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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Résultat pour “notion d'espèce

Publié le par cepheides
Publié dans : #paléontologie, #Évolution






     En 1860, à l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences, le scientifique Thomas Henry Huxley (par ailleurs grand-père de l’écrivain Aldous Huxley), fervent défenseur de la théorie darwinienne de l’évolution, se vit brutalement apostropher par l’évêque d’Oxford, Samuel Wilberforce : « Est-ce par votre grand-père ou votre grand-mère que vous descendez du singe ? » lui demanda l’ecclésiastique, ce à quoi il répondit : « Je préférerais plutôt descendre du singe que d’un homme cultivé utilisant son éloquence et sa culture au profit du mensonge et de la dérision". Le débat qui faisait rage autour de la publication de Darwin tournait à la foire d’empoigne… La réponse à cette question est pourtant simple : l’homme ne « descend » pas du singe, il est LUI-MEME un singe ! Ou pour être plus exact, il fait partie des grands singes. Ce concept ayant encore aujourd’hui bien du mal à se concevoir pour certains, il n’est pas inutile de revenir sur l’origine de l’Homme et essayer de comprendre quelle est sa filiation.

 
 

 

Quelques définitions sont au préalable les bienvenues

 

 
     L’homme fait partie des primates. Inventé par Linné en 1758 (soit 100 ans avant les travaux de Darwin), le terme contient en lui-même une notion de classification puisqu’il provient du latin primus, « à la première place » d’où une « supériorité » supposée et c’est malheureusement ce terme que l’histoire a conservé. (Reconnaissons toutefois à Linné l’idée d’avoir le premier réintroduit l’homme dans le règne animal…). Les grands singes font donc partie des primates et forment une super famille dite des hominoïdés qui se sépare elle-même en deux lignées :
 
* la première regroupe les hominidés qui comprennent les gorilles, les chimpanzés, les bonobos… et l’homme tandis que les pongidés sont essentiellement représentés par l’orang-outang ;
 
* la deuxième lignée quant à elle ne recouvre que les
hylobatidés représentés par les gibbons.
 
     L’homme est donc un « grand singe » avec néanmoins quelques particularités qui ont fait sa bonne fortune et lui ont permis de régner sur la planète commune. Mais d’où viennent-ils donc ces grands singes ?

 
 
 
Origine des primates
 
 
    On se souvient que, lors de la disparition des dinosaures (voir sujet : la disparition des grands sauriens), il existait déjà des mammifères et que ces derniers, compte-tenu de leur relative faiblesse par rapport aux sauriens géants, se contentaient de vivre dans une ombre propice, probablement la nuit. La disparition de leurs prédateurs reptiliens permettra à ces mammifères de tenter – et réussir – une certaine conquête du monde (C’est du moins la théorie qui paraît avoir aujourd’hui le plus d’adeptes parmi les scientifiques mais elle est encore discutée). On pense que, au sein de cette nouvelle famille d’animaux, les primates se sont différenciés à peu près à l’époque de la disparition des grands sauriens puisque le plus ancien d’entre eux, Altiatlasius, date d’environ 60 millions d’années si l’on en croit son fossile retrouvé en Afrique du nord… qui se résume en réalité à quelques dents. Suffisant néanmoins pour que les paléontologues puissent estimer son poids à un peu plus de cent grammes ce qui correspond assez bien à la théorie que nous évoquions plus haut. Rapidement apparaissent de multiples variétés de primates dont la plupart sont arboricoles, se nourrissant principalement de fruits et de baies sauvages (ce qui leur permet d’ailleurs d’acquérir par avantages évolutifs successifs la vision des couleurs). Les millions d’années suivants voient ces primates se diversifier encore et surtout coloniser de nouveaux territoires, Asie et Europe notamment, jusqu’à ce qu’une glaciation, vers – 34 millions d’années, décime les représentants européens, les asiatiques (et les africains) seuls continuant leur développement.
 
    En fait, la grande époque des mammifères – et donc des primates – se situe il y a environ 15 millions d’années, une époque où le climat commence à se réchauffer. On trouve alors des singes hominoïdes, des cercopithèques, etc., en Afrique, bien sûr, mais également un peu partout ailleurs. C’est probablement à partir de cette date que les grands singes font leur apparition, une de leurs principales caractéristiques étant de ne plus posséder de queue préhensible ce qui traduit la perte de leur statut arboricole exclusif. Le fossile le plus connu de ces temps anciens est
Proconsul, une famille de grands singes dont l’absence de queue déjà signalée (arboricole, il devait se déplacer en marchant sur les branches sans se suspendre comme précédemment), le volume du cerveau (bien supérieur par exemple à celui du gibbon) et la longueur des bras en font les premiers représentants connus des hominoïdés. C’est il y a une dizaine de millions d’années que la séparation entre la lignée qui donnera l’homme et les autres grands singes africains a eu lieu.

 
 
 
 
 

Origine de l'homme

 
 
    Outre les fossiles, le moyen d’établir une relation entre les différentes espèces consiste à agencer ce que l’on appelle un arbre phylogénétique (voir glossaire) grâce à l’anthropologie moléculaire. En effet, cette discipline relativement récente permet la comparaison du matériel génétique des espèces étudiées et détermine ainsi leur plus ou moins grande proximité. Que nous dit-elle ?
Avant tout que les pongidés (orang-outang), les gorillinés (gorille) et les panidés (chimpanzé, bonobo) possèdent tous 48 chromosomes alors que l’homme, comme on sait, n’en possède que 46. Des travaux récents (2006) semblent montrer que cette différence est due à la fusion de deux paires de chromosomes {2p, 2q} de l'ancêtre commun aux humains, aux chimpanzés et aux bonobos en la paire de chromosomes {2} du genre Homo, le genre Pan ayant conservé les deux paires de chromosomes {2p, 2q} de l'ancêtre commun et donc 48 chromosomes. C’est par conséquent à partir de cette séparation d’avec les panidés que la lignée qui conduit à l’homme s’est individualisée, lignée regroupant divers australopithèques (voir glossaire) et le genre Homo. Toutes les espèces ayant constitué ce groupe sont aujourd’hui éteintes à l’exception, notable, de Homo sapiens, l’homme. Rappelons que la dernière espèce d’Homo non sapiens était Homo neandertalensis, l’homme de Néandertal, disparu il y a seulement 30 000 ans (et ayant donc vécu en même temps que Homo sapiens) comme le rappelle un sujet déjà publié (Néandertal et Sapiens, une quête de la spiritualité). Il est dès lors tentant de chercher à découvrir quel put être ce dernier ancêtre commun à tous les Homo.
 
 
 
 
        
Le dernier ancêtre commun
 
 
     Jusqu’à présent, il n’a pas été découvert. De nombreux fossiles ont été proposés au fil des années par les paléontologues mais, au bout du compte, aucun n’a été retenu. En réalité, il n’est pas certain qu’il ait existé un « ancêtre » parfaitement individualisé, l’apparition des différents représentants de la lignée ayant été probablement progressive (voir l’annexe). Essayons quand même de deviner ce qu’il a été (ou aurait pu être) en reprenant les différentes notions que nous possédons sur ces lointains ancêtres.
 
     Ce que l’on sait, c’est que les premiers représentants du groupe ayant conduit à l’homme après la séparation (les paléontologues utilisent volontiers le terme de « bifurcation ») d’avec les panidés possédaient 46 chromosomes, on l’a déjà dit. Pour le reste, il était certainement de petite taille (comme les australopithèques et les Homo qui lui ont succédé), peut-être 1 mètre de hauteur, tandis que son cerveau était relativement peu volumineux (300 à 400 cc) par comparaison avec l’homme moderne mais c’était déjà beaucoup pour l’époque. Il était certainement arboricole mais avec peut-être déjà une pratique partielle de la bipédie. Omnivore, il vivait probablement en communauté avec ses semblables. Il devait en outre être capable d’utiliser certains outils rudimentaires puisque c’est déjà le cas des grands singes comme le gorille ou le chimpanzé ce qui l’a peut-être amené à être capable d’imiter et donc d’apprendre. Plus spéculative est la notion qu’il ait possédé une conscience de lui-même mais, après tout, pourquoi pas ? En revanche, il semble peu vraisemblable qu’il ait disposé d’une réelle dimension culturelle puisque celle-ci n’a été retrouvée bien plus tard que chez Néandertal et Sapiens (mais encore faut-il s’entendre sur ce que l’on appelle culture).
 
     Le dernier ancêtre commun dont je viens de dresser le portrait n’a probablement jamais existé : il s’agit plutôt de l’apparence de certains de nos ancêtres préhumains. Il n’empêche : qu’il ait existé un vrai « ancêtre » dont les caractéristiques étaient suffisamment humaines pour nous être directement relié (ce qui est peu probable) ou que ce soit comme cela est plus vraisemblable toute une armée d’espèces intermédiaires ayant acquis très progressivement les caractères qui sont les nôtres aujourd’hui, la leçon est la même : nous venons de loin, de très loin. Ceux qui nous ont précédé sont nombreux ; ils sont parfois proches de nous, parfois très différents au point que certains de nos contemporains seraient choqués de les rencontrer s’ils existaient encore. Ces êtres ont vécu, souffert, lutté pour que nous soyons là aujourd’hui sans, bien entendu, l’avoir jamais su ou voulu. C’est un héritage dont nous devons avoir conscience.
  
     La lignée des grands singes est en voie d’extinction : les derniers représentants de ces espèces qui dominèrent en partie le monde d’alors risquent de prochainement disparaître définitivement, à l’exception d’Homo sapiens (et encore cela est-il certain ? mais il s’agit là, c’est vrai, d’une autre histoire). Cela devrait nous prémunir contre l’arrogance des dominants d’aujourd’hui et, bien au contraire, nous pousser à une certaine humilité.

 
 
 
 
 


Images

2. arbre phylogénétique des primates (source : laplume.info)
3. néandertal et sapiens (source : cosmosmagazine.com)
4. Lucy, australopithèque afarensis (source : topsfieldschools.org)
 
(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

Glossaire (sources : wikipedia France)

* arbre phylogénétique : un arbre phylogénétique est un arbre schématique qui montre les relations de parentés entre des entités supposées avoir un ancêtre commun. Chacun des nœuds de l'arbre représente l'ancêtre commun de ses descendants ; le nom qu'il porte est celui du clade (en taxinomie récente, un clade, du grec clados qui signifie « branche », est une partie d'un cladogramme, une branche contenant un ancêtre et tous ses descendants) formé des groupes frères qui lui appartiennent, mais non celui de l'ancêtre qui reste impossible à déterminer. L'arbre peut être enraciné ou pas, selon qu'on est parvenu à identifier l'ancêtre commun à toutes les feuilles.

*
australopithèques : hominidés vivant il y a 4 à 1 millions d'années avant notre ère en Afrique. Ils mesuraient environ 1 m à 1,50 m. Leur cerveau étaient assez modeste 400 à 500 cm3, d'allure trapue, la face massive et prognathe. C’est à un de ces groupes d’australopithèques qu’appartient la fameuse Lucy (australopithèque afarensis) dont on sait donc aujourd’hui qu’elle ne peut pas avoir été un ancêtre direct de l’homme (voir note suivante).

*
Lucy : la découverte de Lucy fut très importante pour l’étude des australopithèques : il s’agit du premier fossile relativement complet qui ait été découvert pour une période aussi ancienne. Lucy compte en effet les fragments de 52 ossements dont une mandibule, des éléments du crâne mais surtout des éléments postcrâniens dont une partie du bassin et du fémur. Ces derniers éléments se sont révélés extrêmement utiles pour reconstituer la locomotion de l’espèce Australopithecus afarensis. Si Lucy était incontestablement apte à la locomotion bipède, comme l’indiquent son port de tête, la courbure de sa colonne vertébrale, la forme de son bassin et de son fémur, elle devait être encore partiellement arboricole : pour preuve, ses membres supérieurs étaient un peu plus longs que ses membres inférieurs, ses phalanges étaient plates et courbées et l’articulation de son genou offrait une grande amplitude de rotation. Sa bipédie n’est donc pas exclusive et sa structure corporelle a été qualifiée de « bilocomotrice » puisqu’elle allie deux types de locomotion : une forme de bipédie et une aptitude au grimper.
    Lucy est probablement un sujet féminin si l’on en juge par sa petite stature et les caractéristiques de son sacrum et de son bassin. Elle devait mesurer entre 1,10 m et 1,20 m, et peser au maximum 25 kg. Elle est morte à environ 20 ans et le fait que ses ossements n’aient pas été dispersés par un charognard indique un enfouissement rapide, peut-être à la suite d’une noyade.
    Répertoriée sous le code AL 288-1 , Lucy a été surnommée ainsi par ses découvreurs (Y. Coppens, D. Johanson et M. Taïeb) car ces derniers écoutaient la chanson des Beatles « Lucy in the Sky with Diamonds » le soir sous la tente, en répertoriant les ossements qu'ils avaient découverts.




Annexe : une transformation progressive jusqu’à l’homme d’aujourd’hui

(les lignes qui suivent sont tirées de l’excellent livre de Lee M. Silver : « Challenging Nature » paru en 2006 chez HarperCollins, New York, USA. L’auteur est professeur de biologie moléculaire à l’université de Princeton. Comme il n’existe pas, à ma connaissance, d'édition française de cet ouvrage, je me suis efforcé de présenter une traduction la plus fidèle possible au texte d’origine, texte que je tiens évidemment à la disposition de toute personne qui en ferait la demande).

« De la même façon qu’il n’existe pas de séparation réelle entre les différentes couleurs composant le spectre lumineux, il n’existe pas de réelle séparation entre l’espèce humaine et ses ancêtres non humains. Il n’y a jamais eu de premier homme ou de première génération d’hommes. Au lieu de cela, selon les propres mots de Darwin, « un nombre incalculable de formes intermédiaires doit avoir existé ». Les scientifiques aujourd’hui ont une vision bien plus précise d’où et quand nos ancêtres simiesques ont vécu. Il y a cinq millions d’années, une simple femelle de grand singe non humain a été la mère commune d’une descendance ayant conduit aux trois espèces encore vivantes de nos jours : les hommes, les chimpanzés et les bonobos. Les enfants de cette mère originelle se sont unis avec d’autres grands singes de leur propre espèce qui ont eu des enfants qui ont eu des enfants et ainsi de suite durant plusieurs centaines de milliers de générations... À aucun moment de cette évolution, les enfants ne sont apparus ou se sont comportés différemment de leurs parents. Pourtant, au départ, il y avait de grands singes non humains et, à la fin de la lignée, des hommes. Les hommes ne sont apparus à aucun moment particulier au cours du temps. Ce sont plutôt les organismes non humains qui ont progressivement évolué par de légères modifications partiellement humaines jusqu’à lentement aboutir à l’espèce que nous appelons Homo sapiens.

    Nous n’avons jamais rencontré d’êtres partiellement humains parce que, au cours des trois derniers millions d’années, nos ancêtres ont éliminé, directement ou non, tous les autres êtres partiellement humains qui ne leur ressemblaient pas réellement. Des douzaines d’espèces partiellement humaines ont erré dans les différentes parties de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique à des moments différents. Aussi récemment qu’il y a 30 000 ans, dans les forêts européennes, des membres de notre propre espèce sont entrés en compétition pour la nourriture et le gite avec Homo neandertalensis (plus familièrement appelé homme de Néandertal). Et il y a tout juste 18 000 ans des descendants d’Homo erectus vivaient encore sur l’île indonésienne de Florès. Nos ancêtres sont presque certainement responsables de l’extinction de ces deux espèces, comme, de la même manière, de celle des espèces partiellement humaines antérieures, y compris Homo abilis et Homo ergaster. Le résultat c’est que, aujourd’hui, nos parents vivants les plus proches sont les chimpanzés et les bonobos. »

 

 

 

Mots-clés : Linné - altiatlasius - proconsul - anthropologie moléculaire - arbre phylogénétique - australopithèque - Lucy - homo sapiens - homo neandertalensis - chimpanzé - bonobo - homme de Florès

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

 

 1. le propre de l'Homme

 2. East Side Story, la trop belle histoire

 3. les humains du paléolithique

 4. la bipédie, condition de l'intelligence ?

 5. l'inné et l'acquis chez l'Homme

 6. Néandertal et Sapiens, une quête de la spirualité

 

 

 

 

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Mise à jour : 25 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #biologie

 

 

  Vénus sortant des eaux (Boticelli, 1486)

 

 

 

     J’ai récemment abordé ce que la science actuelle suppose être l’origine de la Vie sur Terre mais une question – fondamentale - se pose aussi : au bout du compte, sait-on vraiment ce qu’est la Vie ? Comme on va le voir, la réponse à cette question en apparence simple n’est pas si évidente que ça. Encore aujourd’hui, il n’est pas facile de déterminer avec certitude les limites séparant la matière vivante de la matière inanimée… Prenons quelques exemples pour poser le problème :

 
          1. Chez l’être humain, par exemple, à quel moment peut-on situer cette frontière ? A quel instant précis peut-on dire avec certitude qu’un enfant est vivant ? Au stade de l’embryon, du fœtus, plus tard ? Dans un autre sujet (voir sujet : cellules souches), j’ai abordé cette question qui divise tant les hommes et on a pu voir que les réponses étaient très divergentes selon l’interlocuteur et la discipline dans laquelle il officie…

 
          2. De la même façon, un être plongé dans un coma dit dépassé est-il encore vivant ? La réponse que l’on doit apporter à cette question est extrêmement complexe et, pourtant, elle conditionne l’attitude que le médecin devra adopter : poursuivre la « réanimation » ou, au contraire, « débrancher » ce malade jugé complètement irrécupérable…

 
          3. Dans un autre ordre d’idées, s’il est assez facile de prétendre qu’une bactérie est vivante, que dire d’un virus dont on sait qu’il ne peut se reproduire sans la cellule qu’il infecte ?

 
     Ces exemples pris un peu au hasard montrent, s’il en était besoin, qu’une définition de la Vie n’est pas aussi aisée qu’il y paraît. Pour approcher d’une réponse acceptable, revenons-en – comme le dit l’expression – « aux fondamentaux », c'est-à-dire essayons de définir ce qu’est la Vie. 

 

 

 
 
Définir la matière vivante

 


     D’une façon générale, les religieux considèrent que la Vie est un mystère et qu’il est parfaitement illusoire de chercher à la définir. Bien que tout à fait respectable d’un point de vue strictement religieux, voire philosophique, il est certain que cette approche ne saurait satisfaire un esprit scientifique. Quelles sont donc les spécificités de la matière vivante ou, dit d'une autre façon, les caractéristiques de base qui la différencient des objets inanimés ? Les biologistes avancent quatre conditions pour affirmer qu’un être est vivant :


          1. Il doit échanger de la matière et de l’énergie avec son environnement : pour se maintenir en vie, l’être vivant doit satisfaire ses besoins en énergie, ou plutôt le besoin de ses cellules ; pour cela, il lui est nécessaire de prendre dans le milieu qui l’entoure les nutriments indispensables et les assimiler (afin d’assurer la vie et le renouvellement des cellules qui le composent). Les réactions chimiques qui en découlent lui procurent de l’énergie qui sera utilisée par lui, les éléments non utilisables (et les produits de dégradation) étant éliminés de façon à ne pas intoxiquer l’organisme : c’est ce que l’on appelle le métabolisme.

     En réalité, il s’agit d’une recherche d’équilibre qui le conduit, cet être vivant, à se développer et à augmenter sa biomasse d’où sa croissance progressive, plus ou moins rapide, mais toujours « programmée » par son matériel génétique. Cette croissance est d’ailleurs fort variable, allant de quelques jours à des milliers d’années, et passe par tous les stades évolutifs obligatoires de l’espèce à laquelle il appartient pour aboutir enfin à sa disparition inévitable.


          2. Il doit être autonome : pour qu’on puisse affirmer qu’il est vivant, l’individu doit être distingué de son milieu et posséder « en lui-même » la capacité de disposer de soi (à l’inverse d’un ordinateur qui reçoit ses instructions de l’extérieur). Cette autonomie est plus ou moins grande ; le lichen est, par exemple, l’association de deux êtres vivants, une algue et un champignon, qui seraient bien incapables de vivre seuls : ils ne peuvent subsister que par l‘existence de leur symbiose. Ailleurs, certains insectes, comme les fourmis ou les abeilles, meurent quand ils restent trop longtemps isolés de leurs groupes. Quoi qu’il en soit, si dans certains cas, l’autonomie des individus est plus limitée, elle n’en existe pas moins.

 

          3. Il doit être capable de se reproduire : il va de soi que l’individu vivant doit posséder (du moins statistiquement quand on considère les espèces) le moyen de donner naissance à des descendants. Il lui faut, en quelque sorte, se dupliquer à l’identique afin que l’espèce dont il fait partie se maintienne puisque lui, l’individu, est promis à une mort certaine. Toutefois, on le sait bien, le « descendant » n’est pas exactement semblable à son géniteur : c’est particulièrement vrai pour la reproduction sexuée où le nouvel individu acquiert des caractères provenant de ses deux parents. Il n’empêche que, en termes d’espèce, la descendance est globalement identique à la génération qui l’a précédée. Cette particularité est possible (comme nous l’avons précédemment vu dans le sujet origine de la Vie sur Terre) grâce à l’hérédité, c'est-à-dire la conservation des caractères parentaux, par l’intermédiaire de la transmission de l’ADN contenu dans les cellules. Pour cela, il doit être composé d’au moins une cellule (séparation du milieu ambiant) dont les plus évoluées contiennent un noyau protégeant le matériel et l’information génétiques. Ensuite, de la cellule à un individu plus complexe, tout n’est plus qu’une question d’organisation, de complexification.

 


          4. et, enfin, il doit évoluer au fil du temps, c'est-à-dire se transformer selon son environnement : les espèces, et donc les individus qui les composent, s’adaptent en permanence au milieu qui les entoure. Comme il est impossible de conserver un environnement strictement identique (bien qu’il soit dans l’ensemble assez stable), il est en effet indispensable que des modifications apparaissent chez les individus ; de ce fait, certains de ceux-ci ayant conservé des caractères anciens (ou dits archaïques) seront progressivement remplacés par des individus nouveaux, mieux adaptés, mieux armés pour survivre : c’est cela que l’on appelle la sélection naturelle. Ces modifications, le plus souvent invisibles durant une vie humaine qui est fort courte par rapport à la vie des espèces, se produisent par des mutations génétiques sur le rythme desquelles les scientifiques sont à peu près arrivés à se mettre d’accord (voir le sujet les mécanismes de l'évolution).


     Une condition subsidiaire est parfois avancée (mais elle est contenue en filigrane dans les conditions déjà listées) : la possibilité pour l’individu de répondre aux stimuli du monde qui l’entoure. Ces réactions sont variables selon les espèces : les animaux réagissent rapidement en fuyant, en se cachant ou, parfois, en attaquant, tandis que les plantes le font beaucoup plus lentement (mais de façon certaine comme le prouve, par exemple, l’observation des fleurs s’ouvrant ou se fermant selon l’ensoleillement).

 

 
     En fin de compte, la vie est diverse mais les conditions que nous venons d’énumérer sont toujours plus ou moins présentes. Des millions d’êtres vivants peuplent notre planète, interagissant entre eux ou avec leur milieu, et c’est ce qui en fait d’ailleurs toute l’originalité et la beauté. Est-ce à dire que nous venons d’expliquer de façon certaine ce qu’est la Vie ? Ce n’est pas aussi simple !
 

 

  
Contre-exemples

 


     En introduction de cet article, j’ai mentionné quelques cas (il y en bien d’autres) où il paraît difficile de faire la différence entre le vivant (ou le déjà mort), en rapportant, par exemple, la perplexité qui saisit le médecin devant un individu en coma dépassé. Voilà un être qui a vécu, pensé, aimé, etc. et qui à présent repose sur un lit d’hôpital, entouré de machines destinées à assurer ses fonctions vitales. Pour l’observateur, le malade (?) respire, son cœur bat et il est alimenté de façon à entretenir les cellules de son corps. Toutefois, son électro-encéphalogramme est plat, c'est-à-dire que son cerveau semble ne plus être l’objet d’une quelconque activité. Est-il déjà mort ? Doit-on le débrancher et arrêter une vie qui n’est plus qu’artificielle ? Sait-on si, par extraordinaire, il n’est pas susceptible de « se réveiller ultérieurement » et reprendre le cours d’une vie réelle ? Des patients qui sortent de leur coma après des mois, voire des années, sont rares et, nous disent les réanimateurs, ceux-là ont toujours présenté quelques traces, quelques signes d’une activité cérébrale, fut-elle extrêmement réduite. L’attitude communément admise est donc de considérer comme mortes les personnes qui présentent des tracés neurologiques plats à plusieurs examens EEG successifs… Une approche toujours formidablement difficile à admettre pour les proches.

 
     Ailleurs, voici des virus qui possèdent la faculté de se déplacer et qui présentent également la caractéristique d'être parfaitement individualisés car composés de matériel génétique limité par une membrane. Mais ils ne possèdent pas de métabolisme propre et sont donc incapables de se répliquer seuls : il leur faut une cellule vivante dont ils utiliseront le matériel moléculaire pour donner d’autres virus. Du coup, la majorité des scientifiques ne leur accordent pas le statut d’êtres vivants. Pourtant, on sait que certains virus peuvent infecter d’autres virus comme si ces derniers étaient vivants : où est donc cette fameuse limite entre le vivant et le non-vivant ?

 
     Et les prions, responsables d’affections comme la maladie de Creutzfeld-Jacob (l’équivalent humain de l’encéphalopathie spongiforme bovine ou maladie de la vache folle) ? Ce ne sont pourtant que de simples entités chimiques mais qui, une fois dans un organisme, peuvent se répliquer jusqu’à détruire l’hôte qu’ils infectent. Certainement pas vivants mais toutefois…

 

 

 

 

Pour une définition de la Vie

 

 

     Du coup, certains scientifiques avancent l’idée suivante : pour qu’un individu puisse participer à l’évolution de son espèce, il faut qu’il puisse se reproduire ; il doit donc posséder un métabolisme qui lui permette d’entretenir toutes ses cellules et surtout de l’ADN, sous une forme ou une autre, nécessaire au passage de l’information qu’il représente d’une génération (la sienne) à une autre (sa descendance).

 

     Certains, comme Richard Dawkins, le célèbre éthologiste britannique, sont allés jusqu’au bout du raisonnement : pour Dawkins, seul le gène a de l’importance car il renferme l’information. Dans son livre « le gène égoïste », il explique que l’individu, quel qu’il soit, y compris les êtres humains, n’existe que pour cette seule fonction, la transmission de l’information génétique, une fonction qui fait évoluer les espèces en leur permettant de s’adapter aux changements de l’environnement. Pour lui, l’individu n’a aucune valeur (du point de vue de la biologie cela va sans dire) car il n’est que le « messager »… Le vivant, c’est donc celui qui transmet l’ADN… Outrancier ? Peut-être. D’ailleurs, le paléontologue Stephen J Gould que j’ai souvent mentionné ici, rappelle qu’il existe d’autres moyens de transmettre l’information, l’apprentissage par exemple, sans lequel la perpétuation de l’espèce est souvent impossible. Pour Gould, les gènes ne sont que des éléments de transmission, certes importants, mais parmi d’autres… Et puis que penser des hybrides, ces individus qui ne peuvent pas avoir de descendants comme le mulet, croisement d’un âne et d’une jument : vivants, évidemment, mais ne pouvant transmettre qu’exceptionnellement un patrimoine génétique issu de deux espèces proches mais différentes…

 
     On voit combien il paraît difficile de répondre à une question en apparence simple, combien nous avons du mal à définir une notion qui nous semble pourtant familière, une notion dont nous avons l’impression « qu’elle tombe naturellement sous le sens » ! Tentons quand même une définition la plus large et la moins imprécise possible ; elle pourrait être : « un être vivant est un système constitué d'éléments organisés par une information génétique et composé d'une série d’organes ou appareils qui assurent son autonomie, certains d’entre eux lui permettant de se reproduire. » 
 

 
     La vie sur notre globe est basée sur le cycle du carbone et on vient de voir toute la difficulté à poser les limites du vivant dans le monde qui est le nôtre. Récemment, je me demandais si d’autres formes de vie, extraterrestres, pouvaient exister et j’avançais qu’un simple calcul statistique (eu égard aux milliards de milliards d’étoiles et de planètes qui peuplent notre univers) permettait de répondre par l’affirmative. Toutefois, rien ne dit que cette vie « exotique » serait fondée sur le carbone tel que nous le connaissons : pourquoi pas le silicium, par exemple, bien que ce dernier conduise probablement à un nombre moins varié de possibilités ? Comment pourrions-nous alors la reconnaître, cette forme de vie à nos yeux étrange, alors que nous avons tant de mal à identifier la nôtre ?

 

 

 

 

 

Images

1. Vénus sortant des eaux par Boticelli, 1486 (sources : www.cineclubdecaen.com/)

2. la plus vieille fleur du monde, vieille de 2000 ans, en Angola (sources : www.geo.fr/)

3. la reproduction sexuée des végétaux (sources : www.voyagesphotosmanu.com)

4. une souche du virus H1N1 (sources : www.lemonde.fr/)

5. l'exoplanète epsilon d'Eridan, la plus proche découverte (10,5 al) : pourrait-elle abriter une vie ? (il s'agit d'une vue d'artiste) (source : www.techno-science.net/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : virus - prion - métabolisme - reproduction - reproduction sexuée - sélection naturelle - coma dépassé - EEG plat - Richard Dawkins - information génétique - Stephen J Gould - apprentissage - êtres hybrides - cycle du carbone - silicium

 (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. cellules-souches

2. les mécanismes de l'Evolution

3. vie extra-terrestre (2)

4. reproduction sexuée et sélection naturelle

5. la mort est-elle indispensable ?

6. le hasard au centre de la Vie

 

 

 

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Mise à jour : 1er mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #paléontologie, #Évolution
  
 
                                    neandertal_cc.jpg
 
 
 
 
 
 
     Il y a à peu près 40 000 ans vivaient côte à côte en Europe deux genres d'hommes: Néandertal et Sapiens (anciennement appelé Cro-Magnon), ce dernier ayant seul subsisté et qualifiant par conséquent l'espèce que nous sommes. On sait aujourd'hui que, contrairement aux croyances anciennes, ces deux homo (homo neandertalensis et homo sapiens) n'étaient pas directement apparentés génétiquement mais de lointains cousins issus d'un ancêtre commun, probablement un homo erectus ayant vécu il y a 500 000 ans. Si la lignée des Néandertaliens ne s'était pas éteinte, quel monde serait actuellement le nôtre ? Comment se ferait la cohabitation de deux lignées humaines différentes, des lignées qui ne seraient pas interfécondes ? (Cette affirmation est toujours en discussion : voir "compléments" en fin d'article). Auraient-ils pu s'entendre ? Troublantes questions...
 
 
 

D'où venait Néandertal ?
 
 
     L'homme de Néandertal apparaît en Europe vers
– 400 000 ans environ. Puisque l'on sait aujourd'hui que son patrimoine génétique était sensiblement différent de celui de l'homo sapiens, on peut se demander quelle est sa réelle origine. Une bonne explication pourrait être celle d'une spéciation, c'est à dire le développement séparé d'une branche d'une même espèce (le plus souvent par isolement géographique) qui aboutit, par mutations successives, à l'apparition d'une nouvelle espèce ne pouvant plus être interféconde avec l'espèce de départ (mais, convernant Néandertal, quelques pourcents de son ADN ont été récemment retrouvés dans le patrimoine génétique d'Homo sapiens : voir en fin d'article).
 
     On pourrait alors avancer que Néandertal serait une sorte d'homo sapiens archaïque ayant migré dans le cul-de-sac géographique que représentait l'Europe et qu'il y aurait développé les particularités génétiques et anatomiques qui sont les siennes. On peut aussi prétendre que ce serait le descendant direct d'un homo erectus, ce dernier ayant donné un autre descendant, Sapiens. A vrai dire, seules les études génétiques à venir pourront trancher dans un sens ou dans l'autre mais, dans tous les cas, on s'oriente vers deux espèces génétiquement différentes  (ou encore pauvrement interfécondes).
 
 
 

Qui était-il ?
 
 
     L'Europe en ce temps-là, c'est à dire entre – 400 000 et – 40 000 ans avant J.C. était
froide. On comprend plus facilement pourquoi Néandertal qui avait dû s'adapter au climat présentait cette apparence robuste pour ne pas dire massive : un homme d'environ 1m65 (bien qu'il y ait eu des individus plus grands, jusqu'à 1m90 semble-t-il) pour un poids pouvant atteindre 80 à 90 kg, la femelle (femme ?) étant, elle, légèrement plus petite. Il possédait des membres assez courts avec des articulations plus marquées que celles de l'homme moderne tandis que sa cage thoracique était très large.
 
     Ce qui a surtout frappé les premiers observateurs est son crâne : quoique la neandandmod.jpgboîte crânienne soit d'un volume plutôt plus important que celle d'homo sapiens, ce qui retient d'abord l'attention, c'est un front bas relevé par une région sus-orbitaire proéminente tandis que la région de la face s'étendant entre les orbites et les dents est comme projetée en avant, donnant à un visage sans réelles pommettes une inclinaison en arrière et vers l'extérieur. Il n'en fallait pas plus pour que les premiers scientifiques ayant examiné ces fossiles concluent à un « hominidé archaïque » pour ne pas dire une espèce de singe à peine évolué. Ce n'est que bien plus tard que cet a priori culturel fut mis à mal lorsqu'on s'aperçut que Néandertal partageait avec son lointain cousin moderne des pratiques qui confinaient à une certaine spiritualité.
 
 
 
Néandertal, un homme à part entière ?
 
 
     De la plus simple bactérie aux animaux les plus évolués, il n'y a – on l'a déjà évoqué – qu'une différence de degrés et non de nature : tous appartiennent à la grande famille du vivant mais ce qui caractérise l'Homme, ce sont ses facultés cognitives plus développées dont certaines lui sont propres. Bien entendu, il n'est pas ici question d'affirmer que l'Homme, grâce à ces caractéristiques spéciales, est l'étape ultime d'une « évolution vers le progrès » défendue par certains égocentristes (voir le sujet
intelligent design). Disons plus simplement que la sélection naturelle a permis à l'Homme de développer des facultés intellectuelles uniques lui ayant autorisé une certaine adaptation à son univers ambiant tandis que les autres espèces vivantes ont privilégié des stratégies différentes.
 
     Quoi qu'il en soit, une des facultés principales de l'Homme est de pouvoir, plus que les autres animaux, se projeter dans le temps : il est ainsi, semble-t-il, le seul à posséder la faculté d'anticiper sa propre mort, encore que cela soit discuté par certains scientifiques (voir le sujet : la notion de la mort chez les animaux). Il comprend donc que le destin de tout individu, à commencer par le sien, est de disparaître un jour et, par voie de conséquence, il a entrepris une quête de spiritualité qui le distancie des tâches purement utilitaires des autres êtres vivants. Cette approche concerne bien sûr Sapiens mais aussi Néandertal.
 
     Bien qu'un ancêtre probable de Néandertal (homo heidelbergensis) ait été cité comme ayant eu un comportement particulier vis-à-vis de ses morts (cela reste à l'étude), c'est avec
Néandertal que les premières sépultures ont été mises en évidence. Elles datent d'environ – 100 000 ans et ont été découvertes au Proche-Orient, une aire de diffusion de Néandertal autre que l'Europe. Depuis, bien d'autres, notamment en France, ont été mises à jour. Toutefois, avant de nous intéresser à la pensée symbolique de Néandertal, revenons sur son implantation géographique et son mode de subsistance, ce qui permettra au passage de casser le cou à quelques idées reçues.
 
 
 
 
le monde de Néandertal
 
 
     Nous avons déjà dit que Néandertal, entre environ – 400 000 ans et – 35 000 ans av. JC, avait colonisé l'Europe actuelle et la partie la plus occidentale de l'Orient. Il faut d'abord remarquer qu'il s'agit là d'un territoire immense couvrant plusieurs millions de km2 s'étendant sur différentes aires écologiques et représentant à peu près le territoire colonisé en Afrique par Sapiens au même moment. Dans la durée, cette occupation couvre trois glaciations (et donc trois périodes interglaciaires) où
les changements de climat ont été considérables, bien plus importants au demeurant que l'éventuel effet de serre actuel : il y a survécu sans problème.
 
 
    repartition-neandertal-copie-1.jpg
 
 
     On a avancé que Néandertal était un charognard car incapable, de par un équipement inadapté, de pratiquer la chasse. En réalité, si parfois il se nourrissait peut-être de cadavres d'animaux (mais comme son cousin Sapiens), c'était
surtout un chasseur qui n'hésitait pas à s'attaquer à des animaux redoutables comme le mammouth, l'ours ou le rhinocéros laineux. Les études comparatives pratiquées en Europe ont uniquement montré que Néandertal chassait plus près de son lieu de résidence alors que Sapiens recherchait ses proies parfois assez loin : une moindre mobilité qui ne remet pas en cause le caractère moderne de ses habitudes de chasse.
 
     Pour chasser, il faut des armes adaptées et, justement, on a longtemps pensé que Néandertal ne savait produire que des outils élémentaires, obtenus facilement en peu d'opérations de fabrication. Ce qui allait bien avec l'absence de véritable pensée conceptuelle qu'on lui octroyait. Il s'agissait là aussi d'un a priori (ou disons, pour être généreux, d'une insuffisance d'informations) : Néandertal était capable de fabriquer des
objets complexes comme des lances en bois (ayant donc nécessité un long travail de rabotage et de raclage), voire même des outils composites. A l'inverse de Sapiens qui fabriquait des pointes de pierre et d'os légères capables d'être projetées de loin et à grande vitesse, Néandertal privilégiait des pointes à la base ample et épaisse à emmancher sur un support large, et donc lourd, mais possédant une force de pénétration intense à courte distance : plus qu'une inadaptation à une certaine forme de chasse dynamique, on doit plutôt voir là des stratégies différentes. En somme, il s'agit d'adaptations distinctes probablement également efficaces selon l'usage retenu et qui traduisent plutôt des différences culturelles.
 
 
 
 
Néandertal et la pensée conceptuelle
 
 
     On pensait classiquement que les innovations culturelles de Néandertal remontaient à ses contacts avec Sapiens, vers – 40 000 ans av. JC. Outre le fait que la technologie des Néandertaliens tardifs est originale, ne montrant que peu de similitudes avec les techniques de Sapiens, on a retrouvé des objets « modernes » fabriqués par lui et précédant de plusieurs milliers d'années l'arrivée de Sapiens sur son territoire : il s'agit donc de traditions culturelles autonomes locales prouvant au contraire que Néandertal était en train de réaliser une approche personnelle vers la technologie du paléolithique supérieur.
 
     Les sépultures du
paléolithique moyen mises à jour sont pour la plupart sepulture-neandertal.jpgclairement néandertaliennes et elles étaient enrichies par des offrandes (outils, os gravés, etc.), des fragments de colorants récoltés parfois loin du site et les positions particulières des corps. Certainement moins élaborées que les sépultures ultérieures de Sapiens, ces lieux funéraires traduisent une recherche et une attention incontestables : comment dès lors leur refuser une pensée symbolique ?
 
     Bien qu'ayant utilisé des pigments (montrant leur utilisation sur des supports souples comme la peau et donc forcément symboliques), Néandertal n'a que peu laissé de traces figuratives mais, à y regarder de plus près, c'est également le cas de Sapiens dont les réelles traditions picturales datent de
l'aurignacien, une époque qu'on peut situer vers – 30 000 ans av. JC (à l'exception notable de parures dans des sites africains remontant à – 70 000 ans).
 
     Plus que l'explication traditionnellement (et anciennement) avancée d'une population néandertalienne ayant « progressé » au contact de l'homme moderne, on s'oriente à présent vers des
évolutions parallèles même si les innovations culturelles ont varié selon ces populations.
 
     Lors du contact entre Néandertal et Sapiens, chaque espèce avait donc ses traditions particulières et son savoir personnel. Pourtant, après une dizaine de milliers d'années de vie côte à côte, les premiers ont disparu sans laisser de descendants : en a-t-on une explication ?
 
 
 
 
la fin de l'homme de Néandertal
 
 
     A l'arrivée de Sapiens venu d'Afrique, Néandertal occupait, comme on l'a déjà dit, l'Europe et une partie du Proche-Orient. Pourtant, quelques milliers d'années plus tard, on n'en retrouve plus trace que de façon
périphérique : dans la péninsule ibérique et en Croatie. Que lui est-il donc arrivé ? Plusieurs hypothèses ont été avancées par les scientifiques dont aucune ne semble parfaitement convaincante.
 
  
a.
il aurait succombé à des épidémies, peut-être d'origine tropicale et peut-être véhiculées par Sapiens qui y aurait été résistant. Cette hypothèse paraît peu crédible puisque les deux espèces ont coexisté durant plusieurs milliers d'années (au moins 5 000 ans, voire 10 000, ce qui, rapporté à notre présent, nous place à une époque plus ancienne que celle de l'ancien empire égyptien...) : une aussi longue durée cadre mal avec cette explication.
 
  
b. une
baisse soudaine de sa fécondité ou l'apparition d'une surmortalité naturelle (ou les deux associées). Il s'agit là de suppositions invérifiables mais, surtout, on comprend mal pourquoi Néandertal, et lui seul, aurait été la victime de tels phénomènes.
 
  
c. un
brutal changement du climat : il est vrai que la période considérée (vers – 40 000 à – 30 000 ans) a vu un climat plutôt incertain mais jamais de véritable réchauffement majeur et les scientifiques, aujourd'hui, ont pratiquement abandonné cette hypothèse. Reste la possibilité de modifications de l'environnement et/ou des problèmes de subsistance mais lesquels et pourquoi n'ont-ils pas affecté Sapiens ?
 
  
d. la
consanguinité : une baisse démographique conduisant à la raréfaction des individus disponibles et encourageant la reproduction entre parents proches pourrait expliquer une dérive génétique délétère mais alors pourquoi une telle baisse démographique ?
 
 
 e. le métissage avec Sapiens : c'était jadis l'hypothèse privilégiée mais qui, on l'a déjà dit, a été pratiquement abandonnée depuis l'apport des études génétiques récentes montrant un trop grand éloignement entre ces deux homo d'espèces différentes (et donc leur impossibilité à avoir des descendants communs). Cette notion est rediscutée en 2012 (voir ci-dessous la brève 2 et les compléments).
 
 
f.
la compétition avec Sapiens : il ne s'agit en tout cas pas de bataille directe puisque on n'a jamais trouvé de sites exposant les fossiles mutilés des protagonistes ce qui n'aurait pas manqué de se produire en cas de confrontations violentes et multiples. Peut-on alors envisager une compétition au seul niveau des ressources alimentaires qui d'évidence ne sont pas inépuisables ? Une supériorité culturelle, même modeste, de Sapiens aurait elle pu induire le reflux progressif de Néandertal vers le sud de l'Europe et sa disparition par amoindrissement démographique progressif ? Pas de réponse franche.
 
 
     Aucune explication n'est donc définitivement convaincante (et peut-être d'ailleurs sont-elles intriquées). Nous sommes obligés de reconnaître que la disparition de Néandertal reste encore pour nous un
mystère.
 
 
 
Néandertal et Sapiens auraient-ils pu continuer à vivre ensemble ?
 
 
     Contrairement aux anciennes idées des années 60, deux espèces d'hommes ont effectivement vécu ensemble durant un certain temps sur notre bonne vieille Terre. Nous ne savons pas quels furent leurs rapports exacts, ni même s'il y en eut vraiment. Ce qui apparaît en revanche comme à peu près certain, c'est qu'ils furent
culturellement proches et que nous ne savons pas vraiment pourquoi l'un (c'est à dire nous) a survécu et l'autre non. Comme je le faisais remarquer au début de ce sujet, cette cohabitation temporaire nous pose une question vraiment intéressante : quelle aurait été l'histoire et la structure du monde, de notre monde, si nous avions dû le partager avec une autre espèce d'homme, un homme suffisamment proche de nous pour que nous ayons pu construire des univers culturels parallèles mais néanmoins suffisamment éloigné pour que nous n'ayons probablement pas pu avoir de descendants communs ?
 
     Le point de vue optimiste suggère un enrichissement des deux partis et ce d'autant que nos points de vue auraient été forcément sensiblement différents, chacun apportant en somme à l'autre une part de son expérience, un peu à la manière de deux amis confrontés à un même problème... Le point de vue pessimiste, lui, insiste sur l'inévitable compétition de deux espèces rivales avec son lot d'incompréhension, de méfiance, de haine peut-être, et son cortège concomitant de guerres, de destructions et de morts. Je pense, pour ma part, que la réalité se serait probablement située entre les deux mais vous, vous situez-vous plutôt du côté optimiste ou du côté pessimiste ?
 
 
 
 
 
Images 
 
1. l'homme de Néandertal (sources : www.dinosoria.com/)
2. crânes de Néandertalien (à gauche) et de Sapiens (à droite)
(sources : www.arts.ualberta.ca)
3. aire de répartition de Neandertal (sources : Jean-Luc Voisin, www.hominides.com/)

4. sépulture de Néandertalien dite de  l'Homme de la Chapelle-aux-Saints (sources : www.neandertal-musee.org/

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)


 

 
 
 Brève 1 : pourquoi Néandertal a-t-il disparu ?
 
     Epidémie, changement climatique, compétition avec homo sapiens... la disparition de l'homme de Néandertal reste une énigme. Cependant, l'hypothèse climatique pourrait-être caduque si l'on en croit l'équipe franco-américaine de William Banks, archéologue au CNRS. Pour reconstituer les conditions climatiques de l'époque, les chercheurs ont recouru au modèle informatique utilisé pour prédire l'impact des changements climatiques sur la biodiversité. "Pour chaque site archéologique attribué à l'homme moderne et à Néandertal nous avons ainsi reconstitué la niche écologique (les conditions environnementales) de chaque population. Puis nous avons introduit dans l'algorythme le changement climatique survenu à l'époque de la disparition de Néandertal de façon à prédire l'évolution de chaque niche. Or, bien que sa niche semble maintenue - et donc sa survie - sa répartition géographique s'amenuise, jusqu'à la disparition" explique William Banks. Pour le chercheur, ce serait donc la compétition avec l'homme moderne qui aurait provoqué cette extinction. Reste qu'il s'agit d'une théorie construite à partir d'un modèle de climat... lui-aussi théorique.
(Science & Vie, 1098, mars 2009)
   
 
 
 
Brève 2 : approche génétique de la disparition de Néandertal
 
     En étudiant l'évolution de l'usure de leurs outils et grâce à un modèle informatique, l'anthropologue américain Michael Barton a simulé les déplacements de Sapiens et Néandertal. Partant d'une "carte" de l'Europe il y a 60 000 ans, il montre qu'en 1500 générations les deux humanités ont augmenté leur rayon d'action... jusqu'à se rencontrer. Son équipe a alors simulé l'évolution des deux populations et de leurs hybrides potentiels sur 1 500 générations dans diverses situations. Ils ont ensuite confronté les résultats aux rares éléments disponibles (dont les 4% d'ADN néandertaliens nichés au coeur du nôtre - voir compléments ci-dessous). Avec des Néandertaliens mieux adaptés mais moins nombreux, la simulation débouche... sur la disparition de Néandertal et de ses hybrides. Ce phénomène, quoique contre-intuitif, est bien connu en biologie de la conservation sous le nom "d'extinction par hybridation". Il est dû à l'effet de taille des populations concernées. Il est donc possible que Néandertal ait disparu non par les armes mais en vertu des lois de la génétique des populations.
(d'après Science & Vie, n° 1134, mars 2012)
 
 
 
 
Brève 3 : Néandertal nous a légué ses outils
 
 
       L'homme de Néandertal aurait transmis sa technologie à l'homme moderne ! Des archéologues français et allemands ont découvert sur deux sites de Dordogne où vivaient des néandertaliens il y a 50 000 ans, des fragments d'outils en os de cervidés ayant servi à façonner des peaux. Des lissoirs comparables à ceux des tanneurs actuels. Selon les archéologues, ce sont les plus vieux outils en os trouvés à ce jour en Europe occidentale et utilisés bien avant l'arrivée de l'homme moderne en Europe il y a environ 40 000 ans.
Science & Vie, 1153, octobre 2013, p.20
 
   
 
Compléments : de récentes études génétiques (2010) montreraient qu'une partie de notre patrimoine génétique (1 à 4% non codants) serait d'origine néandertalienne : pour plus de renseignements, voir le sujet : DE L'EVOLUTION : les humains du paléolithique
 
 
 
 
 
Mots-clés : Néandertal - homo sapiens - homme de Cro-Magnon - spiritualité - spéciation - sélection naturelle - glaciations - pensée conceptuelle - chasse - outils - sépultures préhistoriques - aurignacien - compétition interspécifique 
 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)
 
 
 
 
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Mise à jour : 19 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution
 
 
 800px-Voyage_of_the_Beagle.jpg
                             le périple de Charles Darwin autour du monde de 1831 à 1836
                                        
 
 
  
     Lorsque, le 27 décembre 1831, il quitta Devonport à bord du navire « le Beagle », Charles Darwin n'avait aucune idée préconçue. Plus encore, comme il l'affirma lui-même, il n'avait aucune notion de ce que ce voyage allait lui apporter. Il aurait pu demeurer toute sa vie un simple Beagle.gifgentilhomme fortuné mais la place de naturaliste de bord qu'on lui avait offerte et qu'il eût le bon sens d'accepter en décida autrement : durant les cinquante-sept mois que dura son périple autour du monde, il accumula un nombre d'observations et d'échantillons incroyable qui, une fois de retour, lui permirent de réfléchir sur l'évolution des espèces et d'enterrer définitivement ce qui était alors la croyance commune, le fixisme. 
 
     Il passa le reste de sa vie à organiser ce qu'il avait observé et donna ses lettres de noblesse à une des plus grandes découvertes de la biologie moderne, le transformisme, c'est à dire l'évolution des espèces au fil des âges géologiques. Conscient de ce que sa découverte allait susciter de réticences et d'oppositions, voire de haine, il différa le plus possible la parution de son livre, « l'origine des espèces » (1859), avant d'en accepter la publication et d'entrer dans l'Histoire. (On trouvera un résumé plus complet de cette aventure extraordinaire dans le sujet dédié : "le voyage du Beagle et ses conséquences").
 
     Depuis cette date mémorable, le darwinisme s'est approfondi, amélioré mais l'essentiel demeure : les deux millions d'espèces différentes (effectivement décrites mais il en existe certainement beaucoup plus) qui peuplent notre globe ont toutes une origine commune et seul le hasard a permis avec le temps l'apparition de leur diversité.
 
 
 

Constatation de l'évolution
 
 
     Lorsqu'on observe la descendance immédiate d'un animal, on est frappé par la
ressemblance existant entre lui et ses parents, et cela au fil des générations. On a donc beaucoup de mal à comprendre qu'il puisse apparaître des variations risquant par la suite de se maintenir et de transformer durablement l'espèce étudiée : l'explication tient au fait que l'observation est toujours faite à l'échelle d'une (ou plusieurs) vies humaines, un période de temps bien trop courte pour noter le moindre changement. Il est pratiquement impossible de s'imaginer ce que représentent les temps dits géologiques, c'est à dire les millions d'années qui nous séparent du début : l'Humanité proprement dite ne possède un recul que de quelques milliers d'années, un battement de cil à l'échelle de la Vie sur Terre.
 
     Il y a, bien sûr, les
fossiles. En étudiant ces squelettes plus ou moins bien exploitables (il est extrêmement rare que les parties molles des animaux disparus soient conservées, voir sujet le schiste de Burgess), on remarque combien les espèces du passé étaient différentes tout en conservant certains liens anatomiques avec les vivantes. Cela ne suffit pourtant pas pour faire la preuve d'un lien de parenté. Après tout, George Cuvier lui-même pensait que ces espèces – qu'il croyait immuables – avaient été créées telles quelles par Dieu avant de subir des extinctions brutales.
 
     Pour affirmer qu'il y a eu évolution, il faut donc mettre en évidence un lien de parenté génétique entre les espèces étudiées. Il faut retrouver leur ancêtre commun en identifiant les caractères partagés par chacune d'elle et cet ancêtre, ce que l'on appelle l'homologie. On arrive ensuite à dresser une sorte de « carte » appelée arbre phylogénétique des espèces (qu'on appelle alors « taxons » du point de vue de la « systématique »), carte qui permet de les classer les unes par rapport aux autres. Reste à expliquer le pourquoi de ces évolutions différentes.
  
 
 
 
Les principes de base
 
 
     Darwin proposa sa théorie au milieu du XIXème siècle. A cette époque, on ADN-copie-1.jpgn'avait aucune idée de l'importance de la
génétique, ni même de ce qu'elle était. Le moine autrichien Gregor Mendel – qui travaillait sur les pois – avait bien publié un article résumant ses observations sur la transmission des caractères héréditaires dès 1865 mais ses travaux étaient demeurés inconnus. Ce n'est qu'à l'aube du XXème siècle qu'on redécouvrira les lois de l'hérédité et il faudra encore des décennies pour que celles-ci soient enfin admises. Jusqu'à ce que Watson et Crick décrivent le modèle en double hélice de l'ADN, découverte qui leur valut le Prix Nobel et permit le développement de la génétique moderne. On ne s'étonnera donc pas que Darwin ait, pour une grande mesure, cru à l'hérédité des caractères acquis. Cela ne l'empêcha pas de fonder sa théorie résumée en trois grands principes :
 
a. les individus – c'est une constatation - sont tous différents les uns des autres : ces différences sont plus ou moins marquées (couleur de la peau, du pelage, des yeux, etc.) et représentent pour un sujet donné ce que l'on appelle le phénotype ;
 
b. les individus les mieux adaptés à leur milieu sont les plus aptes à survivre et donc à se reproduire : c'est ce que Darwin appelle la «
sélection naturelle ». Il veut dire ainsi que certains sujets échappent plus facilement à leurs prédateurs, qu'ils sont moins malades et que, accédant plus facilement à la nourriture, ils vivent plus longtemps, suffisamment en tout cas pour se reproduire. Ces « survivants » peuvent également posséder des caractéristiques qui les rendent plus attirants pour le sexe opposé (en tout cas, dans la reproduction sexuée) et, en copulant davantage, engendrent une plus grande descendance (c'est la sélection sexuelle). Pour tous ces cas, on parlera « d'avantages sélectifs » ;

 
c. les avantages sélectifs doivent pouvoir se
transmettre à la descendance de l'individu qui les possède : c'est un caractère forcément héréditaire et, ce que Darwin ne pouvait que supposer, ce sont les gènes (formant le génotype) qui entraînent le maintien de l'avantage d'une génération à l'autre.

  
 

 

Mécanismes de l'évolution
 

     On vient de dire que la transformation progressive d'une espèce se caractérise par l'apparition de différences qui se maintiennent, une fois apparues, chez ses descendants. Elle est de nature génétique et apparaît principalement du fait de mutations.
 
 
 
               *
mutations génétiques
 
     Le fait que l'acquisition d'un caractère nouveau apparaisse – et se transmette – s'explique par plusieurs mécanismes, d'ailleurs parfois liés. On se souvient que lors de la
méiose, c'est à dire la formation d'une cellule à partir de la moitié des chromosomes des parents, il existe une recombinaison du matériel génétique : il peut alors exister des erreurs lors de la réplication des gènes. Ces « erreurs » peuvent être ponctuelles (portant sur le code lui-même) ou résulter d'une duplication de ces gènes, voire d'une cassure des chromosomes qui les portent. Ailleurs, il s'agira d'une délétion ou de l'insertion anormale d'une séquence chromosomique. Dans tous les cas, le génotype du descendant sera différent de ce qu'il aurait dû être si la duplication s'était normalement déroulée. Le descendant sera donc doté de caractères différents de ceux de ses parents, caractères qui, si cela constitue un avantage évolutif, seront conservés comme on a déjà eu l'occasion de le dire.
 
 
 
               *
échange de matériel génétique
 
     Les mécanismes décrits ci-dessus concernent la reproduction sexuée. Les organismes qui n'y ont pas recours verront les différences apparaître par transfert simple de matériel génétique : c'est le cas, par exemple, des virus et des bactéries.
 
 
               *
épimutations
 
     Il s'agit ici de la transmission de différences, non sur l'ADN lui-même, mais sur des groupements chimiques qui lui sont attachés (voir sujet
évolution de l'Evolution.)
 
     Les mutations que l'on vient de brièvement résumer sont le plus souvent
létales, c'est à dire qu'elles perturbent tant le sujet qui les possède que celui-ci n'est pas viable. Elles peuvent également être neutres : les modifications génétiques sont bien inscrites dans le génome mais elles n'ont aucune conséquence visible. Enfin, de temps à autre, une mutation entraîne l'apparition d'un caractère qui apporte un véritable « plus » à l'individu qui en est porteur et ce dernier pourra transmettre à sa descendance un moyen de prendre le dessus sur ses (presque) semblables. A quel rythme ces variations ont-elles lieu ? Comme on va le voir, cela reste encore amplement débattu. Quoi qu'il en soit, une chose est sûre : les modifications du matériel génétique d'un individu relève du hasard et seulement de lui.
 
 
 
 
 Modifications de la théorie de Darwin
 
 
 
               *
le Darwinisme originel
 
     Comme on l'a déjà signalé, Darwin ignorait l'origine génétique des mutations et par conséquent des caractères qui y sont liés. Il proposa donc une modification graduelle, progressive des caractères expliquant, par la sélection naturelle, la transformation des espèces au fil du temps. Quelques années plus tard, l'irruption de la génétique va modifier l'approche originelle de la théorie.
 
 
 
               *
la théorie synthétique de l'évolution
 
     Afin d'intégrer les nouvelles données de la science, dès les années 40, un grand nombre de scientifiques repensèrent la théorie de Darwin dans une approche plus globale intégrant non seulement la génétique mais aussi la
paléontologie, la biologie, l'embryologie et la génétique des populations. Dans cette optique, on ne s'intéresse plus uniquement aux individus mais à des groupes d'individus : c'est la fréquence d'une mutation dans une population qui importe. Lorsque cette fréquence devient élevée en raison d'un facteur facilitant (comme, par exemple, un changement du milieu), on arrive alors à la modification de l'espèce.
 
     Le point important à prendre en compte est que, comme le soulignait Darwin, c'est la sélection naturelle qui reste à l'œuvre. Pour mieux faire comprendre ce concept, je prends souvent comme exemple le maintien d'une maladie génétique africaine, la drépanocytose. Cette affection génétique induit la formation de globules rouges de mauvaise qualité (entraînant une anémie falciforme). Normalement les individus porteurs de l'affection devraient être éliminés car moins résistants (leur oxygénation est forcément plus pauvre). Sauf que leurs globules rouges anormaux empêchent la transmission du parasite du paludisme, ce qui dans les contrées impaludées leur confère un avantage évolutif... qui disparaît sous les cieux où le moustique est absent !
 
    Signalons aussi, à l'appui du néodarwinisme, le phénomène de
dérive génétique qui concerne le fait que si des populations d'une même espèce sont géographiquement longtemps séparées, les différences génétiques qui s'accroissent entre elles finissent par aboutir à la formation de deux espèces distinctes, incapables de se reproduire entre elles.
 
     La théorie synthétique de l'évolution s'est finalement imposée chez la majorité des scientifiques puisqu'elle permet une « relecture du Darwinisme » par intégration des données génétiques sans en toucher les trois principes que nous avons évoquer plus haut, notamment la sélection naturelle. Reste une question déjà soulevée dans l'article : à quelle fréquence apparaissent ces mutations ? Progressivement et graduellement au fil du temps disent les tenants de cette « synthèse darwinienne ». De façon brutale entrecoupée de longs moments de silence, rétorque
S. J Gould.
 
 
 
               *
la théorie des équilibres ponctués
 
     Stephen. J. Gould, le paléontologue de talent que j'ai déjà eu l'occasion 200px-Stephen_Jay_Gould_-by_Kathy_Chapmad'évoquer à propos du schiste de Burgess, provoqua la survenue « d'un coup de tonnerre dans un ciel serein » dans le petit monde du néodarwinisme lorsque, en 1972, il cosigna avec Niles Eldredge un article jugé à l'époque iconoclaste. (On trouvera un développement plus complet de la théorie dans le sujet dédié : théorie des équilibres ponctués).
 
     L'idée de ces deux scientifiques part d'une constatation des plus évidentes : lorsqu'on examine les données fossiles, on ne trouve presque jamais de fossiles des formes intermédiaires entre deux espèces que l'on sait apparentées. Cela veut il dire que c'est parce qu'elles n'existent pas ou bien qu'on ne les a pas encore trouvées ? Gould propose une réponse : les transformations des fossiles apparaissent brutalement avant de subsister longuement dans la position d'équilibre alors atteinte. Il évoque donc une transition brutale d'une espèce à une autre (sur quelques milliers d'années ce qui n'est rien en terme de temps) avant une longue phase de statu quo qu'il nomme stase, au cours de laquelle il peut certes apparaître quelques modifications mais qui restent mineures.
 
     Il n'y a donc pour lui pas de gradualisme mais des crises évolutives brutales et brèves sur un fond d'immobilité. J'étais un peu trop jeune en 1972 pour avoir vécu HC_Eldredge.jpgl'irruption des équilibres ponctués dans la théorie classique de l'évolution. Toutefois, lorsque je me suis intéressé à cette question une quinzaine d'années plus tard, la polémique faisait encore rage, parfois avec violence. Aujourd'hui, le calme – si je puis dire – est revenu et la plupart des paléontologues adhèrent à la théorie de Gould. On pense même probable que les deux mécanismes (gradualisme et équilibres ponctués) coexistent selon les espèces. De toute façon, à présent que les passions sont retombées, on comprend bien que la théorie ponctualiste de Gould n'est finalement qu'une adaptation de la théorie de l'évolution qui reste intacte pour ses principaux fondements.
 
 
 
 
 

La théorie de Darwin aujourd'hui
 
 
     Hormis quelques créationnistes patentés dont l'obscurantisme est d'autant plus virulent qu'ils se situent loin des disciplines scientifiques, plus aucune personne sensée ne remet en question la théorie de l'évolution qui, à proprement parler et depuis longtemps, n'est d'ailleurs plus une simple théorie tant les faits et les idées militent en sa faveur.
 
     Darwin, on peut l'affirmer aujourd'hui, a réellement découvert les lois de l'évolution des espèces vivant sur notre globe (et probablement, si elles existent, ailleurs). Je ne peux que reconnaître à cet homme en apparence ordinaire l'importance toute particulière qu'il a prise dans le domaine des sciences du vivant. Il reste à découvrir bien des choses en ce domaine, c'est certain, mais l'essentiel est acquis : le gentilhomme de Shrewsbury, dans le centre-est de l'Angleterre, a sorti cette partie de la science du moyen-âge. Qu'il en soit remercié une fois encore.
 

 
 
Images
 

1. le périple de Charles Darwin autour du monde de 1831 à 1836

      (sources : commons.wikimedia.org/ wiki/)
2. le "Beagle"      (sources :  www.mun.ca)
3. la double hélice d'ADN      (sources : www.ifgene.org/)
4. Stephen J Gould (par Katty Chapman)      (sources : fr.wikipedia.org/wiki/)
5. Niles Heldredge      (sources : www.uninsubria.eu/)
 (Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)
  
 
  
 Brève : la drosophile prouve que l'évolution ne peut reculer
    
     Placée dans les conditions environnementales de ses ancêtres, la mouche drosophile ne retrouve pas ses caractéristiques originelles. Telle est la conclusion d'une expérience menée par des chercheurs portugais et américains. Après avoir fait évoluer pendant vingt-cinq ans des populations de drosophiles dans des environnements différents, Henrique Teotonio et ses collègues ont replacé les mouches dans leur environnement initial. Après 50 générations, elles s'étaient à nouveau adaptées à leur environnement ancestral mais d'une manière différente de celle de leurs aïeux : s'il arrive que les mouches retrouvent un phénotype (les traits physiques et biochimiques) semblable à celui de leurs ancêtres, elles sont néanmoins génétiquement différentes. Malgré la réadaptation à l'ancien milieu, 50% des variations génétiques survenues au cours des vingt-cinq ans d'évolution étaient maintenues. Inversement, il paraît donc impossible de prédire comment évoluera une population lorsque le milieu change.
(Science & Vie, 1098, mars 2009)
  
 
 
Mots-clés :  Beagle, fixisme, transformisme, évolution des espèces, darwinisme, schiste de Burgess, homologie, arbre phylogénétique, phénotype, génotype, gène, sélection sexuelle, mutation, épimutation, néodarwinisme, théorie synthétique de l'évolution, équilibres ponctués, S J Gould, N Eldredge, mouche drosophile
(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)
 
 
 
 
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Mise à jour : 24 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution

 

 

 

 

 

 

 

     Lorsqu’on se penche sur la reproduction sexuée des animaux (et donc de l’Homme), il semble qu’on soit confronté à un paradoxe dès lors que l’on veut intégrer celle-ci dans le grand mécanisme de l’évolution. Voyons cela de plus près.

 
     Pour faire simple disons que la théorie de l’évolution explique la survie des espèces par la sélection naturelle. Cela veut dire que, parmi tous les animaux faisant partie d’un écosystème, seuls les plus aptes seront sélectionnés et donc susceptibles d’avoir la descendance la plus nombreuse. En effet, puisqu’il apparaît de temps à autre des modifications chez certains individus (par exemple par mutation génétique), s’il s’avère qu’une de ces modifications est favorable à l’espèce, qu’elle apporte un plus, l’individu qui en est porteur sera sélectionné, sa descendance se développant au point de supplanter les autres individus moins performants. Cette sélection strictement naturelle explique l’évolution des espèces durant les âges géologiques (qui sont très longs) et, à terme, la disparition de certaines espèces moins bien adaptées, par exemple à l’occasion d’une modification sensible du milieu.

 
     Or la reproduction sexuée, dans une très grande majorité des cas, a entre autres recours à une parade nuptiale précédant l’accouplement (la formation des couples dans le but de procréer est appelé pariade); il s’agit là d’un comportement qui, dans le but d’attirer l’attention de la femelle (rarement l’inverse), met le mâle en grand danger puisqu’il devient également susceptible d’attirer l’attention des prédateurs de l’espèce… Dès lors, ne pourrait-on pas penser que cette attitude inhabituelle, d’autant plus visible que le sujet est performant, va à l’encontre de la théorie de l’évolution ? Cette mise en danger n’est-elle pas en définitive contradictoire avec la sélection naturelle ? On va voir que, bien au contraire, la pariade se situe parfaitement dans l’approche darwinienne et qu’elle en est même un des pivots les plus solides.

 

 

 
la pariade


     En forgeant sa théorie il y a plus de 150 ans, Darwin s’était longuement interrogé sur la persistance d’un mécanisme qui, à première vue, aurait dû disparaître – car apparemment mal adapté - sous l’influence de la sélection naturelle. Mais, au juste, de quoi s’agit-il ?

 
     Afin de permettre l’accouplement, les mâles (mais c’est le contraire chez les insectes et les arachnides) peuvent se parer d’ornements extraordinairement voyants (des caractères sexuels dits secondaires) tandis qu’ils recourent à un comportement au cours duquel ils paraissent « oublier » leurs habituelles précautions de sécurité. On peut, par exemple, citer l’exemple célèbre du paon qui s’agrémente d’une imposante traîne (il fait alors « la roue ») particulièrement handicapante s’il devait fuir un quelconque prédateur ou bien encore la cigale qui, par son craquètement, révèle à tous son emplacement. Ailleurs, certains oiseaux arborent des couleurs presque criardes (comme également certains poissons), couleurs qui les rendent visibles à de grandes distances. Chez les mammifères, on retrouve cette même caractéristique : les cerfs, par exemple, voient leurs bois se développer de façon parfois presque incapacitante. D’une manière plus générale, il existe presque toujours une différence de taille entre les individus de sexes opposés (les mâles sont souvent plus imposants chez les mammifères) et on parle alors de dimorphisme (l’autre orthographe, « dysmorphisme » étant également acceptée par l’usage bien que, stricto sensu, impropre). Au-delà de cette apparence donnant une impression de « mauvaise adaptation » au milieu, il existe toute une série de comportements instinctuels et de manèges rituels qui font que la période des amours, chez beaucoup d’espèces, rend les sujets très vulnérables. Il faut alors bien convenir que cette apparente inadaptation, si elle a perduré au fil du temps, doit apporter quelque chose aux espèces qui en sont dotées, c'est-à-dire la grande majorité.

 

 

la sélection sexuelle

 
     Il s’agit en réalité d’une forme très particulière de la sélection naturelle qui n’existe, évidemment, qu’à la condition que les deux sexes de l’espèce soient parfaitement distincts. A la différence de la sélection naturelle, plus générale, la sélection sexuelle ne met pas en jeu la survie de l’individu puisque, même en cas d’échec, ce dernier aura le plus souvent les moyens de survivre. Le but en est la sélection par les femelles (ou l’inverse chez certains insectes) du mâle le plus performant, c'est-à-dire celui capable d’avoir le plus grand nombre de descendants les plus résistants possibles : cette notion de « pression évolutive » par les femelles a d’ailleurs eu bien du mal à être acceptée et ce n’est que depuis les années 1970 qu’elle n’est plus réellement discutée.

 
     On décrit deux mécanismes distincts de sélection sexuelle : la compétition entre les mâles pour que le plus fort soit choisi pour la reproduction (c’est la sélection intrasexuelle) et la sélection par les femelles des mâles avec lesquels elles choisissent de copuler (c’est la sélection intersexuelle) ; la première explique les combats entre les cerfs ou les lions mâles tandis que la deuxième correspond à la queue du paon ou aux attributs dits « virils » des primates supérieurs (il s’agit évidemment d’exemples pris parmi des milliers d’autres).

 
     Pour bien saisir les raisons de ces mécanismes, il faut comprendre que la transmission de ses gènes pour un individu est encore plus importante que sa propre survie. Nous autres humains sommes volontiers individualistes et nous avons du mal à percevoir que dans la Nature (voir sujet : indifférence de la nature) l’individu ne compte pas (ou si peu) et que c’est la survie et la transformation de l’espèce à laquelle il appartient qui importe : la pérennisation de l’espèce passe avant tout par les gènes et non par les individus qui n’en sont, en quelque sorte, que les dépositaires provisoires. On saisit alors mieux pourquoi ce sont les sujets les plus jeunes, les plus vigoureux – j’oserais dire les mieux adaptés – qui ont le plus de chance de transmettre leur patrimoine génétique.

 
     Voilà la raison pour laquelle le dimorphisme ou les parades prénuptiales ritualisées sont d’une importance capitale pour la majorité des animaux, même au risque que les intervenants soient mis en péril : souvent, d’ailleurs, certains prédateurs profitent de cette période si spéciale qui précède l’accouplement de leurs victimes pour frapper plus aisément. Cela n’a, au fond, guère d’importance pour la sélection naturelle puisque les quelques individus perdus sont largement compensés par la sélection et la transmission de gènes (et donc d’une descendance) plus performants. Au-delà de la description brute des faits, il subsiste néanmoins une question : quel peut bien être le support – le support biologique – d’une telle adaptation ? Ou, dit autrement, existe-t-il un dispositif biologique ayant permis à l’évolution de se diriger dans cette direction si particulière ?

 

 

l'apport d’une mouche


     Comme souvent en biologie de l’évolution, ce n’est pas l’étude de la faune animale dans son habitat naturel qui a apporté une réponse mais l’étude d’un petit animal de laboratoire, déjà célèbre pour avoir permis des avancées décisives en génétique : la mouche drosophila melanogaster, plus connue sous le nom de « mouche à vinaigre ». Cet insecte est depuis toujours particulièrement étudié par les biologistes car il allie le double avantage d’être facile à élever en laboratoire et de se reproduire très rapidement au point que, en quelques semaines, il est possible d’en obtenir des générations entières.

 
     Comme l’indique son nom, la drosophile possède un ventre noir ou, pour être plus précis, les mâles de cette espèce possèdent cette caractéristique de pigmentation sur les deux derniers segments de leurs abdomens. Evidemment, ce n’est pas aussi spectaculaire que la roue du paon mais, là aussi, il s’agit indéniablement d’un caractère sexuel secondaire. D’ailleurs, les femelles drosophiles ne s’y trompent pas…

 
     Depuis longtemps, on sait que cette pigmentation résulte d’un gène, appelé gène « bric-à-brac », dont l’activation supprime la coloration abdominale noire. On peut présenter cela autrement : ce gène est actif partout sur la femelle et partiellement sur le mâle (uniquement sur la partie antérieure de son abdomen). Alors, me direz-vous, pourquoi cette différence ? C’est là qu’une découverte récente présente un intérêt fondamental : on a pu mettre en évidence l’action d’un facteur de transcription (voir glossaire), appelé « doublesex », agissant sur le gène bric-à-brac. Ce facteur doublesex est une protéine qui active normalement le gène sauf dans la partie postérieure de l’abdomen du mâle car il diffère de celui de la femelle par quelques minuscules acides aminés… Ce sont donc de toutes petites variations dans la régulation des gènes qui explique les différences morphologiques parfois conséquentes entre les sexes. Mieux encore : on a pu se rendre compte que chez les ancêtres de la drosophile, l’abdomen n’était pas coloré ce qui laisse supposer que, avec le temps, ce caractère a été sélectionné par l’évolution et notamment la sélection sexuelle. Un individu drosophile a, un jour, au cours d’une très légère mutation, présenté le caractère « ventre noir » et ce caractère ayant attiré l’attention des femelles, ce mâle porteur de la différence a pu multiplier sa descendance jusqu’à éclipser les non-porteurs.

 

 

 
l’évolution, encore et toujours


     La Nature n’invente que rarement du neuf car, pour des raisons évidentes d’économie, il est plus facile de « faire avec du vieux ». C’est la raison pour laquelle elle a souvent recours à des « bricolages ». Ainsi, des variations parfois infimes apparaissent, variations le plus souvent en rapport avec des mutations qui, selon le milieu qui lui aussi se transforme, seront ou non retenues dans la grande machinerie de l’évolution. Bien sûr, cela ne se fait pas en un an, ni en mille, mais au long de dizaines de milliers de siècles : n’oublions jamais que au moins trois milliards et demi d’années nous séparent du début de l’émergence de la Vie sur Terre. Cela en fait des générations d’êtres et d’espèces aujourd’hui disparus ! L’Homme est un animal récent si l’on juge à l’aune de ces chiffres. C’est encore plus récemment qu’il a commencé à transformer le monde dans lequel il vit. D’une certaine manière, il est admirable que les civilisations humaines puissent se développer aussi vite mais il existe un écueil : le monde biologique se transforme beaucoup, beaucoup plus lentement. Il ne faudrait pas que ce qui fait la force immense de nos civilisations les conduisent prématurément à leur perte.
 

 


Glossaire


Facteur de transcription : dans la cellule, ce sont des protéines qui agissent sur l’expression des gènes. Elles peuvent se lier à l’ADN pour y déclencher cette expression ; elles peuvent aussi se lier à d’autres facteurs de transcription et réguler ainsi l’expression des gènes. Certains facteurs de transcription entrent en action après s’être eux-mêmes liés à des substances provenant de l’extérieur de la cellule (des hormones, par exemple). Leurs interactions complexes sont un aspect essentiel de la vie cellulaire. (Sources : Science & Vie, décembre 2008, n°1095, 107).
 

 


Images
1. combat de cerfs (sources : francois.ribeaudeau.org)
2. paon faisant la roue (sources : fond-ecran-image.com)
3. parade nuptiale de grèbes hubbés (sources : synellkox.spaces.live.com)
4. drosophila melanogaster (sources : pagesperso-orange.fr)
5. tête de drosophile (sources : membres.lycos.fr/doublemouche)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 


Mots-clés : évolution, sélection naturelle, sélection sexuelle, reproduction sexuée, pariade, parade sexuelle, caractères sexuels secondaires, dimorphisme, Darwin, gènes, drosophile, drosophila melanogaster, facteur de transcription

 (les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

 

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1.les mécanismes de l'Evolution

2.l'agression

3.indifférence de la Nature

4. insectes sociaux et comportements altruistes

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6. comportements animaux et Evolution

7. l'inné et l'acquis chez l'animal

 

 

 

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Mise à jour : 25 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #divers

 

 

 

 

                           

                               

Hesy-Ré, médecin du pharaon (mastaba A3, Saqqarah, IIIème dynastie)

(sources : www.toutankharton.com/La-medecine-en-Egypte-ancienne)

 

 

 

     Durant l'année écoulée, quatre articles ont été publiés dans la section médecine et deux dans la section éthologie. On les trouvera ci-après brièvement résumés et selon leur ordre de parution. Bien entendu, le titre du sujet renvoie à l'article correspondant à l'aide d'un simple clic. En fin de rubrique, on trouvera également deux articles classés divers (biologie et physique).

 

 

Section médecine
  

          * L’homéopathie

     Technique presque exclusivement française (car peu pratiquée en dehors de nos frontières), l’homéopathie fait depuis longtemps l’objet d’âpres débats, le dernier datant d’il y a peu, lorsque le Ministre de la Santé alors en exercice proposa de dérembourser les médicaments de cette discipline. Désireux d’assainir (un peu) le déficit de la Sécurité sociale, le Ministre dût renoncer face à la levée de boucliers de certains assurés… et des industriels de la partie. Le sujet se propose de revenir sur ce que l’on sait de cette médecine « douce » et de chercher à évaluer son activité thérapeutique par rapport aux molécules traditionnelles.
Mots-clés :
Hahneman, allopathie, principe de similitude, dynamisation, succussion, placebo, double aveugle
Commentaires : 10

 

          * Cellules-souches
     Comment, à partir d’une seule et unique cellule formée à partir des éléments génétiques parentaux, peut-on arriver à la formation harmonieuse d’un individu composé de milliards de cellules différentes ? Grâce aux « cellules-souches » dont il existe différentes variétés. Sauvegarde de l’Humanité pour certains (on pourra recréer des organes et lutter contre nombre de maladies) ou piège diabolique pour d’autres (l’Homme se prend pour Dieu), ces cellules très spéciales posent indéniablement des problèmes éthiques. L’article revient sur leur principale classification, ce que l’on peut en attendre et l’état de l’actuelle législation les concernant.
Mots-clés :
cellule totipotente, cellule pluripotente, cellule multipotente, cellule unipotente, thérapie cellulaire, apoptose, éthique, législation, clonage thérapeutique, cellule souche embryonnaire

Commentaires : 3

 

          * Les grandes pandémies

     Les grandes épidémies, d’origine souvent inconnue, s’étendant d’un pays à l’autre sans que rien ne paraisse pouvoir les stopper, ont par le passé ruiné des civilisations et fait mourir des millions d’êtres humains. On en sait aujourd’hui un peu plus sur les agents vecteurs, les modes de propagation et les moyens éventuels de les enrayer. Est-ce à dire qu’elles ne peuvent plus se produire ? Rien n’est moins sûr…

Mots-clés : pandémie, grande peste, pandémie virale, grippe, grippe aviaire, SRAS, vaccination, cachexie
Commentaires : 7

Image : linternaute.com

 

          * Médecines parallèles et dérives sectaires
     Des centaines de techniques médicales plus ou moins confidentielles essaient de répondre aux problèmes insuffisamment traités par la médecine occidentale traditionnelle, jusqu’à, parfois, vouloir la supplanter. Le sujet revient sur la législation actuellement en vigueur à leur propos et cherche à faire la part des choses entre réel intérêt thérapeutique (prise en charge, effet placebo, etc.) et abus confinant au charlatanisme. En dernière partie, un certain nombre de ces médecines parallèles est sommairement décrit sans, bien sûr, être exhaustif.
Mots-clés :
santé, Ordre des Médecins, code de déontologie médicale, effet placebo, charlatanisme, témoins de Jéhovah, acupuncture, auriculothérapie, ostéopathie, naturopathie, réflexologie, iridologie, anthroposophie, biothérapie gazeuse, urinothérapie, kinésiologie, médecine ayurvédique, chromothérapie, cristallothérapie, gemmothérapie
Commentaires : 13

 

 

Section éthologie

 

          * L’agression 

     L’agressivité semble être – à de très rares exceptions près – le propre de toute vie sur cette Terre : agression vis-à-vis des autres espèces, évidemment, mais aussi envers des représentants de l’espèce de l’agresseur. L’homme ne fait pas exception à cette règle, on le voit tous les jours. S’appuyant sur les travaux de l’éthologue Konrad Lorenz (qui a écrit un livre sur la question et dont il est cité des extraits), l’article cherche à comprendre cette constante de comportement et, surtout, à savoir si cette agressivité, est un avantage ou un handicap pour les espèces vivantes.
Mots-clés :
Lorenz, Tinbergen, mécanisme inné, seuil de déclenchement, seuil d’activation, pression de sélection, agression interspécifique, agression intraspécifique, ritualisation, pariade, acquis culturel, phylogénèse
Commentaires : 10

 

          * Indifférence de la Nature
 

                                  

     

     Chaque jour, depuis que la Vie existe sur Terre, des millions d’êtres sontsacrifiés sans que la souffrance ne leur soit épargnée : la Nature est-elle donc cruelle ? Non, répondent les scientifiques, seulement indifférente. A l’aide de deux exemple concrets, l’article revient sur cette notion et pose la question de savoir si l’Homme, intellectuellement le plus avancé des êtres vivants, est capable d’appréhender et de nuancer (même partiellement) une situation qui peut paraître choquante à ses yeux.
Mots-clés :
anthropomorphisme, Jean-Henri Fabre, guêpe fouisseuse, mygale, lion, sélection naturelle, comportement altruiste
Commentaires : 20

Image : www.dinosoria.com/

 

 

Section biologie

  

          * L’âme
     L’âme – ici l’entité immatérielle propre à chaque être humain et qui lui survit après sa mort – est une notion essentiellement religieuse : on peut comprendre que, sans elle, aucune religion ne saurait évoquer les perspectives d’un « au-delà ». Mais, d’un point d’un point de vue scientifique, et notamment biologique, à quoi correspond-elle vraiment ? Chercher à cerner cette question est le but de ce propos.
Mots-clés : religion, ésotérisme, matérialisme, méiose, définition de la mort
Commentaires : 7

 

 

Section physique

 

          * Mécanique quantique
     Complémentaire de la théorie de la relativité générale avec laquelle, malheureusement, elle ne s’entend pas, la mécanique quantique s’intéresse essentiellement à l’atomique et au subatomique. Ses lois paraissent si étranges que peu la connaissent vraiment et encore moins la comprennent au point qu’on a vite fait de douter. Pourtant, la mécanique quantique a conduit à des découvertes exceptionnelles aux applications multiples et elle n’a jamais été prise en défaut. L’article souhaite expliquer, en termes les plus simples possibles, ce que représente cette science insolite. En addendum, court article sur le physicien Garrett Lisi qui prétend avoir décrypté… la « théorie du tout », une unification des deux physiques.
Mots-clés : conférence de Solvay, mécanique ondulatoire, nuage électronique, principe d’exclusion, non-localité, photon, décohérence, état de superposition, théorie du tout, chat de Schrödinger, effet-tunnel, Garrett Lisi
Commentaires : 5

 

                                 

   

                                                                         

Max Planck (1858-1947)

(sources : www.physics.gla.ac.uk/)


 

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Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie

 

 

 intelligence-animale-singes.jpg

 

 

 

 

 

     Evaluer l’intelligence des animaux est un problème immense qui passionne chercheurs et philosophes depuis des siècles : il n’est bien sûr pas question de le résoudre ici mais uniquement d’engager une réflexion. Plusieurs difficultés se présentent d’emblée. D’abord, avant de chercher à savoir ce qu’elle représente chez les animaux, il convient de définir ce que l’on appelle intelligence et ce n’est pas une mince affaire ! Ensuite, on comprend immédiatement combien il est difficile de recourir à une hiérarchisation de l’intelligence parmi les espèces animales tant les domaines, les formes d’action et les solutions trouvées peuvent être dissemblables. Enfin - on ne le répétera jamais assez - l’Homme est lui-même un animal, un mammifère : entre lui et tous les autres, il existe, certes, une différence de degré mais pas de nature. Pourtant, le terme « intelligence animale » qui est notre propos aujourd’hui l’exclut de fait, l’intelligence humaine faisant à l’évidence partie d’un autre débat. Ces quelques considérations très générales expliquent pourquoi on ne trouvera pas dans cet article une étude détaillée et argumentée sur le sujet mais bien plutôt quelques pistes destinées à se faire une idée de la question…

 

 

L’intelligence

 

    Le mot intelligence provient du latin (intelligentare) qui « signifie faculté de comprendre ». C’est l’ensemble des facultés mentales qui, en effet, permet de comprendre le monde qui nous entoure et les choses qui le peuplent puis de relier entre eux ces différents éléments pour aboutir à une pensée rationnelle permettant l’action. Cette pensée rationnelle s’oppose donc à l’intuition ou à la sensation puisqu’elle autorise le recul et la réflexion. Et donc la compréhension de situations nouvelles. On peut également dire que l’intelligence, c’est la capacité à traiter des informations pour atteindre l’objectif que l’on s’est fixé. Exprimé plus simplement,  l’intelligence, c’est la faculté d’adaptation.

 

     Chez l’animal, bien des actions sont innées (comme on le verra par la suite, certains auteurs pensaient jadis que l’animal n’était que cela) mais il existe chez tous une certaine faculté d’adaptation par l’apprentissage : tout le problème est de comprendre ce qui revient à l’un ou à l’autre et, surtout, quelle est l’importance de cet apprentissage et donc de cet acquis qui va entraîner une réponse adaptée à une situation nouvelle…

 

 

Perception de l’intelligence animale à travers les âges

 

     Depuis que l’Homme a eu conscience qu’il vivait entouré d’animaux ayant leurs vies propres et des comportements spécifiques, il s’est posé la question de savoir s’ils possédaient une intelligence, fut-elle rudimentaire. Cette question fut même la source de grands débats philosophiques dès l’antiquité.

 

 

Dans l’antiquité

 

     Dans le monde occidental, Aristote (384-322) pensait que l’Homme était le seul à posséder une pensée rationnelle mais il reconnaissait aux animaux, du moins aux plus évolués d’entre eux, une sagesse pratiquearistote.jpg (phronesis). Il chercha à démontrer leur intelligence grâce notamment à leur mémoire, expliquant que les animaux apprennent en partie par leur expérience propre mais aussi par imitation de leurs semblables. Les stoïciens, quant à eux, ne croyaient pas à cette intelligence animale car pour eux vertus et mémoire, effectivement signes d’intelligence, sont impossibles sans la raison. Par la suite, les philosophes stoïciens de l’époque impériale tels Sénèque, Hiérocles ou Epictète restèrent persuadés que les animaux ne possèdent aucune intelligence, une thèse reprise plus tard par Galien. Cette école de pensée eut une influence importante au cours des siècles qui suivirent.

 

 

L’animal-machine

 

     Au XVIème siècle, René Descartes (1596-1650) exposa sa conception de l’intelligence animale, notamment dans son Discours de la méthode, une approche de la question qui fit grand bruit. Il expliquait qu’aucune machine ne peut utiliser un langage ou des signes et qu’il lui est donc impossible descartes--1-.jpgd’accéder à l’universalité. Puisque, selon lui, les animaux n’ont pas la faculté de posséder une pensée abstraite et donc de réfléchir, il lui semblait évident qu’on pouvait les assimiler à des machines.

 

     Un siècle plus tard, cette conception réductrice sera encore défendue par Malebranche (1638-1715), puis par Buffon (1707-1788). Les empiristes comme Locke (1632-1704) et les sensualistes comme Condillac (1715-1780) s’insurgèrent contre cette approche. François Bernier (1620-1688), ami de Molière et de La Fontaine, expliquait par exemple « que personne ne pourra jamais croire qu’un animal écorché vif ne puisse avoir aucune sensation ». Toutefois, c’est Réaumur (1683-1757) qui sembla le plus proche de reconnaître une part importante d’intelligence aux animaux. Le débat faisait donc rage mais on s’orientait néanmoins vers une « certaine » reconnaissance de l’intelligence animale.

 

 

La révolution darwinienne

 

     Pour la première fois, dans son ouvrage « de l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle » paru en 1859, Charles Darwin propose une explication cohérente à nombre de faits que les créationnistes – et pour cause – ne pouvaient expliquer. Il avance que les êtres vivants découlent tous les uns des autres (qu’ils ont donc un ancêtre commun) et que, au cours des âges, une sélection s’impose dans le vivant, favorisant les espèces les mieux adaptées à leur milieu (avantage sélectif) au détriment des moins favorisées. Dès lors, les fossiles, témoins d’espèces disparues, les ressemblances et les caractères communs d’une espèce à l’autre, les modifications d’une même espèce au cours du temps, etc. trouvent une explication crédible.

 

     En 1872, il complète sa pensée dans un ouvrage « l’expression des émotions chez l’homme » : il insiste sur une évolution partagée entre les espèces. Partant de l’étude des mouvements du visage humain – et donc de l’expression des émotions – il démontre qu’on peut trouver, parfoisemotions.jpg légèrement transformées ou plus ou moins rudimentaires, les mêmes expressions chez l’animal (voir le sujet : l'inné et l'acquis chez l'animal). C’est la porte ouverte à la compréhension d’une intelligence animale et à la récusation de l’animal-machine.

 

     En 1882, George J. Romanes (1848-1894) qui explique que les activités des animaux sont analogues aux activité humaines, puis après lui, John Watson (1878-1958) et Frédéric Skinner (1904-1990) permettront la mise en place du behaviorisme, c'est-à-dire l’étude des comportements observables déterminés par l’environnement et donc les interactions de l’individu avec son milieu.

 

 

Naissance de l’éthologie

 

     Konrad Lorenz (1903-1989 et prix Nobel de physiologie en 1973 avec Karl Von Frisch et Nikolaas Tinbergen) sera l’un des pionniers d’une nouvelle science, l’éthologie, dont le but est l’étude des comportements des animaux dans leur milieu naturel. Les éthologues chercheront à faire la part de Konrad_Lorenz.JPG ce qui revient chez l’animal à l’inné et à l’acquis, notamment par apprentissage. Or, qui dit apprentissage, dit forcément adaptation à une situation donnée et donc une forme d’intelligence. Tout le problème va être de mesurer celle-ci, de la quantifier, de la hiérarchiser et, à l’évidence, ce n’est pas le plus facile...

  

 

l’intelligence animale

 

     Certainement pas à la hauteur de celle de l’Homme (en général) qui est un animal à part, l’intelligence des animaux est toutefois indiscutable. Ceux-ci – on l’abordera dans une seconde partie de ce sujet – sont dotés de mémoire et disposent de réelles facultés d’apprentissage. Ils sont également capables d’une véritable représentation du monde (en tout cas, de leur monde) et certains d’entre eux, plus évolués, disposent même d’une conscience de soi.

 

     Toutefois, il est un travers qu’il nous faut chercher à éviter : le jugement de tel ou tel comportement selon nos propres aprioris. Autrement dit, il nous faut nous méfier de cet anthropomorphisme latent en chacun de nous qui nous oblige souvent à juger les performances et les comportements des animaux selon des critères spécifiquement humains. Car, à y bien réfléchir, qu’est-ce que la faculté d’adaptation à un milieu ? L’Homme, c’est vrai, domine la planète et, plus encore, il la transforme selon son bon plaisir. Pourtant, certaines espèces animales ont conquis la Terre dans tous ses compartiments, beaucoup d’entre eux inaccessibles à l’Homme. Je pense à la réflexion du paléontologue Stephen J. Gould selonbacteries-strepto-pneumionae.jpg laquelle la plus complète adaptation au milieu terrestre est celle des bactéries, présentes absolument partout. Mais a-t-on encore le droit d’évoquer ici une intelligence animale ?

 

     Que dire également des animaux qui se sont « humanisés » au contact de l’Homme, des êtres qui finissent par nous renvoyer par effet-miroir ce que nous projetons d’eux ?

 

     Il faut donc être particulièrement prudent lorsqu’on décide d’évaluer une intelligence que nous avons, de par nos préjugés, tant de mal à comprendre.

 

 

Comment évaluer l’intelligence d’un animal ?

 

     On vient de le dire, il s’agit là d’une tâche extrêmement complexe : dans la seconde partie de ce sujet (voir : intelligence animale - 2), nous essaierons néanmoins de savoir comment on a pu estimer (langage, utilisation d’outils, comportement, etc.) la faculté d’adaptation – donc l’intelligence – de certains animaux. Nous évoquerons, bien entendu, les grands singes qui nous sont si proches, mais également certains mammifères ainsi que, parmi d’autres,  les oiseaux ou les cétacés. En cherchant à chaque fois à cerner « leur » propre adaptation sans trop la juger par rapport à nous.

 

 

 Sources :

. Wikipedia France

. equihom.over-blog.com/

. www.psychoweb.fr/

 

 

Images

 

1. Quel est le degré d'intelligence d'un singe ? (sources : maxisciences.com)

2. le philosophe grec Aristote (sources : greceantique.net)

3. Descartes (sources : ec-descartes-chateauroux.tice.ac-orleans-tours.fr)

4. expression des émotions humaines (sources : lecorpshumain.fr)

5. Konrad Lorenz (sources : fr.wikipedia.org)

6. streptococcus pneumionae (sources : gurumed.org)

 (pour en lire les légendes, passer le curseur de la souris sur les illustrations)

  

 

Mots-clés : faculté d'adaptation - apprentissage - Aristote - Stoïciens - René Descartes - animal-machine - René-Antoine de Réaumur - Charles Darwin - behaviorisme - Konrad Lorenz - Karl Von Frish - Nikolaas Tinbergen - conscience de soi - anthropomorphisme

(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. l'inné et l'acquis chez l'Homme

2. l'inné et l'acquis chez l'animal

3. les mécanismes de l'Evolution

4. le propre de l'Homme

5. la notion d'espèce

6. l'intelligence animale (2)

 

  

 

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mise à jour : 12 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution, #paléontologie
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                                            les ères géologiques
 
 
 
  
       Pour la Vie, sur notre planète, ce ne fut pas un long fleuve tranquille. Au long des milliards d'années qui la séparent de ses origines, elle aura eu bien du mal à s'accrocher car nombre d'événements cataclysmiques auraient pu définitivement la détruire. Le hasard a néanmoins permis (d'autres diront la « chance ») qu'elle ne disparaisse pas. Jamais, en effet, elle n'aura été aussi menacée que lors des extinctions massives d'espèces qui ont parsemé les temps géologiques.
  
     Rappelons tout d'abord ce que l'on nomme communément une «
espèce » : c'est l'ensemble des populations capables de se reproduire entre elles. A partir du moment où des êtres vivants, même très proches d'apparence, ne peuvent plus donner de descendants susceptibles d'être féconds, on dit qu'ils appartiennent à deux espèces différentes. En systématique qui est la science du dénombrement et du classement des différentes lignées d'être vivants, l'espèce est l'unité de base (on parle alors de taxon).
  
     L'extinction d'une seule espèce est un drame pour la
biodiversité. Elle se produit lorsque son dernier représentant a disparu mais elle est prévisible bien avant, lorsque l'espèce n'est plus représentée que par un nombre insuffisant d'individus devenus incapables, pour de multiples raisons, de se reproduire : il s'agit le plus souvent d'un phénomène progressif, plus ou moins rapide. On sait bien, surtout actuellement avec la domination sans partage des humains qui transforment la planète selon leur bon plaisir, qu'il existe nombre d'espèces, animales et végétales, menacées. Toutefois, il a existé des moments de la vie de la Terre où un nombre considérable d'espèces ont disparu de manière concomitante : il s'agit des extinctions de masse.
 
 
 

Les extinctions dites « de masse »
 

 

     On estime que plus de 99% des espèces ayant un jour vécu sur Terre ont à extinctions-2.pngprésent disparu. Certaines de ces disparitions sont en rapport avec la sélection naturelle qui a permis le remplacement d'espèces par d'autres mais ce n'est pas la seule explication. En effet, à certains moments de l'histoire terrestre, des cataclysmes, difficiles à documenter, ont conduit à la disparition - en même temps - de catégories entières d'espèces vivantes : c'est ce phénomène que l'on appelle extinctions de masse et, pour une fois, l'Homme n'en a pas été le responsable. On reconnaît actuellement cinq extinctions principales qui, toutes, à des degrés divers, ont failli faire disparaître totalement la Vie sur Terre.
 
 
 

Quand ont-elles eu lieu ?
 
 
 
     a.
à l'ordovicien pour la plus ancienne, vers -440 millions d'années (Ma), époque qui est la deuxième du paléozoïque ou ancienne ère primaire. Pour mémoire, rappelons que la première période de ce paléozoïque était le cambrien, celle-là même qui a vu « l'explosion de la Vie » (voir sujet le schiste de Burgess). Un peu moins de la moitié de tous les organismes marins disparaissent à l'ordovicien et les fameux trilobites qui ont laissé de nombreux fossiles regroupant plus de 10 000 espèces différentes, sont presque totalement détruits : ils arriveront pourtant à surmonter la crise, en tout cas temporairement.
 
  
     b.
au dévonien vers -367 Ma, une époque qui a connu un effet de serre important au point qu'on l'a appelée le temps des fougères. Sur Terre, il existe, outre les algues et les bactéries présentes depuis longtemps, des plantes primitives, notamment les fougères géantes aux troncs aussi épais que ceux d'un arbre, dans lesquelles vivent des arthropodes comme les scorpions mais c'est en mer qu'une immense barrière de récifs érigés par des algues calcaires retient l'attention. Ce sont ces récifs qui vont disparaître lors de cette extinction avec une grande partie des poissons de mer (les poissons d'eau douces semblent avoir été moins touchés). Les trilobites perdent encore une grande partie de leurs représentants. On estime que plus de 70% des espèces vivantes ont été détruites à cette époque.
 
  
     c.
au permien vers -245 Ma : à cette période les surfaces émergées de la Terre sont représentées par un supercontinent, la Pangée, entourée par un océan unique. La vie sur ce continent, probablement parsemé de grands déserts, comprend, pour les plantes, des gymnospermes (dont les éléments reproducteurs sont protégés par des capsules), des fougères et les premiers arbres, essentiellement des conifères. Les amphibiens, les arthropodes et les ancêtres des grands reptiles du secondaire constituent l'essentiel des espèces animales. La vie marine est également bien représentée mais les derniers trilobites ont déjà commencé à disparaître. C'est à ce moment que survient la plus grande des extinctions de masse qui touche près de 95% de la faune marine et pas loin de 70% de la faune terrestre. On trouvera une étude plus détaillée de cette extinction dans le sujet qui lui a été consacré ICI.
 
  
     d.
à la fin du trias vers -208 Ma : nous sommes à présent au mésozoïque (ancienne ère secondaire) qui a débuté, on vient de le voir, par la plus grande extinction de masse de l'histoire. A partir de cette date et pendant environ 150
trias_237-copie-1.jpg millions d'années, la vie va reprendre et se diversifier à nouveau. Dans la mer, les récifs vont  revenir et ce sont les coraux dits  modernes qui se taillent la part du lion. Ailleurs, toutefois, les ammonites qui furent durement touchés au cours de l'extinction permienne, pullulent à nouveau à partir de la seule lignée survivante tandis que les poissons, peu atteints par l'extinction, se développent. Les reptiles marins profitent également de l'espace libéré pour représenter des formes géantes à la fin du trias. Sur Terre, la vie poursuit sa progression, notamment la flore avec les conifères, les plantes à graines, les ginkphyta (dont le Ginko biloba est le dernier représentant actuel), etc. Les reptiles s'adaptent assez bien tandis que les premiers ancêtres des mammifères apparaissent. Nouvelle extinction massive à la fin de cette période touchant principalement certains groupes comme les nautiles et les ammonites mais elle est moins importante que la précédente.
 
  
     e.
à la fin du crétacé vers - 66 Ma : c'est l'extinction la mieux connue et probablement aussi la mieux étudiée avec la disparition des grands sauriens. Le supercontinent précédent s'est scindé en plusieurs morceaux qui donneront les continents actuels. Durant cette période qui s'étend sur environ 70 millions d'années, on se rapproche de l'époque moderne avec une transformation de la flore qui, encore très jurassique au début (le jurassique est la période précédente), voit naître les premiers représentants des arbres modernes (figuiers, magnolias, etc.) tandis que les plantes à fleurs sont bien représentées.
 
     Sur Terre, c'est donc l'ère des dinosaures qui règnent sans partage tandis que les mammifères, tous très petits, n'ont que peu d'importance dans l'écologie locale. En mer, les poissons presque modernes se sont multipliés (ce qui permet l'apparition des premiers grands sauriens prédateurs) tandis que d'autres animaux comme, par exemple, les requins, sont bien adaptés à ce milieu. Dans l'air, les reptiles volants comme les ptérosaures sont en compétition avec les oiseaux. C'est dans ce milieu apparemment stable que va survenir la grande extinction dite K-T ou crétacé-tertiaire, délimitant les ères secondaire et tertiaire (la classification actuelle à fusionné les ères tertiaire et quaternaire regroupées sous le nom de cénozoïque). Assez brutalement, les dinosaures vont disparaître laissant la voie libre à l'expansion des mammifères ; en mer, les nautiles et les ammonites sont anéantis ainsi que tous les reptiles marins (à l'exception des crocodiles et des tortues). Schématiquement ne survivent en définitive que les petits mammifères, les oiseaux, les poissons, les plantes terrestres et quelques coraux.
 
 
  

Quelles en sont les causes ?
 
 
     De nombreuses hypothèses ont été avancées et aucune (à part, peut-être, la dernière, au crétacé-tertiaire mais on y reviendra) n'a jusqu'à présent véritablement emporté la conviction. On s'accorde toutefois pour dire qu'il s'agit presque forcément de causes très générales. Les premières qui viennent à l'esprit sont évidemment des événements « extérieurs », c'est à dire des causes purement physiques, mais on peut aussi invoquer des causes liées à la vie elle-même (biologiques).
 
 
          a.
causes physiques : pour faire bref, on ne retiendra ici que les principales, à savoir :
 
     * des
variations climatiques : elles peuvent être dues à un phénomène de volcanisme extrême. C'est le cas à la fin du permien (2.c) avec l'apparition des « trapps de Sibérie » (voir glossaire). Il faut se rappeler que, à cette période, il n'existe qu'un seul supercontinent, la Pangée. Dès lors, tous les systèmes écologiques sont en contact et un cataclysme important a la possibilité de les trapps-sib-rie.jpgtoucher tous à la fois. Ca a peut-être été le cas avec cette extraordinaire éruption volcanique qui, en peu de temps (moins d'1 million d'années), va déposer une épaisseur de laves de près de 4 km d'épaisseur sur une surface grande comme les 2/3 de la France. L'émission de gaz toxiques en grande quantité, des pluies acides dévastant la végétation, un obscurcissement fréquent dû aux fumées ne peuvent pas ne pas avoir eu de conséquences. L'effet de serre résultant a dû être intense mais jusqu'à quel point a-t-il été nocif et fut-il suffisant pour expliquer la disparition de 95% des espèces présentes ? Ou bien s'agit-il d'un autre phénomène tel qu'une variation de la salinité de l'océan qui aurait affecté les organismes marins et par contrecoup toute la chaîne alimentaire ? Ou bien encore plusieurs causes à la fois ? La solution de l'énigme n'est pas très claire et les recherches actuelles n'ont pas encore tranché (voir complément en fin d'article).
 
     *
des modifications du niveau de la mer : elles peuvent être la conséquence, outre de phénomènes volcaniques intenses, d'un mouvement des plaques tectoniques ou d'une glaciation rapide. Par exemple, c'est cette dernière hypothèse qui a souvent été avancée pour l'extinction de l'ordovicien (2.a) : les plateaux continentaux, immenses à cette époque, abritent, au sein de mers péricontinentales, la majorité des êtres vivants de telle manière qu'une baisse du niveau des mers suite à un refroidissement intense peut toucher et détruire la majorité des niches écologiques.
 
     * un
événement extraterrestre comme la chute d'un astéroïde (nous y reviendrons à propos de l'extinction K-T (2.e) ou l'entrée du système solaire dans une zone de l'espace riche en matière interstellaire, hypothèse parfois évoquée mais jamais démontrée.
 
 
               b.
causes biologiques : on sait qu'un écosystème est fragile puisqu'il est la résultante d'un équilibre délicat entre les différents protagonistes de la chaîne alimentaire mais il reste assez difficile d'apprécier la conséquence de la disparition d'une seule espèce. Certains auteurs pensent qu'elle peut affecter l'ensemble des autres acteurs entraînant, selon la théorie des dominos, l'ensemble du système. En pareil cas, un événement finalement mineur peut être responsable de la catastrophe.
 
     A l'inverse, d'autres scientifiques avancent que les espèces coexistent ensemble par hasard et que la disparition d'une seule espèce est vite comblée par les autres qui repeuplent rapidement la niche écologique laissée vacante. On comprend donc que cette approche nécessite, pour expliquer une extinction massive, la disparition en même temps de plusieurs espèces non apparentées et l'événement causal est forcément exceptionnel et majeur. Les travaux actuels semblent plutôt donner raison à cette vision globaliste.
 
 
 
 
Cas particulier de l'extinction "crétacé-tertiaire"
 
 
     C'est, nous l'avons déjà dit, l'extinction qui a fait disparaître les grands sauriens, permettant dans le même temps l'émergence des mammifères et donc de l'Homme. De nombreuses hypothèses ont été avancées : par exemple, la
compétition entre les espèces vivantes (notamment la destruction des œufs de sauriens par les mammifères), l'apparition des plantes à fleurs contenant des substances toxiques pour les dinosaures, une épidémie fulgurante ou une élévation de la température qui aurait rendu ces derniers stériles. Mais, comme toujours en science, trop de coupables potentiels, trop de spéculations parfois antagonistes masquent surtout le fait que nous restons dans l'incertitude.
 
     Une théorie déjà plus réaliste concerne d'énormes
éruptions volcaniques ayant eu lieu dans le Deccan (Inde) sur une durée estimée à un demi-million d'années : des couches de lave gigantesques ont été retrouvées dans cette région (Trapps du Deccan) pouvant atteindre jusqu'à deux kilomètres et demi d'épaisseur de basalte pour une surface de 500 000 km² (et probablement une surface d'origine trois fois supérieure). Comme pour les trapps de Sibérie, au permien, il est évident que les quantités de poussières, de cendres et de gaz carbonique rejetées ont dû avoir un effet très défavorable sur les écosystèmes.
 
     Malgré tout, rien n'était réellement convaincant jusqu'à ce que des scientifiques,
Walter et Alvarez père et fils, aient avancé quelque chose de plus crédible : la chute d'un astéroïde. Ils ont, en effet, étudié les schistes contenant les couches correspondant à la limite K-T. Grosse surprise : ces strates contiennent toutes de l'iridium, un élément rare sur Terre mais volontiersprésent dans les matériaux extra-terrestres. Il n'en fallait pas plus pour avancer que la chute d'une énorme météorite
était la coupable... Dans un second temps, venant à l'appui des dires des trois scientifiques, un cratère fut mis à jour, à Chicxulub, au nord de la péninsule du Yucatan (Mexique). Selon divers scientifiques ce cratère aurait été provoqué par la chute d'une météorite de près de 10 kilomètres de diamètre qui se serait abattue sur la Terre il y a environ 65 millions d'années, c'est-à-dire à la fin du Crétacé (voir l'article la disparition des grands sauriens). L'impact de cette masse gigantesque, outre le raz-de-marée initial, aurait conduit à la projection dans l'atmosphère d'une énorme quantité de poussières et de cendres voilant la lumière du Soleil durant peut-être plusieurs années, avec les conséquences que l'on imagine : la disparition des dinosaures devenus incapables de trouver leur importante nourriture journalière et du plancton dépendant de la photosynthèse (et, par voie de conséquence, d'une partie de la faune marine).
 
     En revanche, les graines et spores des plantes à fleurs auraient pu attendre le retour à la normale de même que certaines espèces comme les mammifères, à l'époque de très petite taille et plutôt du genre fouisseur. La théorie est séduisante – il y a certainement eu chute d'une grosse météorite et les dates concordent à peu près - mais explique-t-elle pour autant l'extinction de masse ? On en discute encore.
 
 
 
 
Réalité des extinctions de masse
 
 
     Elles ont eu lieu, c'est un fait acquis mais leurs causes sont plus sujettes à caution et, osons-le dire, nous ne sommes vraiment sûrs de rien. Cela provient vraisemblablement du fait qu'il nous est impossible de préciser, à partir d'archives fossiles souvent incomplètes, l'équilibre d'un écosystème sur quelques milliers ou même quelques millions d'années : si nous y arrivions (et ce sera peut-être le cas un jour), nous pourrions affirmer la disparition d'un ensemble d'espèces en quelques jours (météorite) ou sur plusieurs centaines de milliers d'années (trapps ou la conjonction de la chute d'une météorite et d'un volcanisme intense).
 
     Il y a autre chose : on a jusqu'à présent évoqué les cinq grandes extinctions mais les archives fossiles nous apprennent qu'il y en a eu d'autres, quoique de bien moindre importance. Certains chercheurs ont même avancé une
date de périodicité : tous les 26 millions d'années. D'où viendrait une telle périodicité ? Un mouvement cyclique du globe terrestre ? Quelque chose en rapport avec le Soleil ? Ou avec le déplacement du système solaire dans l'espace intergalactique ? Le mystère reste entier.
 
 
  

Peut-il y en avoir d'autres extinctions ?
 
 
     A l'évidence, ce qui s'est déjà produit peut se reproduire : on peut même se demander si nous ne sommes pas en train de vivre la
6ème grande extinction de masse avec les transformations que font subir les hommes à notre pauvre planète. Depuis que les humains ont pris le dessus sur le monde dans lequel nous vivons – et singulièrement depuis l'ère industrielle – le processus de disparition de bien des espèces animales et/ou végétales s'accélère. Les média ne cessent de nous rappeler le délétère effet de serre qui nous menace dès les prochaines décennies.
 
     Mais, même sans attendre le désastre annoncé, il y a bien d'autres sujets de préoccupation : la surpopulation des humains qui s'entassent de plus en plus dans des mégalopoles difficilement contrôlables, le recul des terres boisées au profit de surfaces cultivées qui restreignent d'autant le territoire des animaux, la désertification induite par des techniques de culture inappropriées, le bétonnage touristico-économique des plus beaux endroits de nos côtes (et pas seulement !), la pollution des eaux douces et la destruction progressive du milieu océanique naturel, le saccage de territoires entiers pour prospecter les énergies fossiles, etc. J'en passe et des pires. Or, rappelons-nous ce fait inquiétant : pour l'Homme, nous évoquons une action qui se calcule au mieux en centaines d'années.
 
     Les extinctions précédentes portent sur des durées bien plus longues : de là à prédire que nous courons vers la catastrophe, il n'y a qu'un pas qu'il semble aisé de franchir. Certes, l'Homme, par son intelligence, est conscient (?) du problème et peut éventuellement proposer des solutions. Mais la Nature, indifférente, ne se laissera sans doute pas aussi facilement dominer. L'avenir de la Terre ne sera pas non plus un long fleuve tranquille.
 
 
 
 
 
Glossaire
 
     *
trapps : coulées de lave en escalier dont les « marches » (plateaux de basalte) peuvent être aussi hautes que des falaises. Les trapps de Sibérie sont souvent incriminés dans la survenue de l'extinction du permien tandis que ceux du Deccan, en Inde, sont suspectés dans l'extinction K-T (et donc des dinosaures) vers – 65 millions d'années. La théorie la plus courante concernant l'origine de ces derniers trapps les associe à un point chaud du manteau terrestre que l'on connaît sous le nom de point chaud de la Réunion.
 
 
 
Images
 
1. les différentes ères géologiques
2. les extinctions de masse (sources : www.mnhn.fr/)
3. la carte de la Terre au trias (sources : www.dinosaures-web.com/)
4. trapps de Sibérie (sources : jcboulay.free.fr/)

5. carte de l'impact du météorite de Chicxulub (sources : www.mnhn.fr/)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 
 
Mots-clés : espèce - taxon - ordovicien - cambrien - dévonien - permien - Pangée - trias - nautiles - ammonites - limite K/T - trapps de Sibérie - trapps du Deccan - Walter Alvarez - iridium - Chicxulub
(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)
 
 
 

Compléments : le Permien a été marqué par un empoisonnement massif

 

     Un empoisonnement au mercure. Voilà ce qui aurait précipité la disparition de 95% des espèces marines à la fin du permien (il y a 250 millions d'années), selon Hamed Sanei, de l'université de Galgary (Canada). En étudiant les sédiments laissés à cette époque dans la région du lac Buchanan, dans l'Arctique canadien, les chercheurs ont trouvé des concentrations en mercure équivalentes à celles de sites industriels hautement pollués. Ce mercure aurait été libéré au moment de la formation des grands trapps de Sibérie, un épisode volcanique intense s'étalant sur plus de 50 000 ans, au cours duquel des millions de km2 se sont retrouvés sous 3 km de lave. 7600 tonnes de mercure auraient été relâchées dans l'air chaque année, soit quatre fois plus que les émissions actuelles, saturant les océans et les écosystèmes. "Mais cela ne peut être la seule cause de l'extinction de la fin du Permien" précisent les auteurs. Les écosystèmes étaient déjà affectés par les quantités phénoménales de gaz carbonique et de dioxyde de soufre libérées lors de ces gigantesques éruptions, qui ont perturbé durablement le climat de la Terre. Les chercheurs envisagent des études similaires pour les quatre autres extinctions massives qu'a connues notre planète. S.F.
 
Revue Science & Vie, p. 29, n° 1134, mars 2012
 
 
 
 
 
 
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Mise à jour : 28 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #biologie

 

 

   

Tienda Elena - mode et inspiration mexicaine
fête des morts au Mexique

 

 

 

 « Evolution et immortalité sont des concepts incompatibles. Si les organismes doivent s'améliorer et se renouveler tous les ans, la mort est un phénomène aussi nécessaire que la reproduction » (Sir Franck Macfarlane Burnet, prix Nobel de médecine 1960).

 

     Peu de systèmes philosophiques et/ou religieux considèrent la mort des individus comme inutile et dommageable pour leur société. Au contraire, est souvent avancée la nécessité « de faire de la place » pour les générations à venir et ce mécanisme de disparition programmée est presque toujours vécu comme quelque chose de parfaitement naturel au point qu’on n’imagine pas une seconde qu’il puisse en être autrement. Une approche purement scientifique de la question ne renvoie pourtant pas forcément aux mêmes conclusions : si beaucoup d’auteurs restent imprégnés d’une approche quasi-philosophique qui fait de la mort un phénomène indispensable au maintien de la vie, d’autres ont longuement réfléchi à l’intérêt de cette mort pour le vivant et c’est cette manière différente de voir les choses que je me propose d’aborder dans ce sujet.

 

 

 

Qu’est-ce que la mort ?

 

 

     Monsieur de la Palice l’aurait facilement trouvé : la mort, c’est l’absence de vie ! C’est la disparition de cette vie dont nous avons cherché les caractéristiques essentielles dans un sujet précédent (voir article : pour une définition de la vie). Éliminons d’emblée, les problèmes « qui fâchent » : il existe encore des objets dont nous ne savons pas vraiment s’ils sont vivants ou non (les prions, les virus, etc.). En pareil cas, nos observations (et nos définitions) sont encore incomplètes et l’avenir permettra probablement de trancher. Parlons du reste – qui est le plus grand nombre – et évoquons ce dont nous sommes certains.

 

     La mort peut s’évaluer à deux niveaux différents : la mort de la cellule individuelle, que ce soit une cellule unique comme chez les bactéries ou qu’elle fasse partie, avec des millions d’autres, d’un organisme pluricellulaire, et la mort de l’individu précisément composé de ces multiples cellules.

 

 

* La cellule individuelle : elle est capable de s’autodétruire par un mécanisme appelé apoptose qui est une sorte de mort cellulaireapoptose-lymphocytaire.gif programmée (Au contraire, les cellules cancéreuses, immortelles, ont perdu cette faculté ce qui caractérise leur dangerosité). Cette apoptose survient naturellement sous certaines conditions comme le stress, des intoxications, des agressions diverses. Toutefois, il peut exister des dysfonctionnements de cette apoptose, soit qu’elle soit réprimée comme dans les cancers déjà cités, soit qu’elle soit mal contrôlée comme, semble-t-il, dans la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, etc.

 

 

* L’organisme pluricellulaire : il s’agit ici de la disparition d’un organisme complexe, soit parce que certaines de ses cellules, indispensables au maintien de son existence, ont failli à leur tâche, soit parce que, par un processus de vieillissement, l’ensemble des cellules de l’individu n’ont pas pu se rénover suffisamment au fil du temps, conduisant à ce que certains appellent une « mort naturelle », un principe sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Quoi qu’il en soit, l’individu qui est victime du phénomène ne peut maintenir son métabolisme et doit disparaître, mourir. Or, on peut se poser ici une question fondamentale : au-delà de la mort d’un individu, ce qui, pour lui, est évidemment une tragédie, quel est l’intérêt véritable de cette disparition pour l’espèce à laquelle il appartient, quels avantages réels pour le maintien de la Vie ? Ou, dit autrement, en quoi la disparition de cet individu arrange-t-elle les affaires des autres ? Avant de tenter de répondre à ces questions, voyons d’un peu plus près ce qu’est la mort et ce qu’elle signifie.

 

 

 

Comment meurt-on ?

 

 

     On peut considérer la mort, ici aussi, de deux points de vue, d’ailleurs complémentaires : celui de l’individu auquel je viens de faire allusion (pour lui totalement abominable) et celui de la population à laquelle il appartient pour laquelle cette mort peut être ressentie comme un élément de renouvellement indispensable. Intéressons-nous d’abord à ce second aspect qui privilégie une approche générale et statistique (je reviendrai secondairement sur l’approche individuelle).

 

 

D’un point de vue général, il existe deux abords possibles de la mort :

 

 

 * une intervention extérieure : ici est fait allusion à une volonté divine (ou à toute autre forme de volonté supérieure). C’est bien connu : les Dieux sont immortels et c’est d’ailleurs en cela qu’ils se différencient du commun des vivants. Au demeurant, dans certaines religions, l’Homme lui-même a perdu sa qualité d’immortel en raison d’une faute antérieure supposée. La mort des Hommes est donc vécue comme la conséquence d’une malédiction ou parfois même d’une punition divine. Elle prend, en pareil cas, toute sa dimension théologique car c’est Dieu qui la décide. Nous n’aborderons évidemment pas ici cet aspect des choses qui échappe quelque peu à la science;

 

 

* une intervention intérieure : le processus de sénescence touche la quasi-totalité des êtres vivants. Ceux-ci deviennent de plus en plus fragiles au fur et à mesure qu’ils avancent en âge et, en l’absence mort-2.jpgd’un accident extérieur, ils finissent tous par mourir d’une cause interne (défaillance d’un organe majeur, rupture ou oblitération d’un vaisseau sanguin, etc.) ou d’une inadaptation aux conditions de leur environnement (la baisse, par exemple, de leurs défenses immunitaires les empêche de résister comme auparavant à une agression bactérienne ; ailleurs, une déshydratation a raison de leur résistance, etc.). Bref, en l’absence d’accidents évidents, on meurt tôt ou tard « de mort naturelle » comme disait Brassens et cela de manière variable selon les espèces considérées : remarquons au passage que les animaux n’ont évidemment pas le même taux de longévité (un rat vit 2 ans, une baleine 2 siècles alors que ce sont tous deux des mammifères) mais on est frappé de constater que, pour une même espèce, cette longévité est toujours la même et que, de plus, elle semble globalement proportionnelle à la taille.

 

     Comment expliquer, à l’échelle des populations, cette nécessité de remplacer les êtres vivants à l’issue d’un temps variable mais à peu près constant d’une génération à l’autre ? La théorie qui paraît la mieux acceptée par l’ensemble des gens est héritée des travaux déjà anciens de Linné, à savoir :

 

 

* le mutualisme providentiel : l’idée centrale en est que, pour permettre un développement harmonieux de l’ensemble des espèces vivantes, il est impossible que l’une d’entre elles (a fortiori toutes) soit immortelle ; en effet, si c’était le cas, les « immortels » finiraient pas supplanter les individus normalement mortels… jusqu’à disparaître à leur tour faute de subsistance. La mortalité naturelle des individus est ici corrélée à la reproduction, seule à même de permettre une permanence génétique. Tout se passe comme si la Nature devait être en équilibre – toujours le même -  et qu’il existe en conséquence autant de victimes que de prédateurs (prédateur au sens large comprenant aussi bien les maladies infectieuses que certains phénomènes naturels). Il s’agit là d’une idée intéressante, rassurante même, mais toutefois fausse.

 

 

* Le néodarwinisme : il faudra attendre Darwin et ses travaux sur la sélection naturelle pour revoir le concept. Dans l’optique darwinienne, lamort-3-crocodile.jpg mort est un mécanisme individuel qui devient un moteur de l’évolution pour l’espèce : les prédateurs ne veillent plus comme précédemment à l’équilibre démographique de leurs proies et il existe une compétition incessante dont l’issue est toujours incertaine. Des espèces entières peuvent disparaître si elles n’évoluent pas assez vite, si elles ne s’adaptent pas suffisamment aux changements de leur environnement (par exemple, on peut dire que le « réchauffement climatique » actuel est porteur en lui-même de la disparition de nombreuses espèces). A l’échelon individuel, on se trouve à l’opposé du mutualisme précédent dont le but était de conserver l’équilibre : ici, c’est tout le contraire puisque la prédation permet l’évolution, le changement. En somme, le vieillissement – et donc la mort - serait un mécanisme qui aurait été sélectionné par l’évolution car, s’il ne profite évidemment pas à l’individu, il bénéficierait à l’espèce : en éliminant les plus âgés, il permettrait aux plus jeunes d’accéder plus aisément aux ressources du milieu.

 

     Alors, me direz-vous, tout est bien et la théorie, cette fois, semble rationnelle. Ce serait conclure trop vite car, à y bien réfléchir, l’explication n’est pas si claire que ça. Pour qu’elle soit exacte, il faudrait avant tout que le vieillissement profite effectivement aux populations ce qui est loin d’être le cas : dans un écosystème naturel, les morts sont bien plus souvent le fait d’accidents, de pénuries de ressources, de maladies, de parasitisme, etc. Bref, le vieillissement n’a guère le temps de manifester son intérêt pour l’espèce, les individus étant pratiquement toujours morts avant… De ce fait, la théorie reste imprécise et ne prouve pas que la mort est indispensable au maintien de la vie.

 

    Il existe également un problème, cette fois-ci à l’échelle de l’individu : on sait que celui-ci doit transmettre ses gènes afin d’assurer sa descendance (pour certains scientifiques, comme Richard Dawkins, c’est même son seul et unique intérêt); dans le cas de la reproduction sexuée normale, un individu verra son enfant posséder la moitié de ses gènes tandis que son petit-fils en aura seulement le quart, l’arrière petit-fils un huitième, etc.… or, un individu immortel, toujours jeune, transmettrait chaque fois la moitié de son patrimoine génétique… ce qui est certainement plus gratifiant pour lui !

 

     En somme, quelle que soit l’approche que nous choisissons, la mort ne semble pas si intéressante que cela, ni pour l’individu, ni pour le groupe dont il fait partie. Prenons en note et abordons les choses à présent à l’échelle de l’individu.

 

 

 

 

Quelles sont les raisons qui pourraient expliquer la mort individuelle ?

 

 

     Tout se passe, nous l’avons déjà dit, comme s’il existait un mécanisme parfaitement programmé qui oblige finalement l’individu à s’autodétruire ; on sait que cette autodestruction relève au départ du domaine cellulaire – nous l’avons également évoqué – mais cela ne nous explique pas la raison de la concordance de la sénescence et donc de la mort. Plusieurs explications ont été avancées.

 

 

·         La théorie du taux de vie

 

     Cette théorie part d’une observation peu contestable : chaque fois que l’on « refroidit » un être vivant (de nombreux travaux ont été faits sur la mouche drosophile), celui-ci semble pouvoir vivre plus longtemps (les auteurs de science-fiction ont d’ailleurs largement exploité ce thème avec la cryogénie susceptible de permettre les longs voyages intersidéraux). D’ailleurs – et j’en reviens à une remarque précédente – la longévité des animaux est souvent en rapport avec leur taille : ne dit-on pas que si un éléphant avait l’activité d’un colibri, il brûlerait immédiatement… Tout se passe donc comme si les réactions chimiques étaient en rapport avec la température, une découverte des années 50. C’est également à cette époque qu’on a mis en évidence les effets néfastes pour l’organisme des radicaux libres, sous-produits du métabolisme cellulaire. Alors, existe-t-il vraiment une corrélation entre le vieillissement et la dégradation d’un organisme en rapport avec ses activités chimiques ? On y a cru un certain temps. Malheureusement, de très nombreuses exceptions, manifestement inexplicables par la théorie, ont finalement entrainé son rejet par la majorité des scientifiques… alors qu’elle reste très prisée du grand public !

 

 

·      Les théories évolutionnistes : (j’utilise volontairement le pluriel car plusieurs approches souvent intriquées ont été avancées).

 

     Dans les années 60 tout d’abord, un des plus grands immunologistes de l’époque, le britannique Peter Medawar émit l’hypothèse dite de « l’accumulation mutationnelle ». Medawar s’appuyait sur l’observation que certaines maladies génétiques se transmettent d’une génération à l’autre parce que les gènes qui en sont responsables ne s’expriment que tardivement dans la vie des individus, après que ceux-ci aient eu des enfants et aient donc transmis le gène nuisible. Tout se passe ici comme si les gènes (et leurs mutations) n’exprimaient leurs actions que de façon mort-4-d-bris-sur-la-plage.jpgrelative au temps. Il proposa donc l’explication suivante : les mutations délétères s’accumulent avec le temps, comme des épaves sur la plage de la vie, parce que la sélection naturelle ne les élimine pas si elles n’entravent pas la reproduction. On comprend donc que, en cas d’environnement hostile, la plupart d’entre elles n’auront pas pu se manifester puisque leur porteur aura été éliminé précocement mais que, dans le cas inverse, c’est leur accumulation qui conduit au vieillissement et à la mort. En d’autres termes, le vieillissement est un phénomène collatéral qui ne peut pas être supprimé par la sélection naturelle…

 

     Quelques années plus tard, l’américain George C. Williams va dans le même sens – mais un peu plus loin en formulant la théorie dite de la pléiotropie antagoniste; il explique alors que la sélection naturelle peut laisser s’exprimer (et donc « choisir ») des mutations fortement délétères pour l’individu âgé à la condition que celles-ci améliorent son aptitude à se reproduire : le vieillissement est dû à l’accumulation de ces effets négatifs tardifs et la sélection naturelle, ici, se moque de l’individu âgé pour peu qu’elle ait permis sa meilleure adaptation lorsqu’il était jeune.

 

     Enfin, plus récemment, a été introduite la notion « du soma jetable », le soma signifiant l’ensemble des tissus qui composent un individu. L’auteur, Thomas Kirkwood, nous dit la chose suivante : cela coûte beaucoup d’énergie pour entretenir des cellules et leurs associations multiples (maintien du matériel génétique, mécanismes antioxydants et antivieillissement, synthèse des protéines, épuration cellulaire, etc.)… La Nature est en principe économe et elle n’a pas envie de passer du temps à maintenir en état de fonctionnement un organisme qui, le plus souvent, n’a même pas le loisir de vieillir puisqu’il est détruit par des événements extérieurs (prédateurs, maladies, parasites, etc.) : mieux vaut pour elle investir son énergie dans les fonctions de reproduction. (Je me permets de préciser que, pour la compréhension de l’argumentation, on a parlé en termes « finalistes »  - la Nature veut, elle souhaite, etc. - mais, bien entendu, tout cela relève du simple déterminisme…). Donc, pour résumer, la mort n’est finalement qu’un épiphénomène puisque ce qui compte c’est la reproduction et la transmission des informations génétiques… Ensuite, eh bien, ensuite, on laisse aller parce que le reste ne sert plus à rien. On peut donc avancer que la mort de l’individu n’est qu’accessoire et qu’elle ne sert réellement ni à l’évolution, ni à l’espèce…

 

 

 

Et l’Homme dans tout ça ?

 

 

     Les explications sur le rôle de la mort que nous venons de résumer concernent évidemment l’ensemble des êtres vivants. L’Homme en transformant son milieu se retrouve à part : lui seul a été capable de pousser l’espérance de vie jusqu’à des limites jamais atteintes dans unmagritte-par-une-belle-fin-d-apr-s-midi- milieu naturel et sauvage. Lui seul a permis de voir apparaître ce que l’on appelle de « grands vieillards » que ce soit pour sa propre espèce ou pour toutes celles qu’il a domestiquées et/ou réduites en captivité. Et c’est parce que ces individus très âgés ne sont normalement que l’exception dans la Nature que, en les multipliant, on a pu voir apparaître une « sénescence généralisée ».

 

     Il existe bien sûr des disparités importantes entre les différents êtres humains : génétiques, sociaux-culturelles, professionnelles, etc. Pourtant, pour tous ceux qui ont la chance d’arriver à un âge avancé, on voit peu à peu se manifester ces facteurs de vieillissement, ces « épaves sur la plage de la vie » qui, en s’accumulant, conduisent à la « mort dite naturelle ».

 

     Il semble que la Nature - par le biais de l’évolution - a privilégié les phénomènes de reproduction des individus et consacré beaucoup d’énergie à ce que ceux-ci soient de qualité, seul moyen de permettre le maintien des espèces au sein d’un milieu mouvant. La mort, c’est-à dire la disparition des individus une fois qu’ils se sont reproduits, n’est qu’un pis-aller, un dommage collatéral : on aurait pu imaginer qu’il en soit autrement avec, pourquoi pas, un univers occupé par des êtres vivants quasi-immortels dont les naissances ne serviraient qu’à combler les vides des morts par accidents ou permettre une expansion en cas d’élargissement de la niche écologique occupée. Toutefois, dans le grand livre de l’évolution du vivant sur notre planète, la mort est marquée depuis longtemps comme l’une des composantes, certes finale, de la Vie. Il aurait pu en être autrement sans que l’évolution n’en soit réellement entravée mais c’est cette solution qui a été retenue, certainement par hasard.

 

     Il n’en reste pas moins que cette façon de voir les choses se heurte à l’idée communément admise que, pour qu’une population « progresse », il est indispensable que les générations antérieures, usées, s’effacent au profit des plus récentes : c’est le vieil adage « place aux jeunes » ! Et pourtant, comme on vient de le voir, il s’agit là plus d’un apriori que d’une véritable donnée scientifique…

 

     Quoi qu’il en soit, j’espère que cette approche assez inhabituelle de la mort aura permis de comprendre que la science – ici la biologie - doit toujours chercher à se remettre en cause et qu’elle ne doit jamais se contenter d’idées toutes faites, fussent-elles en apparence évidentes et partagées par le plus grand nombre.

 

 

 

 

Images

 

1. Fête des morts au Mexique (sources : pinterest.com)

2. Lymphocytes en apoptose (sources : www.cnrs.fr)

3. Sénescence : portrait d'Elisabetha Drum par Michael Ströck (sources : stable.toolserver.org/)

4. Prédateur (sources : www.isabelle-leca.fr)

5. Laisses de mer (sources : www.ecosociosystemes.fr)

6. Par une belle fin d’après-midi, René Magritte, 1964 (sources : www.artadvisory.ch)

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

Mots-clés : mort - cellule - organisme pluricellulaire - apoptose - mort dite naturelle - sénescence - taux de longévité - Carl von Linné - mutualisme providentiel - prédation - sélection naturelle - Richard Dawkins - théorie du taux de vie - radicaux libres - théories évolutionnistes de la cellule - Sir Peter Medawar - George C. Williams - pléiotropie antagoniste - théorie du soma jetable - Thomas Kirkwood 

 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog :

 

1. l'âme

2. les extinctions de masse

3. les mécanismes de l'Evolution

4. indifférence de la Nature

5. la notion de mort chez les animaux

 

 

 

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mise à jour : 28 février 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution

 

guerre de 14-18
la violence est-elle inhérente à l'homme ?

 

 

 

   Jean-Jacques Rousseau, le philosophe bien connu, en était certain : après y avoir mûrement réfléchi, il avait conclu à la bonté naturelle de l’Homme, du moins lorsqu’il est isolé ou au sein d’un petit groupe. Ce n’est qu’après qu’une société s’est bâtie que, selon Rousseau, l’Homme devient agressif et méchant ; en somme, c’est sa propre organisation sociale qui fait de lui ce qu’il est : un être attiré tant par la violence physique que par celle des pulsions psychologiques.

 

   Rousseau, à son époque, ne disposait pas des données actuelles de la science : l’éthologie n’existait même pas et, de toute façon, l’étude du comportement animal ne l’aurait pas intéressé puisque, pour la plupart des esprits de ce temps-là, l’Homme n’était pas un animal mais bien plutôt un être élu destiné à dominer l’univers dans lequel il vit. Il s’agit à l’évidence d’une illusion (qui perdure encore chez certains) sur laquelle il convient de revenir si l’on veut enfin essayer de comprendre le monde du vivant et déterminer s’il existe bien une agressivité naturelle, génétique, native en somme, chez Homo sapiens, une agressivité pouvant parfois conduire à une violence aveugle.

 

 

Le mythe du bon sauvage

 

   Si l’Homme est naturellement bon comme le pense

mythe du bon sauvage
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)

Rousseau, c’est la société dans laquelle il vit qui le rend violent et qui le pervertit. Quand le philosophe avance que l’Homme est bon de façon naturelle, il veut dire que, à l’état de nature, cet Homme idéal n’a pas beaucoup de désirs : il se contente du peu dont il a besoin sans chercher à augmenter ses richesses propres, son patrimoine. C’est seulement son interaction avec des individus comme lui qui le rend agressif, envieux, jaloux, etc. Pour éviter cela, Rousseau propose l’instauration d’un contrat social : cette partie de sa réflexion ne nous concerne pas ici mais, en revanche, il est intéressant de revenir sur cette notion quelque peu chimérique du « mythe du bon sauvage ».

 

 

Le massacre de Nataruk

 

   Au Kenya, dans une petite plaine jouxtant le lac Turkana, un site renfermant 27 cadavres, tous morts de mort violente, a été mis au jour en 2012. Fait tout à fait remarquable : ce massacre remonte à plus de 10 000 ans, c’est-à-dire avant la sédentarisation d’Homo sapiens, à un moment où, selon Jean-Jacques Rousseau, l’Homme était encore un « bon sauvage ».

 

    Nataruk, en langage local, veut dire « l’endroit des vautours » et on comprend assez facilement pourquoi. Les

massacre de Nataruk
squelette de femme attachée lors de sa mort

scientifiques se sont beaucoup intéressés à ce charnier naturel, avec ces corps qui n’ont jamais été enterrés mais laissés à l’abandon. La violence de l’affrontement ne fait pas de doute : ici, un homme présente de multiples blessures à la face ; là, un autre a été tué par deux projectiles dont un encore planté dans son crâne. Un peu plus loin, on identifie une jeune femme enceinte et prête à accoucher, ligotée avec les mains entre les jambes. Une autre femme semble avoir eu les deux genoux brisés. Il s’agit bel et bien d’un assassinat collectif.

 

   Normalement, les corps auraient dû être dévorés par les charognards et les ossements dispersés mais il n’en est rien : à cette époque lointaine, le lieu était une plage marécageuse donnant sur un lagon dont la présence a permis l’enfouissement rapide des corps d’où leur exceptionnelle conservation.

 

conflits paléolithiques
crâne perforé en plusieurs endroits

 

   Quelle est l’origine du conflit chez ces chasseurs-cueilleurs non encore sédentarisés ? On ne le saura probablement jamais mais une étude approfondie des ossements a permis de mettre en évidence dans un des squelettes un fragment d’arme et plus précisément un reste d’obsidienne or cette pierre est inexistante dans cette partie de l’Afrique : il est donc probable que les assaillants n’étaient pas de la région et qu’ils venaient de loin.

 

   C’est en tout cas la première fois qu’une bataille d’envergure a été mise en évidence chez ce type d’individus : on avait, bien sûr, eu les exemples de quelques crimes isolés concernant au plus deux ou trois individus mais jamais autant. Or, les scientifiques avaient tendance à penser que c’est avec une organisation sociale plus élaborée, génératrice de richesses et donc d’envie ou de jalousie, que les conflits à plus grande échelle ont débuté (une approche finalement très rousseauiste). Raté !

 

   Quelques précédents ont certes existé. Par exemple, il y a 12 000 ans, sur la rive droite du Nil (Djebel Sahaba), a eu lieu la première grande bataille identifiée (59 squelettes d’hommes, de femmes et d’enfants, certains décapités ou démembrés). Oui mais il s’agissait de populations du paléolithique déjà sédentarisées et on pouvait donc légitimement avancer la notion d’appropriation par la force de terres particulièrement fertiles et, si près du Nil, riches en ressources diverses. Le massacre de Nataruk n’entre pas dans cette ligne de pensée : il esquisse certainement une nouvelle histoire de la violence… Peut-être la violence pour la violence ou, en tout cas, pour un motif qui n’est pas seulement matériel.

 

 

La violence, bras armé de l’agression

 

   Dans la plupart des définitions qu’on en donne, la violence est « l'utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d'entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès » (OMS).

 

   L’agression, quant à elle, désigne plutôt un comportement d’attaque qui s’exprime par la violence et au sein de laquelle

l'agression à l'état sauvage
le guépard ne chasse jamais par plaisir mais parce qu'il a faim

il y a toujours une composante de colère. Dans la littérature, les définitions ne sont pas aussi tranchées et il existe une certaine confusion entre les deux termes. Toutefois, d’un point de vue éthologique, dans la Nature, il existe certainement une différence : lorsqu’un prédateur attaque une proie, il s’agit effectivement d’une attaque avec violence mais qu’on ne doit pas confondre avec une agression au sens qu’on vient de lui donner plus haut car il s’agit ici d’une simple recherche de nourriture effectuée sans colère et, en pareil cas, la chasse est légitime. D’autre part, il est essentiel de se rappeler que cette « agression qui n’en est pas vraiment une » est la base de la Vie sur notre planète et qu’elle est probablement un des piliers de l’Évolution : c’est une part de la sélection naturelle.

 

 

L’agression

 

   Dans le règne animal, l’agression proprement dite est une violence exercée par un sujet sur un autre non pour se nourrir mais pour écarter celui qui semble être un gêneur. On oppose alors deux situations : l’agression entre des sujets d’espèces différentes et l’agression au sein d’une même groupe d’individus.

 

* l’agression interspécifique : c’est celle qui oppose deux individus appartenant à des espèces différentes. En réalité, elle est plutôt rare pour au moins deux bonnes raisons: d’abord, les animaux vivent dans des niches spécifiques où l’on trouve la proie et son (ou ses) prédateur(s) et si deux individus de rôle identique devaient se rencontrer (deux prédateurs de deux proies différentes par exemple), ce serait plutôt la rançon d’un mauvais hasard. En outre, et c’est la seconde raison, très importante elle aussi, un prédateur est conditionné par l’Évolution pour chasser une proie bien précise dont il connaît les critères d’identification : il est donc peu intéressé par des créatures sortant de son schéma d’agression. La plupart du temps, deux prédateurs « voisins » cherchent réellement à éviter le conflit, parfois au moyen de signes d’intimidation qui sont parfaitement interprétés.

 

* l’agression intraspécifique : c’est - et de loin - la plus fréquente. Effectivement, la plupart des espèces peuplant notre planète, du moins celles d’une certaine taille, ont adopté une transmission sexuée de leur patrimoine génétique et cela a une importance capitale car, afin d’améliorer sans cesse l’espèce à laquelle elle appartient (et lui permettre une meilleure adaptation aux changements de milieu), une femelle choisira toujours le mâle qui lui paraît porter les meilleurs chromosomes. De ce fait, on comprend facilement qu’il y a compétition entre les différents postulants et donc de nombreux combats qui sont autant d’agressions répétées et destinées à sélectionner celui qui semble le mieux armé dans une niche écologique donnée.

 

   Ajoutons également que la Nature est économe et qu’elle ne cherche pas à éliminer automatiquement les perdants de ces compétitions à risque. Il existe en effet une ritualisation des comportements qui permet à celui qui est dominé de faire dévier le comportement agressif de son rival (on pense aux combats de chiens où le vainqueur détourne son regard dès que le vaincu lui a présenté sa gorge sans défense en guise de soumission. Celui-là peut dès lors s’enfuir pour tenter sa chance ailleurs). La sélection naturelle ayant permis d’atteindre le but recherché (la transmission des chromosomes « les mieux adaptés ») épargne ainsi un maximum de vies.

 

parade nuptiale, sélection sexuelle
parade nuptiale = sélection = compétition = une certaine forme de violence

 

   C’est dans le même esprit qu’il faut aborder les rituels de séduction, parfois si étranges et si compliqués pour certaines espèces : il s’agit également d’une compétition entre rivaux pour séduire, sans violence physique excessive la plupart du temps, une partenaire potentielle. C'est une forme d’agression détournée qui contient une part de plus en plus grande de souffrance psychologique au fur et à mesure qu’on s’approche des comportements des grands primates… et donc de l’Homme.

 

 

l’Homme est un primate

 

   L’Homme fait partie d’une variété de grands singes, ceux du genre homo, dont il n’est plus que le dernier représentant puisque son ultime cousin, l’homme de Neandertal, a disparu peu de temps après l’arrivée de ce même Sapiens en Europe, sans que l’on puisse d’ailleurs affirmer avec certitude qu’il existe une relation directe entre ces deux événements.

 

   Comme nombre de ses prédécesseurs, Sapiens est un animal social, d’instinct plutôt grégaire et c’est d’ailleurs une des raisons de son succès tout au long du paléolithique : l’hypothèse d’un hominidé, Sapiens, dont chaque individu aurait vécu en autarcie avec sa petite famille, est à écarter. Au contraire, les populations de chasseurs-cueilleurs devaient la plupart du temps se composer de petits groupes regroupant quelques dizaines d’individus mettant en commun leurs ressources avec, comme chez d’autres mammifères, un mâle dominant, le chef, imposant une certaine discipline. On s’éloigne toujours un peu plus du « bon sauvage ».

 

   Avec l’émergence de civilisations de plus en plus techniques, les groupes humains se sont complexifiés : de plus en plus d’individus associés, chacun accomplissant des tâches précises, mais des groupes toujours organisés de manière hiérarchique, les échelons intermédiaires s’étant multipliés entre la « tête pensante » située tout en haut de la pyramide et l’individu de base.

 

   Les éthologues savent depuis longtemps que les espèces animales prédatrices les plus redoutables (carnivores) sont dotés de mécanismes d’inhibition limitant les violences intraspécifiques ; en effet, si les grands prédateurs qui peuvent tuer d’un coup leur adversaire (lions, loups, etc.,) n’étaient pas dotés de ces mécanismes qui sont autant de « verrous de sécurité », il y a longtemps qu’ils auraient disparu. En revanche, la donne est différente pour les espèces plus faibles : celles-ci (pigeons, lapins, petits singes, etc.) ne peuvent pas tuer leurs congénères en une seule fois ce qui permet à l’autre de s’éloigner plus facilement et ce d’autant qu’il s’agit d’espèces très mobiles puisque habituées à fuir à cause de leur statut de proies potentielles. Puisque, en raison de leurs nuisances intraspécifiques modestes, elles ne semblent pas en avoir besoin, l’Évolution n’a pas retenu (ou peu retenu) chez elles de sélection de mécanismes d’inhibition.

 

   Il est donc particulièrement intéressant de repenser la position d’Homo sapiens dans ce contexte. L’Homme n’est pas un carnivore mais un omnivore, volontiers charognard à

homo erectus différences avec homo sapiens
homo erectus : entre lui et nous, la seule différence, c'est l'éducation ?

ses débuts. Il lui est difficile de tuer un autre concurrent humain d’un seul coup de dent : s’il combat (et si l’autre évidemment n’est pas un vieillard ou un malade), il lui faudra une lutte âpre et difficile pour parvenir à ses fins ; comme pour les espèces dites « plus faibles « que nous venons d’évoquer, l’espèce humaine fait partie de celles dont les individus ne possèdent à titre personnel que peu de mécanismes d’inhibition

 

 

La civilisation, une garantie contre la violence ?

 

   L’Homme, heureusement, s’est organisé en sociétés civilisées depuis que la transmission écrite des connaissances a permis une accélération considérable des avancées techniques. Avancées qui, au demeurant, éloignent encore plus nos organisations modernes des sociétés primitives et, certains le prétendent à force de l’espérer, de la violence qui ne serait plus que le témoin archaïque d’un passé suranné. Mais est-ce vraiment la réalité ? Rien n’est moins sûr.

 

massacre guerre viet-nam
guerre du Viet-nam : une société secrète de la violence mais sans elle ce serait pire

 

 

   Car Sapiens a su développer ses techniques dans toutes les directions : si l’on peut à juste titre s’enorgueillir de réalisations remarquables comme l’informatique ou la chirurgie cardiaque, il faut également admettre que des progrès considérables ont été accomplis dans le domaine de l’armement : des armes de plus en plus précises qui tuent de mieux en mieux et de plus en plus loin. Nous venons d’évoquer les mécanismes d’inhibition relativement modestes de l’Homme : par exemple, à la chasse (qui est parfaitement légitime lorsqu’elle sert à se nourrir mais l’est un peu moins autrement), il est facile de viser un animal et d’appuyer sur une gâchette. Plus facile que de surprendre un lapin et de l’égorger avec ses propres dents : peu d’individus seraient capables d’un tel geste aujourd’hui car ce contact direct, sanglant, est probablement inhibiteur. Mais quel peut-être le mécanisme qui inhiberait le soldat appuyant sur un bouton pour détruire au moyen d’un drone la silhouette qu’il aperçoit sur son écran de contrôle ? Il n’y en a pas. Au plutôt, le seul contrôle provient de la société plus ou moins civilisée dans laquelle il vit : que cette société, pour une raison ou une autre, disparaisse ou semble illégitime et la porte est ouverte à tous les possibilités.

 

 

La violence fait partie de la Vie

 

   La violence est présente chez Sapiens comme, à un degré ou à un autre, chez toutes les espèces vivantes et elle est certainement utile : c’est elle qui permet la sélection naturelle. On peut même avancer que sans violence, et donc sans compétition, la Vie ne pourrait progresser et, du coup, probablement pas se maintenir. On peut le regretter en tant que partisan inconditionnel de la paix universelle mais c’est ainsi…

 

   Toutefois, parmi toutes les espèces se partageant notre planète, Homo sapiens est certainement bien à part : il possède un cerveau très développé qui lui a permis de faire valoir son ascendant sur une grande partie de son environnement. Néanmoins il y a plus. La violence et l’agressivité qu’il possède en lui, quelque part dans son paléocortex, en font un être vivant probablement plus dangereux que les autres : il est difficile de nier qu’il possède une sérieuse capacité de nuisance, on peut, chaque jour, s’en rendre compte par les médias. Cette violence fait partie de lui depuis la nuit des temps, violence domestique (individuelle et urbaine) et violence extérieure dirigée contre d’autres groupes humains. La coexistence de cette violence avec des capacités de destruction de plus en plus élaborées n’est donc pas sans poser le problème de l'avenir de cette planète.

 

   La violence existe dans toute société civilisée et seule la qualité des outils de destruction évolue avec le temps. En fait, tout se passe comme si la violence - intérieure et extérieure - des sociétés modernes faisait office de soupape de sécurité nécessaire, indispensable même peut-être, pour éviter de plus grands débordement. Un constat glaçant.

 

 

 

 

Sources :

 

* encyclopaedia britannica (www.britannica.com)

* Revue Science et Vie, 1186, juillet 2016 (www.science-et-vie.com)

* Konrad Lorenz : « l’agression, une histoire naturelle du mal » (Flammarion, 1969)

* hominides.com

 

 

 

Images

 

1. scène de la guerre de 14-18 (sources : histoire-image.org)

2. Jean-Jacques Rousseau (sources : wikipedia.org)

3. crâne aux nombreuses lésions d'un des suppliciés de Nataruk (sources : reuters.com)

4. squelette aux mains liées de Nataruk (sources : valuewalk.com)

5. la chasse du guépard (sources : denis-huot.com)

6. parade nuptiale chez les flamands roses (sources : nature-ailes.com)

7. homo erectus (sources : Becoming human, ep.2, youtube.com)

8. une scène de la guerre du Vietnam (sources : site-vietnam.fr)

(pour lire les légendes des illustrations, passer le curseur de la souris dessus)

 

 

Mots-clés : "mythe du bon sauvage" - JJ Rousseau - sédentarisation - chasseurs-cueilleurs - agression intraspécifique - agression interspécifique - ritualisation -

(les mots en gris  renvoient à des sites d'information complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. l'agression

2. vie animale et colonisation humaine

3. reproduction sexuée et sélection naturelle

4. l'inné et l'acquis chez l'Homme

 

 

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mise à jour : 19 mars 2023

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