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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie

 

 

 

 

 

 

 

     Le 30 juin 1908, à 7h07 du matin (heure locale), dans un lieu désert de la Sibérie appelé Toungouska, une violente explosion se produisit, explosion perçue jusqu’à 1500 km de distance : une météorite venait de pénétrer dans l’atmosphère terrestre et avait explosé à environ 8 km de hauteur provoquant une boule de feu entraînant des dégâts considérables au sol. La forêt se retrouva détruite sur une superficie de 20 km2 tandis que les conséquences de l’onde de chaleur s’étendirent sur plus de 100 km aux alentours. On a postérieurement estimé l’énergie libérée par l’explosion à 15 mégatonnes. Postérieurement, en effet, car, à cette époque, la Russie était, comme on le sait, le lieu de troubles politiques majeurs et ce n’est que près de 20 ans plus tard (en 1927) qu’une expédition scientifique fut menée mais qui ne retrouva ni cratère, ni débris. En revanche, le spectacle restait encore apocalyptique puisque les scientifiques découvrirent des forêts entières de pins renversés et couchés au sol. Une telle catastrophe se serait elle produite au dessus de Paris que la ville entière aurait été détruite. On ne peut s’empêcher de penser à la météorite du Yucatan qui, il y a 65 millions d’années, a été accusée de la disparition des dinosaures… (voir sujet : la disparition des grands sauriens). Une question vient immédiatement à l’esprit : une telle catastrophe pourrait-elle à nouveau se produire ?

 

 

 

 

Objets volants identifiés

  

     Il existe de nombreux corps célestes (en astronomie, on préfère utiliser le terme « d’objets ») susceptibles de heurter notre bonne vieille Terre. Pour les anciens, ces corps célestes représentaient la colère des Dieux et le juste châtiment que méritaient les Hommes pour leurs (supposés ou non) méfaits. De nos jours, les scientifiques les ont classés selon leur nature ou leur provenance mais ces objets ont tous en commun le fait de passer à proximité de notre planète dont la masse, selon les circonstances, peut attirer certains d’entre eux. L’immense majorité des matériaux susceptibles de rencontrer la Terre sont les météorites et c’est sur cette classe bien spéciale de corps célestes que je souhaiterais insister mais j’aborderai également, quoique bien plus brièvement, d’autres objets, comme les astéroïdes et les comètes, dont des fractions peuvent, pour une raison ou une autre, se comporter comme des météorites, entraînant alors des catastrophes comme celle de Tangouska, rapportée précédemment.

 

 
          Les météorites

 

     En fait, notre globe est constamment bombardé par des météorites, c’est-à-dire par de la matière interstellaire qui, attirée par l’attraction terrestre, vient s’écraser sur son sol : on estime que la masse totale de cette matière est d’environ plusieurs centaines de tonnes par an. Aucune raison de s’inquiéter toutefois car la quasi-totalité de ces météorites sont d’une taille souvent minuscule ! De plus, l’atmosphère de notre planète détruit presque toujours ces objets comme on peut le constater par comparaison avec notre satellite, la Lune, dont la surface sans protection est constellée de cratères de tailles diverses… A leur arrivée dans l’atmosphère terrestre, en effet, les météorites s’échauffent par frottement avec l’air et s’accompagnent alors d’une trainée lumineuse (phénomène de ionisation) : c’est la raison pour laquelle on parle « d’étoiles filantes » et leur observation par une belle nuit claire est souvent superbe, notamment à certaines époques de l’année lorsque la Terre traverse des régions de l’espace riche de ces débris. C’est, par exemple, le cas en juillet et en août quand la Terre rencontre un essaim de poussières nommé Perséides ce qui permet alors d’assister au spectacle merveilleux d’une véritable « pluie d’étoiles ».
 
     La vitesse d’entrée de ces corps célestes varie entre 10 et 20 km/seconde mais, comme nous l’avons vu, cette vitesse est freinée par l’atmosphère et les plus petits de ces objets (ou ce qu’il en reste) ne s’enfoncent guère dans le sol. La plupart du temps, ils pèsent moins d’un gramme (on parle de poussières) et ils sont détruits à leur entrée dans l’atmosphère de même que ceux qui pèsent de quelque grammes à quelques centaines de grammes (mais ces derniers s’ils sont également détruits sont bien visibles lors de leurs chutes par le panache lumineux qu’ils laissent derrière eux). Quand ils pèsent quelques kg, ces objets atteignent le sol (très transformés évidemment par la chaleur) et ce sont eux dont on peut retrouver des débris. Seuls les très gros – mais aussi les plus rares – sont susceptibles de creuser des cratères ou d’entraîner des raz-de-marée s’ils tombent en mer. On cite, par exemple, le « meteor crater » de l’Arizona qui a un diamètre de 1,2 km pour une profondeur de 150 m et qui correspond à une météorite de près de 2 millions de tonnes qui s’est abimée à cet endroit il y a 50 000 ans. Un événement fort rare heureusement !
 
     On classe les météorites selon leur composition variable en métal-silicates ce qui donne trois catégories : les fers, les pierres (ou chondrites) et les lithosidérites (qui ont une proportion à peu près égale de pierre et de métal). Quand on les observe de près, ces petits grains (ou au mieux ces petites pierres) aux formes variées, souvent émoussés, ne sont guère spectaculaires au point qu’il faut un œil exercé pour les reconnaître.
 
     Sait-on vraiment d’où ils viennent ? La théorie la plus acceptée est que ces météorites sont les témoins des premiers instants de la formation du système solaire, au moment où il n’existait qu’une nébuleuse informe entourant le Soleil naissant. Cette nébuleuse, on l’a déjà dit, a conduit par un simple phénomène d’accrétion à la formation des planètes mais une part infime de ce matériau est restée en l’état. A l’instar des astéroïdes, la grande majorité des météorites gravite entre Mars et Jupiter et, éjectés de leur trajectoire naturelle lors de collisions, leurs fragments seraient déviés et en viendraient ainsi à côtoyer notre planète…
 
     Quoi qu’il en soit, de tout temps, on a pu observer des météorites et certaines sont restées fameuses. De tout temps ? Pas tout à fait car, longtemps, les théories religieuses ont prétendu que seule la Terre était solide et que, en conséquence, aucune véritable matière ne pouvait provenir des cieux… Jusqu’à une météorite restée célèbre : celle qui tomba en Alsace, à Ensisheim, le 7 novembre 1492. Comme cette météorite pesait 127 kg et qu’elle a été vue (et retrouvée) par beaucoup de monde, il était difficile de continuer à prétendre que le ciel ne renfermait que des entités immatérielles… D’autres météorites sont restées dans l’histoire : outre la météorite de Toungouska déjà mentionnée, on peut citer l'averse de Pultusk en Pologne, en 1868, estimée à cent mille morceaux (218 kg de pierres ont été alors recueillis) ou celle de Valera (Venezuela), en 1972, qui pesait presque 40 kg et est notamment connue pour avoir tué une vache…
 
     Avant d’évoquer les astéroïdes et les comètes dont proviennent les météorites les plus conséquentes, je voudrais revenir un bref instant sur des questions de terminologie qui, parfois, entraînent la confusion :
 
* on appelle étoile filante le phénomène lumineux observé lors de la chute de poussières, nous l’avons déjà mentionné ;
 
* un bolide est un objet assez gros qui se brise dans l’atmosphère et dont l’énergie laisse une traînée parfois importante et surtout persistante : une météorite, durant sa chute, est donc un bolide !
 
* une météorite est, nous l’avons dit, un objet assez gros pour que l’on en retrouve des fragments au sol ;
 
* les poussières, trop petites pour se consumer, sont appelées micrométéorites et elles représentent près de 90% de l’apport de matériaux extraterrestres ;
 
* enfin, les météores ne sont que des phénomènes météorologiques banals : le vent et la pluie sont des météores ! La trainée de lumière laissée par une météorite est un météore… Inutile de préciser qu’il ne faut donc pas confondre ces deux termes.

  


               Les astéroïdes


     Il existe entre Mars et Jupiter une foule d’objets de taille variable mais pour une moyenne d’environ 2 km : ce sont des astéroïdes (on parle d’ailleurs à cet endroit de la « ceinture d’astéroïdes »). Comme les planètes, ces objets tournent autour du Soleil sans toutefois en perturber les orbites en raison de leur taille totale finalement assez faible. On évalue leur nombre à plusieurs millions mais la plupart ne sont que de grosses pierres. Quelques uns, toutefois, sont plus importants en masse : les trois plus gros sont respectivement Cérès (910 km de diamètre), Pallas (520 km) et Vesta (500 km). Au total, 34 de ces objets dépassent les 100 km de diamètre. Leur origine est finalement plutôt mal connue, l’hypothèse la plus vraisemblable restant que, lors de la formation du système solaire, une planète aurait pu se constituer à cette distance du soleil mais qu’elle n’y est pas arrivée, peut-être en raison de la présence de Jupiter et de sa forte gravitation…

 
     En 2006, l’Union astronomique internationale a cherché à uniformiser toutes les définitions et données sur les objets du système solaire : c’est ainsi que Pluton, autrefois la neuvième planète, a été déchue de son rang pour devenir une « planète naine » et, du coup, le plus gros des astéroïdes, Cérès, est lui-aussi devenu une planète naine… tout en gardant son statut d’astéroïde. Mais, au fond, qu’importent pour notre sujet ces discussions sémantiques : ce qui compte, c’est que les astéroïdes sont de grands pourvoyeurs de météorites (on peut également dire que les météorites ne sont que des astéroïdes qui s’écrasent sur la Terre) et que le risque de collision avec notre globe, s’il est négligeable, n’est pas nul, comme nous le verrons plus loin.


 
          Les comètes


     Contrairement aux astéroïdes qui, comme les planètes, tournent autour du Soleil, les comètes traversent le système solaire selon des trajectoires variables (nous y reviendrons). Une comète est un agglomérat de poussières et de glace le plus souvent sphérique. La plus grande partie d’entre elles viennent des confins du système solaire, plus précisément d’un endroit fort éloigné, au-delà de l’orbite de Neptune, appelé le nuage (ou système) de Oort (du nom de son découvreur hollandais). Comme la ceinture d’astéroïdes, ce nuage de Oort s’est formé au tout début du système solaire, il y a 4,6 milliards d’années, mais dans des régions beaucoup plus froides car très éloignées de l’étoile centrale. On peut penser que, en raison de phénomènes de gravitation dus aux étoiles voisines, de temps à autre, certains de ces corps lointains « basculent » dans l’intérieur du système : certains ne passent qu’une seule fois (et sont probablement rapidement détruits) tandis que d’autres – comme la comète de Halley qui « revient » tous les 76 ans – deviennent périodiques… acquérant des trajectoires elliptiques (allongées) qu’ils maintiendront jusqu’à l’épuisement progressif de leur matière puisqu’ils en perdent un peu à chaque fois qu’ils se rapprochent du Soleil. De ce fait, plus la comète se rapproche de notre étoile, plus cette espèce de boule de neige sale se « sublime » et laisse une traînée parfois impressionnante sur des millions de km : sa queue. Une queue (en grec, queue se dit « coma », d’où le nom de comète) qui n’est, de la Terre, que la partie évidemment visible de l’objet. On comprend aussi qu’il puisse arriver que, à proximité d’une planète et de sa force d’attraction, une comète puisse être « capturée » par elle et vienne s’écraser à sa surface sous la forme d’une météorite… tandis que, ailleurs, sa queue composée de poussières peut traverser l’orbite de la Terre et donner ces étoiles filantes que j’ai mentionnées plus haut.

 
     Si l’on exclut la plus grande source de matière stellaire, les micrométéorites qui passent le plus souvent inaperçues, les objets susceptibles de poser problème par leur taille sont donc des fragments soit d’astéroïdes, soit de comètes. Mais ce risque est-il important ?

 

 

 

 

Chroniques de catastrophes annoncées

 


     La dernière statistique des objets de taille conséquente que nous possédons date de 2008. Elle nous apprend que, dans un rayon de 200 millions de km autour du Soleil, environ 5500 comètes et astéroïdes ont été repérés et sont donc suffisamment proches de la Terre pour qu’on les identifie. Ils sont appelés géocroiseurs ou NEO (pour Near Earth Objects) mais seuls certains d’entre eux sont considérés comme réellement dangereux : ce sont ceux qui mesurent plus de 150 m de diamètre et croisent à moins de 7,5 millions de km de notre globe. La statistique de 2008 en dénombre près de 900. C’est la raison pour laquelle des observatoires astronomiques sont spécialisés dans la surveillance de leurs trajectoires, notamment celle d’un astéroïde du nom d’Apophis, un géocroiseur de 270 m de long pour une masse de 27 millions de tonnes qui passera à 32 000 km de la Terre en 2029…

 
     La chute d’une météorite géante sur la surface de notre globe est statistiquement inévitable et, comme par le passé, cette chute, si elle ne peut être évitée, entraînera des dommages considérables… Mais il faut savoir raison garder : la survenue d’une telle catastrophe durant les milliers d’années à venir est quasi-nulle. Il est tombé de tels monstres sur Terre par le passé (et d’autant plus qu’on se rapproche des débuts instables du système solaire) mais ces faits sont extrêmement rares car se chiffrant en termes de millions d’années. Comme j’ai déjà eu souvent l’occasion de le dire, la vie d’un homme (et même de l’Humanité) est extraordinairement brève en comparaison de la vie de notre planète : c’est pour cela que de tels événements – certes toujours possibles – sont infiniment peu probables de notre vivant…

 

 

 

Compléments : classification récente (septembre 2010)

 

* sur les 535 000 astéroïdes connus (au 22 septembre 2010), 7211 sont des géocroiseurs, c'est-à-dire des objets qui passent à moins de 45 millions de km de la Terre.

* Leur taille varie de 32 km de diamètre pour les plus gros jusqu'à quelques mètres pour les plus petits.

* Chaque année, ce sont environ 800 nouveaux géocroiseurs qui sont découverts.

* Sur le millier de géocroiseurs plus grands que 1 km, 90% ont été identifiés. Aujourd'hui, les recherches se focalisent sur les objets mesurant entre 100 m et 1 km dont la population est estimée à quelques 28 000 et dont 15% sont connus.

* Selon leur orbite, les géocroiseurs sont divisés en trois familles : les Alten (6%) dont l'orbite s'inscrit la plupart du temps à l'intérieur de celle de la Terre, les Apollo (62%) qui circulent entre la Terre et Mars et les Amor (32%) qui, contrairement aux deux autres, frôlent l'orbite terrestre sans la couper.

* Selon leur composition, il en existe trois grands groupes : les astéroïdes carbonés (75%), rocheux (17%) et métalliques (8%).

Sources : Science & Vie, 1118, p. 51, novembre 2010

 

 

 

 

Brêve : le double évènement du 15 février 2013

 

     La presse internationale a abondamment parlé d'un double événement rarissime survenu le 15 février 2013 : ce même jour, le matin, une météorite a explosé au dessus de la Russie tandis que le soir un astéroïde d'une certaine importance frôlait la Terre.

 

    La météorite s'est désintégrée au dessus d'une ville  de 1 million d'habitants, Tcheliabinsk, située dans l'Oural. En moins de quatre secondes, l'objet assez conséquent puisque possédant un diamètre de 17 mètres et pesant près de 10 000 tonnes, s'est désintégré en  illuminant brusquement le sol. Sa vitesse de pénétration dans l'atmosphère a été  estimée à 18 km/sec et on estime qu'il a relâché une énergie de 500 kilotonnes, soit 30 fois la puissance de la bombe d'Hiroshima... L'engin a causé plus de 1000 blessés, essentiellement par bris de verre consécutifs à la violence de l'explosion, et entraîné des dégâts estimés à plus d'un milliard de roubles. C'est l’objet le plus gros à s’être heurté à l’atmosphère terrestre depuis la météorite de Tongouska, en 1908.

     Par ailleurs, ce même jour – extraordinaire coïncidence - , la Terre était frôlée dans la soirée par un bolide géocroiseur baptisé 2012 DA 14. L’objet, visible à la jumelle en France vers 21h ce jour-là, est passé à une distance d’environ 28 000 km, soit bien en dessous des satellites géostationnaires qui orbitent à 36 000 km. Bien que de taille relativement modeste (la moitié d’un terrain de football), il est clair que, animé d’une vitesse d’approche de 7.8 km/sec, s’il avait dû percuter une zone habitée de notre planète, il aurait causé d’immenses dégâts ! Les scientifiques étaient toutefois sereins car la trajectoire de ces objets peut se calculer des années à l’avance et il n’y avait ici aucun risque…

     On peut donc constater, par cette double actualité, que les bolides naviguant dans notre espace proche ne sont pas que des vues de l'esprit !

 

 

 
Images
1. la catastrophe de Toungouska (sources : www.unisciences.com)
2. étoiles filantes (sources : schmilblickblog.canalblog.com)
3. formation du système solaire, vue d'artiste (sources : www.space-art.co.uk)
4. l'astéroïde Cérès vu par le télescope spatial Hubble (sources : www.science-et-vie.net)
5. la comète de Halley (sources : www.gulli.fr)

 

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 
 
Mots-clés : Toungouska - météorite - astéroïde - comète -étoiles filantes - Perséides - chondrite - lithosidérite - Ensisheim - Pultusk - Valera - bolide - météore - ceinture d'astéroïdes - Cérès - Pallas - Vesta - planète naine - nuage de Oort - comète de Halley - géocroiseur - NEO - Apophis

 

 (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. origine du système solaire

2. la disparition des dinosaures

3. l'énigme de la formation de la Lune

4. les sondes spatiales Voyager

 

 

  

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Mise à jour : 1 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #biologie

 

 

  Vénus sortant des eaux (Boticelli, 1486)

 

 

 

     J’ai récemment abordé ce que la science actuelle suppose être l’origine de la Vie sur Terre mais une question – fondamentale - se pose aussi : au bout du compte, sait-on vraiment ce qu’est la Vie ? Comme on va le voir, la réponse à cette question en apparence simple n’est pas si évidente que ça. Encore aujourd’hui, il n’est pas facile de déterminer avec certitude les limites séparant la matière vivante de la matière inanimée… Prenons quelques exemples pour poser le problème :

 
          1. Chez l’être humain, par exemple, à quel moment peut-on situer cette frontière ? A quel instant précis peut-on dire avec certitude qu’un enfant est vivant ? Au stade de l’embryon, du fœtus, plus tard ? Dans un autre sujet (voir sujet : cellules souches), j’ai abordé cette question qui divise tant les hommes et on a pu voir que les réponses étaient très divergentes selon l’interlocuteur et la discipline dans laquelle il officie…

 
          2. De la même façon, un être plongé dans un coma dit dépassé est-il encore vivant ? La réponse que l’on doit apporter à cette question est extrêmement complexe et, pourtant, elle conditionne l’attitude que le médecin devra adopter : poursuivre la « réanimation » ou, au contraire, « débrancher » ce malade jugé complètement irrécupérable…

 
          3. Dans un autre ordre d’idées, s’il est assez facile de prétendre qu’une bactérie est vivante, que dire d’un virus dont on sait qu’il ne peut se reproduire sans la cellule qu’il infecte ?

 
     Ces exemples pris un peu au hasard montrent, s’il en était besoin, qu’une définition de la Vie n’est pas aussi aisée qu’il y paraît. Pour approcher d’une réponse acceptable, revenons-en – comme le dit l’expression – « aux fondamentaux », c'est-à-dire essayons de définir ce qu’est la Vie. 

 

 

 
 
Définir la matière vivante

 


     D’une façon générale, les religieux considèrent que la Vie est un mystère et qu’il est parfaitement illusoire de chercher à la définir. Bien que tout à fait respectable d’un point de vue strictement religieux, voire philosophique, il est certain que cette approche ne saurait satisfaire un esprit scientifique. Quelles sont donc les spécificités de la matière vivante ou, dit d'une autre façon, les caractéristiques de base qui la différencient des objets inanimés ? Les biologistes avancent quatre conditions pour affirmer qu’un être est vivant :


          1. Il doit échanger de la matière et de l’énergie avec son environnement : pour se maintenir en vie, l’être vivant doit satisfaire ses besoins en énergie, ou plutôt le besoin de ses cellules ; pour cela, il lui est nécessaire de prendre dans le milieu qui l’entoure les nutriments indispensables et les assimiler (afin d’assurer la vie et le renouvellement des cellules qui le composent). Les réactions chimiques qui en découlent lui procurent de l’énergie qui sera utilisée par lui, les éléments non utilisables (et les produits de dégradation) étant éliminés de façon à ne pas intoxiquer l’organisme : c’est ce que l’on appelle le métabolisme.

     En réalité, il s’agit d’une recherche d’équilibre qui le conduit, cet être vivant, à se développer et à augmenter sa biomasse d’où sa croissance progressive, plus ou moins rapide, mais toujours « programmée » par son matériel génétique. Cette croissance est d’ailleurs fort variable, allant de quelques jours à des milliers d’années, et passe par tous les stades évolutifs obligatoires de l’espèce à laquelle il appartient pour aboutir enfin à sa disparition inévitable.


          2. Il doit être autonome : pour qu’on puisse affirmer qu’il est vivant, l’individu doit être distingué de son milieu et posséder « en lui-même » la capacité de disposer de soi (à l’inverse d’un ordinateur qui reçoit ses instructions de l’extérieur). Cette autonomie est plus ou moins grande ; le lichen est, par exemple, l’association de deux êtres vivants, une algue et un champignon, qui seraient bien incapables de vivre seuls : ils ne peuvent subsister que par l‘existence de leur symbiose. Ailleurs, certains insectes, comme les fourmis ou les abeilles, meurent quand ils restent trop longtemps isolés de leurs groupes. Quoi qu’il en soit, si dans certains cas, l’autonomie des individus est plus limitée, elle n’en existe pas moins.

 

          3. Il doit être capable de se reproduire : il va de soi que l’individu vivant doit posséder (du moins statistiquement quand on considère les espèces) le moyen de donner naissance à des descendants. Il lui faut, en quelque sorte, se dupliquer à l’identique afin que l’espèce dont il fait partie se maintienne puisque lui, l’individu, est promis à une mort certaine. Toutefois, on le sait bien, le « descendant » n’est pas exactement semblable à son géniteur : c’est particulièrement vrai pour la reproduction sexuée où le nouvel individu acquiert des caractères provenant de ses deux parents. Il n’empêche que, en termes d’espèce, la descendance est globalement identique à la génération qui l’a précédée. Cette particularité est possible (comme nous l’avons précédemment vu dans le sujet origine de la Vie sur Terre) grâce à l’hérédité, c'est-à-dire la conservation des caractères parentaux, par l’intermédiaire de la transmission de l’ADN contenu dans les cellules. Pour cela, il doit être composé d’au moins une cellule (séparation du milieu ambiant) dont les plus évoluées contiennent un noyau protégeant le matériel et l’information génétiques. Ensuite, de la cellule à un individu plus complexe, tout n’est plus qu’une question d’organisation, de complexification.

 


          4. et, enfin, il doit évoluer au fil du temps, c'est-à-dire se transformer selon son environnement : les espèces, et donc les individus qui les composent, s’adaptent en permanence au milieu qui les entoure. Comme il est impossible de conserver un environnement strictement identique (bien qu’il soit dans l’ensemble assez stable), il est en effet indispensable que des modifications apparaissent chez les individus ; de ce fait, certains de ceux-ci ayant conservé des caractères anciens (ou dits archaïques) seront progressivement remplacés par des individus nouveaux, mieux adaptés, mieux armés pour survivre : c’est cela que l’on appelle la sélection naturelle. Ces modifications, le plus souvent invisibles durant une vie humaine qui est fort courte par rapport à la vie des espèces, se produisent par des mutations génétiques sur le rythme desquelles les scientifiques sont à peu près arrivés à se mettre d’accord (voir le sujet les mécanismes de l'évolution).


     Une condition subsidiaire est parfois avancée (mais elle est contenue en filigrane dans les conditions déjà listées) : la possibilité pour l’individu de répondre aux stimuli du monde qui l’entoure. Ces réactions sont variables selon les espèces : les animaux réagissent rapidement en fuyant, en se cachant ou, parfois, en attaquant, tandis que les plantes le font beaucoup plus lentement (mais de façon certaine comme le prouve, par exemple, l’observation des fleurs s’ouvrant ou se fermant selon l’ensoleillement).

 

 
     En fin de compte, la vie est diverse mais les conditions que nous venons d’énumérer sont toujours plus ou moins présentes. Des millions d’êtres vivants peuplent notre planète, interagissant entre eux ou avec leur milieu, et c’est ce qui en fait d’ailleurs toute l’originalité et la beauté. Est-ce à dire que nous venons d’expliquer de façon certaine ce qu’est la Vie ? Ce n’est pas aussi simple !
 

 

  
Contre-exemples

 


     En introduction de cet article, j’ai mentionné quelques cas (il y en bien d’autres) où il paraît difficile de faire la différence entre le vivant (ou le déjà mort), en rapportant, par exemple, la perplexité qui saisit le médecin devant un individu en coma dépassé. Voilà un être qui a vécu, pensé, aimé, etc. et qui à présent repose sur un lit d’hôpital, entouré de machines destinées à assurer ses fonctions vitales. Pour l’observateur, le malade (?) respire, son cœur bat et il est alimenté de façon à entretenir les cellules de son corps. Toutefois, son électro-encéphalogramme est plat, c'est-à-dire que son cerveau semble ne plus être l’objet d’une quelconque activité. Est-il déjà mort ? Doit-on le débrancher et arrêter une vie qui n’est plus qu’artificielle ? Sait-on si, par extraordinaire, il n’est pas susceptible de « se réveiller ultérieurement » et reprendre le cours d’une vie réelle ? Des patients qui sortent de leur coma après des mois, voire des années, sont rares et, nous disent les réanimateurs, ceux-là ont toujours présenté quelques traces, quelques signes d’une activité cérébrale, fut-elle extrêmement réduite. L’attitude communément admise est donc de considérer comme mortes les personnes qui présentent des tracés neurologiques plats à plusieurs examens EEG successifs… Une approche toujours formidablement difficile à admettre pour les proches.

 
     Ailleurs, voici des virus qui possèdent la faculté de se déplacer et qui présentent également la caractéristique d'être parfaitement individualisés car composés de matériel génétique limité par une membrane. Mais ils ne possèdent pas de métabolisme propre et sont donc incapables de se répliquer seuls : il leur faut une cellule vivante dont ils utiliseront le matériel moléculaire pour donner d’autres virus. Du coup, la majorité des scientifiques ne leur accordent pas le statut d’êtres vivants. Pourtant, on sait que certains virus peuvent infecter d’autres virus comme si ces derniers étaient vivants : où est donc cette fameuse limite entre le vivant et le non-vivant ?

 
     Et les prions, responsables d’affections comme la maladie de Creutzfeld-Jacob (l’équivalent humain de l’encéphalopathie spongiforme bovine ou maladie de la vache folle) ? Ce ne sont pourtant que de simples entités chimiques mais qui, une fois dans un organisme, peuvent se répliquer jusqu’à détruire l’hôte qu’ils infectent. Certainement pas vivants mais toutefois…

 

 

 

 

Pour une définition de la Vie

 

 

     Du coup, certains scientifiques avancent l’idée suivante : pour qu’un individu puisse participer à l’évolution de son espèce, il faut qu’il puisse se reproduire ; il doit donc posséder un métabolisme qui lui permette d’entretenir toutes ses cellules et surtout de l’ADN, sous une forme ou une autre, nécessaire au passage de l’information qu’il représente d’une génération (la sienne) à une autre (sa descendance).

 

     Certains, comme Richard Dawkins, le célèbre éthologiste britannique, sont allés jusqu’au bout du raisonnement : pour Dawkins, seul le gène a de l’importance car il renferme l’information. Dans son livre « le gène égoïste », il explique que l’individu, quel qu’il soit, y compris les êtres humains, n’existe que pour cette seule fonction, la transmission de l’information génétique, une fonction qui fait évoluer les espèces en leur permettant de s’adapter aux changements de l’environnement. Pour lui, l’individu n’a aucune valeur (du point de vue de la biologie cela va sans dire) car il n’est que le « messager »… Le vivant, c’est donc celui qui transmet l’ADN… Outrancier ? Peut-être. D’ailleurs, le paléontologue Stephen J Gould que j’ai souvent mentionné ici, rappelle qu’il existe d’autres moyens de transmettre l’information, l’apprentissage par exemple, sans lequel la perpétuation de l’espèce est souvent impossible. Pour Gould, les gènes ne sont que des éléments de transmission, certes importants, mais parmi d’autres… Et puis que penser des hybrides, ces individus qui ne peuvent pas avoir de descendants comme le mulet, croisement d’un âne et d’une jument : vivants, évidemment, mais ne pouvant transmettre qu’exceptionnellement un patrimoine génétique issu de deux espèces proches mais différentes…

 
     On voit combien il paraît difficile de répondre à une question en apparence simple, combien nous avons du mal à définir une notion qui nous semble pourtant familière, une notion dont nous avons l’impression « qu’elle tombe naturellement sous le sens » ! Tentons quand même une définition la plus large et la moins imprécise possible ; elle pourrait être : « un être vivant est un système constitué d'éléments organisés par une information génétique et composé d'une série d’organes ou appareils qui assurent son autonomie, certains d’entre eux lui permettant de se reproduire. » 
 

 
     La vie sur notre globe est basée sur le cycle du carbone et on vient de voir toute la difficulté à poser les limites du vivant dans le monde qui est le nôtre. Récemment, je me demandais si d’autres formes de vie, extraterrestres, pouvaient exister et j’avançais qu’un simple calcul statistique (eu égard aux milliards de milliards d’étoiles et de planètes qui peuplent notre univers) permettait de répondre par l’affirmative. Toutefois, rien ne dit que cette vie « exotique » serait fondée sur le carbone tel que nous le connaissons : pourquoi pas le silicium, par exemple, bien que ce dernier conduise probablement à un nombre moins varié de possibilités ? Comment pourrions-nous alors la reconnaître, cette forme de vie à nos yeux étrange, alors que nous avons tant de mal à identifier la nôtre ?

 

 

 

 

 

Images

1. Vénus sortant des eaux par Boticelli, 1486 (sources : www.cineclubdecaen.com/)

2. la plus vieille fleur du monde, vieille de 2000 ans, en Angola (sources : www.geo.fr/)

3. la reproduction sexuée des végétaux (sources : www.voyagesphotosmanu.com)

4. une souche du virus H1N1 (sources : www.lemonde.fr/)

5. l'exoplanète epsilon d'Eridan, la plus proche découverte (10,5 al) : pourrait-elle abriter une vie ? (il s'agit d'une vue d'artiste) (source : www.techno-science.net/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : virus - prion - métabolisme - reproduction - reproduction sexuée - sélection naturelle - coma dépassé - EEG plat - Richard Dawkins - information génétique - Stephen J Gould - apprentissage - êtres hybrides - cycle du carbone - silicium

 (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. cellules-souches

2. les mécanismes de l'Evolution

3. vie extra-terrestre (2)

4. reproduction sexuée et sélection naturelle

5. la mort est-elle indispensable ?

6. le hasard au centre de la Vie

 

 

 

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Mise à jour : 1er mars 2023

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Du même auteur, en lecture libre :

 

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Viralité, roman 

 

Camille, roman

 

La mort et autres voyages, recueil de nouvelles (djeser2.over-blog.com)

 

 

 

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