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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #médecine

 

  

           

                                  cellules cancéreuses attaquées par le système immunitaire

     

 

 

     L’année 2005 est l’année la plus récente pour laquelle nous possédons des données pratiquement complètes et, cette année-là, il y a eu en France 537 300 décès, un des chiffres les plus bas d’Europe (chiffre à rapprocher des 807 400 enfants nés cette même année). C’est assez bien mais pas encore suffisant.

     On sait aussi que depuis (presque) toujours, les deux plus grandes causes de mortalité dans notre pays sont les maladies cardiovasculaires et les cancers (cancers au pluriel tant il en existe de formes différentes). Or c’est en 1989 que, pour la première fois, la mortalité par cancer a dépassé celle des maladies cardiovasculaires. A cela plusieurs raisons :


   • les maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accidents cérébrovasculaires, etc.) sont de mieux en mieux et de plus en plus tôt prises en charge ;


       • l’incidence des cancers a fortement augmenté ces dernières années : pour 2005, on estime à 320 000 le nombre des nouveaux cas de cancer (180 000 chez les hommes et 140 000 chez les femmes, soit, en 25 ans, une augmentation de + 93% chez les hommes et de + 84 % chez les femmes). Il faut, bien sûr, rapporter ces chiffres à l’augmentation de la démographie et au vieillissement de la population mais, une fois la pondération faite, on arrive quand même au chiffre de + 52% chez l’homme et + 55% chez la femme.

     Je parle ici d’incidence (c'est-à-dire la survenue de cas nouveaux) et non de mortalité : cette dernière, si elle a aussi augmenté, a été comparativement moindre puisque les personnes décédées d’un cancer en 2005 sont au nombre de 146 000 ce qui ne traduit une augmentation « que » de 13% depuis 1980. On peut en déduire que les cancers sont mieux pris en charge par la médecine moderne (dépistage systématique et plus précoce, meilleurs traitements, etc.) et il faut s’en réjouir sans, évidemment, relâcher les efforts entrepris.


     Puisque les cancers restent une des grandes causes de santé publique, je souhaite revenir sur ce qu’est réellement cette maladie, étant entendu qu’il n’est pas de mon propos de détailler les différents cancers (et encore moins leurs prises en charge) mais d’essayer d’en comprendre les mécanismes.
 

 


la cellule


     Tout part évidemment des cellules qui composent nos tissus : c’est à cette échelle invisible que tout se joue.

 


          • la cellule normale


     La cellule est – nous l’avons déjà mentionné – la brique constitutive de tout être vivant. Elle se divise en deux parties : d’une part, limité par une membrane extérieure, le cytoplasme où se déroulent toutes les activités physicochimiques qui lui permettent de vivre et, d’autre part, un noyau qui contient le matériel génétique, l’ADN, qui lui permet de se répliquer.

  
     A l’échelon macroscopique qui est le nôtre, cette transformation permanente de milliards de cellules n’est guère apparente (sauf sur le très long terme). Chaque jour, par exemple, nous voyons notre peau qui nous semble toujours la même et nous supposons qu’il en va de même de tous nos organes. Pourtant notre peau change continuellement sous nos yeux qui ne le voient pas : ses couches superficielles sont certes des cellules mortes mais correspondant à un renouvellement complet des cellules cutanées en un peu moins d’un mois. Il en va de même – plus ou moins rapidement, plus ou moins lentement – de tous nos organes ; par exemple, les cellules de la paroi intestinale se renouvèlent en 10 à 25 jours, nos globules rouges ne vivent que quatre mois, les cellules du foie environ un an, etc.

  
     Qui dit renouvellement dit reproduction, en principe à l’identique, et c’est le rôle de l’ADN cellulaire de permettre cela. Au fur et à mesure de ces millions de processus de renouvellement, les erreurs ou mutations s’accumulent d’où un vieillissement de l’ensemble de l’organisme avec l’arrivée progressive et inéluctable de cellules – et donc d’organes – moins performantes, plus fragiles. Il s’agit là d’un phénomène naturel obligatoire qui, à terme, conduit à la disparition des individus que nous sommes.

 
     Dans certains cas néanmoins, les dysfonctionnements cellulaires peuvent aboutir à la formation de cellules atypiques, monstrueuses, dont la prolifération anarchique met en danger l’ensemble de l’organisme : c’est le cancer.

 


          • la cellule cancéreuse


     C’est une cellule devenue folle et qui, ayant perdu la faculté de se détruire comme toute cellule normale, vit éternellement. De ce fait, les cellules cancéreuses continuent à se multiplier au sein d’un organe où leurs compagnes ordinaires meurent (afin de se renouveler) pour constituer une tumeur qui va progressivement remplacer le tissu normal de l’organe. Ces cellules anormales se transforment petit à petit en éléments qui ont de moins en moins de rapport avec ceux d’origine et on parlera de cellules plus ou moins différenciées selon que l’on arrive ou non à reconnaître les tissus dont elles sont issues. A terme, on aboutit à des cellules « monstrueuses », à la taille fortement augmentée et au noyau démesuré, parfois bourré de chromosomes modifiés et siège d’une intense activité métabolique.

 

     Au début, toutefois, il ne se passe rien et ces formations nouvelles vivent au sein du tissu normal sans en modifier la fonction. On estime qu’il faut environ 100 000 cellules cancéreuses pour commencer à parler de tumeur maligne. De ce fait, il s’écoule un certain temps (on dit parfois qu’il faut environ 8 ans pour passer d’une première cellule cancéreuse à une tumeur macroscopiquement visible mais cela est bien sûr variable selon les types de cancers) et on comprend donc bien que c’est à ce stade de début, qu’il faut intervenir : après, c’est plus compliqué (mais nullement désespéré !). A un stade de plus, la tumeur – si on la laisse prospérer – envoie, par voie sanguine ou lymphatique, des colonies à distance, les métastases, qui sont autant de foyers nouveaux à combattre.

 
     Que se passe-t-il donc pour que de telles cellules modifiées apparaissent ?
     Dans le noyau de la cellule, les chromosomes sont formés de structures plus petites, les gènes, qui déterminent la fonction de la cellule et, à un échelon plus grand, des organes. Parfois, des mutations surviennent au sein d’un gène ou bien certains d’entre eux peuvent être « oubliés » lors de la réplication cellulaire. Normalement, la cellule possède des procédures de réparation qui lui permettent de corriger l’anomalie et c’est bien ce qui se passe le plus souvent. De temps à autre, malheureusement, ces mécanismes de réparation sont insuffisants et la cellule meurt ou, au contraire, devient immortelle, et susceptible de se reproduire à l’infini : c’est la cellule cancéreuse.

 
     Précisons d’emblée qu’une seule mutation ne peut conduire à l’apparition d’un cancer : c’est l’accumulation au fil du temps de mutations nombreuses, multiples, variées, qui aboutit au processus tumoral (la tumeur représentant l’ensemble des cellules anormales). On comprend dès lors que plus le temps passe, plus l’organisme vieillit et plus il y a de chances de voir apparaître un tel phénomène.

 


          • Gènes et oncogènes


     Normalement existent des gènes appelés proto-oncogènes qui stimulent la division cellulaire mais, sous certaines conditions, ils peuvent se retrouver sous une forme anormale : on appelle alors oncogènes ces gènes modifiés intervenant dans la constitution d’un cancer. Il en existe d’autres, les anti-oncogènes qui agissent en sens inverse (ce sont les gènes réparateurs auxquels je faisais précédemment allusion en parlant des mécanismes de réparation naturels de la cellule). L’activation des premiers sous l’effet d’agents plus ou moins extérieurs (sur lesquels nous reviendrons) ou l’inactivation des anti-oncogènes réparateurs conduisent donc à l’apparition d’un cancer.

 
     Le cancer (ici au singulier puisque j’évoque le mécanisme général de sa formation) est par conséquent une maladie génétique somatique, c'est-à-dire des tissus : c’est la dérégulation de la formation harmonieuse des cellules qui le provoque. Quelles sont les causes de cette dérégulation ?

 

 


Les agents favorisants


     Ils sont en réalité multiples et, en dépit de la masse d’informations que nous possédons sur le phénomène, sans doute ne sont-ils pas tous encore connus. Essayons d’en énumérer les principaux.

 


     • Certains cancers sont totalement héréditaires : c’est, par exemple, le cas du rétinoblastome, une tumeur extrêmement grave touchant les yeux et généralement diagnostiquée avant l’âge de deux ans ; ici, le malade est porteur de deux allèles (voir glossaire) pathologiques du gène RB1.

 


       • Le plus souvent, il s’agit d’un simple environnement génétique


     La personne est susceptible de développer un type particulier de cancer car il existe une notion de terrain : dans sa famille, des membres plus ou moins proches ont présenté des cancers particuliers et le fait de le savoir permet d’instaurer une surveillance plus attentive chez cette personne « à risque ». C’est, par exemple, souvent le cas des cancers du sein ou du colon. Les recherches récentes en génétique s’efforcent de découvrir quels sont les gènes dont sont porteuses ces personnes et qui les prédisposent ainsi.

 
     Au-delà des ces facteurs purement génétiques, il existe évidemment de nombreux facteurs externes éventuellement responsables de la survenue de cancers mais on soupçonne que la génétique n’est jamais totalement absente : certains individus seraient moins protégés contre l’exposition à l’un ou l’autre de ces facteurs de risque.

 


          • L’hygiène de vie


     C’est un élément fondamental de la lutte contre le cancer parce que, à vrai dire, c’est un des rares sur lesquels l’individu peut directement agir : l’alcool, le tabac, les drogues multiples et variées, une alimentation trop riche en graisses, notamment saturées, et pauvre en fibres, etc. sont des facteurs connus. Je disais précédemment qu’il existait une prédilection de terrain, certainement génétique, qui fait que tel individu sera particulièrement exposé en cas d’abus d’un de ces agents alors que d’autres y seront beaucoup moins sensibles. Certaines recherches actuelles travaillent sur ces notions de sensibilité personnelle et il sera peut-être un jour possible de prévoir les conséquences de tel ou tel abus. Pour l’heure, rien n’est sûr et il semble évidemment préférable d’être raisonnable…

 
     Il convient également d’ajouter que la juxtaposition de plusieurs de ces facteurs de risques ne fait pas que les additionner mais élève ces risques à grande échelle. On sait par exemple les ravages que peut causer l’association alcool-tabac qui multiplie les risques de cancer de la bouche, du pharynx, de l’œsophage ou de la vessie. En pareil cas, 1 + 1 = 3 (voire plus !).

 


          • L’environnement mutagène

   
     Les facteurs cancérogènes évoqués plus haut dans l’hygiène de vie (goudrons et gaz du tabac, alcool, etc.) se retrouvent également dans ce que l’on désigne du terme général d’environnement. La liste en est longue : radiations (naturelles ou non), substances cancérigènes contenues dans certains aliments ou certaines substances chimiques (produits que notre société dissémine dans la nature, émissions de gaz divers tels que ceux de certains moteurs, voire cosmétiques ou médicaments, etc.). Citons également les rayons ultraviolets qui, depuis la mode récente du « bronzage » ont fait exploser les statistiques des cancers de la peau, du nickel sur les cancers des sinus du visage, de l’amiante dans les mésothéliomes (voir glossaire) et, d’une manière plus générale, toutes les expositions, professionnelles ou non, à des produits toxiques dont certains commencent seulement à être soupçonnés. On pourrait presque dire que c’est l’envers des bienfaits de notre civilisation industrielle et c’est la raison pour laquelle il reste impératif d’en explorer tous les dangers.
 

 

     La médecine moderne comprend de mieux en mieux le cancer qui garde pourtant encore dans nos consciences une connotation terriblement péjorative. J’imagine volontiers que, les progrès de la médecine s’accélérant (et la survie des malades se banalisant), nous finirons par adopter une attitude plus objective vis-à-vis de cette maladie qui deviendra (presque ?) comme les autres. J’en veux pour preuve la terreur qu’inspiraient il y a quelques décennies la tuberculose ou la poliomyélite, terreur qu’on a heureusement fini par relativiser jusqu’à parfois même en oublier que ces affections sont encore dangereuses.
 

     Enfin, pour terminer mon propos, je souhaiterais faire deux remarques :

 

          1. le cancer n’est pas une maladie nouvelle : comme je le précisais au début de ce texte, il est certes en augmentation relative pour les raisons que j’ai évoquées mais il existe depuis toujours ; c’est ainsi qu’on a pu l’identifier sur des momies égyptiennes, c’est-à dire il y a plus de 3000 ans ; rappelons-nous aussi que le mot cancer vient du grec carcinos et qu’il fut pour la première fois utilisé par Hippocrate parce qu’il croyait que cette maladie ressemblait à un crabe.
 
          2. la progression des guérisons du cancer n’est pas uniquement une vue de l’esprit et un moyen de rassurer les malades : je me souviens très précisément de ces femmes atteintes d’un cancer du sein que, dans les années 70, en tant qu’interne d’un service hospitalier, j’allais visiter chaque matin ; ces femmes étaient – pour une raison que je n’ai jamais comprise – regroupées dans une aile du bâtiment que, à mi-voix, on appelait « l’antichambre de la mort », tant l’espoir de survie y était réduit. Aujourd’hui, la quasi-totalité de ces malheureuses malades serait sauvée. Mieux : elles auraient toutes repris une vie absolument normale moyennant une surveillance discrète une fois par an ! N’est-ce pas là un progrès fantastique en l’espace de quelques années ?

 

 

 

 

Glossaire (in Wikipedia France)

 

      * allèle : on appelle allèles les différentes versions d'un même gène. Chaque allèle se différencie par une ou plusieurs différences de la séquence de nucléotides (ADN ou ARN). Ces différences apparaissent par mutation au cours de l'histoire de l'espèce, ou par recombinaison génétique. Tous les allèles d'un gène occupent le même locus (emplacement) sur un même chromosome.

 

      * mésothéliome : c'est une forme rare et virulente de cancer des surfaces mésothéliales qui affecte le revêtement des poumons (la plèvre), de la cavité abdominale (le péritoine) ou l'enveloppe du cœur (le péricarde). Le mésothéliome pulmonaire est causé par l'exposition à des fibres minérales (comme l’amiante, ou l'érionite).

  

 

Images

 

   1.  cellules cancéreuses attaquées par le système immunitaire (sources :  www.alternative-cancer.net/)

   2. schéma d'une cellule normale (sources : www.chimie-sup.fr)

   3. colonie de cellules cancéreuses (sources : www.lefigaro.fr)

   4. facteurs de risques liés au cancer (sources : vincent.keunen.net/)

   5. crabe centolla (sources : www.astrosurf.com)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Brêve : le cancer est-il une maladie héréditaire ?

 

   Le lien entre hérédité et cancer était pressenti depuis longtemps. Ce n'est qu'en 1986 qu'un premier gène de prédisposition au cancer a été identifié, le gène RBI. Une mutation constitutionnelle du gène BRCA1, portée par un seul allèle, est associée à un risque très élevé (90%) de rétinoblastome dans les premiers mois de la vie. Depuis, grâce au clonage positionnel, une quarantaine de gènes de prédisposition ont été identifiés. Cela étant, on ne peut pas dire que le cancer est une maladie héréditaire. Ce que l'on peut dire, c'est que dans un certain nombre de cas, pas les plus nombreux, il y a une mutation génétique qui augmente le risque de développer un cancer. On sait par exemple que 45% des femmes présentant une altération du gène BRCA1 développeront un cancer du sein avant l'âge de 50 ans. Comme dans la population générale, ce risque a augmenté chez les femmes mutées au cours des dernières décénnies : il est deux fois plus élevé chez les femmes nées après 1940 par rapport à celui des femmes nées avant 1940.

Pr Dominique Stoppa-Lyonnet

chef du service de génétique oncologique à l'Institut Curie (Paris)

professeur à l'université René-Descartes (Paris-V)

(in Médecins, bulletin d'information de l'Ordre des Médecins, mars-avril 2009, n°4)

 

  

 

Mots-clés : cancer - mortalité en 2005 - cytoplasme - noyau cellulaire - mutations - métastases - proto-oncogène - oncogène - anti-oncogène - hygiène de vie - environnement mutagène

 (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

 

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Mise à jour : 1er mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #biologie, #Évolution

 

 

        

 

  

 

 

 

     Depuis qu’ils ont une conscience, rien n’a plus préoccupé les Hommes que l’explication du début de la Vie sur notre planète et donc la révélation de leur propre origine. Les religions ont cherché des réponses, variables selon les latitudes, mais il s’agissait alors plus d’un acte de foi que d’une approche scientifique rationnelle. La science a également longtemps hésité et s’il lui est encore impossible de trancher de façon définitive, elle a permis de tracer quelques pistes : voyons cela de plus près.

 

 

 


Des interrogations historiques

 


     L’explication de l’origine de la vie sur Terre occupe les esprits depuis toujours, en tout cas depuis plus de 2500 ans. Au début et en l’absence de toute étude scientifique crédible, hors de portée des savants de l’époque, la majorité des philosophes de l’antiquité proposèrent la notion de « génération spontanée » : Aristote, par exemple, imaginait que les êtres vivants, notamment les espèces dites « inférieures », sont la résultante d’une coagulation de terre et d’eau sous l’influence de la chaleur, celle du soleil notamment. Il pensait que « des forces » en sont responsables mais sans en expliquer ni l’origine, ni la nature. Cette notion de force sera secondairement reprise, notamment en Occident, par l’Eglise qui y verra un « élan vital », c'est-à-dire un principe d’inspiration divine qui, seul, peut transformer de la matière inanimée en êtres vivants. Durant des siècles on en restera là et il faudra attendre les travaux de Pasteur pour réfuter définitivement cette notion d’une création à partir de rien.

  
      Il faut dire que, quelques années auparavant, Darwin avait jeté un véritable pavé dans la mare avec sa théorie de l’évolution qui stipulait que tous les êtres vivants proviennent d’un ancêtre unique et ce grâce à la sélection naturelle, une théorie clairement mécaniciste guidée par la nécessité et, en fin de compte, par le hasard. Dès lors, les premières idées cohérentes sur l’origine de la Vie purent commencer à voir le jour.

  
     L’anglais John Haldane (1892-1964), ayant remarqué qu’un mélange d’eau, de gaz carbonique et d’ammoniac placé dans un milieu riche en rayons ultraviolets produit de la matière organique, propose alors une « soupe primitive prébiotique ». Pour lui, les radiations ultraviolettes provenant du Soleil (ou de décharges électriques des volcans ou de la foudre) cassent les molécules simples de l’atmosphère primitive et permettent ainsi la libération de radicaux qui se combinent rapidement pour former des molécules plus complexes et plus lourdes.

  
     Le russe Alexandre Oparine (1894-1980) lui emboîte le pas quelques années plus tard en expliquant que l’agrégation de molécules en molécules de plus en plus complexes finit par aboutir à une structure susceptible de se fermer par une membrane devenant ainsi une espèce de cellule primitive. En somme, on a affaire à une complexification progressive, la sélection naturelle se chargeant de conserver les structures les plus stables.

  
    Il faudra néanmoins attendre 1953 - et sa fameuse expérience - pour que l’américain Stanley Miller permette une avancée conceptuelle véritable.

 
 

 

 
L’expérience de Stanley Miller

 

  
     Dans les années 50, Stanley Miller (1930-2007) est un jeune étudiant qui prépare sa thèse de doctorat. Le scientifique s’intéresse à l’origine de la Vie sur Terre et aux conditions dont on supposait qu’elles prévalaient sur notre planète à son tout début. Il cherche donc à recréer ces conditions en construisant un dispositif comprenant deux grands ballons réunis par des tubulures de verre. Dans le premier, il met de l’eau chauffée sensée représentée l’océan primitif et dans le second un mélange de vapeur d’eau et de gaz parcouru par des décharges électriques (l’atmosphère primitive).

 

     Surprise : après environ une semaine, 2% du carbone du premier ballon ont été transformés en acides aminés qui, on le sait, sont les constituants indispensables à la matière vivante… Troublant ! D’autant que, cette même année 1953, Watson et Crick décrivent la structure en double hélice de l’ADN qui permet de comprendre enfin la transmission de l’information génétique. L’expérience de Miller est évidemment répétée par de nombreux scientifiques et l’un d’entre eux, en 1961, aboutit à la synthèse d’adénine, une des quatre bases constituant l’ADN !

  
     On ne peut évidemment s’empêcher de repenser à la théorie de Darwin pour qui le point de départ aurait pu être « un marais d’eau chaude contenant des sels d’ammoniac et de phosphore ayant conduit à la formation des premières molécules organiques grâce à l’action conjuguée de chaleur et d’électricité ». Si l’on ajoute à cela que c’est à peu près à cette époque qu’on commence à décrire des roches très anciennes ayant une origine biologique, les stromatolithes, on comprend qu’on puisse tenter d’imaginer sérieusement le cheminement de la Vie.

 

 

 

 

Les différentes étapes

 


     La Terre, comme l’ensemble du système solaire, s’est formée il y a environ 4,5 milliards d’années mais, au tout début, elle était impropre à l’apparition de la Vie : nous sommes encore dans un système instable avec des agrégations de roches (ayant conduit à la formation des planètes) et donc la présence de beaucoup d’objets errants. Notre planète est alors bombardée sans discontinuer par une foule de météorites plus ou moins grosses et le siège d’une importante activité sismique et volcanique : il faudra attendre 500 millions d’années pour que la situation se stabilise. Nous savons par ailleurs (les fameux stromatolithes déjà évoqués) qu’une vie rudimentaire était déjà présente vers – 3,5 milliards d’années. On peut donc en déduire que c’est un peu avant cette période que la Vie est apparue, finalement assez tôt dans l’histoire de notre globe.

 

 
          • La Terre d’origine, vers – 4 milliards d’années


     Les précipitations de météorites se sont raréfiées et les volcans quelque peu calmés. L’atmosphère de cette époque est composée principalement de méthane, donc irrespirable, mais elle est riche en eau et en hydrogène. La température de surface a diminué et le jeune Soleil brille moins qu’aujourd’hui, ses rayons étant filtrés par une atmosphère lourde et pesante. Toutefois, un élément fondamental est présent, le carbone, dont les quatre liaisons atomiques en font un candidat irremplaçable pour la formation de molécules susceptibles de donner des êtres vivants. Les océans sont par ailleurs un endroit idéal pour la solubilisation des molécules et l’apparition des premières briques chimiques du vivant, les acides aminés (voir plus haut l’expérience de Miller).

 

 
          •
Les acides aminés


     Ce sont eux qui sont le fondement de toutes les protéines existant sur notre planète. Associés à certaines molécules comme des acides gras (qui ont la particularité de former des gouttes, puis des vésicules), ils peuvent conduire tout naturellement à la formation de véritables protocellules (cellules primitives) sous certaines conditions de chaleur et de pression, peut-être à proximité de ces fameux « fumeurs noirs » encore présents au fond de nos océans et dont on sait qu’ils favorisent grandement la synthèse biochimique. Mais exister une fois ne suffit pas : pour survivre, un être vivant doit se dupliquer en transmettant à ses descendants les informations – son adaptation au milieu – qui lui ont permis d’exister. Il faut donc qu’apparaisse aussi une certaine forme de codage.

 

 
          • Apparition de la duplication : le monde de l’ARN


     La majorité des scientifiques d’aujourd’hui pensent que le codage primitif des premières protocellules est passé par l’ARN, plus simple que l’ADN (qui compose le code génétique du vivant actuel). Plus simple - et pouvant donc permettre les premiers échanges codés entre les structures qui deviendront de vraies cellules - mais également moins stable car il ne comprend qu’un seul filament, forcément fragile. Atout toutefois primordial : ce filament peut se répliquer par simple contact. A l’inverse, ce n’est pas le cas de l’ADN, composé de deux filaments collés l’un à l’autre (la double hélice), qui est infiniment plus stable mais incapable de se répliquer seul puisqu’il faut « l’ouvrir, le lire et copier l’information génétique ». L’association des deux types d’acides nucléiques conduit à ce que l’on sait de nos jours de la transmission génétique : le « code du vivant » est stocké dans l’ADN qui varie très peu et est lu par des ARN (« messagers », « de transfert », etc.) qui permettent la transformation de l’information en molécules très précises, toujours les mêmes.

 

 
          • Le monde de l’ADN et l’arbre de l’évolution


     Du fait de cette association ADN/ARN, une information génétique invariable (moins les inévitables « mutations », voir le sujet les mécanismes de l'évolution) peut se transmettre et permettre l’organisation d’un être vivant qui sait se reproduire. Ensuite, l’Evolution n’a plus qu’à se faire – avec le temps, beaucoup de temps – vers une complexification progressive, le tout sous l’emprise de la sélection naturelle, un mécanisme automatique… On peut résumer cette avancée de la façon suivante :

 

 
* entre – 4 et – 3 milliards d’années : apparition des cellules procaryotes (c'est-à-dire sans noyau) où l’information génétique encore rudimentaire est emmagasinée dans une simple enveloppe lipidique qui contient les enzymes nécessaires au fonctionnement cellulaire ;

 

 
* entre – 3 et – 1,5 milliards d’années : apparition des cellules eucaryotes qui comprennent non seulement une enveloppe externe séparant la cellule de son milieu mais également une deuxième enveloppe, interne et constituant le noyau, qui protège l’information génétique du cytoplasme où se font les réactions cellulaires ;

 

 
 * entre – 2 et – 1 milliard d’années : certaines cellules accueillent des organites, c'est-à-dire de petites structures spécialisées (comme les mitochondries) dont on pense aujourd’hui qu’elles sont issues d’une association (une symbiose) entre les cellules eucaryotes et des bactéries archaïques ;

 

 
* vers – 1 milliard d’années : des cellules, toutes semblables, s’organisent pour former des structures plus grandes et plus complexes sous forme de filaments organiques ;

 

 
* vers – 500 millions d’années : apparition des tissus qui, peu à peu, comprennent des cellules de plus en plus spécialisées. On aboutit alors à la formation d’organismes pluricellulaires. La suite est connue… Précisons quand même que, si la vie est apparue relativement tôt dans l'histoire de la Terre, il aura fallu attendre plus de 3 milliards d'années pour voir exploser la biodiversité !

 
 

 

 
Le point de départ

 

 
     • L’atmosphère


     J’ai déjà longuement évoqué l’expérience de Miller qui orientait l’apparition de la Vie vers un point de départ atmosphérique. Malheureusement, on sait à présent que l’atmosphère primitive n’était probablement pas celle que le scientifique avait retenue : l’atmosphère primitive était plus composée de dioxyde de carbone et d’azote que de méthane et d’ammoniac. Or le mélange azote/dioxyde de carbone est moins propice à la formation des acides aminés. Pour compenser cette relative limitation, il faut ajouter la présence d’une assez grande quantité d’hydrogène ce qui est finalement loin d’être impossible : comme on le verra, ce dernier aurait pu se former autour des sources hydrothermales. Une autre objection souvent avancée est la durée : pour que ces mécanismes s’enclenchent, il est nécessaire que cette atmosphère un peu particulière reste stable sur une plutôt longue période. Combien de temps ? Cela reste encore à déterminer. Quoi qu’il en soit, l’apparition de la Vie sur Terre à partir d’une atmosphère plus ou moins enrichie en hydrogène et parcourue de décharges électriques est assez bien acceptée par les scientifiques actuels. Ce mécanisme n’est bien sûr pas le seul retenu.

 

  
     • Les océans


     Dans un sujet précédent (voir sujet vie extraterrestre - 2), j’évoquais une des conditions semble-t-il indispensable à l’émergence du vivant : l’eau liquide. Dès lors, comment ne pas penser aux océans, présents très tôt sur notre planète ? A vrai dire, jusque dans les années 70, on voyait assez mal comment ceux-ci auraient pu intervenir (un échange de surface ?) mais, à cette époque, pour la première fois, sont décrites les sources hydrothermales profondes, les « fumeurs noirs ». Riches en ressources minérales, ces fumeurs sont également une importante source d’énergie provenant des entrailles de la Terre et on peut imaginer assez facilement que ce soit dans leur environnement qu’apparurent les premiers acides aminés : certains scientifiques en sont convaincus.

 

  
     • Les solutions alternatives

 


     * la panspermie : formulée au début du 20ème siècle, cette hypothèse envisage l’apport de molécules organiques venues d’ailleurs que de la Terre, au moyen de certaines météorites qui, ainsi, pourraient faire transiter ces premières briques du vivant d’une planète à l’autre. Voire, pourquoi pas ?, de bien plus loin, d’au-delà du système solaire, en une sorte de gigantesque « pollinisation » de la Vie dans l’espace interstellaire… Tombée en désuétude depuis les années 1950 (Miller, toujours lui !), elle possède encore certains partisans mais notons au passage que la théorie ne fait que repousser le problème : il faut bien qu’il y ait eu quelque part un début…

 

 
     * les autres planètes : on sait que certaines météorites retrouvées sur le sol de notre planète sont d’origine extra-terrestre : quelques unes d’entre elles proviennent de la Lune mais il s’agit là de notre proche banlieue et d’un astre certainement stérile. En revanche, les météorites d’origine martienne témoignent de relations certaines entre les deux planètes : dès lors, pourquoi ne pas imaginer que… C’est tout l’enjeu de l’exploration de Mars, actuellement en cours, mais qui, jusqu’à présent, ne nous a pas révélé grand-chose et, de toute façon, là aussi on repousse le problème.

 
     Il existe dans le reste du système solaire des planètes – notamment certains satellites des géantes gazeuses – qui ont été proposées. Encelade, par exemple, un satellite de Saturne, sur lequel les scientifiques ont cru déceler des geysers d’eau liquide et quelques composés organiques, ou Titan, une autre lune de Saturne. Ailleurs, c’est Europe, satellite de Jupiter, qui est appelé à la rescousse car on soupçonne que cette planète recèle peut-être un océan d’eau salée… mais recouvert d’une couche de glace de 100 km d’épaisseur ! Bref, on cherche.

 

  

     Au bout du compte, quand on souhaite comprendre l’origine de la Vie, on s'aperçoit que la science actuelle suit des pistes sérieuses. Il est probable que l’apparition des premières cellules, puis leur réplication, a dû se faire – à certaines possibles nuances près – comme cela vient d’être sommairement décrit dans ce sujet. Il paraît par contre plus malaisé de savoir avec certitude si cette première manifestation de la Vie s’est effectivement faite sur Terre et si oui, dans quel milieu plus spécifique. Peut-être, d’ailleurs, cette certitude nous échappera-t-elle toujours mais une chose semble certaine à mes yeux : compte-tenu du nombre incroyable de planètes existant dans l’Univers (il y en a des milliards de milliards, dans notre Galaxie et ailleurs), il semble évident à tout homme de bonne foi comprenant les statistiques les plus élémentaires que cette « émergence » du vivant que l’on commence à peine à comprendre s’est forcément déjà produite ailleurs. Et se produira encore. C’est la raison qui le veut.
 

 

 
 

 Images

 
1. la création d’Adam, Michel Ange, chapelle Sixtine
(sources : : www.svt.ac-versailles.fr/)
2. Louis Pasteur (sources : fr.wikivisual.com)
3. expérience de Stanley Miller (sources : : planete-terre.tripod.com/)
4. la double hélice d'ADN (sources : www.ogm.gouv.qc.ca)

5. un "fumeur noir" (sources : www.ifremer.fr)

6. ciel lointain (sources : irfu.cea.fr)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 Brêve : l'ARN peut s'aurorépliquer

 

     Des chercheurs de l'Institut Scripps Research en Californie ont réussi à répliquer de l'ARN sans l'aide de protéines. Ils ont associé deux ARN dont chacun assure la réplication de l'autre. Le système s'autoréplique ainsi indéfiniment à l'identique. Avec parfois des erreurs, sources de mutations et donc de diversité, comme avec l'ADN. Voilà qui renforce l'hypothèse que les prémisses de la vie reposent sur des ARN jouant tous les rôles nécessaires à la vie.

(Science & Vie, 1098, mars 2009)

  

 

 Mots-clés :  Aristote - génération spontanée - Pasteur - Darwin - John Haldane - Alexandre Oparine - Stanley Miller - ADN - double hélice - ARN - stromatolithes - fumeurs noirs - cellule procaryote - cellule eucaryote - mitochondrie - sources hydrothermales - panspermie

  (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 Sujets apparentés sur le blog :

 

1. les mécanismes de l'Evolution

2. Vie extraterrestre (2)

3. pour une définition de la Vie

4. le rythme de l'évolution des espèces

5. le hasard au centre de la Vie

6. origine du système solaire

 

 

 

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Mise à jour : 2 mars 2023

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