Stonehenge
Depuis toujours les hommes se sont demandés de quoi pouvait bien être fait le monde dans lequel ils vivent et, accessoirement, de quoi se composait leur propre corps. A l’échelle macroscopique, nous avons depuis quelques siècles une idée assez précise de cette organisation mais au-delà de ce que l’on peut voir, dans l’infiniment petit, la réponse est moins claire. On évoque alors les atomes mais connait-on vraiment leurs structures et les forces qui les lient ou les font interagir ? De quoi sont-ils faits eux aussi ? Quelle est la limite de l’insécable ? La physique moderne, si elle ne peut évidemment tout expliquer, dispose de quelques pistes… Retour sur le problème.
Intuitivement, certains penseurs anciens (les philosophes grecs présocratiques comme Leucippe ou Démocrite notamment) avaient soupçonné que la matière était composée de parcelles indivisibles. C’est une notion qu’on comprend empiriquement en émiettant, par exemple, une motte de terre, obtenant des parties de plus en plus petites, et si l’on pouvait continuer, des grains finalement indivisibles et permettant la conservation de cette matière, les atomes. De l’ancien concept philosophique de l’antiquité, on est passé à un concept qui demeure théorique (car non visible) mais qui est bien accepté par tous. Peut-on aller plus loin ?
Les particules élémentaires
Avant de chercher à comprendre ce qui lie les particules les plus petites de la matière encore faut-il les décrire. Pour cela, le plus simple est de partir de cet atome que nous venons d’évoquer parce que c’est lui qui caractérise les éléments (le fer, le cuivre, le cobalt, etc.). De quoi est-il fait puisqu’il n’est plus comme le pensaient les philosophes grecs le « dernier grain indivisible ».
En réalité, un atome est composé d’un noyau et d’électrons qui gravitent autour de lui (voir le sujet mécanique quantique). Le noyau atomique est lui-même formé de structures plus petites, les protons et les neutrons. Comme leur appellation l’indique, les neutrons sont neutres tandis que les protons sont chargés positivement et les électrons négativement. C’est cet équilibre et le nombre des constituants qui caractérisent un atome (de fer, de plomb, etc.). Toutefois, si l’électron est bien une particule élémentaire (c'est-à-dire indivisible) comme l’est également le photon qui transporte l’information lumineuse, ce n’est pas le cas des protons et des neutrons qui peuvent être scindés en particules encore plus petites : les quarks.
On sait à présent qu’il existe des quarks de différente nature (six pour être précis et possédant des noms assez exotiques : down, up, strange, charm, bottom ou beauty et top ou truth). On leur donne également, à ces quarks, des noms de couleur (en fait un moyen de les caractériser car cela n’a rien à voir avec les couleurs que nous connaissons). Tout cela est très compliqué et a d’ailleurs valu à Murray Gell-Mann le prix Nobel de physique en 1969 pour les avoir le premier décrits. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il s’agit là des composants intimes de la matière et qu’ils interagissent les uns avec les autres et… mais à propos, comment pourraient-ils interagir puisqu’ils ne se « touchent » évidemment pas ? Quelles sont les " forces " qui les lient ? D’autres particules élémentaires qui ne serviraient qu’à ça ? C’est tout l’objet du modèle standard actuellement en vigueur en physique fondamentale : nous aurons l’occasion d’y revenir mais, auparavant, il faut justement préciser quelles sont les « forces » présentes dans l’univers.
Les différentes forces de l’univers
On pense que ces forces universelles – qu’on appelle forces fondamentales – étaient de même puissance au moment du Big Bang puis qu’elles ont divergé. Elles sont au nombre de quatre :
• L’interaction électromagnétique qui est responsable de la plupart des phénomènes que nous pouvons observer à notre échelle (lumière, magnétisme, réactions chimiques, électricité, etc.). Elle peut être attractive ou répulsive selon les charges électriques (pensez à deux aimants que l’on rapproche l’un de l’autre) et elle est transportée par les photons.
• L’interaction nucléaire forte : c’est la force qui est responsable de la cohésion des quarks entre eux (et c’est accessoirement la force d’interaction la plus puissante connue). Elle permet ainsi la cohésion des noyaux des atomes, si difficiles à briser, mais ne s’exerce que sur une distance infime, subatomique. Elle est transportée par une particule appelée gluon sur laquelle nous reviendrons plus tard.
• L’interaction nucléaire faible : c’est la force qui est responsable de la radioactivité β. Beaucoup moins puissante que l’interaction forte que l’on vient d’évoquer, elle possède, elle aussi, un rayon d’action très court. Ses transporteurs sont les bosons sur lesquels nous reviendrons aussi.
• Et la gravitation : c’est la force qui lie les objets massifs entre eux et, donc, par exemple, les planètes, les étoiles ou les galaxies. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler longuement dans un sujet précédent (voir sujet relativité générale).
Or ce qu’aiment par-dessus tout les scientifiques, ce sont les choses simples. Ils pensent en effet que lorsqu’on a recours à des théories compliquées, faisant appel à un grand nombre de paramètres indispensables, c’est qu’on ne sait pas vraiment résoudre le problème. Toute la démarche des physiciens au cours de ces dernières décennies aura donc consisté à décrire, expliquer et essayer d’unifier ces différentes forces afin d’obtenir un modèle simple et cohérent. Pour cela, ils disposent de deux grands outils : la physique macroscopique de la relativité générale et la physique quantique.
Les deux physiques
La relativité générale, on l’a déjà dit, s’occupe de l’espace-temps macroscopique et donc explique ce que sont les caractéristiques de la force qui s’exerce à cette échelle, la gravitation. Pour résumer brièvement, disons que la relativité générale explique la gravitation comme une fusion de l’espace et du temps. Pour mieux faire comprendre cette fusion, on prend souvent l’exemple d’un tapis mousse sur lequel un objet lourd imprime une empreinte d’autant plus grande que l’objet est pesant. Un objet plus petit situé à proximité de lui ne peut alors que suivre la courbure de la cuvette ainsi formée (on parle de géodésique). La lumière elle-même (ou plutôt les photons qui la transportent) suit la courbure ainsi créée.
La physique quantique, elle, et nous en avons déjà parlé (voir sujet mécanique quantique), s’intéresse à l’univers subatomique et donc aux trois forces restantes déjà citées, électromagnétisme et interactions forte et faible. Elle se propose de décrire les particules élémentaires intervenant à cette échelle et ce qui les fait interagir. Elle divise ces particules en deux groupes : les fermions et les bosons. Les fermions sont les particules élémentaires que nous avons déjà évoquées et qui constituent la matière proprement dite, par exemple les quarks ou les électrons. La mécanique quantique introduit un deuxième groupe de particules qui, cette fois, sont des particules de liaison entre les fermions et elle les appelle des bosons. A chaque particule élémentaire du groupe fermions doit donc correspondre une particule de liaison spécifique du groupe bosons. Les scientifiques n’ont évidemment pas encore tout découvert : la preuve en est qu’il existe des fermions auxquels ne correspondent aucun boson et des bosons qui n’ont pas de correspondants chez les fermions. Compliqué ? Pas tant qu’il y paraît.
Prenons un exemple, celui d’un quark isolé. Une telle particule élémentaire isolée n’a pas de masse et n’interagit avec rien. Dans l’univers, il existerait un bain constant de bosons et dès qu’une particule pénètre un champ de bosons, ces derniers s’agglutineraient autour d’elle en lui conférant dès lors une masse et la possibilité d’interagir avec d’autres fermions : ces bosons intervenants sont appelés « bosons de Higgs », du nom du scientifique qui le premier postula leur existence (il existe d’autres bosons pour des fermions spécifiques mais le boson universel est le boson de Higgs). Pour le mettre en évidence on a construit des outils spécifiques qui sont ici des accélérateurs de particules. L’idée est « d’accélérer » les particules à une vitesse incroyable avec l’espoir de faire éclater les liaisons fermions-bosons, libérant ainsi ce fameux boson de Higgs : c’est cela l’intérêt considérable du LHC (du CERN à Genève), fleuron de la recherche fondamentale européenne. Et cela a marché ! En juillet 2012, ce fameux boson de Higgs a pu être mis en évidence au CERN (avec 99,9% de certitude), mettant par là-même un terme à une recherche de près de cinquante ans... On trouvera un article spécialement consacré à cette remarquable découverte dans ce blog (voir le sujet : le boson de Higgs).
En faisant correspondre équations et observations, les physiciens ont donc pu construire une théorie générale pour unifier tout cela : le modèle standard.
Le modèle standard
C’est la première approche – actuelle - d’une théorie permettant d’unifier toutes les forces présentes dans l’univers que ce soit à l’échelle macroscopique (relativité générale) ou microscopique (physique quantique). Dans ce modèle, un certain nombre de forces ont été unifiées :
• magnétisme et électricité donnent l’électromagnétisme ; ici, pas de problème : les fermions sont agglutinés par les photons qui n’ont pas de masse ;
• l’interaction faible et électromagnétisme donnent l’électrofaible ; cette force électrofaible concerne les bosons W et Z qui ont une masse (cela est expérimentalement prouvé) : il faut donc leur faire correspondre un boson sans masse, le boson de Higgs qui, en s’agglutinant à eux leur conférerait cette masse.
• l’interaction forte (gérée par des bosons particuliers, les gluons) associée à la force électrofaible donne le modèle standard.
Alors, tout est parfait ? Eh bien non parce qu’il reste une force que l’on n’arrive pas à unifier avec les autres : la gravitation. On n’a pas encore trouvé dans le domaine quantique les éléments pouvant correspondre à la gravitation pourtant expliquée avec un succès jamais démenti par la théorie de la relativité générale. Si l’on y arrivait, on obtiendrait ce que certains appellent la théorie du tout mais il y a un problème : le boson responsable de la gravitation manque toujours à l’appel. On l’appelle le graviton mais son existence est toute théorique et il n’a jamais été mis en évidence nulle part. Voilà donc encore beaucoup de travail en perspective… Ajoutons à cela que la plus grande partie de la matière échappe à notre compréhension (voir sujet matière noire et énergie sombre). Il n’empêche, les connaissances scientifiques sur la matière ont quand même bien progressé ces dernières années…
Nous ne connaissons pas encore toutes les caractéristiques et toutes les formes que prend la matière qui compose notre univers. Toutefois, on peut aujourd’hui penser que tout est matière et que ce qui ne semble pas l’être (?) vient du fait que ses constituants n’ont pas encore été clairement identifiés. De nos pensées intimes aux plus grandes des galaxies, tout est supporté par des particules, en quantité et en formes évidemment variables, mais relevant toutes de la matière. Je me doute que cette affirmation peut en effrayer certains mais qu’ils se rassurent car, au bout du compte, ce qui importe véritablement, ce n’est pas la nature des choses mais l’usage qu’on en fait.
Images
1. Stonehenge (sources : www.marxer.org)
2. quark (sources : www.pentek.com)
3. galaxies émergentes grâce aux forces de la gravitation (sources : pagesperso-orange.fr/ainvo)
4. le LHC du CERN à Genève (sources : blog.nanovic.com.au)
5. simulation de la désintégration d'un boson de Higgs dans un accélérateur de particules (sources : www.in2p3.fr)
Mots-clés : atome, proton, neutron, électron, quark, fermion, boson, Higgs, boson de Higgs, physique quantique, relativité générale, gravitation, électromagnétisme, interaction faible, interaction forte, modèle standard, théorie du tout
(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)
Sujets apparentés sur le blog :
2. théorie de la relativité générale
3. matière noire et énergie sombre
4. le boson de Higgs
5. la théorie des cordes ou l'Univers repensé
7. Big bang et origine de l'Univers
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Mise à jour : 26 février 2023