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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par Céphéides
Publié dans : #astronomie
étoile Wolf-Rayet WR 124

étoile Wolf-Rayet WR 124

  En 1876, à l’observatoire de Paris, deux astronomes français, Charles Wolf et Georges Rayet s’interrogèrent sur la nature de trois étoiles étranges situées en regard de la constellation du Cygne. Étranges car la spectrométrie (une technique encore balbutiante) révélait qu’elles étaient différentes de toutes les autres étoiles observées : leur spectre présentait des bandes étroites de couleur (spectre d’émission) au lieu de spectres continus de  presque toutes la gamme des couleurs (spectre d’absorption). Comment expliquer cette étrangeté ? Débutait ainsi une énigme qui allait occuper les scientifiques durant de nombreuses décennies. Récemment le télescope spatial James Webb nous en a appris un peu plus sur ces objets si particuliers.

 

 

Les étoiles Wolf-Rayet


      On sait aujourd’hui que les étoiles Wolf-Rayet sont en réalité les descendantes des étoiles de type spectral O ou B, c’est-à-dire les étoiles les plus massives existantes puisque leur masse est comprise entre 10 et plus de 200 masses solaires (la plus massive jamais observée, R136a1, située en regard de la constellation de la Dorade, atteint 315 fois la masse du Soleil).

 

        Rappelons que le type spectral d’une étoile est caractérisé par quatre éléments : sa température de couleur, sa gravité de surface, sa masse et sa luminosité, des éléments qui sont liés entre eux mais difficilement mesurables directement.

 

       La couleur d’une étoile, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer (voir le sujet "la couleur des étoiles") est en rapport avec sa température : allant du rouge (les « moins » chaudes) aux bleues et violettes. En effet, plus un corps est chaud, plus les photons qu’il émet sont énergiques
étoile géante bleue
étoile de type B
et, parallèlement, plus leur longueur d’onde est faible. Les étoiles de type spectral B sont de couleur bleue tandis que celles du type spectral O sont violettes, donc les plus chaudes (avec parfois une température de surface qui peut atteindre 100 000K). C’est précisément en étudiant la relation entre la luminosité et la température que fut bâti le diagramme de Hertzsprung-Russell (diagramme HR) qui est en quelque sorte la carte de vie des étoiles.

 

 

les étoiles Wolf-Rayet et le diagramme HR

 

 

classification des étoiles
diagramme de Hertzsprung-Russell
Le diagramme HR nous montre une plage centrale, dite séquence principale, ou se situe la majorité des étoiles, un endroit où la plupart d’entre elles passeront l’essentiel de leur vie tranquillement, transformant leur hydrogène en hélium : par exemple, le Soleil est à mi-parcours de sa vie et se situe donc logiquement au milieu de la séquence principale du diagramme.

 

    Lorsque tout l’hydrogène d’une étoile est consommé, les plus légères d’entre elles terminent leur vie sous la forme de naines blanches c’est-à-dire d‘astres dégénérés de la taille approximative d’une planète dont la chaleur et la luminosité finissent par décroître au fil des milliards d’années. Les plus massives, en revanche, grossissent jusqu’à devenir des géantes ou des supergéantes rouges qui finissent par exploser, leur cœur s’effondrant en étoiles à neutrons ou, pour les plus grosses, en trous noirs.

 

Preuve qu’elles sont bien particulières, les étoiles WR se situent quant à elles à l’extrémité supérieure de la séquence principale du diagramme HR (en haut, à gauche) mais sans avoir complètement rejoint l’emplacement des géantes.

 

les étoiles Wolf-Rayet, des géantes très spéciales

 

Puisqu’elles quittent progressivement la séquence principale HR, cela veut dire que ces étoiles WR ne brûlent plus d’hydrogène mais, par étapes progressives, d’autres éléments, à savoir d’abord l’hélium puis le carbone, l’oxygène, etc. Durant un bref moment (en termes astronomiques), environ un million d’années, ces étoiles se mettent à expulser la matière qui entoure encore leurs noyaux sous la forme de vents stellaires à grande vitesse et ce n’est que lorsque ces noyaux seront à nu qu’elles exploseront en supernovas.

 

 Une des caractéristiques de ces étoiles WR est le fait que les vents stellaires qu’elles engendrent finissent par occulter complètement l’étoile jusqu’à en cacher son spectre stellaire. Voilà l’explication des spectres si particuliers des étoiles WR : le spectroscope n’enregistre pas chez elles leur spectre véritable (celui de la surface de l’étoile) mais celui des couches du nuage qui les entoure…

 

étoile de Wolf-Rayet, stade précurseur de supernova,
étoile de Wolf-Rayet et ses vents stellaires

 

   La matière éjectée par les vents stellaires est en fait très importante : on parle parfois « d’ouragan stellaire » tant ces vents sont intenses puisqu’ils s’écoulent à plusieurs milliers de km par seconde (soit 1% de la vitesse de la lumière !). La conséquence d’un tel phénomène est par ailleurs majeure sur l’espace galactique environnant : enrichissement du vide interstellaire en éléments nouveaux et en énergie. De ce fait des bulles se créent tandis que les vastes nuages de gaz rencontrés se compriment et s’échauffent. Toutefois, une autre conséquence importante de cette activité hors norme semble plutôt paradoxale : les étoiles WR créent de la poussière, nous y reviendrons.

 

 

évolution des étoiles Wolf-Rayet

 

Les étoiles WR sont parmi les plus rares que l’on puisse rencontrer dans une galaxie : pour la Voie lactée, on estime qu’il en existe environ 6000 (sur un total de 180 à 200 milliards d’étoiles) soit une pour un milliard d’étoiles ce qui, au fond, n’est guère surprenant puique l’on observe ici le stade évolutif très court d’une catégorie d’étoiles géantes.

 

Nous l’avons déjà signalé : les étoiles WR, selon leur masse, peuvent donner naissance à des étoiles à neutrons ou à des trous noirs mais pas seulement… Elles sont impliquées dans l’apparition de nombreux objets astrophysiques remarquables d’où, d’ailleurs, l’intérêt de leur étude. En réalité, il existe deux cas bien différents selon que l’étoile WR est isolée ou associée à une compagne dans ce que l’on appelle un système binaire.

 

* isolée, l’étoile WR évolue classiquement en étoile à neutrons ou en trou noir, on vient de le dire ;

 

* plus intéressante est l’éventualité où elle a une compagne. En pareil cas, lorsque la WR explose en supernova, il existe deux possibilités :

 

  1. le système se dissocie et, tandis que la WR se transforme en étoile à neutrons ou en trou noir à haute vélocité projetés dans l’espace, sa compagne est propulsée en sens inverse pour éventuellement devenir « une étoile en fuite ».

 

  1. si le système binaire reste lié (« en contact »), l’explosion lui confère une grande vitesse spatiale associant trou noir et/ou étoile à neutrons ce qui va immanquablement attirer l’étoile secondaire si celle-ci est de taille relativement modeste (quelques masses solaires), le phénomène amenant à la création d’un disque d’accrétion produisant quantités de rayons X. Si la WR est devenue une étoile à neutrons, le nouvel ensemble est appelé « binaire X de grande masse ». Dans le cas d’un trou noir, on parlera de microquasar. (l’équivalent à l’échelle stellaire d’un quasar à l’échelle galactique).
microquasar stellaire
microquasar

 

Il existe un cas encore plus bizarre : si l’étoile compagne est massive, elle évoluera logiquement en géante rouge qui pourra alors « absorber » l’étoile à neutrons qui risque de rester prisonnière à l’intérieur de de la géante rouge et de remplacer son cœur (on parle alors d’objet de Thome-Zytkow). Qui a dit que la Nature était trop prévisible et incapable d’inventer des scénarios bizarres ?

 

 

une poussière fertilisant l’espace

 

 

Le télescope spatial James Webb (JWST) a étudié les étoiles WR et ce fut même une de ses premières missions en 2022. Il s’est plus précisément intéressé à l’étoile Wolf-Rayet WR 124 (voir l'image d'en-tête) et a précisé la structure noueuse de ces objets et surtout de leurs éjections intermittentes. JWST, grâce à sa grande compétence dans le domaine de l’infrarouge, a précisé la nature, dans les nuages nébuleux entourant la WR, de cette poussière que nous avions évoquée plus avant.
En effet, la nature de cette poussière avait toujours intrigué les scientifiques. On savait qu’elle se compose de minuscules particules émanant du gaz stellaire qui, en s’agglomérant, se condensent pour aboutir à la formation de nouvelles étoiles. Mais pourquoi autant de poussière autour de ce type particulier d’étoiles ? Normalement, la poussière se forme préférentiellement dans les endroits tranquilles où la température est plutôt faible… Tout le contraire du voisinage d’une étoile WR  
étoile de Wolf-Rayet et vents violents en panache
étoile Wolf-Rayet et sa coquille
dont on connait le désordre incandescent  s’accompagnant d’un bombardement massif en rayons ultraviolets ! C’est la présence d’une étoile compagnon qui donne la réponse : en effet, près de l’étoile WR le gaz est très dense mais brûlant tandis que, à l’inverse, plus loin, il est froid mais dilué. C’est lorsque, porté par les vents stellaires, le gaz entre en contact avec celui de la compagne que l’ensemble peut se condenser sous la forme d’un bol ou d’une coquille puis s’échapper en une sorte de spirale,  de panache : c’est le cas de plusieurs étoiles WR à présent bien étudiées comme WR 104, WR 98a ou encore WR 112.
Avec un luxe de détails inédits, le télescope spatial a donc décrit la formation de cette poussière cosmique, riche en éléments lourds et notamment en carbone.
 Voilà comment les supernovas ensemencent l’univers en briques élémentaires qui conduiront (entre autres) à la Vie telle que nous la connaissons.

 

 

les étoiles de Wolf-Rayet : le bien et le mal

 

 

Ensemencer l’univers ? Voilà effectivement une action qu’on peut classer parmi les plus positives. On pense souvent à l’explosion d’une supernova pour expliquer la formation d’étoiles nouvelles à partir d’une nébuleuse de gaz interstellaire : c’est même l’explication avancée par de nombreux scientifiques pour la création du Soleil lui-même… et de son cortège de planètes. Avec, pour la troisième d’entre elles, l’importance du carbone dans l’apparition de la Vie.

 

Malheureusement, comme le dit l’antique adage, toute médaille a son revers et les étoiles WR sont aussi source d’inquiétude. En effet, on les soupçonne fortement d’être, lors de leurs fins brutales, responsables des sursauts gamma, notamment ceux qui durent longtemps (plus de deux secondes). Or si l’on sait que les supernovas dites classiques n’agissent que sur leur entourage stellaire immédiat, c’est bien différent pour les étoiles WR : l’énergie qu’elles produisent se trouve confinée dans d’étroits et puissants faisceaux et si, par malheur, leur alignement vise notre système solaire, il peut y avoir un danger certain pour la vie biologique. Certains scientifiques attribuent d’ailleurs la première extinction de masse sur notre planète (celle de l’ordovicien il y a 445 millions d’années) à l’émission d’une salve de rayons gamma associée à un réchauffement climatique (et non pas une glaciation comme on le pensait jusqu’à présent).

 

Notre connaissance des étoiles Wolf-Rayet a récemment bien progressé au point que, pour la première fois, des données relativement fiables concernant leur alignement ont pu être analysées et, malheureusement pour nous, il semblerait bien que WR 104 pointe directement sur notre système solaire…

 

 

Sources

 

* Encyclopaedia Universalis

* Wikipedia France :  fr.wikipedia.org/

* Revue Pour la Science, n° 554, décembre 2023, 44-51

 

Images :

1. WR 124 (sources : apod.nasa.gov)

2. étoile de type O (sources : science-et-vie.com)

3. diagramme HR (sources : astronomie.savoir.fr)

4. étoile WR et ses vents stellaires (sources : actu.fr)

 5. microquasar (sources : fineartamerica.com)

 6. étoile Wolf-Rayet et sa coquille (sources :bilimseldunya.com)

 

Sujets apparentés sur le blog

1. mort d'une étoile

2. lla couleur des étoiles 

3. la saga des rayons cosmiques 

4. sursauts gamma

5. les étoiles géantes

 

 


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