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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par cepheides
Publié dans : #paléontologie

 

 

 

 l'impact de la météorite sur la Terre (vue d'artiste)
 

 

 

 

     C'était il y a si longtemps que nous avons du mal à nous imaginer comment se présentait la Terre de cette époque. Nos plus anciens souvenirs en tant qu'êtres (presque) civilisés remontent à quelques peintures rupestres trouvées par hasard au fond de grottes oubliées et elles ne datent que de quelques dizaines de milliers d'années. Le temps que nous allons évoquer est tellement plus ancien et la Terre, notre Terre, était si différente que nous ne reconnaitrions ni sa faune, ni sa flore, ni même la forme des continents, la chaleur de l'atmosphère ou la distribution des étoiles dans le ciel. C'était il y a 65 millions d'années, un chiffre que notre esprit a du mal à saisir, et c'est pourtant à cette époque que – pour nous – tout a commencé.

 

 

 

 

la vie avant

 

 
     Nous sommes donc il y a 65 millions d'années et, depuis des milliers de millénaires, les grands sauriens règnent sans partage sur le sol qui, bien plus tard, sera le nôtre. L'époque s'appelle le crétacé tardif, dernière portion du mésozoïque (que l'on appelait jadis, quand j'allais encore à l'école, l'ère secondaire) et, plus précisément, à l'exacte jonction entre ères secondaire et tertiaire (qui, elle aussi a été débaptisée pour faire à présent partie du cénozoïque). Rien d'étonnant à cette date : ce sont les hommes qui ont décidé cette classification forcément arbitraire et ils ont choisi, comme point de passage entre les ères, très précisément l'évènement sur lequel nous revenons aujourd'hui.

 

     Durant le crétacé, le supercontinent que l'on appelle Pangée avait fini par se scinder pour former à peu près les continents actuels, bien que les positions et les contours de ces derniers soient encore très différents de leurs caractéristiques présentes. Vers la fin de cette période, le climat était notablement plus chaud qu'aujourd'hui et les pôles n'étaient pas encore recouverts de glace ce qui fait que la Vie occupait, par exemple, jusqu'à l'Alaska et l'antarctique.

 

     Comme ce sont les scientifiques américains qui ont particulièrement étudié la question, c'est pour leur continent que l'on a le plus de détails mais la description qui suit est probablement la même pour le reste du monde. Que nous disent-ils ? Qu'une mer séparait les deux Amériques et que les écosystèmes du crétacé tardif alternaient marécages et forêts d'arbres à feuilles caduques. Et plus précisément encore : « Dans la région correspondant aujourd'hui au Sud du Colorado et au Nord du Nouveau-Mexique, plusieurs fleuves descendus des montagnes rocheuses dessinaient de nombreux méandres. Ils irriguaient une plaine côtière située à l'Est. Charles Pillmore et ses collègues, du Service américain d'étude géologique (U.S. Geological Survey) ont effectué le relevé géologique de plusieurs sites sédimentaires de ces anciens paysages, avec les lits d'anciens cours d'eau, leurs dépôts d'alluvions, les plaines inondables et les marécages. Grâce aux feuilles fossiles retrouvées dans ces sédiments, Jack Wolfe et Garland Upchurch ont montré que la végétation principale était constituée de feuillus quasi tropicaux, formant une forêt ouverte à canopée. Plus au Nord, dans la région actuelle du Dakota, Kirk Johnson, du Muséum de Denver, a retrouvé des feuilles fossiles suggérant une végétation forestière plus dense dominée par les angiospermes (plantes à fleurs), essentiellement des arbres de petites tailles (de quelque cinq mètres à une vingtaine de mètres). Encore plus au Nord, les conditions plus humides auraient favorisé la présence de nombreux feuillus, formant une forêt plus dense à canopée probablement impénétrable par endroits. Elle contenait quelques plantes grimpantes à larges feuilles, dont les extrémités pointues permettaient à l'eau de s'égoutter. En revanche, au Canada, les conifères dominaient. » (in Pour la Science, n° 315, janvier 2004)

 

     C'est ce paysage qui va être totalement bouleversé par la chute d'un bolide extra-terrestre - une météorite gigantesque - un évènement qui, heureusement, se produit de manière rarissime. Le point d'impact semble bien être le Yucatan et plus précisément l'endroit où se situe actuellement le village mexicain de Chicxulub. On a en fait retrouvé là un cratère immense d'un diamètre de 180 km s'étendant en partie sur le Yucatan et dans les eaux peu profondes du golfe du Mexique. Le choc a dû être effroyable puisqu'on évalue l'explosion engendrée à l'équivalent de 100 000 milliards de tonnes de TNT ! On pense que l'astéroïde était si gros (environ 10 km de diamètre) que, alors qu'il frappait la Terre, son arrière se trouvait encore à plusieurs km d'altitude pour une vitesse de l'ordre de 11 km/seconde : il arracha des sédiments du sol sur plusieurs km de profondeur. Inutile de préciser que les dégâts engendrés par un tel choc furent immenses et touchèrent l'ensemble du globe. On en trouve encore les traces dans les couches géologiques correspondant à la charnière crétacé/tertiaire, notamment une fine couche d'iridium, un corps plutôt rare sur Terre mais assez présent dans les matériaux extra-terrestres.

 

 

 

le jour de la catastrophe

 

 
     On peut imaginer le drame de la manière suivante : l'astéroïde, en se désintégrant, envoya des fragments de croûte terrestre dans toute l'atmosphère. Un formidable panache de débris, de cendre et de cristaux de quartz arrachés profondément du sol - panache d'un diamètre de plusieurs centaines de km - s'éleva pour atteindre la haute atmosphère avant d'envelopper la Terre toute entière. La gravitation étant bien sûr à l'œuvre, ces débris hétéroclites retombèrent en enflammant le ciel sous la forme de millions d'étoiles filantes plus ou moins importantes qui percutèrent à nouveau le sol jusqu'à former la couche de cendre retrouvée par les paléontologues (voir note). En s'abattant violemment, ces matériaux incandescents mirent le feu à la végétation sur la plus grande partie de la Terre. La puissance de ces incendies fut majeure, ceux-ci se déplaçant vers l'ouest (rotation de la Terre oblige) mais ne perdant que peu à peu de leur agressivité. Outre le point d'impact qui fut comme volatilisé (on évoque une température pouvant atteindre 20 000° provoquant la fusion des roches), une autre partie du globe particulièrement exposée fut celle située à l'opposé de la collision, c'est à dire aux antipodes, qui correspondait à cette époque au sous-continent indien (la dérive naturelle des continents explique la situation différente de ces régions par rapport à aujourd'hui). La chaleur intense brûla tout, les zones sèches évidemment mais également les marécages qui furent rapidement asséchés. Où qu'elle se soit trouvée, la végétation ne pouvait pas résister à cette chaleur intense, sauf peut-être, mais de façon très relative, dans le sud de l'Europe et dans le nord de l'Amérique.

 

     Comment réagirent les animaux face à un tel cataclysme ? Dans un monde jusque là parfaitement équilibré, en dehors du point d'impact où tout fut instantanément vaporisé, la chaleur augmenta soudainement tandis que, dans le silence de la Vie pétrifiée, le ciel s'assombrissait pour prendre des teintes bistres de plus en plus obscures. Libérant une énergie incroyable, l'onde de choc, durement ressentie en tous points, provoqua tremblements de terre (de magnitude 10 pour les plus violents, un indice encore jamais observé à notre époque), inondations gigantesques et raz-de-marée monstrueux. La nuit qui suivit fut étrange : tandis que le ciel s'illuminait de millions de débris embrasés qui s'écrasaient au sol avec grand fracas, les incendies se propageaient rapidement amenant leur lot de chaleur et d'atmosphère irrespirable. Les animaux ont-ils cherché à s'enfuir à la recherche d'un éventuel havre protégé ou bien ont-ils été surpris par ces incendies qui les entouraient et sont-ils morts d'asphyxie avant d'être brûlés ? On ne le saura jamais.

 

 

 

 
les jours suivants

 

 
     L'air se satura rapidement de poussières dues à l'impact et de suies provenant des forêts en feu. En quelques dizaines d'heures, les immenses nuages de fumées et de débris assombrirent le ciel qui, au fil des jours, demeura perpétuellement d'un bistre sombre ou ardoisé. Car la lumière du Soleil ne revint pas. Bien au contraire, si les fumées des incendies finirent par diminuer en intensité, le nuage de cendre éparpillé dans les hautes couches atmosphériques commença, lui, à s'étaler et, au fil de quelques mois, s'épaissit pour ne plus laisser pénétrer la lumière solaire : bientôt, même en pleine journée, l'obscurité devint totale, comme dans un tombeau ce que, en réalité, était devenue la Terre.

 

     On ne peut s'empêcher d'évoquer ici les scénarios catastrophistes de « l'hiver nucléaire » tant redouté en cas de conflit atomique... On comprend aisément que, la lumière solaire ne pouvant plus passer à travers ce rideau de poussière, la photosynthèse, base de tous les écosystèmes, s'interrompit (voir note 2). Dès lors les végétaux disparurent et, avec eux, toute la chaîne alimentaire, sur terre comme sur mer. On pense qu'il fallut plusieurs mois pour que cette poussière retombe, probablement sous la forme de pluies toxiques comme on peut en observer localement lors d'une éruption volcanique. Des milliers de milliards de tonnes de méthane, de monoxyde et de dioxyde de carbone s'étaient trouvés libérés ainsi que de nombreux gaz toxiques, comme le chlore et le brome, provenant des incendies auxquels il faut bien sûr ajouter les pluies acides : la Terre, si hospitalière pour les formes de vie que nous connaissons, se transforma subitement en une planète infernale où il ne faisait plus bon vivre...

 

     Les mois qui suivirent virent l'apparition d'un réchauffement général dû à l'effet de serre. On imagine aisément que, dans une telle fournaise, les grands sauriens avaient totalement disparu. Comment peut-on alors expliquer que certains animaux aient pu malgré tout survivre ? Probablement parce que les incendies – et les destructions – épargnèrent relativement certaines zones et qu'il existait toujours de la Vie au fond de tel marécage plus ou moins bien conservé ou d'une mer partiellement protégée...

 

     Mais la Terre n'était plus la même. Ce qui devait dominer, quelques mois après la catastrophe, ce dut être le silence. On n'entendait plus que les bruits naturels de quelque ruisseau ou le gémissement du vent. C'en était fini du bourdonnement des insectes ou des barrissements des dinosaures s'appelant à travers l'épaisse végétation qui bruissait sous la pluie ou au gré des vents. Insistons sur le fait que l'écosystème présent à cette époque souffrit considérablement du décalage existant entre les différentes sources de pollution : la retombée des débris se compte en jours, la présence oblitérante des poussières dans la stratosphère en mois et la suspension de l'acide sulfurique dans l'air en années. De ce fait, les animaux les plus massifs, comme les dinosaures, disparurent en premier, dès le début de la catastrophe, tandis que les changements climatiques et les pluies acides ne détruisirent la vie dans les océans que plus tard...

 

     Mais, comme souvent, quelques individus avaient réussi à survivre dans une anfractuosité de roche ou au fond d'un marais approximatif et, petit à petit, ils recolonisèrent l'espace ainsi libéré. Certains auteurs s'appuyant sur les incendies de forêts de l'époque actuelle pensent que la végétation se reconstitua en une centaine d'années tandis que d'autres parlent de plusieurs millénaires. Quoi qu'il en soit, la lumière du soleil baignant à nouveau ces paysages tourmentés, les survivants repeuplèrent le territoire, d'abord les insectes puis, progressivement, les mammifères, petits animaux fouisseurs pour la plupart, qui purent alors se risquer, les grands prédateurs ayant disparu. C'est donc très certainement grâce à cette catastrophe immense que nos lointains précurseurs purent se développer : leur règne venait d'arriver, qui conduisit jusqu'à nous.

 

 

 

les scénarios alternatifs

 

 
     Rappelons tout d'abord que, bien que la catastrophe que je viens de décrire paraisse incroyablement destructrice, des extinctions massives d'espèces animales s'étaient déjà produites dans un passé lointain (voir sujet extinctions de masse). Certaines d'entre elles détruisirent encore plus d'espèces : 95% des espèces maritimes et 70% des espèces terrestres, par exemple, au Permien contre « seulement » 50% des vertébrés il y a – 65 millions d'années.

 

     Il est permis de penser que, pour ce qui concerne cette dernière extinction, plusieurs phénomènes intriqués sont responsables de la disparition des dinosaures, la météorite géante venant en quelque sorte porté le coup de grâce à des espèces d'animaux déjà affaiblies. D'ailleurs, on sait, par exemple, que les crocodiles et les tortues ont assez bien passé cette crise tandis que les oiseaux (qui descendent de certains dinosaures) s'en sont également bien sortis. En fait, le début du déclin des grands sauriens remonte probablement longtemps avant la fin du crétacé et il est sans doute en rapport avec de grands phénomènes géologiques comme le refroidissement observé les quatre millions d'années précédents (qui s'est accompagné d'une baisse du niveau de la mer de plus de 200 mètres et l'appauvrissement des plateaux continentaux correspondants) ou encore, 400 000 ans avant l'impact, avec « les trapps du Deccan », immenses épanchements basaltiques qui ont entraîné, à l'inverse, un réchauffement global, celui là même qui prévalait au moment de la catastrophe.

 

     Quoi qu'il en soit, je me demande ce qu'il resterait de notre civilisation si, d'aventure, un météorite de ce type venait nous percuter aujourd'hui. A moins que notre technologie puisse anticiper le phénomène en, par exemple, détournant la course du monstre, les dégâts seraient considérables sur une organisation aussi interdépendante que la nôtre et il faudrait bien du temps pour que nous puissions remonter la pente, si tant est évidemment que cela soit possible.

 

     Le ciel, en somme, est à observer car il peut, parfois réserver des surprises : la dernière catastrophe nous a été favorable en permettant l'essor des mammifères. Il ne faudrait pas que la prochaine, qui immanquablement aura lieu, inverse le processus.

 

 

 

Note 1 : des simulations sur ordinateur ont montré que certains de ces débris ont été projetés à grande vitesse jusqu'à une distance correspondant à la moitié de l'espacement Terre-Lune avant de retomber sur notre globe. Dix pour cent des matériaux échappèrent probablement à l'attraction terrestre pour se perdre dans le système solaire, certains d'entre eux finissant peut-être par percuter une des autres planètes. (A l'inverse, c'est par de tels mécanismes que l'on explique sur Terre la présence de matière attribuée, par exemple, à la Lune ou à Mars).

 

Note 2 : 620. c'est le nombre de jours durant lesquels la Terre a été plongée dans l'obscurité et donc que toute photosynthèse a été bloquée, suite à la chute de l'astéroïde Chicxulub , tueur des dinosaures il y a 66 millions d'années. De récents prélèvements réalisés dans le Dakota (USA) montrent que les poussières de roches émises par l'explosion étaient microscopiques, entre 0,8 µm rt 8 µm : elles seraient restées en suspension dans l'atmosphère pendant 15 ans.

(revue Science et Vie, n° 1276, janvier 2024)

 

 

 

Images
 

1. l'impact du météore sur Chicxulub (sources : http://www.astrosurf.org)

2. carte de l'impact (sources : www.sunstar-solutions.com)

3. la fin des dinosaures (sources : www.journaldunet.com)

4. la fin d'un monde (sources : fr.ohmyglobe.com/)

5. l'hiver nucléaire (sources :www.planete-powershot.net/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés dinosaures - crétacé tardif - mésozoïque - cénozoïque - Pangée - Yucatan - Chicxulub - iridium - hiver nucléaire - photosynthèse - pluies acides - effet de serre - permien - trapps du Deccan 

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires) 

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. les extinctions de masse

2. l'empire des dinosaures

3. ressusciter les dinosaures

4. météorites et autres bolides

5 dinosaures : approche chronologique

 

 

 

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Mise à jour : 3 janvier 2024

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Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie

 

 

cateye--NGC6543.jpg

La nébuleuse planétaire "l'oeil du chat" (cateye)

 

 

 

 

 

     Le Soleil brille depuis toujours dans notre ciel et, compte tenu de la brièveté de la vie humaine – et même des civilisations – il nous apparaît comme quelque chose d'immuable, au point que, à l'aube de l'Humanité, il fut vénéré comme un Dieu immortel. Ce n'est évidemment qu'une illusion d'optique ou, plutôt, de temps. Comme toutes choses dans l'Univers, le Soleil évolue et se transforme : nos vies sont tout simplement trop courtes pour que nous nous en rendions compte. Toutefois, c'est un des grands mérites du cerveau humain que de pouvoir, comme ici grâce à la science, comprendre et imaginer des évènements hors de notre portée immédiate. Et nous pouvons savoir.

 

     Le Soleil et son cortège planétaire se sont créés voilà approximativement 4,5 milliards d'années, un temps si ancien que la perception de ce chiffre échappe à l'esprit humain. Notre étoile a surgi rapidement (en terme de temps galactique bien sûr) à partir d'un nuage de gaz intersidéral, par contraction puis embrasement nucléaire sous l'effet des forces de gravitation (peut-être grâce à la présence d'une supernova voisine ayant à cette époque engendré les ondes de choc nécessaires à l'embrasement gazeux; voir : le sujet "origine du système solaire"). En raison de ces phénomènes locaux et de la quantité de gaz disponible, l'étoile naissante s'est révélée être de type G2-V (voir glossaire), c'est à dire une étoile assez commune comme il en existe des milliards de milliards dans l'univers (et plus de cent millions dans la seule Voie lactée). Le Soleil en est à peu près au milieu de sa vie prévisible et il brillera encore longtemps mais, un jour incroyablement lointain à imaginer pour nos esprits, il sera inéluctablement voué à disparaître et cette disparition cataclysmique sera extraordinaire.

 

 

 

Le Soleil : quelques précisions

 

 
     Le Soleil est une
naine jaune, c'est à dire de type assez commun puisque l'on estime que 10 % des étoiles de la galaxie sont de ce genre : elles sont moins fréquentes que les naines rouges qui sont un peu plus petites et un peu moins chaudes (d'où leur couleur) et représentent le gros du bataillon stellaire (près de 80 %) . En revanche, les naines jaunes sont bien plus nombreuses que les étoiles géantes ou supergéantes, voire des astres encore plus atypiques.

 

     Notre étoile est composée de 25 % d'hélium, de 74 % d'hydrogène et de quelques traces d'éléments plus lourds comme le fer ou le carbone. Ces éléments lourds attestent d'ailleurs du fait que le Soleil n'est bien sûr pas une étoile de la première génération (celles que l'on appelle les étoiles « primordiales ») puisque ces éléments n'ont pu se trouver dans le nuage gazeux à partir duquel s'est formé le Soleil que parce que d'autres étoiles, bien plus anciennes, ont précédemment vécu et sont mortes... On trouvera de plus amples informations sur ces étoiles très particulières dans le sujet qui leur est dédié : les étoiles primordiales.

 

     Le Soleil représente 95% de la masse du système solaire (les 5% restants étant principalement concentrés dans Jupiter). C'est dire combien notre planète est minuscule par rapport à lui. Je me souviens encore de ces images que, enfant, je contemplais dans les manuels de vulgarisation astronomique : on y montrait notre Terre comme une tête d'épingle sur une page où notre étoile ne pouvait figurer que partiellement ! Et que dire alors des étoiles géantes comme Antarès ou Bételgeuse... Oui, notre monde terrestre, si vaste à nos yeux, est en réalité un grain de poussière.

 

     Le Soleil tourne sur lui-même selon une période de 27 jours mais, comme ce n'est pas un objet solide, cette rotation imprime des vitesses différentes selon l'endroit que l'on observe : 25 jours à l'équateur solaire contre 35 jours aux pôles, cette déformation ne l'empêchant évidemment pas d'être parfaitement homogène et de brûler à peu près régulièrement.. Comme nous l'avons déjà dit dans un sujet précédent (voir sujet place du Soleil dans la Galaxie), notre étoile se déplace par rapport à notre galaxie (la Voie lactée appelée aussi LA Galaxie), riche de 200 milliards d'étoiles, dont il fait le tour en environ 220 millions d'années tout en se situant à quelques 26 000 années-lumière de son centre.

 

     Comme très certainement la majorité des étoiles de l'Univers, le Soleil est entouré d'un système planétaire ; le nôtre comprend huit planètes (depuis la rétrogradation de Pluton en 2006 par l'Union Astronomique Internationale) et, donc, trois planètes naines que sont : Pluton, Cérès et Éris. Ajoutons à cela une ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter et une autre à la périphérie du système (ceinture de Kuiper), des comètes, des météorites (voir glossaire) et de la poussière interstellaire. Bref, rien de très particulier.

 

     Comme toutes les étoiles, le Soleil doit son éclat à la fusion nucléaire : lui, il transforme son hydrogène en hélium et, ce faisant, produit une énergie considérable qui se transmet à son enveloppe externe pour y être émise sous la forme d'un rayonnement électromagnétique (lumière et rayonnement solaire) et d'un flux de particules qu'on appelle le vent solaire. On estime que la chaleur à la surface de la Terre est due pour près de 99,98 % au Soleil et pour seulement 0,02 % par la Terre elle-même (essentiellement la radioactivité naturelle) : c'est dire l'importance pour notre planète d'éventuelles variations de l'activité solaire...

 

     Cette transformation de l'hydrogène solaire en hélium est considérable : chaque seconde qui s'écoule, le Soleil « brûle » plus de quatre millions de tonnes de matière. Chaque seconde ! Et pourtant, sa masse est si considérable qu'il continuera ce petit jeu durant environ quatre à cinq milliards d'années... Tout, pourtant, a une fin. Celle du Soleil est si lointaine à nos yeux qu'elle ne nous préoccupe guère : lorsqu'elle surviendra, nous ne serons plus – et depuis si longtemps – que des atomes éparpillés et réincorporés à une quelconque structure elle-même transformée et modifiée tant de fois ! Mais elle surviendra.

 

 

 

 
La fin du système solaire

 

 
     Nous savons exactement de quelle manière cette fin arrivera (sauf impondérables assez improbables). Il est vraisemblable que si d'éventuels êtres vivants assistent (de loin) à ce spectacle ils n'auront pas grand chose à voir avec ceux que nous connaissons.
Stephen Jay Gould, le paléontologue bien connu, écrit quelque part dans un des ses livres que les différentes espèces de mammifères ne vivent que quelques dizaines de millions d'années chacune au plus avant de disparaître. Alors, les hommes, avec leur développement hyperaccéléré en quelques millénaires... Quoi qu'il en soit, le scénario est prévisible.

 

     Le Soleil, on l'a déjà dit, est une naine jaune et on sait que seules les étoiles d'une taille huit fois supérieure aboutissent à une supernova (voir le sujet mort d'une étoile). Notre étoile, elle, épuisera progressivement sa réserve d'hydrogène, augmentant sa lumière d'un peu moins de 10% chaque milliard d'années. A terme, lorsque l'équilibre sera rompu, le noyau solaire se terre-mort-soleil.jpgcontractera en se réchauffant. De ce fait, les couches externes de l'étoile se dilateront progressivement et celle-ci se transformera en géante rouge (rouge puisque l'enveloppe extérieure de l'astre, plus loin du centre, se refroidira partiellement). Le diamètre du Soleil englobera alors les premières planètes du système, Mercure et Vénus, qui seront désintégrées tandis que la Terre sera définitivement brulée. L'hélium accumulé dans le cœur de l'étoile commencera ensuite à fusionner en formant du carbone et de l'oxygène tandis que, en périphérie, dans la coquille qui entoure le cœur, l'hydrogène restant sera lui aussi en fusion. L'énergie libérée sera alors considérable.

 

     Deux cent cinquante millions d'années s'écouleront encore avant que l'étoile ne devienne une supergéante rouge, 10 000 fois plus lumineuse que le Soleil actuel. Cet équilibre sera évidemment très instable et le noyau solaire va finir par s'effondrer sur lui-même éjectant dans l'espace intersidéral les couches externes de l'étoile mourante sous la forme d'une nébuleuse (dite improprement planétaire) aux formes multiples et changeantes. Il s'agit là de ces objets superbes et très impressionnants que l'on peut découvrir au télescope : je pense, entre autres, à la magnifique nébuleuse de l'œil du chat (NGC 6543) aux formes étranges - voir photo en début de sujet - ou encore à la nébuleuse de la boule de neige bleue (NGC 7862) qui affiche en périphérie de sa coque bleutée des éclaboussures de gaz rouge.

 

 

 

 
Vu de la Terre

 

 
     Il n'y aura – du moins je l'espère - plus personne pour contempler le spectacle sinistre et magnifique. Imaginons-le néanmoins.

 

     L'immense Soleil rouge aura englobé et détruit ses deux premières planètes mais la Terre sera probablement relativement épargnée. En effet, si le globe solaire parviendra bien jusqu'à l'orbite actuelle de notre planète, celle-ci aurageanterouge.jpg été repoussée sur une orbite plus lointaine et cela en raison de l'attraction plus faible exercée par le Soleil qui aura à ce stade perdu environ 40% de sa masse. Le Soleil rouge sera plus froid que notre Soleil actuel (2000 kelvins contre 5800 aujourd'hui) mais il sera également bien plus proche. Du coup, la Terre verra la chaleur de sa surface portée à près de 1 000° ! Les océans se seront rapidement évaporés tandis que les continents ne seront plus identifiables (de toute façon, ceux que nous connaissons actuellement auront bien changé...).

 

     Il n'y aura, bien entendu, plus aucune trace de l'Humanité qui aura disparu depuis longtemps. Quoiqu'il en soit, pour peu qu'un observateur soit présent, il assistera à un spectacle extraordinaire : le Soleil rouge envahira presque tout le ciel et il n'y aura que quelques minutes d'obscurité relative entre son coucher à l'ouest et son lever à l'est. Cette situation durera encore près d'un milliard d'années, le temps que le noyau du Soleil éjecte ses couches externes sous la forme d'un vent stellaire incroyablement puissant pour aboutir, comme on l'a déjà dit, à une nébuleuse planétaire que la Terre verra se former de l'intérieur. Comme un oignon, le Soleil rouge sera « pelé » de ses enveloppes externes successives pour ne plus subsister que sous l'aspect d'une boule de gaz brûlante de couleur bleue à l'éclat 10 000 fois plus intense que celui du Soleil actuel. L'atmosphère terrestre ayant été détruite, les rayons ultraviolets émis par l'astre agonisant pourront encore plus facilement transformer les roches en une lave d'où s'élèvera une légère brume irisée bleutée.

 

     Le Soleil épuisera petit à petit ce qui lui reste d'énergie et deviendra une naine-blanche.jpgnaine blanche (voir sujet mort d'une étoile) qui s'éteindra peu à peu au fil des millions d'années pour ne plus subsister que sous la forme d'une naine noire à la luminosité rémanente à peine visible, à la manière d'une lanterne sourde s'éteignant doucement. Enfin, ce qui restera du système solaire perdurera sous la forme d'une matière inerte et perpétuellement glacée dérivant dans l'espace. Le froid éternel après la chaleur infernale en quelque sorte. 

 

     Cette fin apocalyptique ne se produira pas avant très longtemps et il est certain que nous n'avons guère à nous en soucier. Notre planète bleue aura auparavant abrité ces espèces vivantes qui en font certainement un astre à part. Parmi ces espèces, l'Homme, probablement, aura poursuivi sa domination sans partage. Qu'en aura-t-il fait ? A cette question, la science ne peut pas répondre et c'est tant mieux. L'avenir, s'il est probable, n'est jamais totalement écrit par avance pour peu qu'une intelligence essaie de l'interpréter : un soupçon de (relative) liberté au sein d'un Univers purement mécanique.

 

 

 

 

Glossaire

 
     *
type spectral G2-V : c'est le groupe auquel appartient le Soleil, un groupe assez banal faisant partie des naines jaunes. G2 veut dire que l'étoile est plus chaude que la moyenne des autres étoiles (qui sont, rappelons-le, pour la plupart des naines rouges) ; la chaleur de surface de ce type d'étoiles est d'environ 5770 Kelvins ce qui confère au Soleil une couleur jaune tirant sur le blanc. Le suffixe V, appelé classe de luminosité, rappelle que notre étoile est une naine qui se situe sur la branche principale du diagramme de classification des étoiles, appelé diagramme de Hertzsprung-Russel (cf sujets mort d'une étoile et la couleur des étoiles).

 
     *
météorites : une météorite est un corps matériel extra-terrestre de taille comparativement petite qui atteint la surface de la Terre. On appelle astéroïde le corps céleste dans l'espace et météorite lorsqu'il s'écrase sur la Terre (in Wikipedia France). Pour plus d'informations, consulter le sujet : météorites et autres bolides)

 

 

Images

 

1. La nébuleuse planétaire NGC 6543, "l'oeil du chat", observée en 2004 par le télescope spatial Hubble,qui présente au moins 11 coquilles concentriques de matière éjectée.  

(sources : NASA/ESA/HEIC/STScI/AURA In www.astronomes.com)

2. Dans plusieurs milliards d'années, le soleil deviendra une géante rouge et attirera la Terre dans son atmosphère ardente (sources : www.techno-science.net/

3. géante rouge (sources : friendsweb.free.fr) 

4. naine blanche au sein de sa nébuleuse planétaire (sources : pagesperso-orange.fr/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : naine jaune - naine rouge - géante - supergéante - étoiles primordiales - Antarès - Bételgeuse - Voie lactée - ceinture d'astéroïdes - fusion nucléaire - rayonnement électromagnétique - vent solaire - supernova - géante rouge - supergéante rouge - nébuleuse planétaire - naine blanche - naine noire

(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Articles connexes sur le blog :

 

* mort d'une étoile

* novas et supernovas

* la couleur des étoiles

* origine du système solaire

* place du Soleil dans la Galaxie

*  les étoiles primordiales

 

 

 

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Mise à jour : 22 février 2023

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Publié dans : #éthologie
 
 
panthère noire

 

 

 

 
           Notre quotidien est fait de toutes ces informations provenant du monde entier qui peignent souvent nos contemporains sous un aspect peu flatteur : guerres, attentats, crimes (particuliers ou d'État), intolérance, jalousies, cruauté, violences en tous genres (de préférence envers les plus faibles), une liste qui ne pourra jamais être réellement exhaustive. L'Histoire regorge également de telles atrocités accomplies par l'Homme dans le passé, ce qui tendrait à prouver que cette propension à la violence semble inhérente à sa nature. Alors hérédité ? Culture insuffisamment assimilée ? Les deux à la fois ? Autre chose encore ? Quelles sont les raisons de tels comportements chez un primate qui veut se croire le plus intelligent de tous les êtres vivants et qui prétend dominer sans partage la planète qu'il habite ?
 
     Une partie de la réponse réside dans l'étude des comportements animaux, c'est à dire
l'éthologie. Je me propose de revenir sur les travaux de l'un des fondateurs de cette discipline scientifique souvent mal connue, Konrad LORENZ, dont les recherches sur l'agression animale restent parfaitement d'actualité.
 
 
 
l'éthologie
 
 
     L'éthologie est une discipline scientifique relativement récente, même si le mot à été créé par Geoffroy SAINT-HILAIRE dès 1854. Elle s'intéresse à l'étude des comportements des animaux de la façon la plus objective possible, de préférence en situation naturelle (c'est à dire en situation de non captivité). C'est Konrad LORENZ (1903-1989), déjà cité, et Nikolaas TINBERGEN (1907-1988) qui lui donnèrent ses lettres de noblesse au milieu du XXème siècle. Signalons au demeurant que s'appuyant sur la biologie pour expliquer les comportements, l'éthologie est également appelée biologie du comportement.
 
     De quoi s'agit-il ? Lorenz se proposa de faire une étude anatomique comparée des comportements animaux, constatant alors que les différences et/ou similitudes existant entre les diverses espèces se distribuent de façon assez semblable à leurs caractères morphologiques. Il en conclut logiquement que bien des comportements sont
instinctifs et, en réalité, de nature génétique. Il parla alors (avec Tinbergen) de mécanismes innés de déclenchement qui sont la conséquence d'une excitation interne activée par un stimulus externe particulier, excitation apparaissant lors du franchissement d'un seuil d'activation (pouvant être modulé par l'apprentissage). Ces comportements qui se produisent de manière quasi-mécanique d'une espèce à l'autre ne peuvent être expliqués que par une origine commune ancestrale. On en revient à la théorie de l'évolution...
 
     Intéressons nous aujourd'hui à l'un des comportements les plus répandus chez les êtres vivants :
l'agressivité et sa conséquence, l'agression.
 
  
 
l'agression
 
 
     On définit classiquement l'agression comme recouvrant tous les comportements ayant pour but d'infliger un
dommage à un autre être vivant dès lors que ce dernier ne souhaite pas subir un tel traitement. Il s'agit donc d'un acte social intentionnel dirigé contre une victime identifiée, dont le dessein principal est de la blesser (voire plus) et qui entraîne chez celle-ci un désir d'évitement.
 
     Précisons-le d'emblée tout net : l'agression n'est pas ce que l'on croit. Elle est généralement vécue comme un mal absolu, la survivance d'un monde non civilisé, à peine suffisante pour expliquer les comportements de certains animaux sauvages (on parle même parfois de comportements « bestiaux »). Rien n'est plus faux : il s'agit en réalité, et comme on va le voir, d'un élément
fondamental, presque constitutionnel, de la Vie. C'est un moyen, peut-être le principal, trouvé par l'Evolution pour permettre le développement de la pression de sélection, c'est à dire la transformation (et la meilleure adaptation) des espèces. Ces affirmations demandent évidemment à être expliquées, en précisant notamment ce que l'on doit comprendre par le terme "d'agression" et en en différenciant les différentes variétés.
 
     Il faut, en effet, tout d'abord s'entendre sur le terme lui-même : l'agression migale.jpgN'EST PAS l'attaque du prédateur sur sa proie car il s'agit en pareil cas d'une recherche simple de nourriture qui peut effectivement se traduire par une attaque violente mais – et c'est fondamental – sans aucune forme de colère. Il n'y a donc pas ici d'agressivité mais le seul souci de la survie immédiate. Non, l'agression dont nous parlons est la violence exercée par un animal sur un autre sans autre bénéfice immédiat que le désir d'écarter le gêneur. Il en existe deux types :
 
 
          a. l
'agression interspécifique (entre deux espèces différentes) : on imagine que c'est la plus fréquente mais elle est en fait rare et ce pour deux raisons au moins :
 
     . d'une part, les animaux concernés vivent dans des niches écologiques différentes et n'entrent, dans les conditions normales de la Nature,
presque jamais en compétition. Il peut arriver que deux animaux d'espèces différentes en viennent à se battre mais cela est exceptionnel et presque uniquement dû à un hasard malheureux, une rencontre fortuite ;
 
     . d'autre part, les sujets d'espèces différentes ne possèdent pas dans leurs gènes les moyens de reconnaissance et d'identification d'une autre espèce (à
l'exception – capitale - du couple spécifique prédateur-proie) ;
 
 
          b.
l'agression intraspécifique (entre deux individus d'une même espèce) : elle est, de loin la plus fréquente. C'est la plus importante au plan de l'évolution puisqu'elle permet l'amélioration de l'espèce par sélection des femelles (exceptionnellement l'inverse) et accessoirement la conquête du plus grand territoire de chasse. Toutefois, pour éviter « des morts inutiles », cette agression passe par la ritualisation des comportements qui permet :
 
        . à l'agresseur de se
faire reconnaître si c'est le cas comme l'élément dominant
 
          . et à l'agressé de faire
dévier le comportement agressif de son adversaire au moyen également d'un rituel qui lui vaudra d'être épargné puisqu'il reconnaît son infériorité (Je pense ici tout particulièrement aux combats « naturels » de chiens où le vaincu offre la vision de sa gorge découverte à son agresseur, un geste qui désarme immédiatement ce dernier. Le vaincu peut alors s'enfuir puisque son agresseur l'y autorise en détournant son regard).
 
     Ainsi, pas de morts inutiles puisque ces
phénomènes d'inhibition sélective permettent de chasser le plus faible sans le tuer. La Nature est économe de la Vie et autorise ainsi à moindre frais une sélection naturelle permettant aux gènes du plus apte de se reproduire à un plus grand nombre d'exemplaires ce qui est en dernier ressort favorable à l'amélioration de l'espèce.
 
     Il en est exactement de même en cas de mutation naturelle bénéfique (voir sujet
mécanismes de l'évolution) qui permet alors au plus adapté de survivre. Toutefois, cette dernière éventualité est excessivement rare et peut être ici considérée comme négligeable.
 
     Ainsi, explique Lorenz, dans les rapports existant entre deux individus d'une même espèce mais de sexe différent, l'agression est un
composant essentiel de l'amitié et de l'amour. Chez la plupart des animaux, lors de la pariade (voir glossaire et le sujet reproduction sexuée et sélection naturelle), le rituel de séduction est en effet toujours une déviation du rituel de combat. Les espèces qui possèdent une agressivité intraspécifique faible rats.jpg(comme, par exemple, les bancs de petits poissons) sont également celles dans lesquelles les relations interindividuelles sont les plus faibles. En revanche, chez les loups ou les rats dont l'agressivité intraspécifique est élevée, les relations de fidélité entre individus sont très fortes.
 
     Or, et c'est là que ces constatations prennent tout leur intérêt, l'homme est un animal (en tous cas en ce qui concerne ses origines) et il est intéressant de s'interroger sur ce qui reste chez lui de ces comportements innés. C'est certainement le moyen, que cela plaise ou non, d'expliquer certaines réactions individuelles ou comportements collectifs surprenants.
 
 
 
 
l'explication de certains comportements humains
 
 
 
     Pour illustrer ce qui vient d'être dit et surtout pour, autant que faire se peut, en tirer quelque enseignement adaptable à l'homme, je vais me permettre de citer quelques pages d'un ouvrage à mes yeux fondamental de Konrad Lorenz, «
l'agression, une histoire naturelle du mal » (Flammarion, 1969). On y trouvera, bien mieux que je ne pourrais l'exprimer, l'essentiel de son sentiment sur ce sujet passionnant.
 
(...) Imaginons, écrit Lorenz, un observateur impartial sur une autre planète, par exemple Mars, examinant le comportement social de l'homme à l'aide d'un télescope dont le grossissement ne serait pas suffisant pour permettre de reconnaître les individus et de suivre le comportement de chacun d'eux, mais permettrait d'observer les grands évènements tels que batailles, migrations de peuples, etc. Jamais cet observateur n'aurait l'idée que le comportement humain pourrait être dirigé par la raison, et encore moins par une morale responsable. S'il était, comme nous voulons le supposer, un être de pure raison, dépourvu d'instincts et ignorant complètement comment les instincts en général, et notamment l'agression, peuvent échouer, il serait absolument incapable de trouver une explication à l'Histoire. En effet, les phénomènes de l'Histoire, tels qu'ils se répètent toujours, n'ont pas de causes raisonnables. Dire, comme on le fait d'habitude, qu'ils sont causés par la « nature humaine » revient à un lieu commun. Ce sont la déraison et la déraisonnable nature humaine qui font que deux nations entrent en compétition, bien qu'aucune nécessité économique ne les y oblige ; ce sont elles qui amènent deux partis politiques ou deux religions aux programmes étonnamment similaires à se combattre avec acharnement ... Nous sommes habitués à nous soumettre à la sagesse politique de nos dirigeants et tous ces phénomènes nous sont tellement familiers que la plupart d'entre nous ne se rendent absolument pas compte combien le comportement des masses humaines, au cours de l'histoire, est stupide, répugnant et indésirable.
 
     Même lorsque nous nous en rendons compte, la question reste ouverte : pourquoi des êtres doués de raison se comportent-ils de manière aussi peu raisonnable ? Sans doute doit-il y avoir des facteurs d'une puissance extraordinaire pour que les hommes soient capables d'outrepasser si complètement les commandements de la raison individuelle et restent si réfractaires à l'expérience et à l'enseignement (...).
 
     Tous ces paradoxes étonnants s'expliquent cependant aisément et se rangent à leur place comme les pièces d'un puzzle, dès que l'on admet que le comportement de l'homme, et tout particulièrement son comportement social, loin d'être uniquement déterminé par la raison et les traditions culturelles, doit encore se soumettre à toutes les lois prédominantes dans le comportement instinctif adapté par la phylogenèse (voir glossaire). Nous avons de ces lois une assez bonne connaissance grâce à l'étude des instincts chez les animaux. En fait, si notre observateur extra-terrestre était un éthologue bien informé, il conclurait inévitablement que l'organisation sociale des hommes ressemble beaucoup à celle des rats qui, eux aussi, sont, à l'intérieur de la tribu fermée, des êtres sociables et paisibles mais se comportent en véritables démons envers des congénères n'appartenant pas à leur propre communauté. Si notre observateur martien avait en outre connaissance de l'augmentation explosive de la population, de la terreur grandissante des armes et des divisions des êtres humains en très peu de camps politiques, il n'augurerait pas, pour l'humanité, un avenir beaucoup plus rose que celui de quelques clans de rats sur un bateau aux cales presque vides. Et ce pronostic serait même optimiste car, chez les rats, la procréation s'arrête automatiquement dès qu'est atteint un certain degré de surpeuplement, tandis que l'homme n'a pas encore trouvé un système efficace pour empêcher ce qu'on appelle les explosions démographiques. D'autre part, il est probable qu'il resterait chez les rats après le massacre assez d'individus encore pour perpétuer l'espèce. On n'a point la même certitude en ce qui concerne l'homme, après usage de la bombe H (...).
 
     Dans mon chapitre sur les mécanismes de comportement fonctionnellement analogues à la morale, j'ai parlé d'inhibition contrôlant l'agression chez différents animaux sociaux et les empêchant de blesser ou de tuer leurs frères de race. J'ai expliqué que ces inhibitions sont de la plus grande importance et, partant, très différenciées surtout chez les animaux capables de tuer des créatures d'à peu près leur taille. Un corbeau peut arracher d'un seul coup de bec l'œil d'un autre corbeau ; un loup peut ouvrir d'une seule morsure la veine jugulaire d'un autre loup. Il n'y aurait plus depuis longtemps ni corbeaux, ni loups, si des inhibitions sûres et éprouvées n'empêchaient pas cela. Le pigeon, le lièvre et même le chimpanzé ne peuvent pas tuer un de leurs congénères d'un seul coup. Par dessus le marché, les animaux possédant des armes relativement faibles par rapport aux autres, ont de meilleures capacités de fuite, leur permettant d'échapper même aux « prédateurs de métier », bien plus capables de chasser, d'attraper et de mettre à mort que le plus qualifié de leurs congénères. Dans la nature libre, il est donc rarement possible qu'un tel animal cause des dommages sérieux à un autre de la même espèce ; en conséquence, aucune pression de la sélection n'est à l'œuvre pour faire évoluer des inhibitions anti-meurtres. L'éleveur d'animaux se rend compte - à ses dépens et à ceux des animaux - de l'absence de ces inhibitions s'il ne prend pas au sérieux les combats intraspécifiques entre animaux complètement « inoffensifs ». Dans les conditions artificielles de la captivité où le vaincu ne peut pas échapper au vainqueur par une fuite rapide, il arrive toujours que ce dernier le tue cruellement et laborieusement. Même la colombe, symbole de la paix, n'est gênée par aucune inhibition pour torturer une de ses sœurs jusqu'à ce que mort s'ensuive.
 
     Les anthropologues qui étudient les australopithèques ont souvent souligné que ces chasseurs, précurseurs de l'homme, nous ont légué ce dangereux héritage qu'ils appellent une « mentalité de carnivore ». Or, cette constatation confond les concepts de carnivore et de cannibale qui, pourtant, dans une large mesure, s'excluent mutuellement. En définitive, il faut plutôt déplorer que l'homme ne possède pas de mentalité de carnivore. Tout le malheur vient précisément du fait qu'il est au fond une créature inoffensive et omnivore, ne possédant pas d'arme pour tuer de grandes proies et, par conséquent, dépourvu de ces verrous de sécurité qui empêchent les carnivores « professionnels » de tuer leurs camarades de même espèce. Il arrive qu'un loup ou un lion en tue un autre, dans de très rares cas, par un geste de colère. Mais, tous les carnivores bien armés possèdent des inhibitions fonctionnant avec une sécurité suffisante pour empêcher l'autodestruction de l'espèce.
 
     Dans l'évolution de l'homme, de tels mécanismes inhibiteurs étaient superflus ; de toute façon, il n'avait pas la possibilité de tuer rapidement ; la victime en puissance avait maintes occasions d'obtenir la grâce de l'agresseur par des gestes obséquieux et des attitudes d'apaisement. Pendant la préhistoire de l'homme, il n'y eut donc aucune pression de la sélection qui aurait produit un mécanisme inhibiteur empêchant le meurtre des congénères, jusqu'au moment où, tout d'un coup, l'invention des armes artificielles troubla l'équilibre entre les possibilités de tuer et les inhibitions sociales. A ce moment, la situation de l'homme ressemblait beaucoup à celle d'une colombe que quelque farce contre nature de la Nature aurait muni d'un bec de corbeau. On frémit à l'idée d'une créature aussi irascible que le sont tous les primates pré-humains, brandissant maintenant un coup de poing bien tranchant. L'humanité se serait, en effet, détruite elle-même par ses premières inventions, sans ce phénomène merveilleux que les inventions et la responsabilité sont l'une et l'autre les résultats de la même faculté, typiquement humaine, de se poser des questions.
 
     Ce n'est pas que notre ancêtre humain fut, même à un stade encore dépourvu de responsabilité morale, une incarnation du mal. Il n'était pas moins pourvu d'instincts sociaux et d'inhibitions qu'un chimpanzé qui après tout - nonobstant son irascibilité - est une créature sociable et aimable. Mais quelles que puissent avoir été ses normes innées de comportement social, elles devaient nécessairement se détraquer par l'invention des armes (...).
 
     La distance à laquelle les armes à feu sont efficaces est devenue suffisamment grande pour que le tireur soit à l'abri des situations stimulantes qui, auchar_leclerc-2.jpgtrement, activeraient ses inhibitions contre le meurtre. Les couches émotionnelles profondes de notre personne n'enregistrent tout simplement pas le fait que le geste d'appuyer sur la gâchette fait éclater les entrailles d'un autre humain. Aucun homme normal n'irait jamais à la chasse au lapin pour son plaisir s'il devait tuer le gibier avec ses dents et ses ongles et atteignait ainsi à la réalisation émotionnelle complète de ce qu'il fait en réalité.
 
     Le même principe s'applique, dans une mesure encore plus grande, à l'usage des armes modernes commandées à distance. L'homme qui appuie sur un bouton est complètement protégé contre les conséquences perceptibles de son acte ; il ne peut ni les voir, ni les entendre. Donc, il peut agir impunément, même s'il est doué d'imagination. Ceci seulement peut expliquer que des gens, pas plus méchants que d'autres et qui ne donneraient même pas une gifle à un enfant peu sage, se sont montrés parfaitement capables de lancer des fusées contre des villes en sommeil ou de les arroser de bombes au napalm livrant ainsi des centaines ou des milliers d'enfants à une mort horrible dans les flammes. Le fait que ce sont des pères de famille bons et normaux qui ont agi ainsi rend ce comportement d'autant plus inexplicable.
 
     J'ai écrit en 1955 : « Je crois que l'homme civilisé d'aujourd'hui souffre en général de l'incapacité d'abréagir ses pulsions d'agression. Il est plus que probable que les effets nocifs des pulsions agressives de l'homme que Freud voulait expliquer par une pulsion de mort spécifique proviennent tout simplement du fait que la pression de l'agression intraspécifique a fait évoluer dans l'homme, à l'époque la plus reculée, une quantité de pulsions agressives pour lesquelles il ne trouve pas de soupape adéquate dans la société actuelle. (...)
 
     Il n'y a, par ailleurs, dans une communauté moderne aucune issue légitime au comportement agressif. La paix est le premier devoir du citoyen. Le village ennemi sur lequel il était autrefois permis de décharger son agressivité se trouve maintenant au loin, caché derrière un rideau, de fer si possible. Parmi les nombreux comportements sociaux de l'homme que la phylogenèse a fait évoluer, il n'y en a pratiquement pas un qui n'ait besoin d'être contrôlé et jugulé par une morale responsable. Là réside la vérité profonde contenue dans tous les sermons d'ascèse. La plupart des vices et des péchés mortels aujourd'hui condamnés correspondent à des inclinations qui, chez l'homme primitif, étaient simplement adaptatives ou du moins sans danger. Les gens du paléolithique avaient en général à peine de quoi manger ; si, pour une fois, ils avaient attrapé un mammouth, il était au point de vue biologique correct et normal que chaque membre de la horde s'empiffre autant que possible. La gloutonnerie n'était pas un vice. Une fois complètement rassasié, l'homme primitif se reposait de sa vie exténuante et se livrait à la paresse aussi longtemps que possible ; il n' y avait rien de répréhensible dans cette paresse. La vie était si dure que la saine sensualité ne risquait point de dégénérer en débauche. Chacun avait terriblement besoin de garder ses quelques biens : des armes et des outils et quelques noix pour le repas du lendemain. Bref, le nombre de type de comportements correspondait assez bien à la demande. Et la tâche de la morale responsable était relativement facile. Son seul commandement à cette époque était : tu ne frapperas pas ton prochain avec une hache même s'il provoque ta colère.
 
     La tâche compensatrice incombant à la morale responsable s'accroit à mesure que les conditions écologiques et sociologiques dévient davantage de celles auxquelles la phylogenèse a adapté le comportement de l'homme. Cette déviation ne cesse d'augmenter et même le taux de l'augmentation s'accélère d'une manière vraiment effroyable (...).
 

Konrad Lorenz, extraits de son livre « l'agression, une histoire naturelle du mal » (Flammarion, 1969)

 

     J'espère que le lecteur (et l'éditeur) me pardonnera ce long emprunt mais il me paraissait impossible de résumer ou transcrire la pensée de l'auteur sans la dénaturer. Comme on peut le soupçonner après cette lecture, il paraît possible d'expliquer certains comportements humains à la lumière de l'éthologie. Il ne s'agit certes pas d'en tirer une « bible » fixée une fois pour toutes mais reconnaissons qu'il existe dans tout cela des éléments qui demandent à ce que l'on s'y arrête un temps.
 
     Je ne sais pas pour vous mais, pour moi, Lorenz (et d'une manière plus générale les éthologues) me donne à réfléchir sur la nature humaine. Nous savons grâce à la théorie de l'Évolution que l'être humain est le fruit d'un long chemin qui l'a amené depuis l'ancêtre commun qu'il possède avec les grands primates jusqu'à aujourd'hui où, fier de son intellect, il domine le monde. En tout cas le monde macroscopique qui nous entoure. Ce n'est certainement pas un animal comme les autres mais il reste néanmoins un mammifère dont le degré d'évolution demeure difficile à cerner. Quels sont le nombre et l'importance des mécanismes innés sélectionnés au fil de millions d'années d'évolution qui subsistent en lui ? Le vernis culturel que l'Homme croit posséder, acquis en quelques millénaires au plus, a-t-il une importance si considérable au regard de tout le temps écoulé depuis qu'il apparut en tant que créature réellement différente des autres ?
 
     On me répondra que le cerveau de l'Homme lui donne à présent cette caractéristique fondamentale qu'est la curiosité intellectuelle et que, par voie de conséquence, celle-ci ne peut que déboucher sur son intérêt pour le monde, un monde qui l'abrite et dont il arrive, peu à peu, à prendre connaissance. Cela l'amène tout naturellement à se situer dans l'Univers, à comparer, à chercher, à Auguste_empereur.gifcomprendre : c'est ainsi le seul animal, pense-t-on, qui a la notion de sa propre mort longtemps avant qu'elle ne survienne. Or le savoir, on le sait, est le début de la sagesse... Pourtant, certains auteurs – dont Konrad Lorenz mais il est loin d'être le seul – prétendent que les connaissances de l'Homme sont trop récentes, d'acquisition trop rapide pour compenser les centaines de siècles qui ont façonné ses comportements instinctuels. Au fond, c'est toujours la même histoire : le lecteur optimiste pensera que l'acquis, notamment culturel, si difficilement accumulé, permettra à l'espèce humaine de s'extirper de la gangue des automatismes façonnée par l'Évolution alors que le pessimiste trouvera dans l'éthologie un argument supplémentaire pour douter des vertus civilisatrices de l'Humanité.
 
 

 
 
Glossaire
  
     * pariade : formation des couples qui précède la période de reproduction. (in Futura-sciences)
 
     *
phylogénèse : la phylogénie est l'étude de la formation et de l'évolution des organismes vivants en vue d'établir leur parenté. La phylogenèse est le terme le plus utilisé pour décrire la généalogie d'une espèce, d'un groupe d'espèces mais également, à un niveau intraspécifique, la généalogie entre populations ou entre individus. (in Wikipedia France)

 
 
Images
 
1. panthère noire (sources : scharlette.centerblog.net)
2. mygale (sources : tmigeon.free.fr)
3. rats (sources :  www.hat.net/)
4. char Leclerc (sources : www.fncv.com)
4. l'empereur Auguste : les Romains avaient exactement la même configuration cérébrale que l'homme d'aujourd'hui mais leurs capacités de nuisance étaient certainement moindres. (sources de l'image : www.histoire-fr.com)
(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)


 
 

Mots-clés : Konrad Lorenz - Nikolas Tinbergen - déclenchement - apprentissage - pression de sélection - agression interspécifique - couple prédateur/proie - agression intraspécifique - ritualisation des comportements - mutation génétique - pariade - vernis culturel
(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)
 
 
 
 
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Mise à jour :28 septembre 2024

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution
 
 
 800px-Voyage_of_the_Beagle.jpg
                             le périple de Charles Darwin autour du monde de 1831 à 1836
                                        
 
 
  
     Lorsque, le 27 décembre 1831, il quitta Devonport à bord du navire « le Beagle », Charles Darwin n'avait aucune idée préconçue. Plus encore, comme il l'affirma lui-même, il n'avait aucune notion de ce que ce voyage allait lui apporter. Il aurait pu demeurer toute sa vie un simple Beagle.gifgentilhomme fortuné mais la place de naturaliste de bord qu'on lui avait offerte et qu'il eût le bon sens d'accepter en décida autrement : durant les cinquante-sept mois que dura son périple autour du monde, il accumula un nombre d'observations et d'échantillons incroyable qui, une fois de retour, lui permirent de réfléchir sur l'évolution des espèces et d'enterrer définitivement ce qui était alors la croyance commune, le fixisme. 
 
     Il passa le reste de sa vie à organiser ce qu'il avait observé et donna ses lettres de noblesse à une des plus grandes découvertes de la biologie moderne, le transformisme, c'est à dire l'évolution des espèces au fil des âges géologiques. Conscient de ce que sa découverte allait susciter de réticences et d'oppositions, voire de haine, il différa le plus possible la parution de son livre, « l'origine des espèces » (1859), avant d'en accepter la publication et d'entrer dans l'Histoire. (On trouvera un résumé plus complet de cette aventure extraordinaire dans le sujet dédié : "le voyage du Beagle et ses conséquences").
 
     Depuis cette date mémorable, le darwinisme s'est approfondi, amélioré mais l'essentiel demeure : les deux millions d'espèces différentes (effectivement décrites mais il en existe certainement beaucoup plus) qui peuplent notre globe ont toutes une origine commune et seul le hasard a permis avec le temps l'apparition de leur diversité.
 
 
 

Constatation de l'évolution
 
 
     Lorsqu'on observe la descendance immédiate d'un animal, on est frappé par la
ressemblance existant entre lui et ses parents, et cela au fil des générations. On a donc beaucoup de mal à comprendre qu'il puisse apparaître des variations risquant par la suite de se maintenir et de transformer durablement l'espèce étudiée : l'explication tient au fait que l'observation est toujours faite à l'échelle d'une (ou plusieurs) vies humaines, un période de temps bien trop courte pour noter le moindre changement. Il est pratiquement impossible de s'imaginer ce que représentent les temps dits géologiques, c'est à dire les millions d'années qui nous séparent du début : l'Humanité proprement dite ne possède un recul que de quelques milliers d'années, un battement de cil à l'échelle de la Vie sur Terre.
 
     Il y a, bien sûr, les
fossiles. En étudiant ces squelettes plus ou moins bien exploitables (il est extrêmement rare que les parties molles des animaux disparus soient conservées, voir sujet le schiste de Burgess), on remarque combien les espèces du passé étaient différentes tout en conservant certains liens anatomiques avec les vivantes. Cela ne suffit pourtant pas pour faire la preuve d'un lien de parenté. Après tout, George Cuvier lui-même pensait que ces espèces – qu'il croyait immuables – avaient été créées telles quelles par Dieu avant de subir des extinctions brutales.
 
     Pour affirmer qu'il y a eu évolution, il faut donc mettre en évidence un lien de parenté génétique entre les espèces étudiées. Il faut retrouver leur ancêtre commun en identifiant les caractères partagés par chacune d'elle et cet ancêtre, ce que l'on appelle l'homologie. On arrive ensuite à dresser une sorte de « carte » appelée arbre phylogénétique des espèces (qu'on appelle alors « taxons » du point de vue de la « systématique »), carte qui permet de les classer les unes par rapport aux autres. Reste à expliquer le pourquoi de ces évolutions différentes.
  
 
 
 
Les principes de base
 
 
     Darwin proposa sa théorie au milieu du XIXème siècle. A cette époque, on ADN-copie-1.jpgn'avait aucune idée de l'importance de la
génétique, ni même de ce qu'elle était. Le moine autrichien Gregor Mendel – qui travaillait sur les pois – avait bien publié un article résumant ses observations sur la transmission des caractères héréditaires dès 1865 mais ses travaux étaient demeurés inconnus. Ce n'est qu'à l'aube du XXème siècle qu'on redécouvrira les lois de l'hérédité et il faudra encore des décennies pour que celles-ci soient enfin admises. Jusqu'à ce que Watson et Crick décrivent le modèle en double hélice de l'ADN, découverte qui leur valut le Prix Nobel et permit le développement de la génétique moderne. On ne s'étonnera donc pas que Darwin ait, pour une grande mesure, cru à l'hérédité des caractères acquis. Cela ne l'empêcha pas de fonder sa théorie résumée en trois grands principes :
 
a. les individus – c'est une constatation - sont tous différents les uns des autres : ces différences sont plus ou moins marquées (couleur de la peau, du pelage, des yeux, etc.) et représentent pour un sujet donné ce que l'on appelle le phénotype ;
 
b. les individus les mieux adaptés à leur milieu sont les plus aptes à survivre et donc à se reproduire : c'est ce que Darwin appelle la «
sélection naturelle ». Il veut dire ainsi que certains sujets échappent plus facilement à leurs prédateurs, qu'ils sont moins malades et que, accédant plus facilement à la nourriture, ils vivent plus longtemps, suffisamment en tout cas pour se reproduire. Ces « survivants » peuvent également posséder des caractéristiques qui les rendent plus attirants pour le sexe opposé (en tout cas, dans la reproduction sexuée) et, en copulant davantage, engendrent une plus grande descendance (c'est la sélection sexuelle). Pour tous ces cas, on parlera « d'avantages sélectifs » ;

 
c. les avantages sélectifs doivent pouvoir se
transmettre à la descendance de l'individu qui les possède : c'est un caractère forcément héréditaire et, ce que Darwin ne pouvait que supposer, ce sont les gènes (formant le génotype) qui entraînent le maintien de l'avantage d'une génération à l'autre.

  
 

 

Mécanismes de l'évolution
 

     On vient de dire que la transformation progressive d'une espèce se caractérise par l'apparition de différences qui se maintiennent, une fois apparues, chez ses descendants. Elle est de nature génétique et apparaît principalement du fait de mutations.
 
 
 
               *
mutations génétiques
 
     Le fait que l'acquisition d'un caractère nouveau apparaisse – et se transmette – s'explique par plusieurs mécanismes, d'ailleurs parfois liés. On se souvient que lors de la
méiose, c'est à dire la formation d'une cellule à partir de la moitié des chromosomes des parents, il existe une recombinaison du matériel génétique : il peut alors exister des erreurs lors de la réplication des gènes. Ces « erreurs » peuvent être ponctuelles (portant sur le code lui-même) ou résulter d'une duplication de ces gènes, voire d'une cassure des chromosomes qui les portent. Ailleurs, il s'agira d'une délétion ou de l'insertion anormale d'une séquence chromosomique. Dans tous les cas, le génotype du descendant sera différent de ce qu'il aurait dû être si la duplication s'était normalement déroulée. Le descendant sera donc doté de caractères différents de ceux de ses parents, caractères qui, si cela constitue un avantage évolutif, seront conservés comme on a déjà eu l'occasion de le dire.
 
 
 
               *
échange de matériel génétique
 
     Les mécanismes décrits ci-dessus concernent la reproduction sexuée. Les organismes qui n'y ont pas recours verront les différences apparaître par transfert simple de matériel génétique : c'est le cas, par exemple, des virus et des bactéries.
 
 
               *
épimutations
 
     Il s'agit ici de la transmission de différences, non sur l'ADN lui-même, mais sur des groupements chimiques qui lui sont attachés (voir sujet
évolution de l'Evolution.)
 
     Les mutations que l'on vient de brièvement résumer sont le plus souvent
létales, c'est à dire qu'elles perturbent tant le sujet qui les possède que celui-ci n'est pas viable. Elles peuvent également être neutres : les modifications génétiques sont bien inscrites dans le génome mais elles n'ont aucune conséquence visible. Enfin, de temps à autre, une mutation entraîne l'apparition d'un caractère qui apporte un véritable « plus » à l'individu qui en est porteur et ce dernier pourra transmettre à sa descendance un moyen de prendre le dessus sur ses (presque) semblables. A quel rythme ces variations ont-elles lieu ? Comme on va le voir, cela reste encore amplement débattu. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre : les modifications du matériel génétique d'un individu relève du hasard et seulement de lui.
 
 
 
 
 Modifications de la théorie de Darwin
 
 
 
               *
le Darwinisme originel
 
     Comme on l'a déjà signalé, Darwin ignorait l'origine génétique des mutations et par conséquent des caractères qui y sont liés. Il proposa donc une modification graduelle, progressive des caractères expliquant, par la sélection naturelle, la transformation des espèces au fil du temps. Quelques années plus tard, l'irruption de la génétique va modifier l'approche originelle de la théorie.
 
 
 
               *
la théorie synthétique de l'évolution
 
     Afin d'intégrer les nouvelles données de la science, dès les années 40, un grand nombre de scientifiques repensèrent la théorie de Darwin dans une approche plus globale intégrant non seulement la génétique mais aussi la
paléontologie, la biologie, l'embryologie et la génétique des populations. Dans cette optique, on ne s'intéresse plus uniquement aux individus mais à des groupes d'individus : c'est la fréquence d'une mutation dans une population qui importe. Lorsque cette fréquence devient élevée en raison d'un facteur facilitant (comme, par exemple, un changement du milieu), on arrive alors à la modification de l'espèce.
 
     Le point important à prendre en compte est que, comme le soulignait Darwin, c'est la sélection naturelle qui reste à l'œuvre. Pour mieux faire comprendre ce concept, je prends souvent comme exemple le maintien d'une maladie génétique africaine, la drépanocytose. Cette affection génétique induit la formation de globules rouges de mauvaise qualité (entraînant une anémie falciforme). Normalement les individus porteurs de l'affection devraient être éliminés car moins résistants (leur oxygénation est forcément plus pauvre). Sauf que leurs globules rouges anormaux empêchent la transmission du parasite du paludisme, ce qui dans les contrées impaludées leur confère un avantage évolutif... qui disparaît sous les cieux où le moustique est absent !
 
    Signalons aussi, à l'appui du néodarwinisme, le phénomène de
dérive génétique qui concerne le fait que si des populations d'une même espèce sont géographiquement longtemps séparées, les différences génétiques qui s'accroissent entre elles finissent par aboutir à la formation de deux espèces distinctes, incapables de se reproduire entre elles.
 
     La théorie synthétique de l'évolution s'est finalement imposée chez la majorité des scientifiques puisqu'elle permet une « relecture du Darwinisme » par intégration des données génétiques sans en toucher les trois principes que nous avons évoquer plus haut, notamment la sélection naturelle. Reste une question déjà soulevée dans l'article : à quelle fréquence apparaissent ces mutations ? Progressivement et graduellement au fil du temps disent les tenants de cette « synthèse darwinienne ». De façon brutale entrecoupée de longs moments de silence, rétorque
S. J Gould.
 
 
 
               *
la théorie des équilibres ponctués
 
     Stephen. J. Gould, le paléontologue de talent que j'ai déjà eu l'occasion 200px-Stephen_Jay_Gould_-by_Kathy_Chapmad'évoquer à propos du schiste de Burgess, provoqua la survenue « d'un coup de tonnerre dans un ciel serein » dans le petit monde du néodarwinisme lorsque, en 1972, il cosigna avec Niles Eldredge un article jugé à l'époque iconoclaste. (On trouvera un développement plus complet de la théorie dans le sujet dédié : théorie des équilibres ponctués).
 
     L'idée de ces deux scientifiques part d'une constatation des plus évidentes : lorsqu'on examine les données fossiles, on ne trouve presque jamais de fossiles des formes intermédiaires entre deux espèces que l'on sait apparentées. Cela veut il dire que c'est parce qu'elles n'existent pas ou bien qu'on ne les a pas encore trouvées ? Gould propose une réponse : les transformations des fossiles apparaissent brutalement avant de subsister longuement dans la position d'équilibre alors atteinte. Il évoque donc une transition brutale d'une espèce à une autre (sur quelques milliers d'années ce qui n'est rien en terme de temps) avant une longue phase de statu quo qu'il nomme stase, au cours de laquelle il peut certes apparaître quelques modifications mais qui restent mineures.
 
     Il n'y a donc pour lui pas de gradualisme mais des crises évolutives brutales et brèves sur un fond d'immobilité. J'étais un peu trop jeune en 1972 pour avoir vécu HC_Eldredge.jpgl'irruption des équilibres ponctués dans la théorie classique de l'évolution. Toutefois, lorsque je me suis intéressé à cette question une quinzaine d'années plus tard, la polémique faisait encore rage, parfois avec violence. Aujourd'hui, le calme – si je puis dire – est revenu et la plupart des paléontologues adhèrent à la théorie de Gould. On pense même probable que les deux mécanismes (gradualisme et équilibres ponctués) coexistent selon les espèces. De toute façon, à présent que les passions sont retombées, on comprend bien que la théorie ponctualiste de Gould n'est finalement qu'une adaptation de la théorie de l'évolution qui reste intacte pour ses principaux fondements.
 
 
 
 
 

La théorie de Darwin aujourd'hui
 
 
     Hormis quelques créationnistes patentés dont l'obscurantisme est d'autant plus virulent qu'ils se situent loin des disciplines scientifiques, plus aucune personne sensée ne remet en question la théorie de l'évolution qui, à proprement parler et depuis longtemps, n'est d'ailleurs plus une simple théorie tant les faits et les idées militent en sa faveur.
 
     Darwin, on peut l'affirmer aujourd'hui, a réellement découvert les lois de l'évolution des espèces vivant sur notre globe (et probablement, si elles existent, ailleurs). Je ne peux que reconnaître à cet homme en apparence ordinaire l'importance toute particulière qu'il a prise dans le domaine des sciences du vivant. Il reste à découvrir bien des choses en ce domaine, c'est certain, mais l'essentiel est acquis : le gentilhomme de Shrewsbury, dans le centre-est de l'Angleterre, a sorti cette partie de la science du moyen-âge. Qu'il en soit remercié une fois encore.
 

 
 
Images
 

1. le périple de Charles Darwin autour du monde de 1831 à 1836

      (sources : commons.wikimedia.org/ wiki/)
2. le "Beagle"      (sources :  www.mun.ca)
3. la double hélice d'ADN      (sources : www.ifgene.org/)
4. Stephen J Gould (par Katty Chapman)      (sources : fr.wikipedia.org/wiki/)
5. Niles Heldredge      (sources : www.uninsubria.eu/)
 (Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)
  
 
  
 Brève : la drosophile prouve que l'évolution ne peut reculer
    
     Placée dans les conditions environnementales de ses ancêtres, la mouche drosophile ne retrouve pas ses caractéristiques originelles. Telle est la conclusion d'une expérience menée par des chercheurs portugais et américains. Après avoir fait évoluer pendant vingt-cinq ans des populations de drosophiles dans des environnements différents, Henrique Teotonio et ses collègues ont replacé les mouches dans leur environnement initial. Après 50 générations, elles s'étaient à nouveau adaptées à leur environnement ancestral mais d'une manière différente de celle de leurs aïeux : s'il arrive que les mouches retrouvent un phénotype (les traits physiques et biochimiques) semblable à celui de leurs ancêtres, elles sont néanmoins génétiquement différentes. Malgré la réadaptation à l'ancien milieu, 50% des variations génétiques survenues au cours des vingt-cinq ans d'évolution étaient maintenues. Inversement, il paraît donc impossible de prédire comment évoluera une population lorsque le milieu change.
(Science & Vie, 1098, mars 2009)
  
 
 
Mots-clés :  Beagle, fixisme, transformisme, évolution des espèces, darwinisme, schiste de Burgess, homologie, arbre phylogénétique, phénotype, génotype, gène, sélection sexuelle, mutation, épimutation, néodarwinisme, théorie synthétique de l'évolution, équilibres ponctués, S J Gould, N Eldredge, mouche drosophile
(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)
 
 
 
 
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Mise à jour : 24 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution

   

                    

 

 

     Ce qu'il y a d'extraordinaire avec ces nouveaux moteurs d'indexation, c'est qu'ils peuvent scruter votre disque dur et y retrouver des documents que l'on avait totalement oubliés. Récemment, dans l'idée de rédiger un nouveau sujet et cherchant ce que j'avais bien pu écrire sur les mécanismes de l'Evolution, je suis tombé sur un de mes anciens courriers échangé en 1993 avec la revue « Valeurs actuelles ». Je me fais un plaisir de reproduire ces quelques lignes, preuve que le combat mené contre les obscurantistes de tout poil ne date – hélas – pas d'aujourd'hui...

 

13 novembre 1993


     J'ai bien entendu failli sauter en l'air quand, au détour des colonnes de Valeurs Actuelles, j'ai découvert cette perle néocréationniste que je reproduis ci-dessous. Évidemment, elle nécessitait une réponse : pour une fois, je l'ai écrite, cette réponse, et adressée à l'hebdomadaire concerné. Perte de temps ? Pas tout à fait puisqu'il est acquis que, en terme de vérité scientifique, celle-ci nécessite sans cesse de repréciser les choses. On peut penser qu'à force ...
 

ENVOI DU LECTEUR XXX :

               LE BOEING ET LA SOURIS
 
     Je suis surpris que, dans la conclusion de votre article "L'empreinte des dinosaures", vous écriviez qu'avec la disparition des dinosaures, les mammifères connurent une phase d'évolution explosive qui aboutit à l'intelligence humaine".
     Affirmer, de nos jours, une foi aussi aveugle dans la théorie de l'évolution  a
 
                                              
 
en effet, de quoi surprendre : l'évolutionnisme ne rencontre plus guère auprès des scientifiques sérieux l'unanimité fervente, quasi religieuse, d'antan, même si beaucoup feignent d'y croire encore ...
La théorie de l'évolution, née au siècle dernier sous l'impulsion de Lamarck puis surtout de Darwin, avait suscité l'enthousiasme du monde scientifique d'alors; elle proposait une explication rationnelle et générale à l'étonnante succession des multiples formes de vie rencontrées au cours des temps géologiques.
     Point n'était besoin de recourir à l'acte créateur d'une intelligence supérieure, le seul moteur de la sélection naturelle suffisait : de toutes les espèces animales nées du jeu des mutations aléatoires, seules survivaient les mieux adaptées au milieu environnant.
     Outre les très nombreuses objections que suscita cette théorie, les découvertes faites depuis une quarantaine d'années dans le domaine de la génétique notamment montrent la complexité de l'être vivant et permettent de soumettre la théorie de l'évolution à l'épreuve de l'analyse probabilistique ... et c'est là que le bât blesse :
il est beaucoup plus probable d'assister à la construction naturelle et spontanée d'un BOEING en une demi-heure qu'à celle d'une souris en trois milliards d'années.
     Il ne s'agit pas, bien sûr, de nier toute évolution, mais de réduire le pouvoir absolu qu'on lui attribuait jusque là dans des proportions que les futures découvertes permettront de préciser.
     La théorie de l'évolution, telle qu'elle est encore enseignée, doit plus aux convictions qu'à des faits scientifiques rigoureusement établis.
     Je sais, hélas, le poids du terrorisme intellectuel qu'un certain nombre de mandarins s'emploie à faire régner dans les médias, mais n'est-ce pas justement le rôle d'un journaliste bien informé de le dénoncer ?
 

MA RÉPONSE :

     Monsieur,
 
     Fidèle abonné de votre revue depuis des années, c'est la première fois que je souhaite m'exprimer sur un sujet discuté dans vos colonnes. En effet, si toutes les opinions sont parfaitement acceptables - même si parfois elles ne plaisent pas au lecteur - il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de thèses manifestement antiscientifiques : je fais allusion à la lettre d'un de vos lecteurs, M. XXX, "Le Boeing et la souris", parue dans votre numéro 2972.
     Ce lecteur essaie d'expliquer dans sa lettre que la théorie de l'évolution, si magistralement exprimée par Darwin au siècle dernier, ne serait plus aujourd'hui reconnue dans les milieux scientifiques compétents. Cette affirmation, gratuite, est totalement fausse. Il suffit pour s'en convaincre de lire les articles de la presse spécialisée en ce domaine ou - de manière plus abordable - par exemple, les très nombreux livres de vulgarisation de la collection Points-Sciences (Editions du Seuil) traitant ce sujet, notamment les excellents volumes "La Recherche en ..." du CNRS.
     Au contraire de ce qu'affirme ce lecteur, la théorie évolutionniste n'a plus guère d'opposants aujourd'hui. En paléontologie, en biologie comparée et dans bien d'autres disciplines du même type, la connaissance des mécanismes intimes de la Nature a été longtemps occultée par le poids des religions qui, toutes et pour des raisons compréhensibles, ne pouvaient se satisfaire que d'une approche créationniste. Darwin a été le grand précurseur en la matière : c'est lui qui a compris avant les autres et qui a donné l'impulsion indispensable à un traitement véritablement scientifique de la question. Que certaines de ses affirmations, encore marquées par le siècle où il vécut, aient vieilli, cela est incontestable mais, et c'est cela le point important, jamais l'évolutionnisme n'a été remis en question par les scientifiques. Le néodarwinisme (ou gradualisme) s'est substitué au darwinisme originel puis a été remplacé (partiellement) par le cladisme. Aujourd'hui, des auteurs comme S.J.Gould parlent en termes "d'équilibres ponctués" mais jamais, au grand jamais, le fondement évolutionniste de ces approches n'a été, je le répète, remis en cause. Il s'agit bien plutôt d'approfondissements, à la lumière de découvertes récentes, notamment génétiques mais pas seulement, de la théorie de l'Evolution de Darwin qui reste le découvreur de tout cela.

     J'admets bien volontiers que la Science - ou plutôt les Sciences - ne peuvent plus être considérées (comme au siècle dernier) comme désignant un but à atteindre, le progrès scientifique conduisant l'Humanité souffrante vers un avenir radieux. Cette position dogmatique traduisait une confiance absolue et hors de propos, une sorte de "maladie infantile" de la connaissance scientifique en quelque sorte. En réalité, les Sciences sont un témoignage, à un moment donné, de la connaissance humaine sur le monde dont l'Homme fait partie : on pourrait dire un "état des lieux". Expliquer les fondements et les mécanismes les plus intimes de l'univers, ce n'est, en aucune façon, porter un jugement de valeur sur son organisation et ses raisons ultimes. 

     C'est d'ailleurs    toute la grandeur de la connaissance scintifique, un des rares domaines où l'objectivité reste totale. Remise en cause permanente des acquis, réexamen constant des résultats, certes. Il n'en reste pas moins que de grandes assurances demeurent parce qu'incontournables et mille fois démontrées : qui se risquerait à nier la gravitation universelle, même reprécisée par la Relativité Générale d'Einstein ? Il est ainsi de grandes certitudes : l'évolutionnisme est l'une d'entre elles au même titre que nous savons maintenant que la Terre n'est pas plate. Le nier est absurde. Seuls les néocréationnistes (essentiellement d'origine américaine) le font pour des raisons religieuses qui n'ont ici rien à voir avec la Science. Je veux croire que tel n'est pas le but avoué de votre lecteur dont l'exemple (la souris et le Boeing) est des plus farfelus (confusion entre la matière inerte et la matière organique, par essence évolutive) et ne tient absolument pas compte de la pression de sélection exercée sur une durée inimaginable pour l'esprit humain, à savoir des centaines de millions d'années.
     En matière scientifique, la discussion est nécessaire et indispensable mais à la condition toutefois de ne pas constamment remettre en question les acquis solides et bien démontrés. Nous n'en sommes plus, que Diable !, au temps où l'on croyait que les étoiles n'étaient que des pierres précieuses accrochées sur une sphère extérieure tournant autour de la Terre ...
    Voilà, Monsieur, les quelques réflexions que m'ont inspiré l'étrange lettre de votre correspondant et je souhaitais vous en faire part.
     Je profite de ce courrier pour vous féliciter de l'excellence de votre publication et vous prie de croire en l'expression de mes sentiments sincères.

 

EPILOGUE
 

     Je n'ai rien à ajouter à cette réponse qui ne fait que résumer ce que je pense depuis toujours. Si ce n'est que, porté par une vague déferlante venue de l'Amérique du nord (et de quelques pays moyen-orientaux), le créationnisme se fait de plus en plus pressant : il est certainement de notre devoir de ne jamais laisser le champ libre à ces adversaires des connaissances scientifiques. Même si l'on doit, comme j'ai voulu le signifier dans mon titre, déclarer après Boileau, « vingt fois sur métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez. »
     Pour la petite histoire, je n'ai tout d'abord rien reçu de la revue puis, quelques mois plus tard, «Valeurs actuelles» m'a écrit pour me signifier qu'ils ne souhaitaient pas publier ma réponse « ne voulant pas entrer dans la publication d'une polémique jugée trop spécialisée... ». Dont acte.
 
 
 
 
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Publié le par cepheides
Publié dans : #physique
congr-s-de-Solvay--1927-.jpg

la conférence de Solvay (1927)
Une des plus légendaires photos de l'histoire de la physique montrant les participants à la cinquième conférence de Solvay, en octobre 1927, à Bruxelles. Vingt-neuf physiciens, parmi les principaux théoriciens des quanta de l'époque, s'y réunirent pour discuter du sujet : " électrons et photons ". Dix-sept de ces vingt-neuf participants devinrent des prix Nobel.
(au fond, de g. à dr. : A.Piccard, E. Henriot, P. Ehrenfest, É. Herzen, T. de Donder, E. Schrödinger, J-E Verschaffelt, W. Pauli, W. Heisenberg, R H Fowler, L. Brillouin
au milieu : P. Debye, M. Knudsen, W L Bragg, H. Kramers, P. Dirac, A. Compton, L. de Broglie, M. Born, N. Bohr
au premier rang : I. Langmuir, M. Planck, M. Curie, H. Lorentz, A. Einstein, P. Langevin, C. E. Guye, C. T. R Wilson, O W Richardson)
 
La naissance de la mécanique quantique sous nos yeux.
(sources : amp2005.blog.lemonde.fr/category/webtech/)

 

 

 

 

 
     Je me souviens d'un temps ancien où, en classe de cinquième, devant un professeur de mathématiques qui m'encourageait du regard et face à des camarades plus ou moins attentifs, on m'avait confié la lourde tâche de lire – et de commenter – mon livre de chevet de l'époque, «l'astronomie à bâtons rompus» (de l'auteur allemand O.W. Gail, éditions Fernand Nathan, 1954). C'était un petit recueil que j'avais lu et relu jusqu'à en faire pâlir l'encre d'imprimerie et corner les pages. Les explications y étaient simples, certainement même simplistes, mais accessibles à nos cerveaux d'alors. On y décrivait entre autre l'atome comme un espèce de petit système solaire, le noyau représentant le Soleil et les électrons les planètes gravitant autour de lui. J'ai longtemps conservé cette image, fausse évidemment, et il m'aura fallu bien des efforts pour comprendre que, non, la réalité n'était certainement pas celle-là. Il me paraît utile aujourd'hui, à la suite de mon article sur la théorie de la Relativité générale (voir sujet théorie de la relativité générale), de revenir sur ces notions de base qui ne s'expliquent finalement assez bien qu'à l'aide de la mécanique quantique.

 
 

 

 
pourquoi la mécanique quantique ?

 

 

     Il faut d'emblée souligner que le terme de « mécanique quantique » est particulièrement mal choisi : le mot « mécanique » traduit en effet les mouvements dont sont animés des corps dans l'espace or la mécanique quantique ne décrit nullement ce type de mouvements mais s'intéresse essentiellement à la description du système dont ces corps relèvent. La deuxième partie du terme est également impropre puisque qu'elle ne fait allusion qu'à des phénomènes corpusculaires (les quanta) alors que la dimension ondulatoire est également présente ici (c'est d'ailleurs pour cela que cette discipline a été un temps appelée « mécanique ondulatoire », terme tout aussi mal adapté). « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément », affirmait Boileau dans son « art poétique ». J'imagine que ce n'est pas par hasard que la confusion des mots règne d'emblée dans la théorie : la mécanique quantique (il faut bien continuer à l'appeler ainsi) est difficile à appréhender car ses concepts échappent facilement à la logique courante...

  
     Précisons tout d'abord les circonstances qui ont conduit à l'édification de la théorie. Nous sommes alors au début du XXème siècle et la science est triomphante et notamment, depuis Newton, la physique. Pourtant il existe des coins d'ombre et cela concerne la lumière :

 
          * selon la théorie de Maxwell, la lumière a une
énergie infinie dans le spectre ultra-violet. Comment se fait-il alors que nous ne soyons pas immédiatement grillés par la proximité d'une flamme ou du Soleil ?

 
          *
l'émission de la lumière par un gaz (par exemple un tube au néon) montre que, à des fréquences bien précises, il existe des raies, un phénomène qui n'a jamais pu être expliqué.

 
          * sur la surface d'un objet métallique,
la lumière, on le sait, éjecte des électrons quelle que soit son intensité ce qui ne cadre pas avec la physique traditionnelle.

 
     Ces trois phénomènes inexpliqués vont conduire les scientifiques de l'époque à reconsidérer ce que l'on croyait acquis. La première anomalie (l'énergie infinie de la fréquence ultraviolette) aboutira à la remise en cause de ce principe par
Max Planck en 1900 : pour lui, la lumière ne peut être que discontinue et émise par paquets, les quanta. Quelques années plus tard, l'électromagnétisme de la lumière sur le métal amène également Einstein à penser que cette dernière est composée de particules. Enfin, en 1913, partant du phénomène des raies (lumière d'un gaz), Niels Bohr publie un nouveau modèle de structure atomique. C'est à partir de ces remises en cause que surgira, une dizaine d'années, plus tard la mécanique quantique.

 
     La théorie quantique s'appuie sur des calculs mathématiques bien précis (je serais, bien sûr, incapable de les résumer ici) et elle conduit à considérer de manière tout à fait nouvelle (et différente) la structure du monde microscopique, celui de l'atome. Elle décrit de manière parfaite la dynamique d'une particule massive ce qui permet d'induire un grand nombre d'applications pratiques (nous y reviendrons). Il existe toutefois un point d'achoppement majeur :
la théorie n'est pas relativiste, c'est à dire qu'elle ne prend pas en compte les données de la Relativité restreinte que nous avons précédemment évoquée. Il existe en conséquence un problème certain d'unification avec la physique du monde visible ce qui fait désordre...
 

 

 
que nous apprend la mécanique quantique ?

 

 
     Elle nous a permis de mieux saisir la configuration de l'atome. Un peu plus haut, j'expliquais que la vision d'un atome avec ses électrons tournant autour de lui comme un système solaire en miniature était fausse : comment peut-on alors se la représenter ? Eh bien sous la forme d'une sorte d'un petit nuage déformable particulièrement léger. Les électrons se trouvent généralement dans l'atome (« le nuage électronique ») et batifolent autour du noyau qui ressemble à une petite bille. Les électrons peuvent s'interpénétrer mais jamais se superposer : c'est ce que l'on appelle le principe d'exclusion. Imaginons à présent que ce petit nuage se coupe en deux : chacune des parties va dans un sens et s'éloigne de l'autre mais c'est pourtant toujours la même particule. En effet, si l'on agit sur l'une des parties, l'autre réagit immédiatement. Cette particularité est appelée la non-localité. Habituellement, les électrons restent confinés autour du noyau atomique, en adoptant des formes plus ou moins variables. Toutefois, dans le cas où ils s'en éloignent suffisamment, on s'aperçoit alors qu'ils se comportent comme des ondes en générant des interférences...

 

     Revenons sur le cas plus particulier de la lumière. Celle-ci est composée de particules, les photons, qui se comportent exactement de la même manière : les  groupes de photons peuvent produire des interférences, comme des ondes, tout en étant des particules... Ces étonnantes propriétés permettent de comprendre pourquoi une même particule peut être à deux endroits à la fois, sans que l'on sache où, ou bien nulle part ! Difficile à comprendre ? Prenons un exemple : un jeune garçon joue au ballon contre un mur. Il a deux possibilités : soit il frappe normalement et son ballon rebondit sur le mur pour revenir vers lui, soit il tape trop fort et la balle s'élève au dessus du mur et s'échappe. Dans le monde quantique, le « ballon », c'est à dire l'atome, est en fait un petit nuage déformable. De ce fait, s'il « rebondit » sur un obstacle – le haut du mur – une partie de lui peut sauter l'obstacle tandis que l'autre partie va rester du côté du jeune garçon. Mais il ne s'agit pas d'une scission en deux nouveaux objets distincts : c'est toujours la même particule et si on « touche » la partie au delà de l'obstacle, celle restée en arrière réagit instantanément.

 

     On peut donc résumer ces notions de la manière suivante : à l'échelon atomique, les particules qui composent la matière sont déformables et sont donc capables de réagir comme des ondes tout en restant unifiées ce qui explique pourquoi une action sur une partie entraîne une réaction instantanée sur l'autre partie. Les électrons ne sont donc pas de petits points « tournant » autour du noyau de l'atome et l'émission de la lumière n'est pas la conséquence de leur changement d'orbites comme on l'a longtemps cru : le phénomène est dû à un changement de forme de l'électron lui-même. Bien. Et ensuite ? Imaginons à présent que l'on veuille observer un électron. On va évidemment se servir d'un instrument mais, aussi miniaturisé qu'il puisse être, l'instrument en question sera composé de milliards de particules qui vont interagir avec l'électron observé. C'est la raison pour laquelle les physiciens quantiques expliquent que le simple fait « d'observer » perturbe le résultat (c'est ce que l'on appelle du mot savant de « décohérence »)... De ce fait, il est impossible de savoir exactement quelle est la forme adoptée par l'électron et on ne pourra que la deviner... et donc deviner où il sera exactement, d'autant que, comme on l'a déjà dit, il peut être « scindé » en deux (ou plusieurs parties) qui interagissent entre elles : il est ici... et là-bas et on parle alors d'état superposé (voir note en fin de sujet sur le chat de Schrödinger). Les moyens (et les calculs) pour savoir où se trouve tel ou tel électron seront donc forcément probabilistes.

 
     Comme on l'aura compris, cette physique très particulière a longtemps défié notre propre logique : comment peut-on admettre qu'un objet, si petit soit-il comme un électron, puisse être à deux endroits à la fois ? Bien des réticences ont été formulées et pas seulement par des gens peu informés. Pourtant, en partant des équations, on est arrivé à des résultats pratiques qui n'auraient pas pu être obtenus autrement. On peut dire que la mécanique quantique a bouleversé notre connaissance de la matière et qu'elle a permis de mettre au point des applications que nous utilisons quotidiennement.

 

 

utilité de la mécanique quantique

 

 

      Le monde dans lequel nous vivons ne serait pas du tout le même si de puissants esprits n'avaient pas théorisé la mécanique quantique. De nombreuses applications ont vu le jour grâce à elle et, à n'en pas douter, d'autres suivront. Citons-en quelques unes :

 

* la prédiction du comportement de la matière à l'échelon atomique a autorisé le contrôle de l'électron ce qui a conduit à la réalisation des transistors et, d'une manière générale, à la miniaturisation de bien des composants de nos appareils électroniques, comme le PC qui vous permet de lire ce blog...

 

le contrôle de la lumière a été réalisé de la même manière : c'est ainsi que les ingénieurs ont pu concevoir le faisceau laser de nos lecteurs de DVD ;

 

citons aussi la supraconduction qui, entre autre, a permis la réalisation de l'imagerie médicale par résonnance magnétique nucléaire ou IRM

 

* et l'énergie nucléaire dont les centrales fournissent une électricité qui permet de limiter l'émission de CO2 et donc l'effet de serre ;

 

*  la compréhension de la structure des cristaux et de leurs vibrations ;

 

la conduction thermique et la conductivité électrique des métaux ;

 

l'explication de l'effet tunnel (voir glossaire), inexplicable par la physique classique, etc.

 

     De nombreuses applications pratiques sont encore à venir parmi lesquelles je ne citerai que l'ordinateur quantique (encore au stade des balbutiements) dont la puissance devrait pulvériser les possibilités de nos ordinateurs actuels. Comme on le voit, la théorie quantique est bien loin de n'être qu'une simple théorie : tout aussi extravagants que ses principes soient apparus au début, ceux-ci n'ont jamais pu être démentis jusqu'à aujourd'hui. Au contraire, ils se sont révélés d'une précision redoutable qui a conduit à bien des découvertes.

 
     Est-ce à dire que tout est parfait ? Non car il reste cet énorme problème
que je rappelais dans le préambule. La théorie de la Relativité générale qui décrit l'univers du visible et la mécanique quantique qui raconte les phénomènes liés à l'atome sont strictement incompatibles. Or, on le sait bien, si les deux théories sont si parfaitement justes qu'elles ne peuvent être prises en défaut, comment se fait-il qu'elles ne puissent pas cohabiter ? C'est tout l'enjeu de la physique fondamentale des années à venir. Des milliers de scientifiques travaillent d'arrache-pied sur une unification dont on ne sait encore rien mais qui prendra le nom très explicite de « théorie du tout ».

 

 
   

Note : le chat de Schrödinger

 
      Il s'agit, bien entendu, d'une expérience toute théorique. Erwin Schrödinger (1887-1961), est un scientifique autrichien qui imagina cette expérience en 1935. L'idée est la suivante : un chat est enfermé dans une boîte avec un système qui se déclenche dès qu'il détecte la désintégration d'un atome radioactif (par exemple un compteur Geiger). Cette détection active un interrupteur entrainant la chute d'un marteau qui ira casser une fiole contenant un gaz mortel. Si cette désintégration a, disons, une chance sur deux de survenir au bout de 10 minutes, la mécanique quantique affirme que, tant que l'observation du phénomène n'a pas été réalisée, l'atome est en même temps dans les deux états (intact et désintégré). Comme le sort du chat dépend de cet état, le chat est en même temps mort ET vivant (et non pas mort ou vivant). C'est seulement l'ouverture de la boîte qui permettra le choix entre les deux états. L'expérience a pour seul souci de montrer combien ce qui peut être accepté pour une particule (un état « superposé ») peut être difficile à accepter dans le monde réel, le nôtre et celui du chat.

 

 

Glossaire

 
* effet tunnel : l'effet tunnel désigne la propriété que possède un objet quantique de franchir une barrière de potentiel, franchissement impossible selon la mécanique classique. Généralement, la fonction d'onde d'une particule, dont le carré du module représente l'amplitude de sa probabilité de présence, ne s'annule pas au niveau de la barrière, mais s'atténue à l'intérieur de la barrière, pratiquement exponentiellement pour une barrière assez large. Si, à la sortie de la barrière de potentiel, la particule possède une probabilité de présence non nulle, elle peut traverser cette barrière. Cette probabilité dépend des états accessibles de part et d'autre de la barrière ainsi que de son extension spatiale. L'effet tunnel est à l'œuvre dans :
. les molécules : NH3, par exemple,
. les modélisations des désintégrations (fission, radioactivité alpha),
. les transistors,
. certaines diodes,
. différent types de microscopes,
. l'effet Josephson. (in Wikipedia France)

 

 

Images :

 

     b. La lumière, à la fois corpusculaire et ondulatoire (Caustiques de lumière après deux surfaces d'eau © Eric J. Heller. in strangepaths.com)

     c. La théorie des supercordes, qui vise à unifier la mécanique quantique et la relativité générale, suppose l'existence de dimensions supplémentaires dans l'espace-temps. Celles-ci pourraient être "compactes" et "enroulées" sur elles-mêmes sous la forme de variétés de Calabi-Yau, dont une possible est présentée sur cette image en 3 dimensions. Image © Jean-Francois Colonna (in www.journaldunet.com)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

  
Addendum du 7 janvier 2008 : la théorie de Garrett Lisi

 
     Garrett Lisi, un scientifique américain hors-norme (1) a publié fin 2007 un article retentissant dont le titre semble à lui seul une provocation : « Une théorie du tout exceptionnellement simple ». Il nous dit « s'être rendu compte, au bout de 10 ans de travail acharné, que sa recherche d'unification entre physique quantique et gravitation a pour solution une structure géométrique, le groupe de Lie E8, permettant de décrire toutes les propriétés des particules de matière et de force. » Son explication étant incompatible avec la théorie des cordes à laquelle se réfèrent la plupart des physiciens fondamentalistes, ceux-ci n'ont pas tardé à réagir avec véhémence. En revanche, d'autres crient à la découverte géniale. Bref, soudainement beaucoup de remue-ménage dans le Landerneau scientifique ! Qui a raison ? Est-on devant une extraordinaire intuition pouvant conduire au Nobel ou face à un pétard mouillé façon « mémoire de l'eau » ? Il est certainement trop tôt pour le dire. Je me suis rendu sur le site du chercheur (http://arxiv.org/pdf/0711.0770) mais je suis bien sûr incapable de comprendre les équations qui y figurent... Il est donc urgent d'attendre. Quand même ! S'il y avait quelque chose là-dessous ce serait une découverte majeure, fondamentale, comme il n'en existe qu'une seule par siècle (et encore !)...

     Rejetée par de nombreux auteurs, la théorie de Lisi devrait faire l'objet d'une vérification expérimentale dans les années à venir, notamment au CERN (par son accélérateur de particules). On saura alors ce qu'il en est puisque, selon Lisi lui-même, sa théorie doit être prise globalement, un seul résultat négatif l'invalidant totalement.

Février 2023 : ignorée par une majorité de scientifiques, la théorie de Lisi a été réfutée par plusieurs publications sans, toutefois, que son rejet soit semble-t-il total. Dix ans après le texte fondateur de Lisi, on est toujours dans l'inconnu en ce qui concerne sa pertinence. Il semble toutefois plutôt rejeté par la communauté scientifique.


(1) hors norme car ce chercheur indépendant divise sa vie entre la recherche fondamentale... et le surf ou autre snowboard. Tous reconnaissent qu'il sait vraiment de quoi il parle mais est-ce suffisant ?

 

 

Mots-clés : Max Planck - Albert Einstein - Niels Bohr - théorie non relativiste - nuage électronique - principe d'exclusion - non localité - photon - décohérence - Erwin Schrödinger - supraconduction - effet tunnel - ordinateur quantique - théorie du tout - théorie des cordes - Garett Lisi

(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

  

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. théorie de la relativité générale

 2. la théorie des cordes ou l'Univers repensé

 3. le boson de Higgs

 4. les constituants de la matière

 

 

 

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Mise à jour de l'article : 19 février  2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie

 

    

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     Afin de mieux appréhender les phénomènes astronomiques abordés précédemment dans le blog, il m'a semblé important de revenir sur la théorie de la Relativité Générale formulée en 1915 par Einstein (la même approche paraît nécessaire pour la mécanique quantique, voir sujet mécanique quantique). J'ai longtemps hésité pour choisir le chapitre dans lequel faire figurer ce sujet : la physique ou l'astronomie ? En définitive, puisque la théorie de la Relativité Générale permet de comprendre et d'expliquer nombre de phénomènes astronomiques, j'ai retenu l'astronomie bien que, stricto sensu, cette théorie relève en réalité de la physique fondamentale. Il va de soi que je n'aborderai pas ici l'aspect mathématique de la question (j'en serais bien incapable) et c'est essentiellement son aspect applicatif que je vais m'efforcer de résumer.

 

 

 
origine de la théorie

 

     Nous connaissons tous le phénomène de la gravitation qui nous permet – c'est l'exemple le plus simple – de rester soudés à notre bonne vieille Terre. C'est également cette « force » qui explique que les planètes tournent autour des étoiles ; elle qui attire les galaxies pour peu qu'elles soient suffisamment proches et elle encore qui, d'une manière plus générale, permet l'expansion de l'univers. Dès la fin du XVIIème siècle,
Newton, on le sait, proposa une explication au phénomène. Il bâtit une théorie de la mécanique qui, au lieu de s'appuyer exclusivement sur la vitesse comme ses prédécesseurs, se fondait sur l'accélération. Il spécula sur l'existence d'une force agissant à distance entre deux objets, par exemple entre la Terre et la Lune ; il affirma que cette force résultait de la position relative, à un instant donné, des deux intervenants et qu'elle dépendait de leurs propriétés sur le moment, cela quelle que soit la distance les séparant. La gravitation, selon Newton, était donc une force instantanée, se propageant à une vitesse infinie. C'est ce caractère instantané, immédiat qui rebutait Einstein : pour lui, aucune information ne pouvait se propager à une vitesse supérieure à celle de la lumière et c'est ce qu'il chercha à démontrer des 1905 dans sa théorie de la Relativité Restreinte. Sa théorie stipule que la simultanéité ne peut pas être définie puisqu'elle diffère d'un observateur à l'autre si ceux-ci sont animés d'une vitesse non nulle. Problème : comment dès lors intégrer la notion de gravitation ? Dès l'énoncé de sa loi de Relativité Restreinte, Einstein s'acharna à trouver une explication de la gravitation coïncidant avec sa théorie et cela l'amena, une dizaine d'années plus tard, à présenter une extension de sa première théorie afin de passer à un échelon plus vaste : c'est la théorie de la Relativité Générale.
 

 

 

 
relativité restreinte

 
 
     Commençons tout d'abord par la Relativité Restreinte. Pour résumer, on peut distinguer dans la théorie les principes fondamentaux suivants :

  
          * dans le vide, la
vitesse de la lumière est constante et approximativement égale à 300 000 km par seconde. Elle est toujours la même et cela ne dépend pas des observateurs, que ceux-ci soient ou non en mouvement.

  
           * il existe une stricte équivalence matière-énergie, cette équivalence étant résumée dans la formule célèbre :
E = mc2 où E représente précisément l'énergie et m la masse, c correspondant à la vitesse de la lumière. On peut le dire d'une autre façon : l'énergie (E) d'une molécule libre et au repos est égale à sa masse (m) que multiplie dans le vide le carré de la vitesse de la lumière (c).

 
          *
l'espace et le temps sont indissociables : l'univers, que l'on pensaitEinstein.jpgjusque là à trois dimensions, en compte en réalité quatre puisqu'on doit y intégrer le temps.

 
     On vient de dire que le temps et l'espace sont indissociables et que la vitesse de la lumière est constante dans tous les référentiels inertiels, c'est à dire par rapport à des points de référence qui ne subissent aucune accélération. On peut donc en déduire que, si la vitesse de la lumière est en tout point constante, c'est
le temps qui varie. Le temps peut donc ralentir, « se dilater » ou au contraire s'accélérer, « se contracter » et être donc « différent » d'un endroit à un autre, passant plus vite ici ou plus lentement ailleurs.

 
     A notre échelle, les dimensions étant très petites, ces différences ne nous sont pas perceptibles mais c'est une toute autre affaire dès que l'on s'intéresse, comme en astronomie, aux
grands espaces. C'est la raison pour laquelle la physique newtonienne a paru longtemps parfaitement exacte tant qu'elle s'intéressait aux phénomènes terrestres mais apparemment légèrement imprécise dès que l'on regardait vers le système solaire et les étoiles : il s'agissait d'une espèce d'approximation des lois physiques.

 
     En fait, la Relativité Restreinte ne s'applique qu'aux phénomènes utilisant des vitesses constantes. Elle ne restait qu'une approche locale des phénomènes physiques tant que n'y était pas intégrée l'explication de la
gravitation : c'est ce qu'Einstein s'ingénia à mettre en équations pour finalement aboutir à la généralisation de sa théorie.
 

 

 

relativité générale


 
     La théorie de la Relativité Générale est, on vient de le dire, une généralisation de la théorie de la Relativité Restreinte puisqu'elle intègre la gravitation qui y était absente. Résumons-là brièvement :

 
 
          *
l'espace est déformable : toute masse peut le courber autour d'elle en formant ce que l'on appelle une géodésique, c'est à dire le chemin le plus court qui relie deux points d'une surface. Si l'espace est courbé par une masse, la liaison entre deux points ne sera évidemment pas une ligne droite mais l'adaptation d'une ligne droite à un espace courbe (on peut en voir un exemple sur l'image d'introduction). Imaginons pour mieux comprendre un tapis élastique épais sur lequel se trouve une balle de tennis. Si un petit chien vient s'allonger près d'elle, celui-ci va déformer légèrement le tapis et la balle va rouler vers lui. Le maître vient à son tour s'asseoir près de son chien et, cette fois-ci, le poids étant bien plus élevé et la déformation plus importante, c'est le chien qui risque de glisser vers lui avec la balle. Les objets de l'univers déforment donc l'espace et ce d'autant plus que leurs masses sont importantes : c'est ainsi que le Soleil déforme l'espace obligeant la Terre à tourner autour de lui, ce que fait d'ailleurs la Terre avec son satellite.

 
 
          *
les objets qui se trouvent dans l'espace courbe créé par un objet plus volumineux s'approchent de lui en suivant des géodésiques mais comme il s'agit justement de géodésiques ils ne tombent jamais vers l'élément le plus massif mais se mettent en orbite autour de lui.

 
 
          *
la courbure engendrée par une masse plus importante ne se propage pas vers les objets plus légers de manière instantanée mais à la vitesse de la lumière.

 
 
          * il s'ensuit de ces phénomènes que
l'espace ne peut pas être quelque chose d'absolu et fixé une fois pour toutes : tout objet transforme l'espace en fonction de sa propre masse et crée donc des conditions locales particulières. L'espace est la résultante de l'ensemble de toutes les déformations et se modifie sans cesse.

 
 
     Restait à valider tout cela car les équations aussi remarquables soient-elles ne suffisaient pas et c'est Einstein lui-même qui suggéra trois expériences susceptibles de démontrer le bien-fondé de sa théorie.
 

 

 

 
preuves de la théorie de la relativité générale


 
     Einstein proposa trois expériences sur des phénomènes qui n'avaient jamais pu être expliqués par la théorie de la gravitation de Newton.

 
 
          * la première concernait un problème qui agaçait depuis des lustres la communauté astronomique : l'anomalie de
l'avance du périhélie de Mercure (voir glossaire) ou, pour le dire plus simplement, l'existence d'un léger décalage dans la trajectoire de cette planète, une observation qui échappait à la physique newtonienne. En 1915, Einstein, calculs à l'appui, démontra que sa théorie correspondait parfaitement aux observations.

 
 
          * la deuxième, fondée sur l'aspect relativiste de sa théorie, postulait l'existence de
mirages gravitationnels : la masse du Soleil courbe l'espace autour de lui ce qui entraîne la déviation des rayons lumineux des étoiles situées derrière lui. En absence du Soleil, la position apparente des étoiles sera strictement identique à leur position réelle. En revanche, la présence du Soleil donnera l'impression que les étoiles sont plus écartées qu'en réalité puisque les rayons lumineux provenant d'elles suivront la courbure accentuée de l'espace autour de lui. Pour pratiquer l'expérience, il faut donc des étoiles dont la position est parfaitement documentée, une éclipse de soleil... et un beau temps sans nuages. En 1919, Eddington observa ce mirage gravitationnel comme le prévoyait la théorie. Ce fut, on s'en doute, un énorme émoi dans la communauté scientifique que d'obtenir un tel résultat.

 
 
          * la troisième expérience était plus difficile à mettre en œuvre car un peu trop complexe pour les outils de l'époque. Il s'agissait de montrer un
décalage dans la fréquence des atomes en fonction de la masse d'une étoile. C'est en 1960 seulement que l'expérience fut réalisée et couronnée de succès.

 
 
     Ces trois tests emblématiques ont définitivement validé la théorie.

 

 

 

pour quelles conséquences ?


 
     La première observation que l'on peut faire est que, en introduisant dans le corps de la théorie le principe dit de relativité (voir glossaire), Einstein a pu démontrer que, toutes conditions étant par ailleurs les mêmes,
les lois de la physique sont applicables à l'ensemble de l'univers et qu'elles aboutiront par conséquent à des mesures identiques. C'est la raison pour laquelle on parle pour la Relativité Générale d'une théorie universelle. Du coup, l'espace lointain nous devient compréhensible, à l'exception notable du tout début, la singularité du Big Bang (voir sujets fond diffus cosmologique et matière noire et énergie sombre) où la gravitation n'existe plus (ou n'existe pas encore). Des phénomènes jusque là mystérieux ont pu commencer à recevoir un début d'explication. En effet, si la théorie newtonienne restait suffisante pour décrire la plupart des phénomènes observés à l'échelle des étoiles ainsi qu'au niveau du système solaire (sauf, comme on l'a vu plus haut, l'avance de la trajectoire de Mercure), pour certains objets observés, la théorie d'Einstein était absolument nécessaire. On peut en citer quelques uns :

 
 
          *
les mirages gravitationnels :

 
     Comme on l'a déjà dit, un mirage gravitationnel est une déformation de lentille-gravitationnelle.jpgl'image provenant d'une source lointaine à la suite de la présence entre cette source et l'observateur d'un objet très massif (par exemple un groupe de galaxies) qui modifie l'espace-temps. Depuis la première expérience de 1919, le phénomène a été identifié à de nombreuses reprises (notamment par le télescope spatial Hubble) dès lors que l'on étudie l'univers lointain et il sert même à la détection de la matière noire. On trouvera une illustration récente de ces mirages gravitationnels dans la note située en fin de cet article.

 
 
          *
les étoiles à neutrons :

 
     Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce stade terminal de la vie de certaines étoiles (voir sujet
mort d'une étoile). Rappelons brièvement qu'il s'agit de la mort d'étoiles massives sous l'effet de leur gravité propre, une fois qu'elles ont épuisé leur combustible nucléaire. Après avoir explosé en supernova, l'étoile ne se présente plus que sous la forme de son noyau extrêmement dense qui peut se mettre à tourner à grande vitesse sur lui-même en émettant un champ magnétique puissant : on parle alors de pulsar. Le plus souvent, les étoiles à neutrons, en raison de leur très petite taille, restent invisibles.

 
 
          *
les trous noirs :

 
     Il s'agit ici d'objets supermassifs possédant un champ gravitationnel si intense que rien ne peut s'en échapper. C'est ce à quoi conduit la mort des très grosses étoiles puisque le noyau résiduel est ici si massif qu'il ne peut même pas conduire à une étoile à neutrons. Prédits par la théorie de la Relativité Générale, les trous noirs ne peuvent évidemment pas être observés (ils sont « noirs » puisque aucune matière ne s'en échappe, pas même la lumière) mais soupçonnés par leur action sur leur environnement (par exemple, une quantité importante de rayons X provoquée par la surchauffe de la matière avant d'être engloutie). Leur existence est à présent une
certitude pour la communauté scientifique.
 

 
     La théorie de la Relativité Générale est donc, comme on vient de le voir par ces quelques exemples, l'outil idéal pour expliquer de nombreux phénomènes cosmiques. Elle donne une excellente explication de la gravitation, même pour l'univers lointain difficilement déchiffrable, et elle n'a jamais été prise en défaut. Pour autant, la situation n'est pas parfaite car
jamais on n'a pu faire coexister cette théorie avec la mécanique quantique, seule à même d'expliquer les phénomènes subatomiques. Et cela fait désordre.
 

 

 
la théorie du tout


 
     Pour résumer l'étendue du problème qui se pose aux scientifiques, rappelons qu'il existe dans l'univers quatre forces fondamentales : la
gravitation qui concerne tout l'univers visible, et trois autres – électromagnétisme, interaction faible et interaction forte – qui concernent le monde de l'atome et sont expliqués par la mécanique quantique (voir aussi le sujet constituants de la matière). Impossible jusqu'à présent d'unifier ces quatre forces : on a eu beau faire – Einstein le premier - la gravitation ne peut pas être décrite dans un cadre quantique. Il est certain que, quelque part, une pièce du puzzle est absente... à moins qu'une erreur ne se soit glissée quelque part, soit dans la Relativité Générale, soit dans la mécanique quantique. Mais cette éventualité est finalement peu probable, ni l'une, ni l'autre des deux approches n'ayant jamais été prises en défaut alors que toutes deux ont considérablement fait avancer nos connaissances théoriques et se sont prolongées dans une foule d'applications pratiques.

 
     Les scientifiques sont donc toujours à la recherche d'une «
théorie du tout » qui unifierait Relativité Générale et mécanique quantique. Il existe des pistes mais essentiellement théoriques et qui demandent à être approfondies : je pense à la « théorie des cordes » qui permettra peut-être d'intégrer la gravitation à l'univers des quanta. Pour le moment, cette approche reste du domaine de la recherche pure. Une chose est néanmoins sûre : la Relativité Générale nous a permis de commencer à comprendre comment s'organisait et interagissait l'univers immense qui nous entoure : ce n'est déjà pas si mal.

 

 

 

 

 

 
Glossaire (in Wikipedia France)


 
*
périhélie : le périhélie est le point de l'orbite d'un corps céleste (planète, comète, etc.) qui est le plus rapproché du Soleil. Cela se dit aussi de l'époque où l'objet a atteint ce point. La Terre décrit une orbite elliptique dont le Soleil occupe un des foyers. Elle est au périhélie vers le 3 janvier, à une distance de 0,983 ua (nota : une unité astronomique ou ua correspond à la distance moyenne entre la Terre et le Soleil)
 
*
principe de relativité : dans son expression moderne, le principe de relativité affirme que les lois physiques sont les mêmes pour tous les observateurs. Cela ne signifie pas que les événements physiquement mesurables dans une expérience sont les mêmes pour les différents observateurs, mais que les mesures faites par les différents observateurs vérifient les mêmes équations. Toutefois, pour deux expériences préparées de manière identique dans deux référentiels distincts soumis aux mêmes contraintes gravitationnelles (tous les deux inertiels par exemple) les lois sont rigoureusement identiques et donnent des mesures identiques dans leurs référentiels respectifs. On dit que les lois sont « invariantes par changement de référentiel », ou encore qu'elles sont « covariantes ».
 

 

 

 


Images :

 

1. il s'agit d'une représentation bidimensionnelle de la distorsion spatio-temporelle. La présence de matière modifie la géométrie de l'espace-temps. De ce fait, la ligne qui unit deux objets est adaptée à la courbure de l'espace : ce n'est plus une ligne droite comme dans la géométrie classique mais une géodésique. (sources : www.arcanes.org/)

2. Albert Einstein (source : www.futura-sciences.com)

3. lentille gravitationnelle (source : wikipedia.org)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Note brève : la plus lointaine des galaxies naines (in Science & Vie, n° 1083, décembre 2007)


En orbite et à Hawaï, le 4 octobre. Une équipe d'astronomes de l'université de Californie a réussi à observer une galaxie naine 100 fois moins massive que la Voie lactée, à 6 milliards d'années-lumière de nous ! Jamais un objet aussi petit n'avait été vu à une telle distance. Coup de chance : une galaxie massive située entre la galaxie naine et nous a déformé son image, la rendant 10 fois plus brillante et plus grosse. A partir de ce « mirage gravitationnel » en forme d'anneau recueilli par les télescopes Hubble et Keck, les astronomes ont pu reconstituer l'aspect que devait avoir la petite galaxie. Il s'agit du premier portrait d'une très vieille galaxie naine à l'époque où l'univers avait la moitié de son âge. V.G.

 

 

 

 

Mots-clés : Albert Einstein - Isaac Newton - mécanique quantique - gravitation - relativité restreinte - espace-temps - géodésique - courbure de l'espace - périhélie de Mercure - mirage gravitationnel - étoile à neutrons - supernova - pulsar - trou noir - théorie du tout - théorie des cordes  

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. mécanique quantique

2. les constituants de la matière

3. matière noire et énergie sombre

4. mort d'une étoile

5. la théorie des cordes ou l'Univers repensé

6. l'expansion de l'Univers

 

 

  

 

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Mise à jour de l'article : 19 février 2023

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Publié le par cepheides
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     A l'aube de l'Humanité, dès qu'il eut une conscience, l'Homme s'est cru le centre du Monde. Il se considérait, à tort ou a raison, comme plus développé et mieux organisé que les autres êtres vivant sur sa planète et nul doute pour lui que la Terre avait été créée pour sa convenance, une Terre évidemment au centre d'un Univers dont il ignorait presque tout. 

 

     Cet anthropocentrisme rappelle, toutes proportions évidemment gardées, les premières années d'un enfant : lui-aussi a d'abord l'impression qu'il est le centre du monde. L'enfant ignore longtemps qu'il existe des lieux et des gens en dehors de son petit univers. Ce sont ses parents d'abord, puis l'école et la pression sociale qui lui font comprendre sa place réelle qui n'est pas aussi importante qu'il le pensait au départ. Si l'on poursuit cette analogie, on comprend assez vite que l'école, pour l'Humanité, c'est la Science. C'est elle qui explique que l'univers est bien plus vaste que primitivement pensé et, surtout, que l'Homme n'est qu'une minuscule partie d'un tout qui ne lui est pas dédié.

 

    Cette impression que la Terre est le centre du monde (géocentrisme) a longtemps marqué les esprits, au moins jusqu'aux temps modernes, et on peut même parfois se demander si, de nos jours, tous les hommes se sont bien affranchis de cette illusion.

 

 

 

 

les temps historiques

 

 
     Si l'astronomie fut très tôt développée (essentiellement pour des raisons religieuses), parfois de matière assez précise, par les grandes civilisations de l'antiquité (Chine, Babylone, Égypte, Inde, etc.), ce sont les Grecs qui ont été les premiers à tenter d'expliquer les lois de la Nature à partir de véritables expériences, et non plus d'après les récits traditionnels.

  
     Au début, vers – 600 ans av. JC., les penseurs grecs, comme
Thales ou Anaximandre (voir glossaire), imaginent une Terre plate entourée de sphères où sont accrochées les étoiles. Un peu plus tard, vers – 500 ans av. JC, les pythagoriciens (voir glossaire) développent le concept en incluant un assemblage de sphères dont la dixième, la plus extérieure, supporte le champ étoilé : ils proposent même de faire coïncider le son (harmoniques) avec ces sphères d'où l'idée de « sphères musicales ».

  
     
Platon (voir glossaire), par la suite, imagine une terre ronde, centre du Monde, entourée d'une sphère d'eau, d'une sphère d'air et, pour la plus extérieure, d'une sphère de feu : c'est sur cette dernière que sont accrochées les étoiles...

 
   C'est avec
Aristote, au quatrième siècle av. JC, que ce système géocentrique se complexifie : l'univers est fini et la Terre (sphérique) est toujours le centre du Monde. Deux parties composent cet univers : celle située sous l'orbite lunaire (et donc infralunaire) et l'autre, supralunaire, qui comprend un grand nombre de sphères (55) dont la dernière, la plus extérieure, est ici aussi celle des étoiles. Tout ce qui est supralunaire est considéré comme immuable et parfait, à l'inverse du monde infralunaire, celui de la Terre et des humains, où l'on meurt et où tout semble se transformer.

 
     Puis vient
Ptolémée qui, dans l'Almageste, un de ses ouvrages les plus célèbres, va organiser l'ensemble des connaissances mathématiques et astronomiques de son temps : le géocentrisme qui y est défendu sera la référence durant près de 1300 ans.

 
     Il faut en effet attendre
Copernic, au seizième siècle, pour voir la Terre déchue de son rôle central. Encore n'est-ce qu'un début puisque, si le système copernicien retire à la Terre son immobilité et la fait tourner autour du Soleil, ce dernier reste encore le centre du monde. De plus, si pour Copernic la Terre et les autres planètes tournent autour du Soleil, le savant conserve la vieille image des sphères aristotéliciennes. Peu après, Tycho Brahé, un astronome pourtant des plus réputés, bâtira un système revenant sur une Terre immobile, la Lune et le Soleil tournant autour d'elle tandis que les autres planètes gravitent autour du Soleil.

 
     C'est à partir de
Galilée (et grâce à sa lunette astronomique) que les temps galilee.jpgchangent vraiment, plutôt lentement d'ailleurs si l'on songe aux difficultés bien réelles que le savant eut avec les autorités religieuses de son époque. Le géocentrisme moribond vivra encore quelques péripéties éparses mais, la connaissance de notre univers progressant, il sera bientôt définitivement abandonné. Gardons-nous néanmoins de tout triomphalisme en nous rappelant que, jusqu'aux travaux de Hubble (voir sujet céphéides), dans les années 1920 (et plus exactement en 1924 soit il n'y a que 83 ans !), bien des scientifiques excluaient la présence d'étoiles hors de notre galaxie...

 

 
     On constate donc combien il est difficile de se débarrasser des idées erronées tant elles paraissent acquises à une multitude d'esprits qui, par intérêt, facilité ou complaisance, cherchent avant toutes choses à ne pas remettre en cause un ordre estimé établi une fois pour toutes, montrant ainsi un état d'esprit exactement à l'opposé de celui nécessaire à une authentique approche scientifique.
  

 

 

 

La Terre, aujourd'hui

 

 
     Eh bien, c'est une planète toujours aussi merveilleuse – parce que c'est la nôtre – mais au fond bien banale. Il est probable que des millions (des milliards ?) de planètes semblables existent jusqu'aux confins de l'univers et que, peut-être, certaines d'entre elles abritent la Vie. La Terre est la troisième planète d'un système qui en compte huit (plus quelques gros planétoïdes comme Pluton et Charon en périphérie). Elle tourne autour d'une étoile, elle-aussi des plus banales, cataloguée comme
naine jaune, et qui en est arrivée à peu près à la moitié de sa vie. Cet astre assez petit est situé dans le bras d'Orion, plutôt en périphérie de la galaxie qui nous abrite, la Voie lactée (voir sujet place du Soleil dans la Galaxie). La Galaxie – avec un grand « G », autre nom donné à la Voie lactée – contient environ 300 milliards d'étoiles et le Soleil est l'une d'entre elles.

 
     Et au delà ? On trouve, près de la Voie lactée, quelques galaxies qui forment ce que l'on appelle le
Groupe local. La galaxie d'Andromède (un objet superbe à regarder par une nuit propice pour peu qu'on soit suffisamment équipé et dont la photo sert d'introduction à l'article) est assez semblable à notre propre galaxie et les forces gravitationnelles étant à l'œuvre puisque les objets sont proches, on prédit que ces deux entités dominantes devraient se télescoper dans environ deux milliards d'années : nous ne serons plus là pour le voir et c'est bien dommage parce que les ciels nocturnes de cette époque seront très sûrement extraordinaires. Ce groupe local (un terme inventé par Edwin Hubble) renferme une grosse trentaine de galaxies, la plupart satellites des deux galaxies principales.

 

     Les galaxies ne sont donc pas uniformément réparties dans l'univers ; elles sont regroupées en amas qui ont tendance à s'éloigner les uns des autres en raison de l'expansion - dont on sait d'ailleurs à présent qu'elle s'accélère - de l'univers : c'est la fameuse « fuite » des galaxies que l'on met en évidence par le décalage vers le rouge de leurs spectres lumineux en fonction de l'effet Doppler, un phénomène que les anglo-saxons appellent « Redshift ». Toutes les galaxies de l'univers visible semblent donc nous fuir, à la notable exception des quelques habitantes de notre groupe local pour la raison déjà évoquée, la gravitation.

 

     Entre les amas de galaxies, il n'existe que d'immenses (mais je devrais dire incommensurables !) zones vides, à l'exception parfois d'un peu de gaz et, peut-être de matière encore inconnue. Ces amas se regroupent eux-mêmes en superamas, puis les superamas en des sortes de filaments ou de grilles qui occupent tout l'espace que nous pouvons voir et/ou deviner. Des milliards de galaxies contenant chacune des centaines de milliards d'étoiles. Impossible de se représenter, de comprendre un tel chiffre... Et le Soleil n'est que l'une de ces étoiles (voir note de bas de page).

 
     Mais alors, si le Soleil n'est pas le centre de l'univers, où se trouve donc celui-ci ? Passionnante question qui a occupé des milliers de discussions scientifiques et opposé tant de grands savants !

 
 

 

 

Le centre du « monde »

 

 
     Avant de localiser où se trouve le centre de l'univers, il convient au préalable de se poser la question de savoir s'il en existe un... La réponse est d'emblée troublante : aux yeux de la cosmologie moderne, le centre de l'univers est partout... et nulle part ! En effet, depuis Einstein et la
théorie de la relativité générale (voir le sujet correspondant), on considère qu'aucun repère absolu n'existe et, de ce fait, tout observateur, où qu'il soit, peut toujours prétendre être au centre du monde...

 

     Pour essayer de comprendre cet apparent paradoxe, revenons sur ce que nous savons (ou croyons savoir) sur notre univers et ses origines.

 

 
     *
le Big bang

 
     Depuis Hubble et sa découverte de la fuite des galaxies, nous savons donc galaxies-univers-lointain-copie-1.jpgque l'univers est en expansion, une expansion qui dure depuis à peu près 13,7 milliards d'années. (On trouvera un exposé plus détaillé sur l'âge et la formation de l'univers dans le sujet
Big bang et origine de l'univers). Supposons que, à l'instar d'un film, nous puissions rembobiner l'histoire du cosmos : l'espace se contracte et les groupes de galaxies se rapprochent les uns des autres pour, à la fin, ne plus former qu'un seul point minuscule appelé singularité. Toute la matière de l'univers se retrouve alors dans un espace nul où la température, la courbure de l'espace-temps, la densité sont infinies et où les lois physiques que nous connaissons ne peuvent pas s'appliquer. La singularité est le cataclysme originel au delà duquel nous ne pouvons plus remonter : c'est le point de départ de notre univers, là où va se produire le Big bang qui déclenchera l'expansion. Impossible de savoir ce qu'il y avait avant et même s'il y avait un « avant ». Toutefois, les cosmologistes modernes proposent certaines solutions à ce paradoxe (voir : avant le Big bang)

 
     D'autre part, lorsque nous regardons l'univers visible autour de nous, nous lui reconnaissons une certaine
homogénéité : dans toutes les directions, on trouve des galaxies regroupées en amas et réparties globalement de la même façon ; on dit que l'univers apparaît homogène quelle que soit sa partie observée. Pour qu'il y ait un même aspect de l'univers quel que soit le lieu, il faut bien qu'il y ait eu à un moment donné une interaction entre ces régions éloignées les unes des autres afin d'avoir assuré l'homogénéité de leurs propriétés.

 

     Or c'est là que le bât blesse : le fond diffus cosmologique (voir sujet), qui est le résidu du big bang, est visible dans toutes les directions à 13,7 milliards d'années-lumière (dans le passé puisque c'est la lumière de cette époque qui nous parvient aujourd'hui) et on observe des galaxies vieilles de 13 milliards d'années de tous côtés. Cela veut dire que les plus éloignées d'entre elles sont séparées par 25 milliards d'années-lumière et donc qu'elles n'ont pas pu être en contact puisque la lumière n'existe que depuis 13 milliards d'années environ et que rien ne va plus vite que la lumière... Leurs propriétés n'ont pu être homogénéisées (par exemple, la densité de la matière, la chaleur et, d'une manière générale, toutes les propriétés physiques) or elles sont quand même homogènes. Où est donc l'erreur ?

 

     Comme il est vraiment peu probable que tout ceci soit dû au hasard, deux explications sont envisageables :

 

a. l'Univers est beaucoup plus vieux que ce que l'on croyait ou

 

b. il était au début beaucoup plus petit que ne nous le laisse supposer l'expansion actuelle. C'est cette dernière explication qui a la faveur des astronomes : l'univers était au début très petit puis il a subi une accélération vertigineuse de son expansion (les objets cosmiques étaient alors « en contact ») avant de revenir au rythme actuel. Cette accélération fantastique est appelée « inflation ».

 
     L'autre hypothèse (l'univers plus vieux) n'est pas réellement abandonnée : elle expliquerait la singularité et ce qu'il y avait avant mais impossible d'aller plus loin. La théorie de la relativité générale ne peut répondre (dans la singularité, la gravitation n'existe pas puisque la matière y est confinée) et il faudrait la remplacer par une théorie quantique de la gravitation qui n'existe pas (ou pas encore).

 

 
          *
le centre de l'univers

 
     On vient de voir que le big bang, point de départ (mais pas forcément de début) de notre univers a eu lieu partout et en même temps dans la singularité. On peut dire les choses autrement : tout l'espace-temps était déjà contenu dans ce point originel. Il faut bien comprendre ce que cela veut dire : tout l'espace était dans ce point et il n'y avait donc rien en dehors parce qu'il n'y a pas de « dehors ». L'espace s'est simplement
dilaté, partout et dans toutes les directions.

 

     Que peut-on en conclure? Eh bien que le « centre » est partout. Supposons, en effet, un observateur situé à, disons, 1 million d'années-lumière de nous (nous, nous ne le verrions seulement que dans 1 million d'années, lorsque la lumière qui l'éclaire nous parviendrait). Cet observateur verrait en ce moment le fond diffus cosmologique à 13,7 milliards d'années. Et les mêmes images décalées dans le temps des galaxies lointaines. Comme nous. Il aurait comme nous l'impression d'être au centre d'une sphère s'étendant dans toutes les directions jusqu'à 13,7 milliards d'années dans le passé... On peut donc avancer qu'il n'y a pas de « bord » : en ce moment, tous les objets existant dans l'univers sont effectivement à 13,7 milliards d'années-lumière du fond diffus cosmologique. Et s'il n'y a pas de bord, c'est partout le centre... et nulle part. Simple, non ?

 

 

 
 

L'homme est si petit et si facile à tromper

 

 
     Nous nous trouvons sur une planète, la Terre, qui a eu le grand mérite de voir apparaître la Vie. Cette vie a suffisamment évolué pour se poser la question de sa place dans la grande machinerie de l'univers. Au début, comme c'est souvent le cas quand on ignore à peu près tout, nous nous sommes pris pour le nombril du monde : non seulement l'univers, si grand qu'il ne peut être réellement appréhendé par l'esprit, nous était destiné mais notre planète, immobile, voyait tourner autour d'elle les milliards de milliards d'étoiles accrochées à on ne sait quelle tapisserie cosmique.

 

     Il en aura fallu des discussions, des controverses, des excommunications mais également des observations longues et minutieuses mâtinées de spéculations géniales pour en arriver à la conclusion que, non, décidément, la Terre n'est pas – au sens antique - le centre du monde. Vanitas vanitatum, omnia vanitas...

 

 

 

Glossaire (in Wikipedia France)

 

* Anaximandre : Anaximandre de Milet (en grec ancien (ναξίμανδρος / Anaxímandros) (610 av. J.-C. – vers 546 av. J.-C.) est un philosophe grec présocratique. Il succéda à Thalès comme maître de l'école milésienne, et compta Anaximène et Pythagore parmi ses élèves. Anaximandre passe pour le premier philosophe à avoir consigné ses travaux par écrit. Seul un fragment est parvenu jusqu'à nous, mais les témoignages antiques permettent de se faire une idée de leur nature et de leur étendue, qui couvre la philosophie, l'astronomie, la physique, la géométrie mais aussi la géographie.

 
 *
Thalès : Thalès de Milet appelé communément Thalès (en grec ancien Θαλής / Thalês), était un philosophe présocratique ionien né à Milet vers l'an 625 et mort vers l'an 547 av. J.-C. Il fut l'un des Sept sages de la Grèce et le fondateur présumé de l'école milésienne. Il est souvent considéré comme le premier philosophe de l'Occident.

 
*
pythagoriciens : Pythagore (en grec Πυθαγόρας / Pythagóras, annoncé par la « Pythie »), né vers -580 et mort vers -490, était un mathématicien, philosophe et astronome de la Grèce antique. L'école pythagoricienne était une école philosophique de l'Antiquité fondée par lui. L'enseignement pythagoricien était divisé en deux parties : une partie pour les acousmaticiens, les non encore initiés, et une pour les initiés, les mathématiciens. Cet enseignement était oral et secret. La transmission du savoir entre disciples était indissociable du respect des règles morales de la fraternité (philias) dans son ensemble : règle du silence, respects du grade d'initiation des disciples. L'école pythagoricienne était ainsi une confrérie tant religieuse que scientifique, s'intéressant principalement à l'enseignement des mathématiques, de l'astronomie, de l'éthique et de la politique.

 
*
Platon : Platon (en grec ancien Πλάτων / Plátôn, Athènes, 427 av. J.-C. / 348 av. J.-C.) est un philosophe grec, disciple de Socrate. Surnommé le « divin Platon », il est souvent considéré comme un des premiers grands philosophes de la philosophie occidentale. La philosophie platonicienne se caractérise par son extrême richesse. On a l'impression qu'il n'y a pas de problèmes ou de questions que Platon n'ait déjà soulevés. Platon s'est tourné aussi bien vers la philosophie politique que vers la philosophie morale, la théorie de la connaissance, la cosmologie ou vers l'esthétique. Ses positions sont encore souvent discutées ou défendues par la philosophie contemporaine.

 

Note : le nombre des étoiles (in Science & Vie, n° 1031, août 2003)

 
     Leur nombre n'est pas si facile à estimer : les astronomes reconnaissent que cette question n'a pas encore de réponse. Simplement parce que nous ne pouvons pas voir au delà d'un horizon de 14 milliards d'années-lumière (la limite fixée par l'âge de l'Univers). Mais il est possible d'évaluer le nombre des étoiles dans l'Univers observable. D'abord, compter les étoiles dans une galaxie moyenne : jusqu'à 200 milliards (soit 2x1011) dans un spécimen moyen comme notre Voie Lactée. Le chiffre est ensuite à multiplier par le nombre de galaxies observables, soit environ 100 milliards (1011), dont 100 millions vues par le télescope du Mont Palomar (USA). On obtient, au final, le chiffre (astronomique !) de 20 000 milliards de milliards (2x1022). Il s'agit d'une estimation à quelques milliers de milliards de milliards près...

 

 

Images

 

1. la galaxie d'Andromède M31 (sources : klmt.club.fr/hddp/)

     Plus grande galaxie de notre groupe local (plus grande mais, semble-t-il, moins dense que la Voie lactée), elle donne une image assez fidèle de ce à quoi ressemble notre galaxie.

2. Galilée (sources : pagesperso-orange.fr/)

3. redshift ou décalage vers le rouge par effet doppler (sources : snap.lbl.gov/science/)

     Note : moving toward you = se rapprochant de vous; at rest = statique; moving away from you = s'éloignant de vous

4. l'expansion de l'univers : observer les objets astronomiques, c'est regarder dans le passé jusqu'à un mur pour l'instant infranchissable : le fond diffus cosmologique, situé 300 000 ans après le big bang, soit à 13, 5 milliards d'années dans le passé. Un passé qui s'accroit plus vite que le temps sur Terre en raison de l'expansion de l'univers et de la fuite des galaxies (sources : snap.lbl.gov/science/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : philosophes grecs - anthropocentrisme - Ptolémée - l'Almageste - Copernic - Tycho Brahé - Galilée - naine jaune - Voie lactée - groupe local - galaxie d'Andromède - expansion de l'univers - relativité générale - singularité - Big Bang - fonds diffus cosmologique - inflation cosmique

(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

 Sujets apparentés sur le blog :

 

1.  Céphéides

2. place du Soleil dans la Galaxie

3. Big bang et origine de l'Univers

4. la querelle sur l'âge de la Terre

5. Edwin Hubble, le découvreur

6. planètes extrasolaires

7. avant le Big bang

8. l'expansion de l'Univers

 

 

  

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Mise à jour  : 19 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #médecine

 

 foetus-copie-1.jpg

 

 

  

 

 

 

     La mondialisation – en tout cas dans le monde développé – est en marche, dit-on, et rien ne semble en mesure de l'arrêter. Il est vrai que, à toutes les époques, les observateurs confrontés au système politique dominant ont souvent eu cette impression d'inéluctabilité, probablement faute de posséder suffisamment de recul. Dans le domaine des sciences la question ne s'est jamais réellement posée puisque, de tout temps, les esprits concernés ont toujours assez facilement reconnu les réelles avancées scientifiques.

 

     Ce qui, aujourd'hui, est nouveau, c'est la haute technicité et la rapidité de la mise en œuvre de leurs applications (société médiatique oblige), la recherche immédiate de bénéfices commerciaux (domination actuelle du modèle marchand anglo-saxon) et la toujours possible délocalisation des recherches sous des cieux plus tolérants. D'où, en médecine, la survenue de problèmes éthiques qui sont parfois de véritables casse-têtes pour les autorités dites morales... Les travaux sur les cellules-souches sont un exemple de ces dilemmes, peut-être le plus emblématique. Je me propose donc de revenir sur leur nature et les espoirs (ou craintes) suscités dans ce domaine.

 

 

 

 

cellules-souches

 

 

     Précisons tout d'abord qu'une cellule-souche est une cellule indifférenciée capable de donner naissance à des cellules spécialisées et possédant par ailleurs la particularité de pouvoir se multiplier de manière quasiment illimitée, notamment quand elles sont cultivées en laboratoire (cette propriété étant également le cas des cellules cancéreuses). On comprend immédiatement leur intérêt si l'on espère régénérer un organe, voire en créer un nouveau... et les problèmes éthiques s'y rapportant : nous aurons l'occasion d'y revenir.
  
     Les cellules-souches sont présentes chez tous les êtres vivants (on pense à la salamandre capable de régénérer une de ses pattes si nécessaire), lescellules-souches-1.jpg mammifères comme les autres. On les trouve surtout au
stade embryonnaire de l'individu et aussi, mais dans une moindre mesure, chez l'adulte dont les tissus possèdent, en effet, presque toujours des cellules-souches, celles-ci étant seulement capables de régénérer le tissu composant l'organe auquel elles appartiennent. En résumé, plus on est près des premières divisions cellulaires après la fécondation, plus les cellules-souches présentes ont la faculté d'engendrer des cellules potentiellement multi-spécialisées.
 
     C'est la raison pour laquelle, on classe ces cellules en quatre grandes catégories :
 
  
*
les cellules-souches totipotentes : elles sont capables de donner un individu complet (totipotent = tous les pouvoirs) et sont issues des premières divisions de l'œuf (en fait, jusqu'au stade de la morula, c'est à dire un embryon débutant comprenant environ de 2 à 8 cellules). Lorsqu'on décide de provoquer le clonage d'un individu entier, c'est évidemment à ce stade qu'il faut le faire.
 
  
*
les cellules-souches pluripotentes : présentes chez l'embryon un peu plus âgé (vers 40 à 50 cellules), elles ne peuvent plus donner un individu entier mais sont encore capables d'engendrer chacun des tissus de l'organisme.
 
 
*
les cellules-souches multipotentes : celles-ci sont présentes bien sûr chez l'embryon mais aussi chez l'adulte. Leurs capacités sont un peu plus limitées puisqu'elles peuvent produire différentes cellules spécialisées mais de nature voisine : on parle alors de cellules déterminées. C'est le cas, par exemple, des cellules-souches du système hématopoïétique de l'homme qui peuvent donner naissance à toutes les cellules du système sanguin (y compris les globules blancs les plus spécialisés) mais sont incapables de former, par exemple, des cellules osseuses ou pancréatiques.
 
 
*
les cellules-souches unipotentes : ces dernières ne peuvent donner qu'un type cellulaire et un seul, tout en gardant comme les autres la possibilité de s'autorenouveler. Elles sont présentes dans la plupart des organes mais pas tous : par exemple, le cœur n'en possède pas et est donc incapable de se réparer si besoin.
 
 
     On voit donc qu'il existe différentes sortes de cellules-souches, plus ou moins opérantes, plus ou moins recherchées et donc plus ou moins faciles à trouver. Précisons également que d'autres cellules sont capables de se différencier et de donner naissance à des lignées cellulaires particulières mais elles ont perdu la faculté de se reproduire à l'infini : en pareil cas, on ne parlera pas de cellules-souches mais de
cellules progénitrices (on en trouve un peu partout dans l'organisme d'un être vivant) beaucoup moins intéressantes.
 
 
 

Intérêt des cellules-souches
 
 
     Les cellules-souches, et ce d'autant qu'elles se situent plus tôt dans la Friedmann.jpgvie de l'individu, sont une  extraordinaire richesse potentielle puisque, à partir d'elles, on est en droit d'espérer la
réparation de n'importe quel tissu déficient ou abimé, voire plus peut-être. On comprend la frénésie qui s'est emparée d'une partie des spécialistes de la question (et des politiques mais sans doute pour d'autres raisons). Qui n'a jamais rêvé de voir, à l'instar de la salamandre citée plus haut, repousser un membre accidentellement disparu ? Est-ce possible ? Et, au fait, que peut-on espérer de ces cellules « miracles » ? La liste est longue et certainement pas exhaustive.
 
     En théorie, il paraît parfaitement envisageable de mettre en culture des cellules pluripotentes (les plus prometteuses) et obtenir une
source quasi-illimitée de tissus cellulaires. Du coup, la thérapie cellulaire devient possible dans un grand nombre d'affections qui se caractérisent précisément par l'altération de telle ou telle lignée cellulaire : on pense, bien sûr, à la maladie d'Alzheimer, à la maladie de Parkinson, aux maladies de la moelle osseuse mais aussi, pourquoi pas, à toutes celles qui bénéficieraient d'une réinjection de cellules « normales » comme les maladies cardiovasculaires, le diabète (cellules pancréatiques), la polyarthrite rhumatoïde, les atteintes cérébrales diverses, etc. etc. Ailleurs, on évoquera évidemment tous les types de brûlures, les nécroses par ischémie, les destructions post-radiothérapiques, les déficits enzymatiques... La liste est longue... et la mariée peut-être trop belle !
 
     L'intérêt de ces cellules ne s'arrête pourtant pas là : nous venons d'évoquer quelques unes des applications thérapeutiques venant spontanément à l'esprit mais les cellules-souches présentent également un intérêt majeur dans le domaine de la recherche fondamentale. On pourrait citer – entre autres – les avancées majeures qu'elles permettent d'entrevoir dans la sphère des
anomalies génétiques où elles permettraient d'étudier les processus de développement cellulaire et, par voie de conséquence, leurs anomalies : je pense ici d'abord à la trisomie 21, si fréquente, mais il existe, comme on s'en doute, bien d'autres sujets d'études génétiques. Les recherches sur le cancer, par la proximité de leurs caractéristiques (vitesse de reproduction, expression des gènes, etc.) avec les cellules néoplasiques pourraient également bénéficier de réelles pistes d'étude. On peut également citer la recherche sur le développement des premiers stades de l'embryogénèse ou, ailleurs, l'étude grandement facilitée des nouveaux médicaments puisque que l'on disposerait en pareil cas d'un matériel sûr et pratiquement illimité.
 
     Alors, ces cellules-souches sont-elles vraiment cette panacée tant recherchée ? Ce n'est hélas pas certain pour au moins deux types de raisons.
 
 
 

limitations potentielles à l'utilisation des cellules-souches
 
 
     La première des incertitudes concernant l'intérêt véritable des cellules-souches, et donc de leur utilisation à grande échelle, est d'ordre strictement médical. J'évoquais plus haut les similitudes existant entre ces cellules primordiales et les cellules cancéreuses : divisions rapides et illimitées, expression de certains gènes « réprimés » chez les cellules normales, activité biochimique cellulaire intense. Certaines études ont montré que les cellules-souches sont très certainement
à l'origine des cancers : ce sont, en effet, les seules à vivre assez longtemps pour pouvoir muter (ces mutations survenant au terme d'un certain nombre d'années d'évolution) alors que les cellules « normales » de l'organisme ne survivent que quelques semaines, un temps trop court.
 
     On sait à présent qu'il existe dans toutes les cellules des tissus de l'organisme un système d'autorégulation, appelé apoptose, qui les oblige à s'autodétruire après un certain temps d'activité, comme si l'Evolution avait introduit ce paramètre pour éviter d'éventuels dérapages. Ce mécanisme est en parfait équilibre avec la prolifération cellulaire normale et est indispensable à la survie des organismes pluricellulaires.
 
     Les cellules-souches, de part leur caractéristiques propres, ne sont pas inhibées par ce phénomène de mort cellulaire naturelle et ne sont donc pas limitées dans le temps : l'enjeu est par conséquent de contrôler cette apparente anarchie. Il s'agit là d'un problème sérieux qui nécessite encore beaucoup de travail, d'abord pour être certain du phénomène, ensuite pour le contenir s'il est vraiment effectif... On voit donc qu'il convient d'être prudent pour ne pas recréer, par exemple, des tissus dont la qualité irait exactement à l'inverse du but recherché.
 
     La seconde limitation à l'utilisation des cellules-souches est d'ordre
éthique et c'est d'ailleurs celle qui suscite le plus d'interrogations et de débats dans la communauté scientifique (et ailleurs !).
 
 
 

Problèmes éthiques
 
 
* le premier groupe de problèmes éthiques concerne
l'obtention des cellules-souches
 
     Comme on l'a déjà vu, ces cellules sont d'autant plus intéressantes que chim-res.jpgl'embryon sur lequel elles seront prélevées est jeune. Or, la technique de prélèvement détruit l'embryon d'origine afin d'obtenir et de mettre en culture les cellules visées. Que ce prélèvement provienne d'embryons surnuméraires (pour une FIV ou fécondation in vitro) et destinés à être secondairement détruits ou qu'il soit pratiqué d'emblée sur un embryon créé pour cela, les détracteurs de la technique dénoncent le fait que l'embryon est en pareil cas considéré comme un objet, un produit marchand et s'insurge « contre l'intolérable atteinte à la vie » tandis que les partisans de la technique proposent de considérer avant tout le résultat qui est la guérison de maladies autrement incurables.
 
     On a bien proposé d'utiliser des cellules-souches présentes dans le cordon ombilical d'un nouveau-né mais, outre que cette technique reste encore en développement, il est à peu près sûr, nous l'avons déjà évoqué, que les cellules obtenues n'auront probablement pas le potentiel de développement multiple des cellules prélevées plus tôt dans le développement embryonnaire.
 
     Alors, pourquoi pas des prélèvements à partir de "chimères" homme-animal, comme on peut le voir sur la photo ci-dessus (dont je reconnais qu'elle est volontairement provocatrice) ? En tout cas, un tournant éthique semble avoir été franchi puisque la Grande-Bretagne les autorise depuis 2007
 
 
     * deuxième type de problèmes :
des cellules-souches, en définitive, pour quoi faire ?
 
     On a déjà évoqué la création (ou recréation) de tissus endommagés ainsi que la mise en culture de lignées cellulaires destinées à compenser les déficits de certaines maladies dégénératives. Hors l'obtention des dites cellules (voir paragraphe précédent), il n'existe guère d'opposition à ces thérapies. De la même manière, le développement du
génie tissulaire (qui consiste à implanter des néofibres sur certains organes comme le cœur et ses vaisseaux) ne soulève pas de problèmes éthiques particuliers.
 
     Les tentatives de
thérapie génique sont plus discutées : corriger des organes anormaux par présence d'un gène muté est déjà plus contesté mais le vrai problème concerne les maladies génétiques transmises à l'œuf par ses parents. Dans ce dernier cas, pour éviter la maladie, on a recours à un clonage (transfert de noyaux cellulaires sur l'ovocyte de la mère) qui conduit au développement d'un embryon indemne de la maladie. Certaines personnes pensent ici qu'il s'agit d'une porte ouverte vers l'eugénisme, c'est à dire la sélection d'individus sur des critères particuliers à telle culture ou tel régime politique. Les autres, au contraire, expliquent qu'une telle technique serait forcément très encadrée pour empêcher les dérapages et que nombre de drames humains, atrocement douloureux pour les individus et fort coûteux pour la communauté, seraient alors évités. Le débat fait rage.
 
     Toutefois, un élément sur lequel s'accordent toutes les parties (pour le moment en tout cas) est l'interdiction nécessaire de tout
clonage reproductif (reproduction d'un individu exactement identique à lui-même) : l'ONU a d'ailleurs délibéré dans ce sens.
 
 
 
 
la situation actuelle
 
 
     Le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'est pas claire. Il existe en réalité
quatre types de positions adoptés par les différents pays :
 
 
 
* ceux qui
autorisent les recherches sur l'embryon (et donc les cellules-souches) et le clonage thérapeutique (on a déjà dit que le clonage reproductif est, en théorie, interdit partout) ; il s'agit principalement des USA, du Canada, d'Israël, de la Chine et, en Europe, du Royaume-Uni, de la Belgique et de la Suède. Le Japon, tout en n'interdisant pas explicitement le clonage thérapeutique, le déconseille fortement.
 
 
* ceux qui
interdisent tout : en Europe, c'est le cas de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Autriche, de la Pologne et de la Norvège. C'est également le cas de pratiquement tous les états d'Amérique du sud à l'exception du Brésil.
 
 
* ceux qui, tout en interdisant le clonage thérapeutique,
autorisent des recherches fortement encadrées : on trouve dans cette catégorie, l'Australie, le Brésil (interdiction du clonage mais autorisation des études sur les embryons congelés depuis au moins trois ans). En Europe, certains pays autorisent les recherches sur les cellules-souches embryonnaires : le Danemark, la Grèce, la Finlande, l'Estonie, la Lettonie, la Slovénie et la Suisse. Les Pays-Bas ont choisi d'instaurer un moratoire de 5 ans à l'issue duquel les recherches seront autorisées si les avancées médicales sont démontrées (mais ont déjà indiqué que par « être humain », il faut entendre un être « humain qui est né »...). L'Espagne et le Portugal cherchent à faire évoluer rapidement leur législation dans un contexte difficile, pour des raisons religieuses notamment. Quant à la France, elle a autorisé un dispositif dérogatoire de cinq ans. Pour notre pays, un rapport a été transmis au Premier Ministre de l'époque, Dominique de Villepin. Réalisé sous l'autorité du député du Val-de-Marne, le Professeur Fagniez, il conclue à la nécessité de réviser tous les cinq ans la loi relative à la bioéthique (www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/rapport/rapportfagniez.pdf).
 
 
     * ceux qui
hésitent et sont encore en recherche de leur législation.
 
 
 

au total
 
 
     Il semble encore difficile de se faire une idée de l'intérêt des cellules-souches en médecine. Il est possible que les espoirs placés en elles soient exagérés comme paraissent le souligner quelques publications récentes. Ce n'est donc probablement pas la panacée évoquée plus avant dans le sujet. A l'inverse, il s'agit certainement d'une
voie d'avenir pour un certain nombre d'affections face auxquelles nous sommes actuellement désarmés.
 

     Le cas du clonage thérapeutique à des fins de thérapie génétique est certainement, d'un point de vue éthique, le plus délicat mais on sent déjà les différentes législations sur le point d'évoluer vers une plus grande souplesse. Il est vrai que les intérêts économiques sont gigantesques et que nos décideurs politiques doivent se dire qu'il serait irréaliste de laisser le champ libre au voisin puisqu'on sait que, au bout du compte, les véritables avancées scientifiques finissent toujours par imposer leur propre éthique.

 

     Et qui pourrait affirmer avec certitude que, dans l'atmosphère tamisée d'un laboratoire discret situé dans un pays à la législation aléatoire, on n'est pas déjà en train de réaliser ce que tous veulent interdire ? Alors, on se dit qu'il est peut-être préférable d'encadrer ce que l'on ne peut pas éviter.

 

 

 

 

 

 

Images

 

1. fœtus humain de quatre mois (source : www.retrouversonnord.be)

2. cellules souches embryonnaires de souris (sources : www.techno-science.net)

3. Théodore Friedmann, le père de la thérapie génique (sources : www.dopinginfo.ch)

4. bientôt des "chimères" animal-homme ? C'est autorisé en Grande-Bretagne depuis le 17 mai 2007. (sources :  institut-de-cognitique.blogspot.com/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

 

Addendum : cellules souches artificielles

 

   En novembre 2007, des biologistes japonais sont parvenus à créer des cellules souches artificielles à partir de la peau humaine et donc sans utiliser d'embryon... L'origine de ces cellules est par conséquent "éthiquement" correcte. De plus, ces cellules baptisées iPS sont assez faciles à obtenir. Il reste à s'assurer qu'elles ont le même potentiel que les cellules souches "naturelles" mais elles font déjà l'objet de nombreux travaux en thérapie génique et dans l'évaluation des médicaments. Parfaites alors puisque ne touchant pas l'embryon ? Pas tout à fait car elles peuvent également concerner les cellules germinales et, du coup, la reproduction asexuée se profile à l'horizon. Gros  problème éthique à venir !

(d'après Science & Vie, 1099, avril 2009) 

 

 

 

Mots-clés : CS totipotente - clonage - CS pluripotente - CS multipotente - cellules déterminées - CS unipotente - cellule progénitrice - anomalie génétique - embryogénèse - apoptose - fécondation in vitro (FIV) - génie tissulaire - thérapie génique -Théodore Friedmann - eugénisme - clonage reproductif - clonage thérapeutique 

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

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Mise à jour : 7 juillet 2009

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