On les trouve également en Australie où on les appelle les dingos (un nom emprunté à la langue des aborigènes) tandis que, en Nouvelle-Guinée, existe une variété de dingos appelés chiens chanteurs (en raison de leur vocalises bien spécifiques).

 

     Les dingos peuplent surtout le nord de l’Australie car le gouvernement de ce pays a construit pour eux la plus longue barrière du monde, ladingo.jpg « dingo fence », longue de près de 5 400 km. Il autorise également leur chasse en rémunérant les peaux (50 $ chacune) reproduisant ainsi la grossière erreur déjà commise avec le thylacine (ou chien marsupial) qui a été exterminé dans les années 1930.

 

     Il s’agit là d’un contre-sens car le dingo, s’il est opportuniste et attaque ce qu’il trouve (jusqu’à des chevaux ou des kangourous quand il est en meute), est un animal plutôt craintif qui vit aussi loin de l’Homme qu’il le peut. Très rapide (pouvant faire des pointes à 60 km/h), il lui arrive de se déplacer de plus de 20 km chaque jour. Souvent, quand des attaques proches des humains concernent des canidés, il s’agit plutôt de chiens retournés plus récemment à l’état sauvage – donc relativement plus habitués à la présence humaine – dans ce que l’on appelle le marronnage (ou féralisation) sur lequel nous reviendrons.

 

     Le dingo est un animal solitaire sauf que, comme ses ancêtres les loups, il peut vivre (et chasser) en meute ce qui est notamment le cas à la saison des amours qui a lieu pour lui une fois par an : exactement comme les loups et à la différence des chiens. Ce que certains scientifiques rattachent à une dimension génétique réapparue lors de l’ensauvagement.

 

 

* les chats et chiens errants des pays industrialisés.

 

     Les chats, on le sait bien, sont restés d’excellents chasseurs. Même parfaitement nourris par ceux qui pensent être leurs maîtres, ils continuent à guetter l’oiseau ou le petit rongeur qui a le malheur de croiser leur route. chat-chasseur.jpgC’est dire que, rendus à une liberté totale, ils n’ont aucune peine à survivre en solitaires ! Aux USA, il existe plus de 50 millions de chats errants (pour 90 millions de chats « domestiques ») qui, livrés à eux-mêmes, font un véritable carnage parmi les oiseaux, les rats, souris, lapins, serpents, lézards et autres grenouilles… Les américains estiment que plus de 3 milliards d’oiseaux et 7 milliards de petits mammifères succombent sous leurs griffes chaque année !

 

     Les chiens retournés à l’état sauvage ne sont pas en reste. Ils se réunissent alors en meutes qui ne sont pas sans rappeler celles des loups, avec un mâle dominant et des chasses en commun lorsque les déchets abandonnés par les humains ne leur suffisent plus. Dans certaines villes, ils vont jusqu’à provoquer de véritables catastrophes comme récemment à Bucarest, en Roumanie, où des hordes de chiens à demi-sauvageschien-sauvage.jpg terrorisaient les passants. Les autorités locales ont dû prendre de sévères mesures pas toujours comprises des populations locales pour y mettre fin. Le même phénomène s’est produit il y a une vingtaine d’années sur l’île de la Réunion où des cohortes de « chiens jaunes » provoquaient saccages et accidents de la route à répétition. Là-aussi, les autorités durent intervenir pour diminuer ces populations de canidés devenues incontrôlables, parfois au grand dam de certains habitants qui trouvaient les mesures trop radicales.

 

     Il n’existe pas en France métropolitaine de chiens retournés totalement à l’état sauvage mais tout au plus des animaux abandonnés par leurs maîtres et ayant appris à survivre seuls. Leur « ensauvagement » est alors à mi-parcours entre le statut du chien domestique et celui du chien sauvage. Comme s’il fallait une ou deux générations pour « gommer » vraiment la domestication…

 

 

* les mouflons corses

 

     Le mouflon, on le sait bien, est l’ancêtre du mouton. En Corse, c’est le processus inverse qui s’est produit : des moutons échappés à des éleveurs et retournés à l’état sauvage ont donné naissance à des hardes de chacune une quinzaine de mouflons (certains portant à nouveau des cornes). Ces animaux, très craintifs, se réfugient dans les forêts ou les secteursmouflon-corse.jpg escarpés si bien qu’il est difficile pour un humain de les apercevoir. Ils se sont parfaitement adaptés à leur habitat sauvage au point que l’Homme a réussi à en introduire dans d’autres endroits comme dans les Alpes, la baie de Somme, voire les îles Canaries…

 

 

* Les impasses de l’ensauvagement

 

     Il ne faudrait pourtant pas croire que tous les animaux domestiques peuvent ainsi être réadaptables à un milieu totalement sauvage. Certaines pratiques de domestication ont rendu biologiquement impossible pour certaines espèces de se passer de la présence humaine. Sans forcément insister sur des cas extrêmes comme certaines familles de vaches qui ne chien-yorkshire.jpgpeuvent mettre bas que par césarienne, pensons plutôt aux petits chiens comme les chihuahuas, yorkshire et autres caniches nains que leur petite taille désavantagerait fortement vis-à-vis de prédateurs plus imposants tandis que leur fragilité constitutionnelle les empêcherait de capturer les proies indispensables à leur alimentation carnassière…

 

     Quoi qu’il en soit, ce retour à la vie sauvage, cet « ensauvagement », est souvent possible et surtout remarquablement rapide. Là où il a fallu, comme on l’a déjà signalé dans un précédent sujet, bien des années et beaucoup de patience pour « domestiquer » certaines espèces animales (avec, parfois, des échecs retentissants pour d’autres), on s’aperçoit qu’il suffit de quelques générations pour aboutir à nouveau à un ensauvagement, difficile ensuite à inverser. On parle alors de « marronnage », par analogie avec les esclaves échappés de jadis qui étaient alors appelés « marrons », ou bien de féralisation, ce terme provenant du latin fera (animal sauvage) par l’intermédiaire de l’anglais « feral » (« on entendait la nuit les miaulements des chats féraux », a écrit le poète).

 

 

Quelles sont les causes de l’ensauvagement ?

 

     Elles peuvent certainement être volontaires de la part de l’Homme. Une partie des mustangs que nous évoquions plus haut viennent aussi de chevaux relâchés dans la Nature par leurs propriétaires incapables de les nourrir : à chaque crise économique, on voit ainsi leur cheptel s’accroître (et les autorités américaines confrontées à la nécessité de réguler leur nombre). Signalons au passage que certaines domestications ne vont jamais jusqu’au bout de façon totalement délibérée : par exemple, les rapacesfauconjpg.jpg élevés en captivité sont gardés à l’état semi-sauvage afin qu’ils ne perdent pas leurs instincts de chasseurs. Ailleurs – mais c’est bien plus triste – les chiens élevés dans le but de combattre sont « conservés à l’état presque sauvage » et « stimulés » en conséquence (il s’agit là bien sûr d’une pratique condamnée par la Loi mais l’homme étant ce qu’il est…).

 

     Le plus souvent toutefois, il s’agit d’actes involontaires qui concourent à relâcher dans la Nature des populations d’animaux domestiqués.

 

     On comprend, par exemple, que les guerres (et leurs ruines abandonnées) et d’une façon générale les troubles divers (les pandémies, il y a quelques siècles) contribuent à cette dissémination. De la même façon, les catastrophes naturelles, en faisant tomber les barrières érigées par l’Homme, autorisent cette diffusion : on cite souvent les poules de la Nouvelle-Orléans qui, à l’occasion du passage de l’ouragan Katrina, se sont échappées de leurs poulaillers ; on peut encore les voir voleter en grand nombre dans certaines rues de la ville aujourd’hui…

 

     Toutefois, le cas le plus fréquent est probablement l’insuffisance de surveillance des cheptels domestiques. Nombre d’animaux s’échappent de leur confinement d’élevage, à moins que plus simplement encore, ils soient importés volontairement ou non par l’Homme lui-même comme les chats ou les lapins en Australie. Ces « erreurs humaines » peuvent entraîner de véritables catastrophes : c’est le cas de ces saumons d’élevage en Norvège, échappés lors de tempêtes plus violentes que la moyenne, et qui, bien que peu adaptés à la vie sauvage, ont réussi par leur nombre à submerger et coloniser des rivières entières.

 

 

La domestication par l’Homme n’est pas irréversible

 

     La domestication – contrairement à ce que pensent bien des gens – n’a, au début, jamais eu un but utilitaire. Les hommes du néolithique ne pouvaient pas savoir que le mouflon deviendrait au fil des générations un mouton susceptible de leur donner de la laine pour se protéger du froid. De la même façon, impossible de prévoir que la vache donnerait bien plus de lait que n’en a besoin son veau… Le début de la domestication repose probablement sur le besoin que l’Homme a de « dominer » la Nature, de créer des situations nouvelles, de se lancer des défis. En domestiquant certains animaux, il n’a pas transformé la Nature : il l’a simplement adaptée, provisoirement, à ses besoins.

 

     Du fait, les attitudes instinctuelles des différents animaux sauvages ne disparaissent pas lorsqu’ils sont domestiqués par l’homme : tout au plus, peut-on parler d’une raréfaction des comportements sauvages. L’éthologue K. Lorenz expliquait que, en cas de domestication réussie, c’est le seuil de déclenchement du « comportement sauvage » qui est rehaussé : celui-ci ne disparaît pas mais a moins de chance de se produire dans un environnement protégé humain.

 

     Dans un monde qui, comme on le signalait, se réduit et s’interpénètre de plus en plus, quelle est la place laissée aujourd’hui à ces espèces nouvellement ensauvagées ? Elle suscite débats et controverses. D’aucuns sont tout bonnement furieux de voir des espèces quasi-nouvelles risquer de déstabiliser un peu plus le fragile équilibre de la nature : ceux-là, par exemple, pestent contre les chats « marrons » qui détruisent les oisillons chat-ensauvage.jpget les petits mammifères menaçant un peu plus encore la biodiversité (le chat en liberté est considéré comme nuisible en Nouvelle-Zélande). Les autres soutiennent qu’il s’agit comme à chaque fois de partager l’espace avec ces nouvelles espèces qui finiront, un jour ou l’autre, par devenir des espèces à part entière et ils défendent eux-aussi une biodiversité qui n’est pas tout à fait la même. La polémique est loin d’être close et chacun trouvera sa propre réponse.

 

 

 

 

Sources :

1. Wikipedia France

2. Science & Vie, n° 1157, février 2014

3. Encyclopediae Universalis

4. Encyclopediae Britannica

 

Images :

1. mustangs (sources : www.ac-grenoble.fr/)

2. chevaux sauvages ou mustangs (sources : www.chevauxmustang.com)

3. dingo (sources : www.qcm-de-culture-generale.com/)

4. le chat est bon chasseur (sources : www.linternaute.com)

 5. chiens sauvages : méfiance ! (sources : fr.123rf.com)

6. mouflons (sources : www.ladepeche.fr/)

7. Yorkshire : trop faible pour l'état sauvage (sources : fond-d-ecran-gratuit.org)

8. rapaces, jamais vraiment domestiqués; ici, un faucon  (sources : www.humanima.com)

9. le chat ensauvagé, encore ami ou déjà ennemi ? (sources : www.dinosauria.com) 

 (pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

Mots-clés : film "the misfits", mustangs, domestication, mouflon de Corse, ouragan Katrina, marronage ou féralisation

(les mots en blanc renvoient à des sites d'information complémentaires)

 

 

 

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1. l'agression

2. le rythme de l'évolution des espèces

3. domestication et Évolution

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6. vie animale et colonisation humaine

 

 

 

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mise à jour : 13 mars 2023

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     Notre Terre est âgée d’environ 4,6 milliards d’années, contemporaine à quelques millions d’années près de son étoile, le Soleil. Remarquons au passage qu’il s’agit là de chiffres extrêmes difficilement accessibles à nos cerveaux qui ne durent que quelques dizaines d’années… La Vie, quant à elle, n’est apparue sur notre planète qu’après un milliard d’années (environ) ce qui situe l’événement à 3,5 milliards d’années avant notre ère. Ce qui est fort ancien. Bien sûr, au début, comme on l’a déjà dit dans d’autres sujets de ce blog, elle n’est restée que rudimentaire : bactérienne durant longtemps comme en témoignent les stromatolithesStromatolithe-acifs.jpg qui sont des formations calcaires d’origine biologique fossile. Il faudra attendre 700 millions d’années (Ma) avant notre ère pour individualiser les premiers animaux à corps mous dont il ne reste que des traces fragmentaires et indirectes. Puis, vers – 542 à – 530 Ma s’est produite ce que l’on appelle "l’explosion » cambrienne", explosion parce que c’est à cette époque lointaine, le cambrien, que sont nés, en un laps de temps plutôt court en termes géologiques, la plupart des embranchements d’animaux pluricellulaires conduisant à la faune actuelle…

 

     L’homme ne commence vraiment à s’individualiser qu’avec les premiers homo, notamment rudolfensis, il y a environ 3 Ma, homo sapiens (l’homme « moderne ») quant à lui apparaissant il y a seulement 200 000 ans.

 

     Durant ces centaines de Ma sans l’Homme, les animaux ont dominé le monde. Représentés par des milliers et des milliers de générations successives, des animaux de toutes sortes et de toutes tailles, se sont remplacés, s’adaptant progressivement aux inévitables changements de leurs milieux dans un combat féroce pour leur survie. Toutefois, l’immense majorité des espèces ayant un jour foulé notre sol est éteinte à jamais et la biodiversité actuelle n’est qu’un pâle reflet de ce que fut le foisonnement des espèces au cours des âges.

 

     Et voilà que depuis deux cents ans (un battement de paupière en regard de la durée de la vie sur Terre), les hommes ont entrepris de coloniser la planète avec des moyens colossaux, le plus souvent sans se soucier des conséquences induites. On peut ainsi dire que l’Homme est le premier animal à avoir transformé par lui-même son cadre de vie. Ce qui n’est pas sans conséquence, on va le voir, sur l’existence des autres êtres vivants partageant avec lui le même territoire…

 

 

 

Certains animaux arrivent à s’adapter…

 

     Un animal peut vivre près des hommes pour son propre et seul bénéfice : on parle alors de commensalisme. A ne pas confondre avec la symbiose (où les deux partenaires tirent chacun un bénéfice) et, bien entendu, avec le parasitisme où le parasite nuit – parfois gravement - à son hôte (voir le sujet : parasitisme et évolution).

 

     On peut ainsi évoquer les rats (ainsi que les souris) dont la variété dite des « rats des villes », chère à La Fontaine, ne peut vivre qu’à proximité de l’Homme mais également les moineaux qui restent près des habitations précisément parce qu’ils se nourrissent des restes abandonnés par les humains (c’est également le cas des pigeons si souvent décriés).

 

     De la même façon,  les blattesmites, punaises et quelques autres insectes assez peu sympathiques ont pris l’habitude de profiter de la présence humaine pour prospérer : sans elle, ils auraient bien du mal à se réadapter.

 

     Il existe parfois quelques cas curieux : celui des passereaux est plutôt caractéristique. Cette famille d’oiseaux est assez fournie puisqu’elle renferme plus de cinquante espèces et (au moins) deux d’entre elles sont roselin2.jpgsurprenantes : le moineau et le roselin mexicain. Voilà en effet des volatiles qui ont pris l’habitude de confectionner leurs nids avec… des mégots de cigarettes ! Habitués à utiliser des herbes antiseptiques, ces ingénieuses petites bêtes les ont, près des villes, remplacées par des filtres de cigarettes, riches en nicotine protectrice des parasites, avec toujours une préférence marquée pour ceux déjà fumés qui se révèlent à leurs yeux plus efficaces contre les nuisibles. On ne sait pas encore s’il s’agit là d’un comportement intentionnel acquis…

 

     Ailleurs, certains représentants de la faune sauvage cherchent à s’adapter tant bien que mal aux perturbations de leur milieu liées à l’activité humaine. Des scientifiques se sont par exemple intéressés aux suricates, petits mammifères du sud de l’’Afrique. Ces curieux animaux souffrent de l’extension des nouvelles voies de communication créées par l’homme. Vivant en communautés très soudées, ces animaux adoptent depuis quelques années un comportement étrange pour traverser les obstacles artificiels que représentent les nouvelles routes : la femelle dominante – sur laquelle repose la survie du groupe – a pris l’habitudesuricates.jpg d’envoyer quelques éclaireurs pour s’assurer de l’absence de danger lors de la traversée de l’obstacle. Si rien ne se passe, le groupe s’engage dans son intégralité ; sinon, les survivants font marche arrière afin d’aller chercher plus loin un passage plus serein. Aux prix de quelques victimes à chaque fois. Un comportement similaire a été décrit chez des singes comme les chimpanzés en Guinée. Il s’agit là indéniablement d’un comportement adaptatif, comportement que n’ont pas encore pu adopter les hérissons et autres batraciens de nos contrées que la circulation automobile décime au point que les hommes ont parfois entrepris de leur creuser des passages protégés dans les infrastructures routières…

 

     Ces quelques exemples finalement assez limités ne sauraient toutefois faire oublier les ravages dans la faune sauvage que l’Homme par son expansion continue et incontrôlée entraîne.

 

 

 

… mais la plupart souffrent parfois jusqu’à disparaître

 

     L’activité humaine réduit chaque jour davantage le territoire de la faune sauvage tandis que ses innovations technologiques la perturbent grandement. En voici quelques exemples.

 

1. oiseaux migrateurs : au-delà de leurs refuges naturels qui se réduisent souvent comme peau de chagrin obligeant les malheureux animaux à aller toujours plus loin pour

gratte-ciel tueur d'oiseaux
un piège mortel pour les oiseaux

trouver le territoire propice à leur reproduction, il existe des obstacles artificiels qui les affectent grandement. Ainsi, selon les scientifiques, on évalue à près d’un milliard les oiseaux qui, chaque année, s’écrasent contre les surfaces vitrées des gratte-ciels (la moitié d’entre eux en meurent), surfaces qu’ils ne peuvent pas voir et donc éviter. Un véritable carnage qui s’amplifie avec l’installation un peu partout d’éoliennes auxquelles ils se heurtent jusqu’à en perdre la vie… Dans le cas des grandes constructions de verre, il faudrait certainement réduire leurs surfaces vitrées (au grand dam de nos architectes modernes) et diminuer les éclairages de nuit (ce qui, ici, serait tout à fait souhaitable pour les économies d’énergie).

 

2. calmars et autres céphalopodes : dès le début des années 2000 a été rapportée par les scientifiques l’augmentation alarmante des échouages – et donc la mort – de ces animaux. Étude circonstanciée effectuée, on a pu mettre en évidence des lésions de leurs cils sensoriels présents dans l’organe (statocystes) qui leur permet normalement de s’orienter. D’où leurs périples désordonnés se terminant souvent par un échouage mortel. La cause de ces altérations ? La pollution sonore que représentent les canons à air comprimé des bateaux de prospection sismique…

 

     Ailleurs encore, comme je l’ai déjà signalé dans un article précédent (voir : la notion de mort chez les animaux), les cétacés, eux aussi, sont victimes de la pollution induite par l’activité humaine : échouage récurrent de cachalots et autres baleines rendus « aveugles » par la destruction de leurs appareils d’écholocation… et ces phénomènes destructeurs ne font que s’amplifier.

 

     Bien sûr, on sait depuis longtemps que des échouages d’animaux marins ont toujours existé mais ce qui fait problème aujourd’hui, c’est l’augmentation alarmante de leur fréquence.

 

3. tortues marines : nous avons tous en mémoire ces reportages télévisés montrant des centaines de bébés-tortues éclos en même temps qui se précipitent vers la mer salvatrice tandis que planent au dessus de leurs têtes les prédateurs qui se repaîtront de la majorité d’entre eux. Sélection naturelle classique. Toutefois, depuis quelques

plage de ponte des tortues de mer
bébés tortues : beaucoup de prédareurs... dont l'homme

années, est apparu un phénomène qui handicape véritablement ces petites bêtes : la  pollution lumineuse. En effet, l’instinct des bébés-tortues leur commande de se diriger le plus rapidement possible vers l’endroit le plus lumineux, à savoir l’océan tout proche. Malheureusement pour eux, les lieux de ponte sont de plus en plus peuplés de sites touristiques souvent très éclairés d’où l’errance mortelle des petites bêtes. Pollution lumineuse humaine ajoutée au bal des prédateurs sont le plus souvent un handicap devenu insurmontable…

 

4. ours polaires : il s’agit là d’un exemple emblématique, au point que nombre d’associations défendant la faune animale contre l’invasion humaine l’ont pris pour symbole. La fonte de la banquise, toujours plus précoce tandis que sa reformation se fait de plus en plus attendre, explique le comportement étrange de certains de ces plantigrades : on voit de plus en plus de ces animaux qui se lancent dans des expéditionsours-blancs.jpg périlleuses afin d’atteindre les nids d’oiseaux perchés sur des falaises presque inaccessibles. Il ne s’agit pas ici d’un éventuel « comportement d’adaptation » à une situation nouvelle mais d’une simple recherche de nourriture chez des animaux mourant de faim. La cause de cette misérable situation réside à l’évidence dans le réchauffement climatique entraîné par les malencontreuses activités de l’Homme. Encore quelques années de ce régime et les ours polaires ne seront plus que des souvenirs figés dans des DVD rangés au fond des placards…

 

     Ces quelques exemples ne sont, hélas et selon l’expression consacrée, que l’arbre qui cache la forêt. Des millions d’espèces sont menacées par l’avancée des populations humaines, la plupart d’entre elles d’ailleurs encore non répertoriées. Les organismes internationaux, avec des succès divers, tiennent le grand catalogue de ce que certains appellent déjà la « sixième » extinction, par référence aux extinctions d’espèces précédentes (voir le sujet : les extinctions de masse). Ce catalogue ne prend toutefois en compte que quelques espèces bien individualisées et souvent « visibles », à l’exclusion de la plupart des autres.

 

 

 

L’Homme construit une Terre à son image

 

     Il s’agit là d’une règle immuable : chaque fois qu’une espèce augmente sa démographie et puisque le territoire à partager est par essence limité, c’est au détriment des autres espèces d’êtres vivants (faune et flore confondues). La présence envahissante de l’Homme dans tous les milieux ne peut se faire qu’au préjudice des autres. Il va de soi qu’il ne saurait être question de remettre en cause l’avancée des civilisations humaines au profit d’un illusoire retour à un hypothétique « état antérieur ». Il s’agit là d’une transformation naturelle qui respecte tout à fait les lois darwiniennes de l’Évolution. Néanmoins, il convient de se poser la question : l’activité humaine doit-elle se développer tous azimuts et en ordre dispersé sans jamais se remettre en cause ? Pour ma part, je crois que non. Je pense qu’il est dans l’intérêt de nos descendants que nous ne détruisions pas sans le comprendre le monde qui est le nôtre. Personnellement, je n’aimerais pas vivre dans un univers exclusivement bétonné dont les anfractuosités ne seraient peuplées que de rats et de cafards. C’est à chacun de voir. Il est sans doute encore temps d’agir mais plus pour très longtemps.

 

 

 

Sources

 1 Science & Vie, n° 1149, juin 2013

2. Wikipedia

3. futura-sciences

 

 Images

 

1. ours blancs (source : aigleange.centerblog.net)

2. stromatolithes (source : randonature.ch)

3. roselin mexicain (source : pronaturafrance.free.fr)

4. suricates (source : burrard-lucas.com)

5. gratte-ciel (source : fr.123rf.com)

6. bébés tortues gagnant la mer (source : huguette.ceciler.free.fr)

7. ours blancs sur la banquise (source : tigresse004.centerblog.net)

 (Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

Mots-clés : stromatolithes - explosion cambrienne - commensalisme - symbiose - parasitisme - suricates - comportement adaptatif - extinctions de masse

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. les extinctions de masse

2. indifférence de la nature

3. comportements animaux et Evolution

4. l'intelligence animale (1)

5. l'intelligence animale (2)

 

 

 

 

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mise à jour : 11 mars 2023

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     Dans l’article précédent (voir : l’intelligence animale – 1), nous avons évoqué les problèmes posés par l’évaluation de l’intelligence des animaux et grossièrement résumé ce qu’avaient pensé du sujet les philosophes et scientifiques des siècles passés. Essayons à présent – à l’aide de quelques exemples forcément arbitraires – de cerner un peu plus cette faculté d’adaptation à des situations nouvelles, cette intelligence des animaux. Au préalable, rappelons néanmoins ce que nous avons précédemment souligné : il ne faut pas trop interpréter cette intelligence à l’aune de préjugés humains et se souvenir que l’intelligence de nos amies les « bêtes » n’est pas forcément ce que l’on croit.

 

 

 

Comment isoler des critères d’évaluation ?

 

 

     À la différence de la taille d’un cerveau facilement mesurable, l’intelligence est un concept abstrait : c’est le « comportement » intelligent cerveau-homme-animal.pngqui est observable et, dans une certaine mesure, quantifiable. Un premier écueil apparaît toutefois : il peut sembler facile de classer les « degrés » d’intelligence en fonction de résultats plus ou moins élevés à des tests mais encore faut-il faire la part de ce qui, dans certains comportements complexes ou parfaitement adaptés, revient à des programmes prédéterminés. Je pense, par exemple, à des actions animales qui peuvent paraître comme « extraordinaires » d’astuce (d’intelligence ?) : la construction du nid d’un oiseau, l’utilisation « d’outils », voire les comportements extrêmes de certains insectes sociaux (voir le sujet : insectes sociaux et comportements altruistes). Il n’y a en pareil cas aucune intelligence au sens que nous lui donnons mais des réponses adaptatives acquises au cours de l’Évolution, fussent-elles ingénieuses. Rappelons d’ailleurs ici que l’adaptation d’un animal à un nouvel environnement ne peut jamais se transmettre par voie génétique mais uniquement d’un individu à l’autre par imprégnation ou simple imitation. L’adaptation « génétique », elle, s’acquiert par la sélection naturelle de « mutants » mieux adaptés et cela au fil des siècles. L’intelligence d’un individu devra donc s’évaluer face à une situation inédite mais aussi à sa capacité à transmettre éventuellement l’acquis à ses congénères… Cela dit, sur quels critères va-ton se reposer pour une telle évaluation ?

 

 

 

Quels critères retenir ?

 

 

      Tout le problème est effectivement de savoir identifier les critères à retenir pour démontrer l’intelligence de certains animaux. C’est un problème délicat et qui l’est d’autant plus lorsque l’on « descend » dans l’échelle du vivant. Quelques uns font néanmoins l’unanimité.

 

 

. la mémoire : suivant en cela Aristote (voir sujet précédent), force est de constater qu’il est impossible d’acquérir un comportement individuel nouveau en l’absence de mémoire. Or, contrairement à ce que beaucoup pensent, les animaux ont une mémoire très aiguë : ils développent leurs facultés d’adaptation par l’apprentissage suivi d’un traitement de l’information (on parle alors de cognition). Ultérieurement, remis en présence de la situation, l’animal réagit selon un processus de stimulus-réponse : la mémoire lui est donc indispensable. A titre d’exemple, voici deux types d’expériences sur la mémoire animale :

 

     Le singe : on présente à un chimpanzé une séquence de chiffres durant une fraction de seconde puis on lui demande de la refaire. Dans 80% des cas, l’animal arrive à recréer la séquence tandis que des étudiants (humains) pris par comparaison n’y arrivent que dans 40% des cas…

 

      Les oiseaux : on utilise ici les capacités du geai buissonnier. Cet oiseau a dans la Nature l’habitude de cacher sa nourriture. Pour en avoir le cœur net, des scientifiques de Cambridge (GB) ont placé un geai dans une cage à trois compartiments communicants mais dont seul celui de droite contenait de la nourriture. Pendant cinq jours, deux heures par jour, les chercheursgeai-buissonnier.JPG enfermèrent l’oiseau dans la cage mais en mettant de la nourriture dans le compartiment de droite un jour sur deux seulement. Le sixième jour, le geai avait déplacé sa nourriture dans le compartiment qui n’en avait jamais contenu. Selon les expérimentateurs, il s’agit d’une démonstration de la capacité de l’oiseau à planifier en se servant de sa conscience du temps passé et futur. Une prouesse évidemment impossible sans mémoire suffisante.

 

     On a également pu démontrer que singes et oiseaux (pigeons) sont capables de mémoriser des milliers d’images et leurs réponses relatives, l’ensemble restant dans leur mémoire parfois plus d’un an.

 

 

. la permanence de l’objet : on sait que l’enfant humain finit par concevoir les objets comme des entités fixes et persistantes vers l’âge de six mois. Par la suite, au fil des mois, il acquerra une compréhension encore plus complète des objets (objets cachés, déplacés, etc.). Cette « permanence » acquise de l’objet lui est indispensable pour accéder à son organisation du temps et de l’espace. C’est probablement une des étapes fondamentales de l’acquisition de la pensée. Des tests de permanence d’objets ont donc été proposés à nombre d’animaux (chats, chiens, hamsters, poussins, etc.). Seuls les primates ont réussi à égaler (parfois à dépasser en rapidité) les acquisitions de l’enfant tandis que les chiens et, dans une moindre mesure les chats, y arrivent aussi mais moins rapidement.

  

 

. la catégorisation : il s’agit de la possibilité pour un animal de regrouper des objets au sein d’une même classe. L’exercice ne révèle pas seulement la construction de catégories selon l’aspect ou la couleur mais aussi le fait de se les représenter comme autant d’entités différentes les unes des autres et cela sous-entend une certaine capacité d’apprentissage. Les résultats les plus significatifs concernent… les pigeons. Ces volatiles, entraînés par renforcements positifs et négatifs, finissent par discriminer des catégories d’objets comme les arbres mais aussi de distinguer des scènes aquatiques contenant ou non des poissons. Ils possèdent donc une certaine faculté d’abstraction.

 

 

. les outils : on a souvent rapporté l’utilisation d’objets en tant qu’outils chez certains animaux. On connait évidemment le cas de la mouette rieuse qui se sert d’une pierre jetée d’une certaine hauteur pour casser les coquillages qui feront son repas : il s’agit là d’un comportement inné, propre à toutes les mouettes de cette espèce, et qui ne peut donc traduire les capacités d’adaptation d’un individu donné. Je ne le cite que comme exemple a contrario.

 

     Ce qui nous intéresse ici, c’est l’utilisation d’outils dans une situation corneille_noire.jpgnouvelle. Par exemple, il a été rapporté le manège d’une corneille d’Israël utilisant un morceau de pain qu’elle faisait flotter sur l’eau comme leurre pour les poissons qu’elle cherchait même à entraîner dans un endroit plus favorable pour leur capture. Comportement assurément nouveau… qui aurait pu se transmettre, par observation et imitation, à d’autres congénères.

 

     Ailleurs, il a été observé le manège de singes utilisant des bâtons pour mesurer la profondeur d’une mare qu’ils devaient traverser. D’autres singes ont été observés alors qu’ils « expliquaient » à des plus jeunes comment se servir d’une branche pour attraper des fruits ou des insectes.

 

     Citons une dernière expérience dont l’acteur est un corbeau calédonien : de la nourriture est placée au fond d’une petite cage en verre à ouverture étroite. A côté, se trouve une deuxième cage contenant une tige de bois inaccessible au bec de l’oiseau et, encore à côté, une petite brindille attachée à une branche. L’oiseau ira détacher la brindille, s’en servira pour extraire la tige en bois de la deuxième cage puis utilisera cet outil improvisé pour retirer la nourriture de la cage en verre. Pour accomplir une telle action, il faut non seulement de la mémoire mais également suffisamment de faculté d’abstraction pour relier les différents éléments à utiliser dans l’ordre… Incroyable ? La vidéo de cet exploit se trouve à l’adresse suivante : 

 http://www.youtube.com/watch?v=QvfWiW27890&feature=endscreen&NR=1

 

 

. le langage : avec ce critère, il faut d’emblée instaurer un distinguo. En effet, pour bien des gens, il existe une confusion entre langage et forme de communication. Par exemple, la « danse » des abeilles qui permet d’indiquer à la ruche l’endroit où se trouve du pollen à butiner n’est pas un langage (voir le sujet : insectes sociaux et comportements altruistes). Il s’agit d’un code de signaux qui symbolise une situation objective (données géographiques et visuelles). Dans le langage humain en revanche, les signes communiqués sont arbitraires et ne ressemblent pas à ce qu’ils désignent : ce sont des morphèmes, c'est-à-dire de petites unité porteuses de sens et dont la combinaison est infinie, permettant au locuteur de tout exprimer. Ce langage s’apprend au cours de l’enfance au contraire des signes des abeilles qui relèvent d’un comportement inné…

 

     Le même problème se pose pour les autres « langages » animaux comme le chant des oiseaux, celui des baleines ou les grondements des éléphants. Ils sont tous innés, non analysables autre que globalement et n’appellent aucune réponse de l’entourage (mais simplement une attitude induite). Le langage proprement dit est bien le propre de l’Homme.

 

      Il est cependant possible d’apprécier la capacité d’un animal à acquérir quelques rudiments de langage humain. Insistons sur le fait qu’il s’agit bien d’apprendre ce que peut signifier un mot précis et non répéter comme peut le faire le perroquet (dont la forme de communication est surtout le « langage » corporel). Certains singes sont capables d’associer des assemblages de symboles avec des objets ou des actions ; ailleurs, tout propriétaire d’un chien sait que son animal est capable d’identifier une cinquantaine de mots sans jamais se tromper sur la signification de ce qu’ils entraînent. Jamais, toutefois, il n’a été mis en évidence chez l’animal la possibilité de posséder un langage abstrait à la manière de celui de l’Homme.

 

 

. le raisonnement : il s’agit là aussi d’un critère difficile à cerner qui n’a été mis en évidence que chez certains primates supérieurs. Citons, par exemple, le cas d’un singe bonobo appelé Kanzi étudié par Sue Savage-Runbaugh, une primatologue américaine, singe auquel elle avait donné la clébonobo--2-.jpg de son enclos. Dès qu’elle se fut éloignée de lui, ce dernier alla cacher la clé. Quand la chercheuse redemanda la clé à Kanzi, celui-ci donna l’impression de l’avoir perdue. Accompagné de la scientifique, le singe fit mine de chercher attentivement la clé mais les recherches restèrent vaines. Ce n’est qu’après le départ de la chercheuse que Kanzi alla quérir la clé et s’en servit pour sortir de son enclos. Kenzi était donc capable de mentir ce qui sous-tend une certaine capacité de raisonnement. Il s’agit là néanmoins d’une exception dans le règne animal.

 

 

. la conscience de soi : savoir que l’on existe indépendamment des autres est la première étape qui permet à un individu d’avoir conscience de ses actes, de ses pensées et même de ses sentiments. C’est un retour sur soi qui permet de se situer et de penser le monde qui vous entoure.

 

     Pour apprécier cette faculté, la méthode la plus utilisée est le test du miroir. Il s’agit de savoir si un individu est capable d’y reconnaître son reflet comme une image de lui. Pour cela, on imprime une tache colorée et non olfactive sur la tête de l’animal (sans qu’il le sache) puis on observe si ce dernier réagit d’une manière indiquant qu’il a pris conscience que la tache est placée sur son propre corps. Si l’animal cherche à savoir ce qu’il y a derrière le miroir, s’il touche la tache ou d’autres parties cachées de son corps, c’est qu’il a conscience qu’il s’agit bien d’un reflet de lui-même. A l’inverse, s’il attaque le miroir ou s’enfuit, c’est qu’il n’a pas compris.

 

     Les résultats sont contrastés : parmi les singes, les orangs-outangs, les chimpanzés, les bonobos réussissent le test (mais pas les gorilles, du moins ceux vivant en liberté). C’est également vrai pour les éléphants, les dauphins et les orques, ainsi que pour les pies et les corbeaux mais, à l’inverse de ces derniers, les autres oiseaux attaquent violemment le miroir. Les chiens et les bébés humains de moins de dix-huit mois manifestent de la peur ou de la curiosité. Toutefois, on atteint avec les chiens la limite du test car on sait que chez cet animal la vision est secondaire et que, pour lui, s’il ne sent rien, c’est qu’il n’y a rien de vivant.

  

     Les quelques catégories de tests que nous venons d’évoquer s’adressent pour l’essentiel aux vertébrés, animaux situés à un stade élevé de l’échelle de la Vie mais que pourrait-on dire d’animaux plus « simples » comme les insectes, voire encore plus élémentaires ? Les a-t-on étudiés ? Comment évaluer leur intelligence réelle ou supposée ?

 

 

 

L’intelligence des invertébrés

 

 

     Les invertébrés sont les parents pauvres du règne animal aux yeux de l’Homme qui ne leur accorde guère de crédit : qui se soucie d’une simple mouche ou d’une huitre ? En France, le pays de « l’animal-machine » (voir la première partie de ce sujet), on a longtemps pensé que ce qui ne parle pas n’éprouve pas de sentiments (jusque dans les années 1960, les nourrissons n’étaient pas anesthésiés !). Pourtant, les invertébrés sont des êtres vivants qui, peut-être, ressentent « quelque chose ». Or, justement, depuis quelques années, on commence à s’intéresser à ces êtres « inférieurs » jusqu’à se demander s’ils ne possèdent pas une sorte de conscience et une intelligence embryonnaire. Alors qu’ils ne sont pas protégés dans les textes (au contraire des vertébrés régis par une charte), une directive européenne sur l’expérimentation animale entrée en vigueur le 1erjanvier 2013 impose la prise de précautions pour les céphalopodes (calmars, pieuvres, etc.) en raison de « leur aptitude à ressentir angoisse, douleur et souffrance ». Un premier pas. Mais que sait-on vraiment de l’intelligence et de la sensibilité des invertébrés ?

 

     Si l’on compare le cerveau d’un invertébré à celui d’un mammifère, il n’y a aucune hésitation possible : 86 milliards de neurones chez l’Homme contre 200 millions pour la pieuvre, un million pour l’abeille, 600 000 pour l’araignée et à peine 200 000 pour la mouche. On pense immédiatement qu’un bagage neuronal aussi faible ne peut conduire qu’à des réponses réflexes aux incitations extérieures et en aucun cas à une pensée ou une réflexion, si ténues soient-elles. Mais comparaison n’est pas raison. Chez les invertébrés le cerveau n’est pas tout le système nerveux central : de nombreux neurones intervenant dans les interactions avec l’extérieur se trouvent ailleurs ; par exemple, la majorité des neurones du poulpe se trouve… dans ses tentacules. Chez la mouche, le système visuel est au moins aussi complexe que celui d’un mammifère. Or un système nerveux élaboré peut être le support de quelque chose de plus compliqué qu’un simple arc-réflexe : la douleur sans doute, la peur de cette douleur donc l’angoisse peut-être, et, qui sait, une certaine forme de conscience, donc d’intelligence potentielle... Mais comment savoir ? Quelques expérimentations commencent à être publiées sur le sujet :

 

 

. l’araignée

 

     L’expérience consiste à mettre une araignée affamée face à des tubes en aluminium comportant de nombreux tournants et croisements et représentant deux parcours différents, l’un conduisant à une proie, l’autrearaignee-et-proie.jpg à un emplacement vide. La construction est faite de telle manière que l’araignée qui voit son butin avant de s’élancer est obligée de le perdre de vue dès qu’elle emprunte les tubes. Le résultat est surprenant puisque l’arachnide se trompe rarement et atteint très souvent sa proie. Les scientifiques en déduisent qu’elle a conservé en mémoire une représentation du chemin, atteignant ainsi le stade de la « permanence de l’objet » évoqué plus haut, un item réservé à des intelligences assez évoluées…

 

 

. la pieuvre (ou poulpe)

 

     Les scientifiques ont suivi durant plusieurs années des poulpes dans les eaux indonésiennes et ont pu mettre en évidence un comportement bien spécifique qui est l’utilisation d’outils : les céphalopodes étudiés ici utilisent des coquilles de noix de coco pour se mettre à l’abri. Il ne s’agit toutefois pas d’une simple recherche ponctuelle de protection puisque chaque poulpe garde son espèce d’armure durant des semaines en l’entraînant parfois très loin avec lui : ce comportement est acquis et non inné (comme celui du Bernard-l’hermite qui protège son estomac mou en squattant une coquille).

 

 

. le crabe

 

     Comme pour tous les invertébrés, il est à l’évidence difficile d’apprécier si les crabes peuvent avoir des pensées et a fortiori s’ils possèdent une conscience même embryonnaire. Toutefois, si activité cérébrale réflexive il peut y avoir, il est impératif qu’elle soit précédée d’une sensibilité et d’une mémoire. Une intéressante expérience a été menée avec les crabes verts : on sait que ces animaux cherchent à se protéger des prédateurs à marée basse en se réfugiant dans des trous. On va donc observer le comportement de ces crabes placés dans un bac dont chaque extrémité crabe-vert.jpgest pourvue d’un abri obscur (abris 1 et 2). On attache un fil électrique à l’une des pattes du crabe de façon à lui adresser une légère décharge électrique lorsqu’il se sera réfugié dans l’un des abris (par exemple, l’abri 1). A compter de la deuxième ou troisième décharge, le crabe choisira systématiquement l’abri 2, preuve qu’il a bien mémorisé l’expérience désagréable subie dans l’abri 1… Démonstration est ainsi faite que l’animal a éprouvé une sensation douloureuse et, plus encore, qu’il a appris à l’éviter. A-t-il une véritable conscience ? Rien n’est moins sûr mais ce dont on est certain, c’est qu’il a fait preuve d’une certaine intelligence puisqu’il s’est adapté à une situation nouvelle (apprentissage).

 

 

 

L’intelligence des animaux

 

 

     Il est clair que les animaux, aussi évolués soient-ils, ne possèdent pas une intelligence capable de rivaliser avec celle de l’Homme, même si l’on tient compte des milieux particuliers où ils vivent et des circonstances très différentes qu’ils rencontrent. Toutefois, quel que soit leur degré de complexité, ils semblent que tous possèdent un certain degré d’intelligence : leurs facultés d’apprentissage ne sont jamais totalement nulles.

 

     D’un autre côté, il semble certainement vain de vouloir « classer » ces différents degrés d’intelligence car ceux-ci seraient forcément rapportés à l’intelligence humaine or les problèmes posés à l’animal ne sont pas ceux de l’Homme. Une fois encore, gardons-nous de l’anthropomorphisme !

 

       Cela dit, on peut sans trop s’avancer affirmer que les animaux, même très rudimentaires, possèdent une certaine intelligence des situations qui leur sont propres. Comme on l’a écrit plus haut, l’intelligence des êtres vivant sur notre planète est de même nature bien qu’à des degrés différents. Du plus simple au plus compliqué, il existe une certaine linéarité de l’intelligence du vivant dans notre monde et, signalons-le au passage, toujours une sensibilité plus ou moins aiguisée à la souffrance et donc à une certaine forme de peur, voire d’angoisse. Non, les animaux ne sont pas des machines comme on l’a souvent prétendu avec Descartes. Ce sont des êtres biologiques et, à ce titre, ils peuvent certainement ressentir plaisir et souffrance. Il serait bon que certains de nos contemporains s’en souviennent dans un monde dominé par l’Homme et souvent mis à mal par lui.

 

 

 

Sources :

 

1. Wikipedia France

2. Science & Vie, n° 1144, janvier 2013

3. www.psychoweb.fr/news/27-intelligence-animale/

4. equihom.over-blog.com/article-peut-on-parler-d-intelligence-animale-86964263.html

 

 

Images :

 

 1. dauphins (sources : fr.questmachine.org/wiki/Les_dauphins)

2. tailles respectives de différents cerveaux de mammifères (sources : fr.wikipedia.org)

3. geai buissonnier (sources : fr.wikipedia.org)

4. corneille noire (sources : alpesoiseaux.free.fr)

5. singe bonobo (sources : extraisreloaded.blogspot.com)

6. une araignée enroulant sa proie (sources : xgodsoul.com)

7. crabe vert (sources : manger-la-mer.org)

(pour en lire les légendes, passer le curseur de la souris sur les illustrations)

 

 

Mots-clés : comportement inné - comportement acquis - apprentissage - sélection naturelle - mémoire - langage - morphème - catégorisation - permanence de l'objet - test du miroir

(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

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6. l'inné et l'acquis chez l'animal

7. le mimetisme, une stratégie d'adaptation

7. l'intelligence animale (1)

 

 

 

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 intelligence-animale-singes.jpg

 

 

 

 

 

 

 

     Evaluer l’intelligence des animaux est un problème immense qui passionne chercheurs et philosophes depuis des siècles : il n’est bien sûr pas question de le résoudre ici mais uniquement d’engager une réflexion. Plusieurs difficultés se présentent d’emblée. D’abord, avant de chercher à savoir ce qu’elle représente chez les animaux, il convient de définir ce que l’on appelle intelligence et ce n’est pas une mince affaire ! Ensuite, on comprend immédiatement combien il est difficile de recourir à une hiérarchisation de l’intelligence parmi les espèces animales tant les domaines, les formes d’action et les solutions trouvées peuvent être dissemblables. Enfin - on ne le répétera jamais assez - l’Homme est lui-même un animal, un mammifère : entre lui et tous les autres, il existe, certes, une différence de degré mais pas de nature. Pourtant, le terme « intelligence animale » qui est notre propos aujourd’hui l’exclut de fait, l’intelligence humaine faisant à l’évidence partie d’un autre débat. Ces quelques considérations très générales expliquent pourquoi on ne trouvera pas dans cet article une étude détaillée et argumentée sur le sujet mais bien plutôt quelques pistes destinées à se faire une idée de la question…

 

 

L’intelligence

 

    Le mot intelligence provient du latin (intelligentare) qui « signifie faculté de comprendre ». C’est l’ensemble des facultés mentales qui, en effet, permet de comprendre le monde qui nous entoure et les choses qui le peuplent puis de relier entre eux ces différents éléments pour aboutir à une pensée rationnelle permettant l’action. Cette pensée rationnelle s’oppose donc à l’intuition ou à la sensation puisqu’elle autorise le recul et la réflexion. Et donc la compréhension de situations nouvelles. On peut également dire que l’intelligence, c’est la capacité à traiter des informations pour atteindre l’objectif que l’on s’est fixé. Exprimé plus simplement,  l’intelligence, c’est la faculté d’adaptation.

 

     Chez l’animal, bien des actions sont innées (comme on le verra par la suite, certains auteurs pensaient jadis que l’animal n’était que cela) mais il existe chez tous une certaine faculté d’adaptation par l’apprentissage : tout le problème est de comprendre ce qui revient à l’un ou à l’autre et, surtout, quelle est l’importance de cet apprentissage et donc de cet acquis qui va entraîner une réponse adaptée à une situation nouvelle…

 

 

Perception de l’intelligence animale à travers les âges

 

     Depuis que l’Homme a eu conscience qu’il vivait entouré d’animaux ayant leurs vies propres et des comportements spécifiques, il s’est posé la question de savoir s’ils possédaient une intelligence, fut-elle rudimentaire. Cette question fut même la source de grands débats philosophiques dès l’antiquité.

 

 

Dans l’antiquité

 

     Dans le monde occidental, Aristote (384-322) pensait que l’Homme était le seul à posséder une pensée rationnelle mais il reconnaissait aux animaux, du moins aux plus évolués d’entre eux, une sagesse pratiquearistote.jpg (phronesis). Il chercha à démontrer leur intelligence grâce notamment à leur mémoire, expliquant que les animaux apprennent en partie par leur expérience propre mais aussi par imitation de leurs semblables. Les stoïciens, quant à eux, ne croyaient pas à cette intelligence animale car pour eux vertus et mémoire, effectivement signes d’intelligence, sont impossibles sans la raison. Par la suite, les philosophes stoïciens de l’époque impériale tels Sénèque, Hiérocles ou Epictète restèrent persuadés que les animaux ne possèdent aucune intelligence, une thèse reprise plus tard par Galien. Cette école de pensée eut une influence importante au cours des siècles qui suivirent.

 

 

L’animal-machine

 

     Au XVIème siècle, René Descartes (1596-1650) exposa sa conception de l’intelligence animale, notamment dans son Discours de la méthode, une approche de la question qui fit grand bruit. Il expliquait qu’aucune machine ne peut utiliser un langage ou des signes et qu’il lui est donc impossible descartes--1-.jpgd’accéder à l’universalité. Puisque, selon lui, les animaux n’ont pas la faculté de posséder une pensée abstraite et donc de réfléchir, il lui semblait évident qu’on pouvait les assimiler à des machines.

 

     Un siècle plus tard, cette conception réductrice sera encore défendue par Malebranche (1638-1715), puis par Buffon (1707-1788). Les empiristes comme Locke (1632-1704) et les sensualistes comme Condillac (1715-1780) s’insurgèrent contre cette approche. François Bernier (1620-1688), ami de Molière et de La Fontaine, expliquait par exemple « que personne ne pourra jamais croire qu’un animal écorché vif ne puisse avoir aucune sensation ». Toutefois, c’est Réaumur (1683-1757) qui sembla le plus proche de reconnaître une part importante d’intelligence aux animaux. Le débat faisait donc rage mais on s’orientait néanmoins vers une « certaine » reconnaissance de l’intelligence animale.

 

 

La révolution darwinienne

 

     Pour la première fois, dans son ouvrage « de l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle » paru en 1859, Charles Darwin propose une explication cohérente à nombre de faits que les créationnistes – et pour cause – ne pouvaient expliquer. Il avance que les êtres vivants découlent tous les uns des autres (qu’ils ont donc un ancêtre commun) et que, au cours des âges, une sélection s’impose dans le vivant, favorisant les espèces les mieux adaptées à leur milieu (avantage sélectif) au détriment des moins favorisées. Dès lors, les fossiles, témoins d’espèces disparues, les ressemblances et les caractères communs d’une espèce à l’autre, les modifications d’une même espèce au cours du temps, etc. trouvent une explication crédible.

 

     En 1872, il complète sa pensée dans un ouvrage « l’expression des émotions chez l’homme » : il insiste sur une évolution partagée entre les espèces. Partant de l’étude des mouvements du visage humain – et donc de l’expression des émotions – il démontre qu’on peut trouver, parfoisemotions.jpg légèrement transformées ou plus ou moins rudimentaires, les mêmes expressions chez l’animal (voir le sujet : l'inné et l'acquis chez l'animal). C’est la porte ouverte à la compréhension d’une intelligence animale et à la récusation de l’animal-machine.

 

     En 1882, George J. Romanes (1848-1894) qui explique que les activités des animaux sont analogues aux activité humaines, puis après lui, John Watson (1878-1958) et Frédéric Skinner (1904-1990) permettront la mise en place du behaviorisme, c'est-à-dire l’étude des comportements observables déterminés par l’environnement et donc les interactions de l’individu avec son milieu.

 

 

Naissance de l’éthologie

 

     Konrad Lorenz (1903-1989 et prix Nobel de physiologie en 1973 avec Karl Von Frisch et Nikolaas Tinbergen) sera l’un des pionniers d’une nouvelle science, l’éthologie, dont le but est l’étude des comportements des animaux dans leur milieu naturel. Les éthologues chercheront à faire la part de Konrad_Lorenz.JPG ce qui revient chez l’animal à l’inné et à l’acquis, notamment par apprentissage. Or, qui dit apprentissage, dit forcément adaptation à une situation donnée et donc une forme d’intelligence. Tout le problème va être de mesurer celle-ci, de la quantifier, de la hiérarchiser et, à l’évidence, ce n’est pas le plus facile...

  

 

l’intelligence animale

 

     Certainement pas à la hauteur de celle de l’Homme (en général) qui est un animal à part, l’intelligence des animaux est toutefois indiscutable. Ceux-ci – on l’abordera dans une seconde partie de ce sujet – sont dotés de mémoire et disposent de réelles facultés d’apprentissage. Ils sont également capables d’une véritable représentation du monde (en tout cas, de leur monde) et certains d’entre eux, plus évolués, disposent même d’une conscience de soi.

 

     Toutefois, il est un travers qu’il nous faut chercher à éviter : le jugement de tel ou tel comportement selon nos propres aprioris. Autrement dit, il nous faut nous méfier de cet anthropomorphisme latent en chacun de nous qui nous oblige souvent à juger les performances et les comportements des animaux selon des critères spécifiquement humains. Car, à y bien réfléchir, qu’est-ce que la faculté d’adaptation à un milieu ? L’Homme, c’est vrai, domine la planète et, plus encore, il la transforme selon son bon plaisir. Pourtant, certaines espèces animales ont conquis la Terre dans tous ses compartiments, beaucoup d’entre eux inaccessibles à l’Homme. Je pense à la réflexion du paléontologue Stephen J. Gould selonbacteries-strepto-pneumionae.jpg laquelle la plus complète adaptation au milieu terrestre est celle des bactéries, présentes absolument partout. Mais a-t-on encore le droit d’évoquer ici une intelligence animale ?

 

     Que dire également des animaux qui se sont « humanisés » au contact de l’Homme, des êtres qui finissent par nous renvoyer par effet-miroir ce que nous projetons d’eux ?

 

     Il faut donc être particulièrement prudent lorsqu’on décide d’évaluer une intelligence que nous avons, de par nos préjugés, tant de mal à comprendre.

 

 

Comment évaluer l’intelligence d’un animal ?

 

     On vient de le dire, il s’agit là d’une tâche extrêmement complexe : dans la seconde partie de ce sujet (voir : intelligence animale - 2), nous essaierons néanmoins de savoir comment on a pu estimer (langage, utilisation d’outils, comportement, etc.) la faculté d’adaptation – donc l’intelligence – de certains animaux. Nous évoquerons, bien entendu, les grands singes qui nous sont si proches, mais également certains mammifères ainsi que, parmi d’autres,  les oiseaux ou les cétacés. En cherchant à chaque fois à cerner « leur » propre adaptation sans trop la juger par rapport à nous.

 

 

 Sources :

. Wikipedia France

. equihom.over-blog.com/

. www.psychoweb.fr/

 

 

Images

 

1. Quel est le degré d'intelligence d'un singe ? (sources : maxisciences.com)

2. le philosophe grec Aristote (sources : greceantique.net)

3. Descartes (sources : ec-descartes-chateauroux.tice.ac-orleans-tours.fr)

4. expression des émotions humaines (sources : lecorpshumain.fr)

5. Konrad Lorenz (sources : fr.wikipedia.org)

6. streptococcus pneumionae (sources : gurumed.org)

 (pour en lire les légendes, passer le curseur de la souris sur les illustrations)

  

 

Mots-clés : faculté d'adaptation - apprentissage - Aristote - Stoïciens - René Descartes - animal-machine - René-Antoine de Réaumur - Charles Darwin - behaviorisme - Konrad Lorenz - Karl Von Frish - Nikolaas Tinbergen - conscience de soi - anthropomorphisme

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      lion mange

 

 

 

 

 

     Une chaîne alimentaire est un ensemble d’êtres vivants de niveaux différents au sein duquel chacun se nourrit des organismes de niveau inférieur dans le but de se développer. On comprend donc que le premier niveau de cette chaîne est toujours un organisme de base qui transforme de la matière inorganique en matière organique : c’est, par exemple, le cas chaine-alimentaire.jpgdu phytoplancton en milieu maritime ou des bactéries dites thermophiles  dans les profondeurs abyssales où ne pénètre pas la lumière du Soleil. En réalité, il existe de nombreuses chaînes alimentaires différentes selon les milieux et, au total, on devrait plutôt parler de « réseau trophique » pour caractériser l’ensemble des relations existant entre différents organismes dans un espace défini, le biotope. Quoiqu’il en soit, il existe une sorte d’interaction pyramidale entre les différents intervenants d’un même milieu, la base étant constituée par l’organisme le plus simple et le sommet par des « superprédateurs » en principe à l’abri des autres organismes  (l’Homme est souvent ce superprédateur).

 

     Lorsqu’on considère une chaîne alimentaire donnée, l’idée couramment admise est que, en supprimant le superprédateur, on permet un plus grand développement de tous les animaux de niveau inférieur. Par exemple, on avance souvent que pour permettre la survie d’une espèce comme les castors, il suffit de limiter (ou d’éliminer) son superprédateur, le loup. En fait, rien n’est plus faux et c’est sur ce point bien particulier que j’aimerais revenir aujourd’hui.

 

 

 

Quelques idées reçues sur les chaînes alimentaires

 

 

     Durant des siècles, on a pensé qu’une pyramide alimentaire se comprend dans le sens ascendant : par exemple, les plantes nourrissent les herbivores ; les herbivores nourrissent à leur tour les carnivores au sommet desquels les superprédateurs règnent en maîtres. Dès lors, supprimer le prédateur situé au sommet de la pyramide permet de « libérer » toutes les catégories situées en dessous de lui, catégories qui peuvent alors prospérer. Il s’agit à l’évidence d’une approche très intuitive, d’ailleurs devenue l’idée couramment admise, mais est-elle vraiment exacte ?

 

     Au début du XXème siècle, certains scientifiques de l’écologie commencent à se poser des questions : et si le sommet de la pyramide, le prédateur suprême, par sa présence régulait harmonieusement tout l’ensemble ? En d’autres termes, se pourrait-il que la pyramide alimentaire ne soit plus viable si l’on fait disparaitre les animaux occupant son sommet ? Question difficile à trancher car ces grands prédateurs sillonnent des étendues immenses et leur disparition peut éventuellement mettre des années avant de se faire sentir. Comment alors procéder pour comprendre ces interactions ? Il faudra attendre l’heure de l’informatique pour colliger les observations et effectuer des simulations « grandeur nature » pour en savoir plus.

 

 

 

Trois exemples concrets

 

 

     Trois exemples permettent de mieux comprendre ce paradoxe, trois situations, pourtant fort différentes, qui devraient nous faire réfléchir sur les conséquences d’une intervention extérieure à un écosystème.

 

 

* Le corail hawaïen

 

     Les récifs de corail sont un bon exemple d’une chaîne alimentaire au sommet de laquelle on trouve un superprédateur, le requin-tigre. Desrequin-tigre.jpg scientifiques américains ont donc procédé à une simulation informatique dans laquelle ils retirent le requin-tigre de l’écosystème. Au début, tout se passe comme prévu : les victimes potentielles se mettent à prospérer en l’absence du grand prédateur ; les phoques et les tortues de mer prolifèrent de même que les oiseaux de mer habituellement victimes du grand squale. Tout est donc parfait pour la théorie acceptée jusque là ? Non justement car, rapidement, on voit s’effondrer les populations de thons pourtant également chassées par le requin-tigre (elles devraient prospérer !). Dans le même temps, les poissons des profondeurs – qui ne sont pourtant jamais victimes du requin-tigre – augmentent leur population… L’explication ? Les oiseaux de mer qui peuvent à présent chasser en toute tranquillité deviennent les prédateurs du thon d’où sa quasi-disparition… le thon qui, jusque là, régulait les populations des poissons des profondeurs. L’équilibre qui était de mise avec la présence du requin-tigre est rompu et toute la hiérarchie alimentaire est remise en cause jusqu’à provoquer une désorganisation complète du milieu…

 

 

* Les pumas de l’Utah

 

    Un autre exemple des effets de la disparition d’un superprédateur a été observé dans un grand parc naturel de l’Utah, aux USA. Ici, ce sont les pumas qui sont en haut de l’échelle. Avec l’apparition du tourisme de masse, pumaces animaux ont progressivement abandonné les canyons de la rivière locale. Du coup, leur victime habituelle, une variété de cerf, a pu prospérer. Ce qui a été une catastrophe pour tout l’écosystème. En effet, les cerfs revenus en masse (puisque non chassés leur population a fortement progressé) ont commencé à détruire la végétation locale (jeunes arbres, arbustes, etc.) avec pour principale conséquence l’impossibilité du renouvellement de cette végétation et donc moins de racines pour retenir la terre. A chaque inondation nouvelle (et habituelle), les berges de la rivière se sont effritées, l’eau s’étendant sur une plus grande surface forcément moins ombragée… et sa température s’est élevée en conséquence. Au total, ce sont les plantes immergées qui ont disparu, les poissons et les batraciens s’éteignant à leur tour. Seule solution pour rétablir l’équilibre ainsi rompu : faire revenir les pumas !

 

 

* Le rôle bénéfique des coyotes

 

       Le grand tétra est un gros gallinacé appelé également coq de bruyère. tetra-des-armoises.jpgDans l’ouest des Etats-Unis, il en existe une variété, le tétra des armoises ainsi nommé parce qu’il vit dans un habitat bien spécifique, celui où se trouve la sauge buissonnante (de la famille des armoises), une plante aux feuilles vertes toute l’année  qui lui fournit nourriture et couvert pour sa protection. Or cet oiseau est en voie de disparition. Comment enrayer ce phénomène ? Eradiquer son prédateur, le coyote, semblait être la réponse appropriée. Bien entendu, la solution n’est pas aussi simple… En chassant systématiquement les coyotes jusqu’à les faire disparaître de l’habitat du tétra, les hommes ont ouvert la boîte de Pandore. En effet, ce sont les corbeaux et les blaireaux, grands consommateurs d’œufs de notre volatile en danger qui ont prospéré… sans oublier les renards qui mangent les petits de ces volatiles. Autre conséquence désastreuse, la disparition des coyotes a permis le développement d’une autre de ses victimes, le lièvre qui, du coup, s’est miscoyote.jpg à détruire les feuilles d’armoise. Chassé encore plus que du temps des coyotes tandis que son plat préféré devenait plus rare, le tétra a accéléré son déclin. Ajoutons pour être complet que la prolifération des lièvres a attiré un autre superprédateur, l’aigle royal… qui s’est empressé d’attaquer les tétras adultes survivants ! Que faire ? Réintroduire le coyote afin de réguler la pyramide alimentaire… On le voit ici aussi : le remède était pire que le mal.

 

 

 

Le rôle indispensable du prédateur

 

 

     Le superprédateur (ou prédateur alpha), une fois adulte, se retrouve au sommet d’une chaîne alimentaire et son rôle est crucial pour la régulation de toute la pyramide. Cette régulation – et on retrouve ici les lois darwiniennes de l’Evolution – répond au mécanisme universel de la sélection naturelle.

 

     Chaque écosystème représenté par une chaîne alimentaire possède donc un superprédateur à son sommet et dans chaque biotope on peut constater la présence d'un équilibre, équilibre finalement fragile que la disparition d’un de ses éléments – a fortiori l’élément suprême du haut de l’échelle – suffit à perturber et, dans certains cas, à totalement détruire. La présence d’une telle hiérarchie se retrouve aussi bien en milieu marin (le sommet de la pyramide est alors occupé par des mammifères comme les cachalots ou les orques, ailleurs par des poissons comme le grand requin-marteau ou, comme on l’a déjà dit, le requin-tigre) que sur terre. Dans cette dernière éventualité, il peut s’agir d’oiseaux comme les aigles ou les hiboux ou de mammifères comme les loups, les ours, les lions, etc. Dans tous les cas, la présence de ces superprédateurs est indispensable à l’équilibre de l’ensemble. Notons au passage que, s’ils sont à l’abri des représentants des segments inférieurs de leur pyramide, ces superprédateurs peuvent être victimes à leur tour de parasites, de virus, de bactéries ce qui confère à leur « immunité » un aspect relativement théorique.

 

    Un superprédateur est, comme on vient de le voir, indispensable à la régulation d’un écosystème. Prenons, par exemple, l’exemple du loup. Voilà un animal qui – en milieu naturel – se nourrit plutôt de petits ou de jeunes loup-3.jpganimaux (volailles, marcassins, renardeaux, reptiles, etc.) mais qui, notamment en cas de disette, n’hésite pas à attaquer des proies plus conséquentes comme les cerfs ou les chevreuils. La sélection naturelle étant à l’ouvrage, ce sont surtout les individus affaiblis qu’il attaque (animaux malades ou âgés et donc plus faciles à attraper). La présence du loup permet toujours une régulation des populations concernées (voire une sorte « d’eugénisme naturel ») et, de plus, il contribue également à maintenir l’équilibre écologique de son milieu en le préservant des éventuels dégâts causés par la surpopulation de ses victimes.

 

     J’ai jusqu’à présent évoquer le milieu naturel du loup or on vient de voir que cet animal a tendance à chasser ce qui lui est le plus accessible, par exemple un enclos rempli de brebis sans défense, en énergie moins coûteux à attaquer que la longue traque d’un chevreuil : il se confronte alors à son superprédateur, l’Homme.

 

 

 

L’Homme, un superprédateur très spécial

 

 

     Par sa multiplication (presque) sans contrôle et son interventionnisme constant sur son propre écosystème… qui représente – directement ou indirectement – l’ensemble de la planète, l’Homme modifie considérablement et de façon permanente l’environnement de toutes les espèces vivantes. Non seulement par la pêche (intensive) et l’élevage maisLA-la-nuit.jpg également par la pollution chimique de tous les biotopes et surtout l’urbanisation progressive du milieu, l’Homme – dont le seul prédateur efficace semble être lui-même – est un prédateur ultime, celui qui menace tous les autres, superprédateurs ou non. Par sa seule présence, il a contribué à faire disparaître des milliers d’espèces vivantes (surtout depuis une cinquantaine d’années et à un rythme qui s’accélère). Son insatiable soif de toujours plus de biens matériels, fut-ce au détriment de son avenir personnel, en a fait ce que l’on pourrait appeler un « hyperprédateur ». Jusqu’où ira-t-il ? Quelques voix, ici ou là, s’élèvent pour, sinon arrêter, du moins ralentir cette mégalomanie. On lutte contre un pesticide nocif ou une pollution industrielle ; on réintroduit telle ou telle espèce « naturelle » injustement éradiquée pour plus de confort. Efforts louables, évidemment, mais tellement insignifiants face au désastre qui s’annonce. Car, il faut nous en convaincre, la Nature est indifférente et, pour elle, seuls les faits comptent. Or, on l’a vu, si un superprédateur est indispensable pour réguler sa propre pyramide vitale, l’inverse est également vrai. Que restera-t-il à l’Homme lorsqu’il aura détruit l’essentiel de son propre univers de vie ?

 

   

Brêve :  les cervidés manquent de prédateurs

      Faute de grands prédateurs carnivores, comme le loup ou l'ours, les populations de cerfs et de rennes ont atteint des niveaux record et menacent les écosystèmes dans les forêts boréales et tempérées de l'hémisphère nord. C'est ce qui ressort de la compilation par William Ripple et Robert Beschta (université de l'Orégon, Etats-Unis) d'une quarantaine d'études réalisées au cours des 50 dernières années. Ainsi, dans les régions où le loup est absent, les cervidés sont jusqu'à six fois plus nombreux. Les chercheurs notent qu'en contribuant à la déforestation, ces derniers ont un impact sur la capacité de la forêt à séquestrer du carbone et donc sur le changement climatique. Les scientifiques plaident donc pour la préservation ou la réintroduction des grands prédateurs, qui permettrait selon eux une régulation des populations d'herbivores et contribuerait ainsi au maintien de la biodiversité.

(in revue Science & Vie, n° 1137, pp 30 et 31, juin 2012)

 

 

Sources

.  Wikipédia France

. www.oiseaux-birds.com/fiche-tetras-armoises.html

. Science & Vie, n° 1133, fév. 2012

baladesnaturalistes.hautetfort.com/archive/2011/07/25/strategie-de-predation-chez-le-lo.html

 

 

Images

 

1. le repas du lion (sources :  veganaporamoraosanimais.blog.terra.com.br)

2. chaîne alimentaire en milieu maritime (sources : cotebleue.org)

3. requin-tigre (sources : unrequindanslebocal.blogspot.com)

4. puma (sources : natural-wild-life.blogspot.com)

5. tétra des armoises (sources : lesoiseauxetimbres.free.fr)

6. coyote (sources : true-wildlife.blogspot.com)

7. urbanisation (sources : leroadtripdesfilles.wordpress.com)

 (Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

  

 

Mots-clés : phytoplancton - biotope - bactéries thermophiles - réseau trophique - requin-tigre - puma - tétra des armoises - coyote - sélection naturelle - loup

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                          Platon-et-Aristote

     

 

     Dans la première partie de ce sujet (voir inné et acquis chez l’animal), nous avions cherché à définir ce qui, chez l’animal, pouvait relever de l’inné – c'est-à-dire de la génétique – et de l’acquis, essentiellement par apprentissage. Une notion importante semble avoir émergé de notre propos : plus un organisme vivant est neurologiquement complexe, plus ses facultés d’acquisition paraissent développées et donc plus élevées ses possibilités de modérer ce qui relève de l’inné. L’Homme est certainement le mammifère le mieux loti de ce point de vue : est-ce à dire que chez lui, l’acquis (expérimental, culturel, sociologique, etc.) a gommé toutes traces de comportements instinctifs régis par la transmission génétique ? Ce serait, comme on va le voir, aller un peu vite en besogne…

 

 

 

Retour sur les définitions

 

     Au préalable, et pour les lecteurs qui n’auraient pas eu la possibilité (ou la patience) de lire la première partie de ce sujet, il convient de bien repréciser ce que nous évoquons :

 

* l’inné : il s’agit d’un comportement qui se retrouve chez tous les individus d’une même espèce, comportement déterminé génétiquement et ne nécessitant pas d’apprentissage préalable. Jadis, on utilisait l’appellation de comportement instinctif qui veut dire la même chose.

 

* l’acquis : à l’inverse, il s’agit là d’un comportement secondairement construit à partir d’informations, d’expériences et, d’une manière plus générale, d’un apprentissage. Ce comportement est emmagasiné dans la mémoire individuelle de l’individu et ne concerne que lui.

 

     La question est donc toujours la même : quelle est la part de l’un ou de l’autre de ces mécanismes chez l’individu, ici l’Homme ?

 

 

 

Quelques exemples de comportements innés chez l’Homme

 

     Il est assez facile de trouver chez l’Homme des comportements qui ne relèvent que de la génétique ou, pour dire autrement, chez lesquels aucune acquisition par apprentissage ne peut être mise en évidence. En voici quelques uns, choisis parmi bien d’autres :

 

 

          L’expression des émotions

 

 

     Dès 1872, Darwin expliquait que les émotions étaient les mêmes chez l’Homme et les grands singes : l’expression de la peur, de la surprise et de la tristesse, par exemple, se retrouvent bien chez tous les primates. Il ajoute même que le sourire se rapproche probablement d’un comportement de défiance puisqu’il consiste à montrer les dents (il existe d’après lui une relation réelle entre le rire et l’agressivité)…

 

     Les ethnosociologies ont par ailleurs bien démontré que ces expressions faciales « innées » se retrouvent chez tous les peuples de la Terre et on sait à présent que des centres nerveux bien précis sont responsables de ces attitudes (formation réticulée et ganglions de la base).

 

 

          Le comportement instinctif du bébé

 

     Tout étudiant en médecine, dès lors qu’il aborde la pédiatrie, sait reconnaître ce qu’on appelle les « réflexes archaïques » témoignant chez le tout petit d’un développement harmonieux. C’est, par exemple, le réflexe de Moro (en redressant

réflexes archaïques
marche automatique du nourrisson

vivement la tête d’un nouveau-né, on observe de sa part une manœuvre d’embrassement puisqu’il écarte d’abord les bras en ouvrant les mains avant de les fléchir sur ses avant-bras, le tout se terminant par un cri), la marche automatique (en plaçant un nouveau-né verticalement et en lui faisant toucher un plan dur avec ses pieds, on le voit « emjamber » l’obstacle et débuter quelques mouvements de marche) ou le « grasping » qui voit le bébé agripper fortement (au point qu’on peut le soulever) la main de l’examinateur qui a stimulé sa surface palmaire. Il en existe bien d’autres (réflexe de succion automatique, de nage, etc.) …

 

     Ces mouvements sont très instructifs car, disparaissant spontanément après quelques mois, ils relèvent d’une activité « réflexe » du tronc cérébral alors que la maturation du système nerveux n’est pas encore achevée.

 

 

          La marche

 

     La marche est un phénomène automatique, apprise tôt chez l’enfant, qui ne demande aucune capacité particulière bien qu’il s’agisse finalement d’un mouvement relativement complexe. Dès qu’il s’agit de modifier ce mouvement, l’exercice devient très difficile car le sujet doit constamment lutter contre la coordination "naturelle". Il n’existe que deux aspects de l’activité humaine où la marche est réellement modifiée : la guerre et la danse. Tous les militaires, par exemple, savent marcher « au pas » et il existe des variations culturelles à cette marche (le pas de l’oie allemand, la marche « glissée » des armées britanniques, le pas ralenti de la Légion Etrangère française) mais il s’agit presque toujours de l’exagération de la marche naturelle, un exercice qui demande un long apprentissage spécifique. De la même façon, la danse demande à l’élève un long travail de formation. Ces éléments laissent supposer que la marche est bel et bien un comportement héréditaire (voit le sujet : la bipédie, condition de l’intelligence ?).

 

 

          Les reconnaissances sociales de base

 

     Lorsque deux individus se rencontrent, ils reproduisent un comportement qui échappe à tout apprentissage : on se salue du regard en haussant les sourcils durant une fraction de seconde avant d’ébaucher un sourire et un hochement de la tête. C’est seulement ensuite que les appris culturels entrent en jeu (inclinaison du buste, salut du chapeau, génuflexion, mains croisées en signe de soumission, main levée, etc.). C’est tellement vrai que les médecins s’occupant de sujets atteints, par exemple, d’un stade avancé de démence sénile de type Alzheimer, savent bien que l’un des derniers comportements sociaux présentés par ces malades est précisément le premier, le plus ancien.

 

 

           Les comportements de communication

 

     Nombre de nos gestes qui relèvent de comportements innés nous sont parfaitement naturels : tendre le bras main à plat pour signifier à quelqu’un d’arrêter son mouvement, mettre un doigt devant sa bouche pour demander le silence, faire de rapides flexions des doigts avec la main tournée vers soi pour demander à quelqu’un d’avancer, etc. Il ne s’agit pas de gestes conscients, ni appris mais des automatismes propres à notre espèce dont certains sont parfois partagés avec d’autres primates.

 

     On pourrait poursuivre cette énumération longtemps tant il existe de situations où nos agissements ne relèvent pas – au moins au début – de notre conscience. Je pense au baiser amoureux, au baiser sur le corps (avatar chez l’Homme du geste d’épouillage chez certains animaux), à la caresse (qui relève d’un mécanisme voisin, même si ce geste est grandement modifié culturellement ensuite), l’enlacement (geste de consolation), le rire déjà évoqué, etc. Des comportements encore plus basiques pourraient également être rappelés comme la peur, la faim, la soif, le désir sexuel, d’autres encore. On le voit, nous ne sommes effectivement pas que de « purs esprits ».

 

 

 

L’apport de la génétique

 

     Avec l’avènement de la génétique et le rôle important attribué aux gènes et à l’ADN, on a un temps pensé qu’il serait possible de caractériser les comportements (et les maladies) en fonction de notre patrimoine génétique. Concernant les maladies, s’il est vrai que certaines d’entre elles sont parfaitement en rapport avec une anomalie ou un déficit génétique (par exemple la chorée de Huntington ou la mucoviscidose), ces dernières restent en fait assez rares. Souvent, s’il peut exister une dimension génétique relativement bien individualisée (diabète, cancer du sein, cancer du colon, etc.) et on parle alors de gènes de prédisposition, il est sûr qu’interviennent d’autres facteurs dont certains sont clairement culturels. Pour nos comportements, c’est encore plus flou et la part de notre ignorance quant à la réalité des agents en cause reste considérable.

 

     On sait par ailleurs que, même quand on les identifie à peu près, les effets des gènes varient singulièrement en fonction de l’environnement où se situe le sujet. Par exemple, dans un environnement spécifique, la part de l’inné pourra représenter 50% mais 10% ou 80% dans un autre. Outre notre méconnaissance complète de nombreux facteurs, l’influence génétique est donc variable et rend toute tentative d’apprécier la part inné/acquis pratiquement impossible à déterminer (du moins, en l’état actuel de nos connaissances) dès que l’on s’intéresse à un comportement quelque peu élaboré.

 

 

 

L’Homme est un être de culture

 

     L’Homme est un être biologique et, à ce titre, un animal comme tous les autres mais un animal doué de culture. Une culture bien plus développée que chez nos cousins, les grands primates, où elle existe certes également mais de façon comparativement embryonnaire.

 

     L’exemple des « enfants sauvages » nous rappelle tout le poids de notre progressif acquis culturel. Il s’agit d’enfants élevés en dehors de toute intervention humaine, le plus souvent par des loups ou des ours, et n’ayant rencontré la « civilisation » que

enfant livré à lui même
l'enfant sauvage (film de François Truffaut, 1970)

tardivement (on en rapporte une cinquantaine de cas dans l’Histoire). Leur éventuelle réintégration dans l’Humanité, toujours partielle dans le meilleur des cas, dépend de l’âge de leur rencontre avec les hommes. En effet, un enfant livré à lui-même ne peut se développer harmonieusement. Boris Cyrulnik, l’ethnopsychiatre bien connu, nous rappelle que si l’enfant n’a pas, dès son plus jeune âge, été mis en contact avec la parole des autres, il ne pourra acquérir un langage. Il en est de même pour tous les comportements dits humains qu’il ne saurait obtenir réellement. Tout se passe comme si l’acquis culturel devait « imprégner » le jeune enfant avant que son système nerveux ne soit définitivement figé.

 

     On peut donc avancer que, à sa naissance, l’Homme n’a presque pas d’humain en lui et que cette humanité il l’acquiert au fur et à mesure de son éducation… forcément variable d’une société humaine à une autre. On peut dire autrement : au départ, l’Homme possède un « fond biologique » qui est toujours le même et restera en lui à jamais. C’est l’éducation - son contact avec les autres hommes – qui lui permettra d’acquérir son humanité, c'est-à-dire dépasser sa part innée pour acquérir un statut complet d’humain.

 

     L’inné fait partie de nous mais contrebalancé par l’acquis. Ce qui ne nous en dit pas plus sur la part de l’un ou de l’autre.

 

 

 

Le Darwinisme social

 

     Au XIXème siècle, la théorie de l’intelligence innée était très à la mode. On se souvient, par exemple, de la théorie plutôt fumeuse des bosses de l’intelligence (phrénologie) où l’on observait la configuration craniale d’un individu pour déterminer s’il était doué pour telle ou telle discipline (d’où l’expression encore employée de nos jours : avoir la bosse des maths). De façon bien plus artistique, Zola, dans sa fameuse série de livres des Rougon-Macquart, insistait sur la prépondérance de l’hérédité dans le comportement humain (il suffit de relire « la bête humaine » pour s’en persuader). Cette notion du « tout génétique » fut progressivement abandonnée à mesure que progressaient nos connaissances de la génétique mais aussi d’une certaine évolution des mœurs.

 

     Récemment, la position innéiste a été remise au goût du jour par les sociobiologistes partisans de ce que l’on appelle le « darwinisme social » (ce qui n’aurait probablement pas plu à Darwin). En 1994, deux chercheurs américains, Charles Murray et Richard Hernstein ont jeté un pavé dans la mare avec leur livre « the Bell Curve » (la courbe en cloche) où ils tentent de démontrer, statistiques à l’appui, que les noirs ont en général un QI inférieur à la moyenne des autres communautés ce qui expliquerait, selon eux, leur moindre réussite socio-économique. De ce fait, puisque l’intelligence pour ces deux auteurs est innée, il est impératif d’arrêter la politique de discrimination positive poursuivie par l’état fédéral, politique coûteuse qui ne sert à rien. Je ne cite évidemment ces travaux que pour expliquer que la bataille inné-acquis est loin d’être terminée et qu’elle divise toujours autant la communauté scientifique… et que, de plus, elle n’est pas exempte d’a priori philosophiques, d’un côté comme de l’autre !

 

 

 

L’Homme aux deux cerveaux

 

     Chez l’Homme (et les primates), on peut très schématiquement opposer deux parties de notre cerveau : le néocortex et le paléocortex (ou cerveau reptilien). C’est ce dernier qui est apparu en premier dans l’évolution des espèces tandis que le second s’est développé progressivement au fur et à mesure de l’accession des individus à une certaine « conscience » : l’Homme (avec quelques primates « supérieurs ») est le Terrien qui possède le néocortex le plus vaste tandis que les animaux moins développés intellectuellement n’en possèdent que de petits, des embryonnaires (certains reptiles) ou pas du tout (poissons, amphibiens). Dès lors, comment ne pas opposer

                                cerveau_triunique.png

un paléocortex, siège des comportements instinctifs et un néocortex (80% de l’ensemble tout de même chez l’Homme) qui, lui, serait l’endroit où s’élaboreraient les conduites apprises élaborées ? Disons le tout net : les choses sont certainement bien plus compliquées mais pour notre approche cette distinction assez grossière peut convenir.

 

     Discuter de la part qui revient à l’acquis et à l’inné chez l’Homme paraît assez stérile dans la mesure où l’état de notre ignorance dépasse certainement celui de nos connaissances. Cela n’empêche pas de comprendre que ces deux entités coexistent bien dans notre cerveau et donc dans nos comportements et c’est peut-être là que se situe le problème le plus aigu.

 

     En effet, si l’Homme est la créature la plus intellectuellement développée c’est qu’il a certainement réussi à « gommer » - ou du moins à relativiser – un certain nombre de comportements liés à la génétique. Certes. Il n’en reste pas moins que, comme nous l’avons vu, nous ne sommes pas de purs esprits et que bien des comportements, des attitudes, des réactions qui nous semblent naturelles et réfléchies échappent en réalité à notre volonté consciente. C’est cette remarque qui fait l’objet de l’angoisse de nombreux philosophes. Konrad Lorenz, pour reprendre les interrogations d’un éthologue déjà évoqué, au crépuscule de sa vie, se posait la question du décalage existant entre notre cerveau (dans son intégralité), de nature forcément biologique et donc n’évoluant que lentement au fil des millions d’années et l’extraordinaire explosion technologique que nous avons acquise depuis quelques décennies (voir le sujet : l’agression). Pour lui, il existe une distorsion de plus en plus grande entre nos possibilités techniques et notre intellect encore trop marqué par notre passé : du coup, il s’interrogeait sur notre capacité à dominer ces possibilités techniques ainsi décuplées en si peu de temps. Il est vrai que lorsqu’on voit les potentialités de destruction de nos sociétés, par la guerre sans doute, mais aussi et surtout par la mise sous tutelle d’une Terre que nous n’hésitons pas à saccager, on peut s’inquiéter. Saurons-nous dominer notre cerveau reptilien ou nous conduira-t-il à notre perte ? Question légitime et, pour l’instant, semble-t-il sans réponse.

 

 

Sources

1. Wikipedia.org (instinct, inné)

2. Henri Atlan : (www.philomag.com/fiche-philinfo.php?id=37)

3. nature et culture : (www.sayomar.tice-burkina.bf/01SAYOCOURS/cours1/08.htm)

4. darwinisme social :

(www.doctissimo.fr/html/sante/mag_2002/sem01/mag0524/dossier/sa_5529_inne_acquis.htm)

 

 

Images

 

1. Platon et Aristote (sources : daminhvn.net)

2. le rire (sources : alexishayden.over-blog.com)

3. marche automatique (sources : infobebes.com)

4. chut ! (sources : fr-fr.facebook.com)

5. l'enfant sauvage, film de truffaut (sources : www.toutlecine.com)

6. paléo et néocortex (sources : ien-versailles.ac-versailles.fr)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : Charles Darwin - réflexes archaïques du nouveau-né - maladie d'Alzheimer - automatismes de communication - gènes de prédisposition - enfants sauvages - Boris Cyrulnik - théorie innée de l'intelligence - phrénologie - Emile Zola - sociobiologie - néocortex - paléocortex, cerveau reptilien

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. l'inné et l'acquis chez l'animal

2. l'agression

3. la bipédie, condition de l'intelligence ?

4. insectes sociaux et comportements altruistes

5. le propre de l'Homme

 

 

 

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Mise à jour : 11 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie

 

 

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     Définir la part de l’inné et de l’acquis chez les êtres vivants : vaste programme aurait sûrement déclaré un personnage politique célèbre ! Il est vrai que le problème divise depuis toujours scientifiques, écrivains, philosophes, politiques, etc. et ce n’est certainement pas ici que l’on trouvera une réponse définitive… s’il en existe une. Ce qui ne doit pas nous empêcher de réfléchir sur la question et chercher à faire un point, même s’il ne peut être que partiel et provisoire…

 

     Pour cela, puisque ne se conçoit bien que ce qui s’énonce clairement, il nous faut d’abord définir ce que sont ces deux aspects, apparemment antagonistes mais en réalité complémentaires, de la plupart des formes de vie.

 

 

 

L’inné et l’acquis

 

        * l’inné : il s’agit d’un comportement qui se retrouve chez tous les individus d’une même espèce, comportement déterminé génétiquement et ne nécessitant pas d’apprentissage préalable. Jadis, on utilisait l’appellation de comportement instinctif qui veut dire la même chose.

 

         * l’acquis : à l’inverse, il s’agit là d’un comportement secondairement construit à partir d’informations, d’expériences et, d’une manière plus générale, d’un apprentissage. Ce comportement est emmagasiné dans la mémoire individuelle de l’individu et ne concerne que lui.

 

     Il paraît donc clair que le comportement d’un individu est un mélange de ces deux facteurs mais la question essentielle – qui fait toujours débat – reste : jusqu’à quel point ? Et quelles sont les parts respectives de l’un ou de l’autre…

 

 

 

Quelques exemples de comportements innés

 

     Observés depuis la nuit des temps mais singulièrement avec les débuts de l’éthologie (par Konrad Lorenz et Nikolaas Tinbergen dans les années 1930), les exemples de comportements innés sont légion : nous en sélectionnerons quelques uns pour illustrer ce propos.

 

 

          1. la parade nuptiale du canard colvert

 

     Pour séduire la femelle, le colvert use d’un ballet étrange pour qui n’en connait pas la signification : l’animal se jette hors de l’eau en sifflant, canard_colvert.jpgretombe en grognant puis se redresse en se raccourcissant avant de contempler sa future conquête ; il se met alors à nager autour d’elle, se dresse le plus qu’il le peut et lui présente les plumes de son arrière-tête avant de se baisser et de se redresser plusieurs fois tout en émettant d’étranges vocalises. Il est impératif que le canard mâle suive la procédure dans l’ordre précis, sans rien n’omettre, sinon la femelle ne lui attachera aucune importance…

 

     Tous les mâles intéressés par cette femelle suivront le même protocole, évidemment « instinctif ».

 

     Il existe des parades nuptiales, parfois fort compliquées, chez presque tous les animaux, depuis l’araignée jusqu’aux mammifères bien plus complexes comme le chien.

 

 

          2. la technique de construction des castors

 

     En dehors de l’Homme, le castor est probablement l’hydrographe animal le plus accompli. On sait que cet animal préfère de loin nager plutôt que se déplacer à terre : il va donc aménager des plans d’eau extrêmement élaborés, barrant des rivières par d’immenses digues (2 m de haut, plus decastor-construction.jpg cent mètres de long pour les castors américains) qu’il construit à l’aide de matériaux divers trouvés sur place (branches, pierres, boue) en n’omettant jamais de consolider son ouvrage en aval par des branches servant d’arcs-boutants, elles-même calées par de grosses pierres. Un processus compliqué s’il en est. On sait aussi qu’il apprécie parfaitement le poids des pièces de bois qu’il utilise : après avoir abattu un arbuste, il le débite en tronçons d’autant plus courts qu’ils sont larges de façon à en conserver le poids…

 

 

          3. l’épinoche

 

     L’épinoche est un petit poisson particulièrement bien étudié par l’éthologue Tibergen, déjà cité. Habituellement terne et nageant en bancs serrés, les mâles de cette espèce changent de couleur à l’approche du printemps : leur ventre devient rouge tandis que leur dos se pare d’une jolie couleur bleu-argenté. Ainsi transformé le poisson se met en quête d’un territoire où il construira un nid avec divers ingrédients, principalement des epinoche.jpgalgues. Dès lors, il défendra son territoire contre tous les intrus. Si l’un d’eux se présente, notre petit poisson se positionne tête en bas et fait mine de creuser. L’intrus est toujours là ? Il l’attaque sauvagement. C’est ainsi que Tibergen observa la scène suivante : il avait placé un aquarium contre une fenêtre et s’aperçut que, à la vision d’un camion postal rouge, le petit poisson entrait dans une rage absolue. Il comprit alors que c’était la couleur rouge (et non la forme ou l’éventuelle odeur) qui faisait réagir son petit pensionnaire. Il le démontra formellement en présentant au poisson des leurres : celui qui ressemblait parfaitement à un mâle épinoche mais sans coloration rouge était ignoré tandis que des leurres grossiers mais colorés en rouge entraînaient sa fureur…

 

 

          4. migration et hivernation

 

     A l’approche des frimas, certains animaux (notamment beaucoup d’oiseaux) migrent vers des cieux plus propices : ils retrouvent sans peine ces lieux plus cléments parfois très éloignés de leur villégiature d’été ; il s’agit à l’évidence d’un comportement génétiquement programmé et c’est le cas bien connu des hirondelles dont la sagesse populaire dit, lorsqu’elles reviennent,  « qu’une seule ne fait pas (encore) le printemps ».

 

     D’autres restent sur place, une migration leur étant impossible ou trop coûteuse en dépenses d’énergie. Ceux-là se préparent alors à l’hivernation qui consiste en un abaissement modéré de leur température corporelle (hypothermie) et d’une somnolence interrompue par de nombreux réveils (lorsqu’il existe une diminution très importante de la température interne de l’animal accompagnée d’une véritable léthargie, on parle alors d’hibernation).  Quel que soit le degré de léthargie, l’animal se prépare à l’épreuve du froid (sa fourrure ou son pelage s’étant épaissis à l’automne) en construisant un refuge souvent très élaboré tandis qu’il accumule des réserves de nourriture. C’est le cas bien connu de l’ours qui hiverne, n’interrompant pas tous ses mécanismes physiologiques (il peut donner naissance à des petits) tandis que la marmotte hiberne véritablement en ce sens qu’elle entre dans une profonde torpeur avec ralentissement de ses rythmes cardiaques et respiratoires et une température interne qui peut descendre jusqu’à 4°. Dans ce dernier cas, la marmotte a eu soin de construire son abri souterrain composé de pierres, de terre, de poils déglutis, etc., abri parfaitement clos – qu’on appelle hibernaculum – où plusieurs individus s’entassent bien serrés les uns contre les autres.

 

 

          5. la reconnaissance des oiseaux de proie

 

     Certaines espèces d’oiseaux reconnaissent immédiatement la silhouette d’un oiseau de proie planant dans le ciel SANS JAMAIS  l'avoir vu oiseau-de-proie.JPG auparavant (K. Lorenz) : cette information ne peut donc être transmise que par l’hérédité. Elle peut d’ailleurs rester cachée toute la vie de l’animal si ce dernier n’est jamais mis en présence de son prédateur. On comprend alors toute la difficulté de savoir ce qui revient à l’acquis ou à l’inné !

 

 

          6. d’autres exemples…

 

     … il en existe presque autant que d’espèces animales. J’ai déjà eu l’occasion d’en rapporter quelques uns dans un sujet précédent (voir comportements animaux et évolution) comme, par exemple, celui de la guêpe fouisseuse observée par l’entomologiste Fabre. Ici, la guêpe revient vers son trou avec sa proie mais, avant d’y pénétrer, abandonne sa victime et entre dans sa cache pour s’assurer que nul intrus n’y a pénétré. On déplace le butin de la guêpe de quelques cm et celle-ci n’a aucun problème pour le retrouver ; toutefois, elle recommence son manège de vérification de son trou comme si c’était la première fois et répétera ce manège autant de fois qu’on aura déplacé sa proie…

 

     De tels comportements sont innés, génétiquement transmis au fil des générations. C’est peut-être ce qui avait fait dire à René Descartes que les animaux (en tout cas dits « inférieurs ») ne sont que des mécaniques (il évoquait des « animaux-machines ») : erreur évidente car de nombreuses adaptations comportementales sont possibles et c’est bien là toute l’importance de l’acquis.

 

 

 

L’acquis tempère l’inné

 

     Plus un animal sera doté d’un système nerveux central développé, plus ses possibilités d’adaptation seront élevées ou, dit autrement, plus ses moyens de compléter l’inné seront importants : on parle alors d’apprentissage et on en distingue plusieurs formes :

 

 

   * le premier et le plus courant (au sein de la nature « sauvage » bien sûr) est la formule essais-erreurs. Confronté à un problème inopiné, l’individu va répondre au hasard : il ne retiendra que la procédure lui ayant permis d’atteindre son but et, parfois, il lui faudra bien des essais… mais, une fois le résultat obtenu, il conservera à titre individuel le « bon » moyen.

 

     On peut en rapprocher ce qu’on appelle l’accoutumance lorsqu’une situation se répète régulièrement. C’est, par exemple, le cas des pigeons qui viennent en masse dans un jardin public lorsqu’ils ont « compris » qu’une personne leur distribue à heure fixe de la nourriture.

 

 

   * l’imitation est un autre moyen qui concerne plutôt les individus disposant d’un système nerveux complexe comme les mammifères. Mais, même pour mésangedes animaux moins « développés neurologiquement » on peut se poser la question. L’éthologue américain Donald Griffin rapporte ainsi que les mésanges anglaises commencèrent dans les années 1930 à percer les capsules de bouteilles de lait abandonnées sur les pas de portes des maisons pour en boire le contenu. Comme il est peu probable que ce comportement se soit répété par hasard des milliers de fois, on peut facilement imaginer que certaines d’entre elles ont appris à imiter leurs congénères…

 

 

     *  l’apprentissage par empreinte

     Il s’agit ici d’une capacité d’acquisition rapide par un jeune qui s’attache à un individu précis. On parle alors d’imprégnation. Konrad Lorenz a pulorenz et ses oies montrer cet intéressant phénomène grâce à ses oies : il avait, en effet, remarqué, que les poussins s’attachent au premier objet mobile qu’ils voient à leur naissance (leur mère en principe, mais également un chien ou une simple balle de couleur). Dès lors, il entreprit d’être pour certaines de ses oies le « premier objet » visible par elles dès la naissance. L’image de l’éthologue suivi à la trace par toute une théorie de ces volatiles est restée célèbre…

 

 

     * le conditionnement

     Il y a en pareil cas le plus souvent intervention humaine : le dauphin qui fait des tours pour avoir une récompense ou l’animal de cirque qui « obéit » au dresseur en effectuant des exercices compliqués pour (hélas !) éviter le fouet…

 

 

     * le raisonnement

Il est à l’évidence réservé à l’Homme et à certains primates supérieurs puisqu’il faut marquer un temps d’arrêt et réfléchir afin de trouver la solution au problème posé. Nous y reviendrons ultérieurement.

 

 

 

L’acquis et l’inné s’interpénètrent… plus ou moins

 

     Konrad Lorenz fut accusé de faire une distinction trop franche entre inné et acquis : il faut dire qu’alors on ne comprenait guère de quelle façon un comportement pouvait être uniquement déterminé par des gènes. Il s’agissait là d’un mauvais procès car Lorenz était loin d’être aussi caricatural. Il s’en expliqua d’ailleurs longuement dans un livre paru en 1965 « essai sur le comportement animal et humain » (aux éditions du Seuil pour la version française) : il était persuadé qu’il existe à la fois des facteurs génétiques et environnementaux et qu’ils sont parfaitement intriqués. Pour cet éthologue, le comportement est adaptatif en ce sens que, face à un problème, l’animal « sait » ce qu’il convient de faire. Ce qu’il importe donc de connaître, c’est d’où vient l’information et là, d’après lui, il n’y a que deux possibilités : a. une acquisition au cours de la phylogénèse (on l’a déjà évoqué : il s’agit du développement des espèces), donc d’ordre génétique et régi par la sélection naturelle ou b. de l’ontogénèse (le développement de l’individu y compris dans l’œuf) donc apprise, notamment par l’apprentissage. Il ne voyait pas d’autre source d’information pour l’animal et on ne saurait lui donner tort.

 

     Reste qu’il est bien difficile d’apprécier la part de l’un et de l’autre chez un individu donné et c’est là toute la profondeur (et l’intensité) du débat entre inné et acquis car il est malaisé pour chacun d’entre nous de ne pas privilégier l’un ou l’autre… selon nos préférences philosophiques.

 

     Reposons-nous la question : peut-on appréhender les parts respectives de l’inné et de l’acquis chez un individu donné ? Il paraît impossible de répondre positivement tant il existe encore de zones d’ombre… Car, au fond, que sait-on vraiment d’un individu, d’une espèce ? Comment faire la part de l’apprentissage et du génétiquement transmis sinon à étudier en permanence les représentants d’une espèce animale bien définie durant toute leur existence et, bien sûr, en milieu dit « naturel » ? L’éthologie essaie de tenir ce pari presque impossible mais nous sommes encore loin du compte…

 

     On peut toutefois avancer quelques idées dont la première est qu’il semble que la part de l’acquis augmente (ou est susceptible d’augmenter) au fur et à mesure du développement cérébral de l’individu étudié. Il est certain qu’un apprentissage reste peu probable chez des êtres vivants élémentaires comme une paramécie ou un ver de terre (et encore ! Certaines études nous font douter d’une telle affirmation). En revanche, pour un système nerveux central plus complexe, la possibilité d’acquisitions comportementales nouvelles est certaine. Jusqu’à quel point ? Mystère. Du moins pour le moment…

 

     Comme le lecteur l’aura remarqué, nous n’avons pas encore évoqué le cas de l’Homme, notre cas. C’est que le cerveau humain est infiniment plus complexe que celui de la plupart des espèces animales que nous venons de citer. Plus complexe, certes, mais l’inné, chez nous, est également totalement présent. Dans quelle proportion ? Dans un prochain sujet, nous essaierons d’y voir un peu plus clair sur cette question… polémique s’il en est ! (voir le sujet : l'inné et l'acquis chez l'Homme)

 

 

 

 

Images

 

1.  la parade du dindon (sources : http://ca-photostyle.e-monsite.com)

2. canard colvert (sources : http://alpesoiseaux.free.fr)

3. barrage édifié par des castors (sources : http://www.loup-ours-berger.org)

4. épinoche (sources : http://www.pescofi.com)

5. oiseau de proie (sources : http://fr.mongabay.com/travel/malaysia/)

6. mésange (sources : http://duboisyves.free.fr/)

7. Konrad Lorenz et ses oies (sources : http://lecerveau.mcgill.ca/)

 

 

 Mots-clés : apprentissage - Konrad Lorenz - Nikolaas tibergen - parade nuptiale - canard col-vert - castor - épinoche - hivernation - hibernation - Jean-Henri Fabre - René Descartes - Donald Griffin - mésanges anglaises - imprégnation en éthologie - phylogénèse - ontogénèse

 

 

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7. l'inné et l'acquis chez l'Homme

 

 

 

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 Mise à jour : 7 mars 2023

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