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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Résultat pour “notion d'espèce

Publié le par cepheides
Publié dans : #paléontologie

 

 

 

     Durant l'année écoulée, douze articles ont été publiés dans la section paléontologie (la majeure partie des sujets concernant la théorie de l’évolution, cœur de la paléontologie). On les trouvera ci-après brièvement résumés et selon leur ordre de parution. Bien entendu, le titre du sujet renvoie à l'article correspondant à l'aide d'un simple clic.
 


          * Evolution et créationnisme
     Le point de départ de la paléontologie, c’est encore aujourd’hui, la contestation du créationnisme qui, pour des raisons essentiellement religieuses, cherche à jeter le trouble sur l’un des acquis majeurs de la science : la théorie darwinienne de l’évolution. Tous les esprits religieux, heureusement, ne tombent pas dans ce travers pitoyable. Pour les autres… On aura l’occasion de revenir plus en détail sur la question dans d’autres articles mais il convenait de partir du bon pied : c’est ce à quoi s’attache l’article.
Mots-clés :
créationnisme, théorie de l’évolution, Gould, trilobite, finalité, hasard
Commentaires : 6
 


          * Evolution de l’évolution
     Les mutations qui permettent la transmission modifiée d’un matériel génétique ne sont pas dues qu’au seul hasard. Si celui-ci reste primordial, il existe également des mutations épigénétiques, c’est à dire survenant hors de l’ADN proprement dit : des individus de même patrimoine génétique peuvent donc avoir des phénotypes (une apparence) sensiblement différents. A l’inverse des approches dogmatiques et sectaires, la théorie de l’évolution – comme la science elle-même – évolue sans cesse ce qui en fait toute la grandeur.
Mots-clés :
théorie synthétique de l’évolution, épimutations, Barbara McClintock, génotype, phénotype
Commentaires : 3

 

          * Le schiste de Burgess

 

                                        

 

     Extraordinaire document sur les premières étapes de la Vie sur Terre, la faune fossilisée dans ces dépôts, datant du cambrien il y a près de 530 millions d’années, conserve la trace de ses parties molles, ce qui est fort rare. On y trouve certes des lignées ayant donné des descendants actuels mais aussi des espèces aux caractéristiques originales qui ne se sont pas perpétuées. Réétudiés aujourd’hui en dehors de tout préjugé, ces animaux des premiers temps montrent que la sélection naturelle se fait au hasard, sans finalité particulière.
Mots-clés :
Burgess, Walcott, Whittington, explosion du cambrien, extinctions massives, sélection naturelle, contingence
Commentaires : 2

Image : les schistes de Burgess

 

          * Intelligent design
     Aux États-Unis (et ailleurs) ne peuvent être enseignées à l’école que les véritables théories scientifiques. Pour réintroduire le créationnisme, certains adeptes ont imaginé le « dessein intelligent » dont le substrat principal est que l’univers est si bien adapté à l’homme que cela ne saurait être par hasard… Malheureusement pour ces gens, ils ne s’agit toujours que d’une affirmation gratuite, sans aucune assise scientifique. Ce que les juges américains ont bien compris en n’autorisant pas l’enseignement de cette théorie pseudo-scientifique ailleurs que durant les heures de catéchisme. Cela ne décourage nullement les créationnistes : ne viennent-ils pas d’ouvrir aux USA un grand et riche « musée » où l’on voit homo sapiens chasser les dinosaures (alors que plus de 65 millions d’années les séparent) ? La vigilance est donc de mise, ce que rappelle l’article.
Mots-clés :
intelligent design, créationnisme, fixisme, transformisme, Darwin, Lamarck
Commentaires : 3

 

          * Les extinctions de masse
     99 % des espèces ayant un jour habité notre globe n’existent plus. Certaines d’entre elles ont été remplacées par d’autres, mieux adaptées aux changement d’environnement, mais beaucoup ont disparu en même temps, au cours d’événements gigantesques difficilement prévisibles (et d’ailleurs encore mal documentés) : on parle alors d’extinctions massives (elles sont au nombre de cinq). Après être revenu sur ce que l’on appelle une espèce, l’article décrit ces cinq grands cataclysmes en insistant plus particulièrement sur le dernier d’entre eux, survenu à la fin de l’ère secondaire et qui vit la disparition des grands sauriens. Il se pose enfin la question de savoir si la toute puissance actuelle de l’Homme ne risque pas d’entraîner une nouvelle extinction massive…
Mots-clés :
paléozoïque, ordovicien, dévonien, permien, mésozoïque, trias, jurassique, crétacé, cénozoïque, trapps de Sibérie, trapps du Deccan, Chicxulub, iridium, sixième extinction
Commentaires : 4

 

          * Réponses aux créationnistes
     Parfois de bonne foi face à une théorie de l’évolution qu’ils ont mal comprise ou, plus souvent, de mauvaise foi devant des vérités qui les dérangent, les créationnistes de tous bords avancent arguments spécieux et contre-vérités pour critiquer la théorie avancée par Charles Darwin. Certains de ces arguments sont puérils, d’autres plus élaborés et il convient de les aborder avec prudence. L’article passe en revue quelques uns de ces raisonnements plus ou moins subtils et, sans être exhaustif, se propose d’apporter quelques réponses purement scientifiques.
Mots-clés :
théorie de l’évolution, hasard, sélection naturelle, mutation, drépanocytose, endosymbiose, épigénèse, spéciation, éthologie, coévolution
Commentaires : 5

 

          * L’œil, organe-phare de l’évolution
     Comment un organe aussi complexe et spécialisé que l’œil a-t-il pu se construire sans qu’il y ait eu au départ une finalité : la vision des êtres vivants ? Cet argument a été repris maintes et maintes fois par les créationnistes pour nier l’évolution Darwinienne et la sélection naturelle. C’est l’occasion de revenir sur un mécanisme évolutif conduisant à une fonction ultra-spécialisée, un mécanisme qui ne relève en définitive que d’un simple déterminisme. L’article en profite pour s’attarder sur la vision des animaux, notamment celle de la couleur, et prend un exemple significatif, celui du chien.
Mots-clés : œil camérulaire, euglénophytes, gène-maître, acuité visuelle, perception des couleurs, vison des mammifères, vision du chien
Commentaires : 6

 

          * Neandertal et Sapiens, une quête de la spiritualité

 

 


 

 

     Deux espèces d’homo ont vécu côte à côte durant plusieurs milliers d’années. On sait à présent qu’ils n’étaient pas génétiquement compatibles et  ne pouvaient donc se métisser. Leur approche culturelle, quoique différente, était voisine et tous deux avaient acquis une certaine spiritualité, notamment vis-à-vis de leurs morts. Pourtant, Néandertal a disparu sans laisser de descendants, permettant à son cousin Sapiens – nous-mêmes – de régner sans partage sur le monde. Après une description physique et culturelle de Néandertal, l’article se propose de chercher les causes de la disparition de l’homme de Néandertal.
Mots-clés :
homo sapiens, homme de Néandertal, spiritualité archaïque, outils du paléolithique, pensée conceptuelle, causes de la disparition de Néandertal
Commentaires : 6

Image : l'homme de Néandertal (source : www.dinosauria.com)

 

          * Interlude (vingt fois sur métier…)
Ce texte est la réponse de l’auteur du blog, il y a quelques années, à la lettre d’un créationniste publiée dans l’hebdomadaire « Valeurs actuelles ».
Mots-clés :
créationnisme, obscurantisme, Darwin, théorie de l’évolution
Commentaires : 3

 

          * Les mécanismes de l’évolution
     Comme son titre l’indique, l’article se propose de revenir sur les principaux mécanismes de l’évolution. Après un bref rappel historique, le sujet aborde les principes de base et les différents mécanismes impliqués, non sans revenir sur la transformation de la théorie elle-même à la suite de l’avancée des connaissances scientifiques, notamment avec la montée en puissance de la génétique moderne. Reste le problème du rythme de cette évolution pour une espèce donnée et c’est alors que sont abordées les deux approches essentielles : le gradualisme et la théorie des équilibres ponctués.
Mots-clés :
fixisme, transformisme, fossiles, parenté génétique, homologie, arbre phylogénétique, phénotype, génotype, avantage sélectif, mutation, épimutation, Darwinisme originel, théorie synthétique de l’évolution, théorie des équilibres ponctués, Gould et Eldredge
Commentaires : 6

 

          * La disparition des grands sauriens
     L’article revient sur une des plus grandes catastrophes que notre Terre ait connue : la chute d’une météorite géante dans le golfe du Mexique il y a 65 millions d’années. Cette catastrophe fut probablement responsable de la disparition d’une grande partie des faune et flore terrestres de l’époque, notamment des dinosaures qui dominaient jusque là sans partage le globe. A l’aune des connaissances actuelles, le sujet imagine les quelques jours et semaines qui suivirent le cataclysme tout en cherchant à en cerner également les conséquences à plus long terme.
Mots-clés :
crétacé tardif, écosystème, Pangée, Yucatan, Chicxulub, hiver nucléaire, effet de serre, photosynthèse, mammifères
Commentaires : 4

 

          * Le dernier ancêtre commun
     Après un bref passage en revue de la classification des différents primates - ce qui permet de remettre homo sapiens (l’homme) en situation -, l’article répond à une question souvent posée : non, l’homme « ne descend pas » du singe pour la bonne raison qu’il est lui-même un singe ou, pour être plus précis, un grand primate. Par ailleurs, la recherche d’un ancêtre commun aux différentes espèces de grands primates est probablement vouée à l’échec : il n’existe pas d’ancêtre commun direct à ces différents groupes de grands singes mais bien plutôt une nombreuse population de « primates partiellement humains », tous pouvant prétendre à avoir apporter leur lot de petites transformations afin d’aboutir aux espèces actuellement encore existantes. En annexe, un court texte tiré d’un livre écrit par un biologiste moléculaire de Princeton (USA) précise ce concept.
Mots-clés :
primates, hominoïdés, hominidés, pongidés, hylobatidés, proconsul, arbre phylogénétique, taxon, anthropologie moléculaire, australopithèques, Lucy
Commentaires : 9

 

 
 
  Jamais un humain ne fut confronté à une attaque de tyranosaure : 65 millions d'années les séparent !

 

 
 
   (source : commons.wikimedia.org)

 

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Publié le par cepheides
Publié dans : #astronomie
le Soleil n'est pas visible ici car trop petit

le Soleil n'est pas visible ici car trop petit

 

   En astronomie il existe une curiosité : les étoiles « moyennes » n’y ont pas droit de cité. En effet, les étoiles sont seulement divisées en deux grandes catégories, les naines (comme le Soleil qui est une naine jaune) et les géantes. Parmi ces dernières, il existe des géantes bleues, des supergéantes rouges ou blanches, d’autres encore correspondant souvent à différents stades de leur évolution. Au point qu’ on finit par un peu tout mélanger… Essayons de mettre un peu d’ordre dans tout cela.

 

 

classification des étoiles

 

   Longtemps, les étoiles ont été classées par nos ancêtres en fonction de leur apparente luminosité à l’œil nu mais c’était illusoire : certaines étoiles, proches, sont aussi brillantes que d’autres, bien plus grosses et lumineuses mais beaucoup plus éloignées. C’est même cette erreur de perspective qui poussa à l’association d’étoiles en apparence voisines dans des constructions imaginaires, les constellations, qui permirent dans un premier temps aux caravaniers, puis aux marins, de mieux se repérer la nuit venue. Avec l’apparition des outils d’observation modernes, il s’avéra évident que l’on devait trouver d’autres moyens d’identification pour ces astres bien différents de ce que l’on croyait.

 

   Les étoiles possèdent quatre propriétés principales : leur température de surface,  leur gravité de surface, leur masse, et leur luminosité. Ce sont ces caractéristiques qui vont permettre d’associer à chaque étoile un groupe spectral. En résumé, la répartition de l’énergie lumineuse d’une étoile rapportée à sa longueur d’onde identifiera le spectre de l’étoile. Plus une étoile est chaude et plus sa couleur va tendre vers le bleu alors que, à l’inverse, moins elle sera chaude et plus elle ira vers le rouge. De ce fait, un moyen sommaire de savoir la température de surface d’une étoile est donc d’apprécier sa couleur. Dans un ordre décroissant de température, une étoile sera violette (la plus chaude), bleue, blanche, jaune, orange et rouge (la moins chaude). Il s’agit là d’une loi basique de la physique : plus un corps est chaud et plus les photons qui s’en échappent sont énergétiques et donc plus leur longueur d’onde est courte. On peut être encore plus précis en analysant différentes stries - les raies d’absorption - qui donnent à chaque étoile une caractéristique bien particulière : son type spectral.

 

classification de Harvard

 

   La classification de l’observatoire de Harvard (USA) fut le fruit de l’énorme travail de Henry Draper et de ses successeurs, publié dans le Henry Draper Catalogue, paru en 1924 et contenant les caractéristiques spectrales (fondées surtout sur les températures de surface) de plus de 225 000 étoiles. Elle reconnaît sept types spectraux principaux identifiés par des lettres majuscules : O, B, A, F, G, K et M. Les étoiles marquées O sont les plus chaudes (donc les plus bleues) tandis que celles de classe M sont les plus froides (ou plutôt une géante bleue Alcyonles moins chaudes) et donc rouges. On peut se demander pourquoi le choix de telles lettres alors qu’il eût été facile de s’en tenir à l’ordre alphabétique. L’explication est comme souvent historique : on commença par classer les étoiles en fonction des raies d’absorption de leurs spectres, d’abord l’hydrogène puis d’autres corps tels le calcium, le sodium, etc. Les anglo-saxons ont un bon moyen mnémotechnique pour se souvenir de cette curieuse classification avec la phrase suivante : « Oh, Be A Fine Girl (Guy), Kiss Me ! ».

image : Alcyon, une géante bleue de type O ou B

 

   À cette notion de spectre, on ajoute celle de luminosité (numérotée en chiffres romains de I à VI) ce qui permet de différencier les étoiles normales de celles ayant déjà évolué en géantes. En effet, il existe, on l’a déjà dit, une relation entre cette luminosité et la température de surface (calculable donc par spectroscopie) : on peut, à partir de cette relation, déduire le rayon d’une étoile.

 

   Après avoir caractérisé chacune des étoiles observées, on a dressé une « carte » de leur répartition dans un grand diagramme.

 

 

diagramme de Hertzsprung-Russell…qu’on appellera plus aisément le diagramme HR

 

   Au début du XXème siècle, deux scientifiques (Hertzsprung et Russell) travaillèrent (séparément) sur une carte capable de classer visuellement les étoiles. Leur diagramme représente la luminosité de ces astres en fonction de leur température et, par convention, on aura la luminosité en ordonnée et la température en abscisse.

 

le diagramme de Hertzsprung-Russell

 

   Quel est l’intérêt d’un tel diagramme ? Eh bien, il permet de deviner où en est de son existence une étoile particulière et de repérer assez facilement tous les astres qui, pour une raison ou une autre, s’écartent du groupe moyen principal. En effet, on peut y reconnaître deux grands groupes d’étoiles : le groupe le plus important le long d’une diagonale et un groupe moins important mais néanmoins conséquent au dessus.

 

   La diagonale (qui va du coin supérieur gauche, chaud et lumineux, au coin inférieur droit, froid et peu lumineux) est appelé « séquence principale » et c’est là que la majorité des étoiles passe le plus clair de leur temps (90%) à tranquillement brûler leur hydrogène. Certaines d’entre elles, comme les naines rouges, peuvent rester à cet endroit du graphe durant des dizaines de milliards d’années.

 

   En revanche, un groupe important d’étoiles se situe au dessus de la séquence principale ; ce sont des géantes et c’est à elles que nous allons aujourd’hui nous intéresser. Enfin, en dessous de la diagonale principale, on trouve les naines blanches qui sont en réalité des cadavres d’étoiles qui se refroidissent lentement (plusieurs dizaines de milliards d’années avant de devenir des naines noires).

 

   Pour les étoiles, tout est une question de taille. Certaines d’entre elles ayant épuisé leur réserve d’hydrogène voient leurs couches externes gonfler et s’éloigner alors de leur cœur central ; dès lors, le froid de l’espace va agir sur elles et c’est de cette manière que l’étoile devient rouge. Ayant grossi en taille et perdu de la chaleur, ces étoiles quittent alors la séquence principale du diagramme HR. D’autres étoiles sont d’emblée des géantes, voire des supergéantes qui n’ont appartenu que très brièvement à cette séquence principale : c’est un autre type d’étoiles et un autre destin.

 

 

géantes bleues et supergéantes rouges

 

   Les géantes bleues sont très chaudes (25 000 K), très brillantes et leur type spectral est O ou B. Elles sont bien plus grosses que le Soleil, leur masse étant comprise entre 10 fois et 40 fois celle de notre étoile, voire plus. De ce fait, il s’agit d’astres dont l’espérance de vie est forcément courte (en termes astronomiques évidemment) puisqu’ils vivent entre 10 à 100 millions d’années, ce qui n’est rien par rapport au Soleil (10 milliards d’années) ou plus encore par comparaison avec les étoiles les plus nombreuses dans le cosmos, les naines rouges, dont chacune d’entre elles peut espérer exister durant plusieurs dizaines de milliards d’années.

 

   Comme toutes les autres étoiles, une géante bleue commence sa vie en transformant l’hydrogène en hélium sauf que sa taille gigantesque entraîne une énorme et rapide consommation de ce premier carburant. Très vite, l’étoile, à court d’hydrogène, va se mettre à fusionner son hélium, entraînant un gonflement de ses couches extérieures et donc leur refroidissement : l’étoile se transforme alors en supergéante rouge (seule exception, les très rares géantes bleues de masse supérieure à 40 fois celle du Soleil qui restent bleues). La fusion de l’hélium n’a qu’un temps : l’étoile va se mettre à fabriquer des métaux lourds tels que nickel, chrome, cobalt, titane, fer. C’est à ce stade qu’elle devient instable et explose en supernova (voir le sujet dédié ICI) : l’étoile mourante disperse alors sa matière dans l’espace sous la forme de nuages concentriques de matière et de gaz appelés rémanent de la supernova tandis que son cœur central peut évoluer de deux manières différentes selon la taille originelle de l’étoile : pour les moins massives, entre 8 et 30 à 40 masses solaires (MS), le cœur central se transforme en étoile à neutrons tandis que pour les plus grosses, il devient un trou noir.

image : le Soleil comparé à la supergéante rouge Cephei A

 

   Certaines des étoiles que nous venons de décrire évoluent en supernovas tandis que d’autres plus massives atteignent des températures fantastiquement élevées et expulsent dans le même temps leurs enveloppes externes. Parmi ces dernières, quelques unes arrivent au stade d’hypergéante jaune avant d’exploser mais la plupart ont un destin plus bizarre. Les étoiles les plus massives, qu’elles soient des supergéantes rouges ou bleues, évoluent transitoirement mais naturellement en un état bien particulier : ayant épuisé tout leur hydrogène, elle se mettent à fusionner leur hélium, puis des corps plus lourds. Elles produisent alors des vents stellaires extrêmement puissants, éjectant énormément de substance au point que leur corps central est totalement masqué, entouré par une bulle de matière. En réalité, cette phase ne dure pas longtemps (quelques centaines de milliers, voire un million d’années) avant qu’elles n’explosent en supernovas, une fois atteinte la transformation des métaux lourds en fer. Que leur origine soit une supergéante bleue, une supergéante rouge ou une étoile massive de la séquence principale, on appelle cette classe d’étoiles, des étoiles de Wolf-Rayet, en l’honneur des deux astronomes français qui les mirent en évidence au début du siècle dernier. Certains scientifiques pensent à présent qu’elles sont à l’origine des sursauts gamma que nous avons déjà évoqués (ICI).

image : étoile Wolff-Rayet 124 dans la  constellation de l'Aigle

 

   Certaines supergéantes rouges arrivées au stade terminal de leur vie sont bien connues des scientifiques depuis longtemps et surveillées attentivement par eux, à l’exemple de Bételgeuse (constellation d’Orion) ou d’Antarès (constellation du Scorpion) : on écrit parfois que les spécialistes s’attendent à ce qu’elles explosent « d’une minute à l’autre » ; il s’agit là d’un abus de langage car, bien que cette explosion soit théoriquement possible à tout moment, les durées en cause dépassent largement la vie d’un homme et même d’une civilisation.

 

 

Un exemple de supergéante rouge en fin de vie : Antarès

 

  Antarès doit son nom au dieu Arès (le dieu de la guerre des Grecs devenu Mars chez les Romains) car l’étoile est rouge à l’instar de la planète Mars qu’elle semblait « antagoniser » pour les anciens. C’est en réalité une étoile double située à 600 années-lumière de nous : l’étoile principale (Antarès A), celle qui nous intéresse, est une supergéante rouge tandis que sa compagne (Antarès B) est une géante bleue. Antarès A est immense puisque son diamètre est 888 fois celui du Soleil ce qui veut dire que si elle était à sa place, sa surface serait située au-delà de l’orbite de Mars… Comparé à cette supergéante, le Soleil apparaîtrait de la taille d’une petite bille à côté d’un ballon de football ! La luminosité d’Antarès est 10 000 fois plus importante que celle de notre étoile mais sa couleur rouge traduit sa faible température : 3 300° contre 5 500° pour le Soleil. Toutefois, c’est cette dernière caractéristique qui explique qu’une grande partie du rayonnement d’Antarès se fait dans l’infrarouge et, au bout du compte, la luminosité totale (dite biométrique) d’Antarès est de l’ordre de 60 000 fois celle du Soleil…

 

   Lorsque Antarès explosera en supernova, il est probable que sa lumière sera visible sur Terre même en plein jour ; il n’est toutefois pas certain que cet événement cataclysmique se produise durant la présence de l’Homme sur Terre, les « agendas » cosmiques et humains ayant peu à voir l’un avec l’autre.

 

 

géantes rouges

 

   En sus des étoiles naturellement géantes, les « naines » peuvent aussi se transformer en géantes lors de la dernière partie de leur vie (sauf celles d’une masse inférieure à 0,25 MS qui n’accèdent jamais à ce stade). Par quel mécanisme des étoiles de taille relativement modeste, comme le Soleil, peuvent-elles devenir des géantes rouges ? Revenons sur leur histoire.

 

   Il faut d’abord se souvenir du fait que toutes les étoiles débutent leur vie sur la séquence principale du diagramme HR où elles transforment paisiblement leur hydrogène en hélium. Leur plus ou moins longue présence à cet endroit dépend en réalité de leur taille. Prenons un exemple : en raison de sa grande surface, une étoile de deux masses solaires brûlera 10 fois plus vite son hydrogène que le Soleil alors que la quantité de son carburant n’est que deux fois plus élevée. La conséquence est strictement mathématique : cette étoile restera sur la séquence principale cinq fois moins longtemps. On comprend dès lors pourquoi les étoiles supergéantes sont repérées ailleurs que sur cette diagonale principale où leur présence est forcément très brève.

 

   Avec le temps, une étoile va donc voir progressivement diminuer son hydrogène et augmenter son hélium, un phénomène qui s’accompagne d’un léger accroissement de la luminosité de l’astre. Mais lorsque la quantité d’hydrogène arrive presque à épuisement, la combustion centrale s’arrête et les forces gravitationnelles commencent à prendre le dessus ; le noyau se contracte tandis que la température augmente d’où l’apparition d’une coquille périphérique d’hydrogène en fusion autour du centre stellaire : c’est le peu d’hydrogène restant qui est ainsi brûlé. Du gaz est alors expulsé vers l’extérieur ce qui aboutit à la dilatation de l’enveloppe externe de l’étoile. Cette dilatation entraîne un refroidissement : l’étoile devient en même temps géante et plus froide, donc rouge.

 

   Dans le noyau central qui ne contient plus que de l’hélium, la contraction continue tandis que la température augmente encore. Arrive le moment où les noyaux d’hélium vont eux-aussi fusionner, donnant à l’étoile une nouvelle source d’énergie. Toutefois, cette fusion durera bien moins longtemps que celle de l’hydrogène. Pour le Soleil, par exemple, on estime que, si la combustion de l’hydrogène sur la séquence principale, peut durer environ 10 milliards d’années (il est actuellement à mi-parcours), celle de l’hélium ne lui donnera que 2 milliards d’années supplémentaires d’espérance de vie.

 

   À ce stade de son existence, l’étoile est plus ou moins instable : en effet, la pression interne tend à dilater l’étoile mais les forces de gravitation ont l’effet inverse et, du coup, on assiste à des séquences de dilatation-contraction. Vu de loin, la taille de l’étoile n’est pas mesurable mais, par contre, chaque fois qu’il y a modification, la température - et donc la couleur - de l’étoile change… C’est ainsi que certaines étoiles variables ont été identifiées : ces étoiles dites pulsantes peuvent être très régulières dans leurs variations et c’est notamment le cas des céphéides qui ont permis, par le passé, de faire grandement avancer la connaissance des distances dans l’Univers.

image : cepheide RS Puppis et son cycle régulier de 5 à 6 semaines

 

   L’hélium venant à son tour à manquer, les réactions nucléaires le remplacent par d’autres éléments, tels l’oxygène ou le carbone. La situation à ce stade est devenue assez complexe : au centre subsiste un noyau éteint d’oxygène et de carbone avec autour une coquille d’hélium en fusion, elle-même entourée d’une coquille d’hydrogène également en fusion. L’étoile est instable et elle pulse. À chaque pulsation, une partie de l’enveloppe externe est éjectée, donnant l’impression de bouffées successives. Enfin, le noyau se retrouve pratiquement à nu. Comme il est très chaud, il va ioniser les gaz des différentes couches de l’enveloppe qu’il vient d’expulser donnant l’image d’une espèce de diamant trônant au centre d’une sphère lumineuse. Cette phase qui va durer entre 50 000 à 60 000 ans est appelé nébuleuse planétaire (les premiers observateurs pensaient qu’il s’agissait vraiment de planètes). Puis le gaz va se disperser et il ne restera plus que le noyau encore très chaud et très brillant qui sera baptisé du nom de naine blanche.

 

   Puisque, comme on l’a déjà signalé, la pression à l’intérieur du noyau est absolument colossale, l’objet qui résulte de toute ces transformations, la naine blanche, a à peu près la taille de la Terre… avec la masse du Soleil (quelques grammes de matière y pèsent autant que la Tour Eiffel). La naine blanche mettra des milliards d’années à perdre sa chaleur et sa luminosité pour aboutir enfin au stade de naine noire, un objet définitivement inerte.

 

 

Un exemple de naine blanche

 

   Il est très difficile d’observer une naine blanche parce que ces objets sont petits et que, progressivement, ils perdent de leur intensité lumineuse. C’est la raison pour laquelle n’ont pu être observées que des naines blanches relativement proches de nous, c’est-à-dire appartenant à la Voie lactée.

 

naine blanche HD 62166

 

   C’est notamment le cas de la naine blanche située au centre de la nébuleuse planétaire NGC 2240, dans la constellation de la Poupe. Elle fut pour la première fois observée par l’astronome britannique d’origine allemande William Herschel le 4 mars 1790 et répertoriée sous la dénomination HD 62166. Elle est assez facilement visible car il s’agit certainement d’une naine blanche très jeune et donc très chaude et lumineuse. On estime d’ailleurs sa chaleur à 200 000 K ce qui en fait tout simplement l’étoile la plus chaude actuellement connue. Dans l’image ci-dessus, on devine la naine au centre de ce qui est la nébuleuse planétaire en formation.

 

 

 

Les étoiles géantes sont rares et fragiles

 

   Nous avons déjà eu l’occasion de le préciser : dans notre galaxie (et il est totalement vraisemblable qu’il en soit de même dans les autres), la majorité des étoiles étant des naines, le plus souvent associées à d’autres étoiles dans ce que l’on appelle des systèmes binaires (ou, pour être plus exact, des systèmes multiples). Un peu comme une armée dont les géantes et supergéantes seraient les officiers supérieurs, le gros de la troupe étant représenté par les naines rouges.

 

   Les étoiles naissent en groupe, dans un halo puis, suivant leurs tailles respectives et les aléas de leur environnement, elles se séparent : il est ainsi impossible de savoir quelles étaient les étoiles ayant accompagné notre Soleil dans son halo de naissance. L’immense majorité des étoiles existantes ont des tailles voisines de celle du Soleil : les très petites (moins de 0,25 MS) sont aussi peu nombreuses que les géantes (8 MS et plus) et les supergéantes (à partir de 30-40 MS).

 

   Dans le halo primitif d’un groupe d’étoiles, il est difficile de savoir si la masse d’une étoile est acquise (tailles stellaires augmentées par accrétions successives) ou innée (géantes ou naines déterminées d’emblée) : les simulations informatiques sont valides dans les deux cas. Ce qui est certain, c’est que, à un moment donné, le nuage moléculaire préstellaire se fragmente en une certain nombre de condensations qui s’effondrent ensuite sur elles-mêmes pour donner naissance aux embryons d’étoiles.

 

   Les naines rouges sont très certainement les étoiles les plus nombreuses de l’Univers : entre 80 à 85% de l’ensemble. Si l’on se réfère à la Voie lactée, elles représentent alors à peu près 130 milliards d’étoiles… Les autres naines, jaunes et jaune-orangé notamment, sont estimées à environ 13% et, de ce fait, il ne reste que quelques pourcents pour les géantes (je rappelle que les naines blanches ne sont pas comptabilisées ici puisque ce ne sont plus des étoiles). Dans le tableau ci-joint, on peut, par exemple, se rendre compte de l’extrême rareté des supergéantes bleues (0,00003%).

 

 

Tableau des étoiles (classement_etoiles)

 

 

   Par une belle nuit d’été, en un endroit épargné par les lumières parasites qui, hélas, tendent aujourd’hui à se multiplier, il est possible à un observateur à la vue acérée de distinguer quelques milliers d’étoiles, bien loin évidemment des 150 milliards qui peuplent notre galaxie. En fait, il semble que ce soit trois mille étoiles. Parmi elles, aucune naine rouge qui sont pourtant les plus nombreuses : leur lumière qui ne dépasse pas 1% de celle du Soleil ne peut imprimer nos rétines et cela est vrai même pour la plus proche de nous, Proxima du Centaure.

 

   L’étoile la plus brillante de notre ciel nocturne est Sirius (1) étoile blanche de la séquence principale du diagramme HR, essentiellement visible parce que proche (8,5 années-lumière). Il en est de même pour Canopus (2) une supergéante peu massive qui rivalise avec elle quoique bien plus éloignée (310 années-lumière) et Arcturus (3), une géante rouge qui termine sa vie à 37 années-lumière de nous. On le comprend : les étoiles visibles de la Terre et qui ont passionné l’Homme depuis des millénaires sont soit proches, soit géantes comme la supergéante bleue Rigel (6) à 5630 années-lumière, ou la supergéante rouge Bételgeuse (9), l’une des plus grandes étoiles connues (env. 500 années-lumière aux dernières nouvelles). On pourrait presque dire que, à l’instar des vedettes de variétés, les étoiles géantes dominent notre ciel tandis que l’immense majorité du peuple stellaire nous demeure invisible.

 

 

 

Sources :

1. Wikipedia France et en.wikipedia.org

2. Science et Vie.com

3. Encyclopaediae Britannica

4. https://www.astronomes.com

5. http://physique.unice.fr

 

 

Images :

 

1. comparaison d'étoiles (sources : www.astrosurf.com)

2. la géante bleue Alcyon (sources : fr.wikipedia.org)

3. diagramme de Hirschprung-Russell (sources : Richard Powell/Leovilok/Wikimedia Commons)

4. le Soleil comparé à une supergéante rouge (sources : astronomie.skyrock.com)

5. étoile de Wolff-Rayet WR124 (sources : www.astrosurf.com)

6. le céphéide RS Puppis (sources : trustmyscience.com)

7. naine blanche HD 62166  (sources : youinf.ru)

8. répartition des types d'étoiles (zestedesavoir.com)

 

 

 

Mots-clés : Henry Draper - diagramme de Hertzsprung-Russell - séquence principale - naine blanche - naine rouge - géante bleue - supergéante rouge - étoile à neutrons - trous noirs - hypergéante jaune - étoile de Wolf-Rayet - géante rouge - céphéides

(les mots en gris renvoient à des sites d'information complémentaires)

 

 

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dernière mise à jour : 22 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution

 

 

 

      

 

     A tout seigneur, tout honneur, on le sait bien, une des cibles privilégiées des obscurantistes est la théorie de l'évolution (bien plus qu'une théorie, on y reviendra). Pour introduire la réflexion sur le sujet, quel meilleur moyen que de citer les premières lignes de l'article écrit par Pascal PICQ, , paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France, dans un numéro récent de l'excellente revue "Pour la Science" (Pour la Science, n° 357, juillet 2007, p. 40). Je le cite :

 

     Une des plus belles avancées des connaissances en science se voit rejetée comme jamais auparavant. Le patient travail de recherche plus que centenaire d'une communauté de femmes et d'hommes de différentes nations et de diverses cultures se retrouve contesté sur des fondements que l'on croyait révolus depuis des décennies. L'une des plus grandes contributions à la pensée moderne et universelle attachée à la modernité est à nouveau menacée par l'obscurantisme : l'évolution.
Récemment, les médias se sont alarmés de la diffusion massive et ciblée de plusieurs milliers d'exemplaires d'un ouvrage richement illustré. L'auteur prétend y démontrer que la théorie de l'évolution est erronée, que toutes les espèces connues aujourd'hui sont inchangées depuis des milliards d'années, car créées comme telles. La pseudo-argumentation est aussi pauvre que fallacieuse : puisque des animaux fossiles ressemblent - en première approximation - aux animaux actuels, l'évolution n'existe pas. L'objectif du livre n'est pas d'argumenter, mais de semer le doute chez ceux qui ne connaissent pas la théorie de l'évolution. Cette offensive islamique appelle la réprobation dans nos contrées laïques. Cependant, peu de commentateurs ont souligné que cette action de propagande remarquablement exécutée vient de Turquie, le seul pays musulman officiellement laïque. Mais n'oublions pas que cette menace s'inscrit dans un mouvement plus profond, plus ancien et mieux organisé qui vient de l'Ouest : le créationnisme porté par les évangélistes fondamentalistes américains selon qui l'Univers et donc la Terre ont été créés par une intelligence supérieure, un dieu.
L'Europe laïque, dont la France, se pensait à l'abri de ces controverses d'un autre âge : erreur !
 
 
     L'image représente un trilobite (voir glossaire). Franchement, quel autre moyen d'expliquer le règne de ces animaux (plusieurs dizaines de MILLIONS d'années), disparus il y a si longtemps lors d'une extinction de masse, que par la théorie de l'évolution ? Des disparitions qui concernent près de 99% des espèces ayant un jour existé...
 
 
schiste de Burgess

 

la faune du shiste de Burgess
(voir le sujet : le schiste de Burgess)
 
 
     Oui mais, les créationnistes veulent à tout prix  une finalité, un grand dessein organisé par quelque "grand architecte" de l'Univers (de préférence le leur) or il n'y a, à l'évidence, aucune finalité, aucun but  dans l'apparition, la vie puis la disparition de millions d'espèces animales, comme ça, au hasard, parce que les circonstances sont soudain devenues défavorables (qu'on se souvienne du météore du Yucatan qui décima les dinosaures : à quelques milliers de km près - une misère pour l'espace - il aurait évité la Terre, les dinos auraient été épargnés et nous ne serions pas là pour en parler...). Eh oui, n'en déplaise à certains, si le film devait repartir de zéro, comme le dit le paléontologue Gould, il est très peu probable que les mammifères - et donc les hommes - soient à nouveau sélectionnés. Parce qu'il s'agit d'une sélection qui ne tient compte que des facteurs de circonstance (adaptation ou pas à un moment donné) et que la Nature avance à l'aveugle, par tâtonnements, sans but précis. Un hasard, en somme.
  
     Mais, après tout, moi, je veux bien que chacun ait ses propres croyances : c'est souvent le moyen de se rassurer à bon compte. Sauf que, lorsque la science explique, qu'elle démontre, qu'elle prédit même parfois, les préjugés doivent alors s'effacer. Sinon, c'est nier l'évidence. Rappelons-nous ce vieil adage de la Rome de jadis: "quos vult perdere, Jupiter dementat" (Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre) !. Ne nous laissons pas aveugler par les faux prophètes et les gourous de pacotille.
 
 
  
 
 
Glossaire
 
     * trilobites : les trilobites (ou Trilobita) constituent une classe d'arthropodes marins fossiles ayant vécu durant le paléozoïque (ère primaire) du Cambrien au Permien. Les derniers trilobites ont disparu lors de l'extinction de masse à la fin du Permien, il y a 250 millions d'années. Les trilobites sont bien connus car ils sont certainement le second groupe le plus répandu de fossiles après les dinosaures. Par ailleurs, ils ont donné les fossiles les plus diversifiés : on recense entre neuf et quinze mille espèces. La plupart d'entre elles étaient des animaux marins simples et petits, qui filtraient la vase pour s'alimenter. (in Wikipedia France)
 
 
Images
 
1. algues bleues, la plus ancienne forme de vie sur Terre (sources : forum.mikroscopia.com)    
2. trilobite (sources : krlphotography.typepad.com)
3.  les animaux de la faune du schiste de Burgess (source : www.maxicours.com)

 (Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 
 
Mots-clés : trilobite - théorie de l'évolution - extinctions de masse - météore du Yucatan - Stephen J. Gould 
 (les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)
 
 
 
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Mise à jour : 27 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution
arbre phylogénétique du vivant

 

   Les origines de la vie sur Terre demeurent incertaines. Difficile de dire exactement où cette vie est apparue, ni quand. Notre bonne vieille Terre est âgée d’environ 4,5 milliards d’années, l’âge du système solaire, et c’est au bout d’environ 500 millions d’années qu’il semble que soient apparues les premières cellules susceptibles de donner un être vivant. On sait que les plus anciens fossiles de micro-organismes sont âgés d’environ 3,5 milliards d’années, certaines études allant même jusqu’à affirmer qu’un âge de plus de 4 milliards d’années serait plus près de la réalité. Cette époque si lointaine, ces premiers 500 millions d’années, sont appelés l’hadéen (première partie du précambrien) par les scientifiques et c’est probablement vers la fin de cette phase qu’est apparu celui qui allait devenir l’ancêtre de tous les êtres ayant vécu et vivant encore sur Terre.

 

   Lorsqu’on observe attentivement une forêt tropicale, ou même un simple étang de nos régions tempérées, on est frappé par la diversité du vivant, par la profusion d’espèces qui, pour la plupart, partagent un écosystème sans jamais se rencontrer vraiment, cette possibilité n’étant donnée qu’aux couples prédateurs-proies. Tout ce monde grouillant de vie provient donc d’un même ancêtre et, au fil du temps (des centaines de millions d’années, si difficiles à comprendre pour nos cerveaux qui ont du mal à seulement intégrer quelques milliers d’années), la sélection naturelle, en fonction des changements de milieu, a progressivement modelé la Vie. L’immense majorité des espèces qui, à un moment ou à un autre, a peuplé notre planète, a, à présent, disparu, emportée par le hasard d’un élément contraire auquel elle n’a pas su ou pu s’adapter.

 

   L’homme est un des animaux survivants aujourd’hui mais son apparition sous sa forme actuelle ne s’est évidemment pas faite d’un seul coup. Tout au contraire, il aura fallu bien des évolutions, bien des formes intermédiaires et bien des hasards pour en arriver à la situation présente. Je me propose de revenir sur les principales étapes qui ont permis, depuis le premier ancêtre commun, à Homo sapiens d’être ce qu’il est. Les étapes retenues sont au nombre de treize et, à chacune d’entre elles, la branche qui conduira à Sapiens s’est séparée d’autres représentants du monde vivant que nous évoquerons succinctement.

 

 

 

Étape 1 : l’homme est un eucaryote (- 2 milliards d’années)

   

Eucaryote signifie « ceux qui possèdent un véritable noyau » par opposition aux procaryotes que sont bactéries et archées, autrefois nommées archéobactéries. Ces eucaryotes (mono ou multicellulaires) ont pour caractéristiques principales de posséder un noyau contenant de l’ADN, porteur des caractéristiques génétiques. Ils peuvent se diviser (mitose) et se reproduire (pour la grande majorité au moyen d’une reproduction sexuée). À ce titre, l’homme est un eucaryote, tout comme les champignons et les plantes.

 

 

 

Étape 2 : l’homme est un métazoaire (- 900 millions d’années)

 

   Le terme de métazoaire correspond aux animaux et, puisqu’il est l’un d’eux, l’homme est un organisme multicellulaire capable de se nourrir de constituants organiques préexistants (on parle alors d’hétérotrophie). Du coup, plantes et champignons sont ici exclus. Il est à noter qu’il aura fallu plus d’un milliard d’années pour voir apparaître ce type d’organismes, une période si longue qu’elle est impossible à concevoir réellement pour l’esprit humain.

 

 

 

Étape 3 : il est également un bilatérien (- 700 millions d’années)

 

   Comme la plupart des animaux, l’homme présente uns symétrie bilatérale, c’est-à-dire qu’il possède un côté droit et un côté gauche. C’est à ce stade que l’ancêtre de l’homme se sépare des animaux qui ne sont pas bilatériens comme les éponges et les méduses.

 

 

 

Étape 4 : … un vertébré (-600 millions d’années)

 

   100 millions d’années plus tard apparaissent les vertébrés. Ces animaux sont dotés d’un squelette osseux ou cartilagineux qui assure une certaine rigidité à leur organisme. Leur

autre forme de protection : hémithorax chitinisé (carapace)

colonne vertébrale est l’endroit où est protégé le système nerveux central. Il s’agit évidemment d’une évolution majeure, résolue différemment par d’autres bilatériens comme les arthropodes (insectes, arachnides, crustacés) qui possèdent une carapace, les mollusques affublés quant à eux d’une coquille ou bien restent dépourvus de parties dures comme les vers. Il est à noter que les arthropodes sont de loin ceux qui possèdent le plus d’espèces et d’individus dans le monde du vivant : à titre d’exemple, les insectes sont approximativement au nombre de 1019 soit 10 milliards de milliards…

 

 

 

Étape 5 : … un tétrapode (-350 millions d’années)

 

   Il y a 350 millions d’années environ (une époque appelée le dévonien), une nouvelle différenciation va voir le jour avec l’apparition d’individus dotés de quatre membres par opposition aux poissons (pourtant vertébrés comme eux) dont ils se différencient. Font également partie de cette superclasse tétrapode : les reptiles, les dinosaures et les oiseaux. Ces tétrapodes ont une particularité : ils utilisent souvent une respiration pulmonaire qui est la conséquence (ou l’origine) de leur passage depuis la mer à la terre ferme, une des colonisations du vivant parmi les plus importantes de son histoire.

 

 

 

Étape 6 : … un amniote (- 310 millions d’années)

 

   Quelques millions d’années encore et la sélection naturelle va permettre le choix d’un avantage sélectif très important : la protection de l’embryon, futur être vivant à naître. Jusque là, il était pondu dans l’eau, milieu évidemment à risques. Dorénavant, une nouvelle enveloppe – utérus ou coquille – va le protéger du monde extérieur bien qu’il se développe toujours en milieu aqueux.

 

   Les amniotes sont des tétrapodes qui, grâce à cet acquis essentiel, peuvent réellement s’émanciper du milieu aquatique à la différence, par exemple, des grenouilles qui continuent à pondre dans l’eau. Différents groupes d’amniotes coexistent mais ce sont les dinosaures qui vont bénéficier d’une radiation évolutive, c’est-à-dire d’une évolution rapide et dominante à partir d’un ancêtre commun conduisant à un foisonnement d’espèces différentes sur l’ensemble du globe.

 

 

 

Étape 7 : … un mammifère (- 100 millions d’années)

 

   L’Homme fait partie des mammifères mais, à cette époque lointaine, ceux-ci vivent chichement : en raison de la domination sans partage des grands sauriens, ils sont

les mammifères dominèrent le monde... après les dinosaures

réduits à la portion congrue, sortes de petits rats insectivores essentiellement nocturnes : leur explosion radiative surviendra plus tard. Ils possèdent un certain nombre de caractéristiques qui leur seront très utiles par la suite : un système nerveux central, notamment encéphalique, relativement développé par comparaison avec les autres groupes, une température interne constante, énorme avantage lors des changements météorologiques (ensoleillement), un cœur possédant quatre cavités ce qui permet de mieux réguler l’oxygénation de l’organisme et leurs femelles ont des mamelles (d’où leur nom).

 

 

 

Étape 8 : … un euthérien (- 74 millions d’années)

 

   Les mammifères se divisent eux-aussi en sous-groupes, notamment celui des mammifères thériens qui regroupe les mammifères placentaires (auquel appartient l’Homme) et les mammifères marsupiaux, par opposition aux monotrèmes comme l’ornithorynque (mammifère pondant des œufs). Est appelé euthérien le groupe des mammifères placentaires qui protègent leur descendance jusqu’au stade de juvénile tandis que les marsupiaux (ou métathériens) ont des petits qui naissent bien plus tôt (au stade de larves dont le développement reste à faire en dehors du corps de la mère ce qui est moins protecteur). Dans un sujet déjà évoqué, nous avions d’ailleurs vu que, à chaque fois que les mammifères placentaires et marsupiaux se sont affrontés pour la possession d’un territoire, ce sont les placentaires qui ont pris le dessus, éliminant leurs rivaux assez rapidement. A l’exception notable du continent australien qui ne fut jamais (du moins jusqu’à très récemment) colonisé par les placentaires.

 

 

Étape 9 : … un primate (- 30 millions d’années)

 

   Les primates (de « premier ») forment un groupe au sein des mammifères placentaires. Il regroupe les petits singes, les lémuriens et les grands anthropoïdes dont certains donneront homo sapiens. Au début, ces primates étaient essentiellement arboricoles avant de recourir à la bipédie. Un primate est un plantigrade en ce sens qu’il marche sur la plante (toute la plante) des pieds et qu’il possède un pouce opposable. Son cerveau est développé et on cherche encore à savoir dans quelle proportion ce développement est à mettre au compte de la bipédie qui aurait libéré ses bras et notamment ses mains. Les lieux de prédilection des primates sont les régions tropicales ou subtropicales (seul l’homme moderne arrivera à coloniser tous les continents mais ce sera bien plus tard). Certains caractères leur sont propres comme le développement de la vision stéréoscopique et, pour certains, trichromatique (avec trois couleurs de base) au détriment de l’odorat qui est pourtant le système sensoriel dominant chez les mammifères.

 

   Les primates présentent également un dimorphisme sexuel ce qui veut dire que mâles et

dimorphisme sexuel chez le hurleur noir (mâle au centre)

femelles diffèrent par la corpulence, la taille des canines voire la coloration mais le trait essentiel de ces animaux, c’est la présence d’un plus gros cerveau comparativement à celui des autres mammifères. Signalons enfin, un trait qui a son importance : le développement des primates est plus lent que celui des autres mammifères ce qui sous-entend qu’ils seront matures plus tard (handicap ?) mais avec comme compensation une durée plus longue de vie.

 

 

 

Étape 10 : … un hominoïde (- 20 millions d’années)

 

   Les premiers singes africains datent d’environ 40 millions d’années contre 45 pour les plus anciens connus découverts en Chine. Il est encore difficile de comprendre dans quel sens est survenue cette migration. Ce n’est que plus tard que ces singes coloniseront les Amériques. Il y a 35 millions d’années, à la limite éocène-oligocène, une importante chute des températures se produit (environ 5 à 6° sur une durée de 500 000  ans ce qui est rapide à l’échelle de l’histoire de la Terre). Surnommée « la grande coupure » ce changement relativement brutal survient alors que la période précédente - qui avait duré plus de 25 millions d’années - avait été une des périodes les plus chaudes de l’ère géologique Ce changement climatique a forcément des conséquences sur la faune et la flore bien que celles-ci soient difficiles à retracer exactement. Le refroidissement va durer une  dizaine de millions d’années avant qu’un climat plus favorable aux primates s’établisse, avec notamment l’émergence d’une nouvelle superfamille, les hominoïdes. C’est le nom qui est donné par les scientifiques à de grands singes se différenciant des autres singes par la perte de leur queue. Cette famille comprend les gibbons, les orangs-outans, les gorilles, les chimpanzés et les humains.

 

 

 

Étape 11 : … un hominoïdé (- 16 millions d’années)

 

   Hominoïdés : c’est ainsi que l’on nomme le groupe précédent une fois qu’en ont été retirés les gibbons il y a 16 millions d’années ; ceux-ci diffèrent notablement des autres grands singes par leur taille plus petite, leur mode de vie arboricole pur avec usage d’un mode de locomotion par balancement d’un arbre à l’autre (brachiation) et ce, grâce à leurs très longs bras.

 

 

Étape 12 : … un hominidé (- 9 millions d’années)

 

   Lors de cette étape, ce sont les orangs-outangs (pongidés) qui sont séparés de la lignée principale des grands singes anthropomorphes (et donc du genre homo). Ne restent que chimpanzés, bonobos, gorilles et humains (au sens large du terme = homo). Durant très longtemps, les scientifiques influencés par leur époque ont cherché à séparer les grands singes anthropomorphes et l’Homme : pour des raisons philosophiques et religieuses, il ne paraissait alors pas possible de considérer l’Homme comme un grand singe dont le cerveau était simplement un peu plus développé que celui des autres grands singes. Heureusement, ces préjugés sont aujourd’hui abandonnés.

 

   Tous les spécialistes ne sont pas encore d’accord pour exclure les orangs-outangs du groupe des hominidés mais une chose est certaine : l’homme est bien un hominidé.

 

 

 

Étape 13 : … un homininé (- 7 millions d’années)

 

   C’est la dernière grande séparation du genre humain avec des espèces réellement

arbre phylogénétique de homo sapiens

différentes, en l’occurrence, ici, les gorilles. Sous-famille de la famille des hominidés, les homininés comprennent parmi les espèces survivantes les chimpanzés et les bonobos. De nombreuses espèces disparues relèvent également de cette sous-famille comme les australopithèques, les paranthropes, les ardipithèques ainsi que des fossiles encore à classer (Toumaï, Orrorin). Et, bien sûr, toutes les familles d’homo dont une seule a survécu : sapiens. Suite à la disparition de Neandertal, des hommes de Denisova et de Florès et (avant eux homo habilis, erectus, etc.), c’est curieusement les chimpanzés et les bonobos qui, quoique cousins relativement éloignés, sont nos plus proches parents.

 

   Dans ce groupe des homininés, n’importe quel observateur peut s’apercevoir des importantes différences existant entre un chimpanzé et un homme. D’ailleurs, ce dernier pratique une bipédie exclusive et, en sus d’un langage compliqué lui permettant de bâtir des concepts abstraits, son cerveau lui a permis de disposer d’outils de plus en plus élaborés. Néanmoins, d’un point de vue purement génétique, homo sapiens partage plus de 98% de ses gènes avec le chimpanzé (et 99,4 % si l’on ne retient que les 97 gènes fonctionnels des deux espèces).

 

 

 

Un long cheminement

 

   Pour en arriver à l’homme d’aujourd’hui et à sa domination sans partage sur la planète, il aura fallu du temps, beaucoup de temps. D’un organisme formé de quelques cellules agissant en synergie, on est arrivé aujourd’hui à la coexistence d’individus infiniment plus compliqués. Cette complexification s’est faite sous l’influence de la sélection naturelle, c’est-à-dire par ajustements progressifs aux variations de milieu, ces dernières étant le fruit du hasard. Certaines espèces n’ont pas pu s’adapter, soit qu’elles n’en portaient pas en elles la possibilité, soit que les transformations de leur écosystème apparurent trop vite pour qu’elles puissent réagir. Chaque fois, cette disparition, puisqu’elle laissait un vide, a été comblée par l’arrivée d’une autre forme de vie, dans une sorte de ballet sans cesse renouvelé.

 

   Vers la fin de sa vie, Darwin qui avait durant tant d’années réfléchi à la question, était arrivé à la conclusion que l’évolution de la Vie quelle qu’en soit la forme était sur Terre la conséquence de hasards multiples : catastrophes naturelles, volcanisme, glaciations, etc. De ce fait il ne croyait pas au progrès (si en vogue à l’époque) et ne pensait pas que la complexification évoquée plus haut était synonyme d’amélioration. D’ailleurs, nombre de formes de vie du passé et aujourd’hui disparues étaient aussi complexes et élaborées que les formes vivant de nos jours (si ce n’est plus).

 

   Dans le même ordre d’idée, si l’apparition d’homo sapiens est essentiellement due au hasard, il ne saurait être question de le considérer comme un but évolutif (comme certains

chimpanzés, les plus proches parents de l'homme

ont, peut-être par un orgueil mal placé, trop souvent tendance à le croire). L’homme moderne n’étant certainement pas un achèvement, d’autres étapes sont susceptibles d’intervenir avec l’apparition de formes de vie mieux adaptées aux changements de milieu (ceux-ci étant cette fois peut-être induits par le seul homo sapiens).

 

   Ces modifications majeures de notre cadre de vie commun – la Terre et ses ressources épuisables – se font malheureusement à la vitesse de l’éclair, sans que les espèces peuplant notre monde n’aient probablement le temps biologique nécessaire pour s’adapter. Nous évoquions un peu plus haut les conséquences considérables de la perte de 5°C en 500 000 ans à la fin de l’éocène, il y a 35 millions d’années, et voilà que certains scientifiques évoquent l’augmentation actuelle de 3°C en … cinquante ans ! Les chiffres sont sans appel.

 

   La sixième grande extinction de masse des formes vivantes n’a-t-elle pas déjà commencé ?

 

 

 

Sources

* encyclopaedia Britannica

* hominides.com (https://www.hominides.com/index.php)

* Science & Vie (https://www.science-et-vie.com/)

* Cosmovisions (https://www.cosmovisions.com/index.html)

* Wikipédia France / USA

 

Images

1. arbre général (sources : sites.google.com)

2. cellule eucaryote (sources :  ebiologie.fr)

3. carapace mygale (sources : pixabay.com)

4. mammifères (sources : pxhere.com)

5. dimorphisme sexuel chez le singe hurleur noir (sources : topito.com)

6arbre phylogénétique sapiens (sources : intra-science.anaisequey.com)

 

 

Mots-clés : sélection naturelle - ADN - arthropodes

 

 

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1. les extinctions de masse

2. placentaires et marsupiaux, successeurs des dinosaures

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Mise à jour : 23 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #Évolution, #paléontologie

 

 

  Supersaurus.jpg

 

 

 

 

      Tous les enfants ayant fréquenté une plage à marée basse se sont sans doute un jour amusés à créer un réseau compliqué de petits canaux dans lesquels l’eau de mer, transpirée par le sable mouillé, s’écoule vers l’océan qui s’éloigne. Au milieu de son architecture temporaire, l’enfant aura beaumaree-basse.jpg faire, il ne pourra jamais empêcher l’eau, abandonnant ici un chenal, là une flaque, de chercher et de trouver chaque fois un chemin qu’elle empruntera au plus court. Si, par une éphémère construction sableuse, l’enfant s’avisait de l’en empêcher, l’eau trouverait inévitablement quand même une autre route et rejoindrait forcément quelque chemin d’aval. Je vois assez l’Évolution comme cette eau difficile à canaliser : au fil des âges, chaque fois qu’une niche écologique se libère, qu’une opportunité se présente, l’Évolution permet à une espèce de se transformer pour s’adapter à la modification de son environnement. Et si, d’aventure, cette transformation était trop radicale, il est à parier que des espèces entières seraient condamnées au bénéfice d’autres qui profiteraient de l’aubaine afin que la grande aventure de la Vie puisse se poursuivre.

 

      La course vers la survie par l’adaptation la plus ingénieuse est une condition indispensable pour qu’une espèce d’êtres vivants progresse : céder à l’immobilisme, pour une espèce donnée, c’est presque toujours déjà accepter sa disparition. Au sein d’une nature aveugle, c’est à chacun de trouver sans même le savoir le canal qui permettra d’avancer vers l’océan, ici l’avenir. Certains sont conduits à faire le choix du nombre comme les fourmis ou les bactéries, d’autres comme le léopard celui de la rapidité à saisir ou comme les gazelles la vitesse de fuite. Ou bien la survie dans un milieu extrême à la manière des micro-organismes des sources brûlantes des fonds sous-marins. D’autres encore ont recours à l’agilité comme araignee-tissant-sa-toile.jpgcertains singes, à la ruse comme l’araignée ou au mimétisme à la façon de ces serpents inoffensifs qui imitent la robe de leurs congénères mortels. Même l’Homme n’échappe pas à cette règle puisqu’il a su s’imposer par son intelligence. Chaque fois, il s’agit pour l’individu d’échapper à son prédateur qui, s’il ne veut pas disparaître à son tour, devra lui aussi inventer le moyen d’égaliser à nouveau les chances dans une course sans fin à une adaptation maximale.

 

      Il y a des millions d’années, afin de mieux survivre, des animaux ont été poussés dans une direction plutôt originale, celle du gigantisme. Voyons comment cela a été rendu possible.

 

 

Les sauropodes, des dinosaures géants

 

      Des milliers d’espèces différentes de dinosaures ont peuplé la Terre durant un temps très très long - des millions et des millions d’années - ce qui permit leur diversification. Il est compliqué pour le cerveau humain d’appréhender ce que signifient ces durées de temps, surtout rapportées à une vie humaine, si courte. Essayons d’utiliser une image pour nous faire une idée et réduisons l’existence de la Terre, depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui, à une année : à cette échelle de temps, les dinosaures auraientsauropodes.jpg alors dominé la planète depuis (à peu près) la mi-novembre jusqu’au 20 décembre. Par comparaison, la présence de l’Homme ne se situerait que dans les toutes dernières minutes précédant le 1er janvier… On comprend que l’Évolution a eu largement le temps de sélectionner des milliers et des milliers d’espèces de ces « terribles reptiles ».

 

      Il existait deux grandes familles de dinosaures, les théropodes carnivores et leurs proies potentielles, les sauropodes herbivores. C’est parmi ces derniers que l’on trouvait les géants que nous évoquons aujourd’hui. Des géants si imposants que les plus gros et les plus agressifs des théropodes – comme, par exemple, le Tyrannosaure Rex si réputé – ne pouvait rien contre eux. En effet, les plus grands des sauropodes comme le supersaurus (qui était une sorte de grand diplodocus), pesaient jusqu’à 60 tonnes, voire plus, et il avait la taille d’un immeuble de 10 étages (environ 40 m) pour une longueur de trois à quatre autobus mis à la queue leu leu ! Inutile de préciser que le tyrannosaure, avec ses 10 à 12 m de long et ses 6 à 7 tonnes ne jouait pas dans la même catégorie… Le carnivore n’avait donc theropode-acausaurus.jpgqu’une seule option lorsqu’il rencontrait un troupeau de ces géants : passer son chemin ou risquer de se faire écraser ! Du coup, ces sauropodes géants n’avaient aucun prédateur direct contre eux et leurs seuls ennemis devaient être les phénomènes naturels de disette… et probablement quelques virus. Comment ces animaux ont-ils pu en arriver là lorsqu’on se rend compte de la difficulté qu’il devait y avoir à développer et entretenir des masses vivantes aussi gigantesques ?

 

 

Un succès évolutif tenant en cinq points

 

      Les sauropodes géants étaient certainement des bêtes très calmes n’aspirant qu’à une seule chose : se nourrir et pour cela, on peut imaginer leurs troupeaux se déplaçant lentement au gré des bouquets d’arbres afin de trouver l’énorme quantité de nourriture nécessaire à leur survie. Toutefois, contrairement à certaines idées préconçues, ces dinosaures étaient relativement mobiles, voire dynamiques, n’hésitant pas – comme le prouvent leurs traces fossiles – à s’aventurer dans différents milieux comme des plages ou des tourbières. Certains scientifiques pensent même que, dans leur environnement semi-aride, ils effectuaient de véritables migrations les entraînant à la recherche de nourriture sur des centaines de km. Chez certaines espèces, ils se déplaçaient en troupeaux d’individus d’âges différents de façon à protéger les plus jeunes tandis que chez d’autres, les troupeaux étaient séparés par âge, probablement parce que les habitudes alimentaires différaient entre jeunes et adultes. Certaines traces fossiles montrent également qu’ils étaient suivis par des théropodes carnivores, peut-être à l’affût d’un jeune isolé. Quoi qu’il en soit, on leur devine des corps gigantesques avec de longs cous équilibrés par de non moins longues queues servant de balanciers (et peut-être même de fouet) tandis que leurs quatre pattes devaient ressembler aux colonnes d’un temple (les premiers dinosaures étaient tous bipèdes et seuls les théropodes agressifs le sont par la suite restés : on comprend, en effet, que quatre appuis étaient absolument nécessaires à nos herbivores géants). Cinq mécanismes adaptatifs expliquent le succès de leur course au gigantisme.

 

*  leur rapidité de croissance : les sauropodes étaient – comme tous les sauriens – ovipares et, d’après les restes fossilisés de leurs œufs, ceux-ci devaient peser environ 5 kg pour une taille d’une vingtaine de cm. Le bébé sauropode devait donc mesurer dans les 90 cm et il était alors dinosaures-oeufs.JPGparticulièrement vulnérable. Cette vulnérabilité était toutefois réduite au minimum puisqu’on évalue la prise de poids annuelle de l’animal à environ 2 tonnes (ce qui ne s’est jamais revu par la suite). Durant 20 ans, le jeune devait se nourrir le plus possible tout en évitant les prédateurs : on peut aisément deviner que tous n’atteignaient pas l’âge adulte ! Ensuite, les scientifiques estiment qu’il continuait à grossir plus lentement durant encore 10 ans pour atteindre enfin son poids « de croisière » et vivre les 30 dernières années de sa vie (l’histologie osseuse permettant d’estimer leur vie à une soixantaine d’années) sans être plus jamais menacé par un prédateur…

 

*  un cou d’une longueur jamais égalée depuis : lorsqu’on pense à ces animaux, on imagine d’abord ce long cou terminé par une toute petite tête (par rapport à l’ensemble). Ce n’est pas un hasard : il s’agit là d’un facteur adaptatif majeur. En effet, ce cou si long (jusqu’à 19 vertèbres « allongées » contre 7 chez les mammifères) permettait d’abord à l’ensemble du corps de bénéficier d’un système de refroidissement efficace. Mais l’essentiel n’est pas là : en fait ce cou si long était un moyen très astucieux de capter la grande quantité de nourriture indispensable, d’abord en atteignant sans trop d’effort des branches hautes situées hors de portée des autres herbivores (en gardant le cou à l’horizontale pour des problèmes de pression artérielle) mais surtout, par un mouvement de balancier, « d’explorer » une large zone sans avoir à déplacer le corps massif. Les scientifiques ont ainsi calculé que, pour couvrir une zone d’un hectare, un cheval doit se déplacer 5000 fois, une girafe (le plus long cou actuel) 1250 fois et un sauropode… seulement une centaine de fois. Une économie de moyens certaine.

 

*  un squelette à la fois robuste et léger : le gigantisme impose des contraintes physiques implacables. Pour supporter des dizaines de tonnes, l’armature osseuse doit être solide et résistante ; d’un autre côté, on sait que le squelette pèse souvent beaucoup et il était donc nécessaire pour ces animaux de le voir s’alléger au maximum. Chez les sauropodes, les os des membres sont denses et épais et on trouve dans leur trame de nombreux canaux et vaisseaux sanguins permettant la croissance rapidediplodocus-vertebre.jpg déjà évoquée (et donc celle de la masse totale). En revanche, les os qui ne supportaient pas directement le poids lié à la gravité étaient bien différents : ainsi, les vertèbres étaient en partie évidées, emplies de poches d’air à la façon de certains oiseaux actuels ce qui permettait un allégement conséquent. On estime que ces aménagements osseux permettaient à l’animal « d’économiser » jusqu’à 10 à 15 % de son poids.

 

*  un système respiratoire performant : bien entendu, comme tous tissus mous, aucun poumon de dinosaure n’a jamais été retrouvé. C’est donc par analogie avec les reptiles actuels (et certains oiseaux) qu’on a imaginé ce que pouvait être le système respiratoire de ces animaux. Chez l’Homme, la respiration se fait en deux temps : inspiration et expiration et c’est seulement durant la première moitié du phénomène que les alvéoles pulmonaires se remplissent d’air. Les sauropodes, eux, recevaient probablement de l’air en continu : d’abord par l’inspiration (comme chez l’Homme) puis encore lors de l’expiration par de nombreux sacs, alvéoles, poches diverses situés tout au long du corps et qui s’étaient eux-mêmes emplis d’air lors de l’inspiration : un système en somme deux fois plus performants que le nôtre ! De plus, l’atmosphère durant le mésozoïque (ère secondaire) était souvent plus riche en oxygène qu’aujourd’hui. Au bout du compte, les dinosaures géants étaient loin d’être désavantagés car qui dit plus d’oxygène, dit plus d’énergie…

 

*  un appareil digestif compétitif : trouver chaque jour environ une tonne  de végétaux n’est certainement pas une sinécure mais, plus encore, assimiler cette nourriture demande un appareil digestif spécialement adapté ! C’était en effet bien le cas : contrairement aux herbivores de notre temps, les sauropodes ne passaient pas la plus grande part de leur temps à mâcher ; ils se contentaient d’avaler d’énormes quantités de végétaux grâce à leur dentition renouvelable dite spatulée (en forme de cuiller), végétaux qui pouvaient séjourner jusqu’à deux semaines dans leurs estomac et intestins et avoir largement le temps de fermenter : là encore, il s’agit d’un avantage lié au gigantisme. Moins performant certainement que celui des ruminants actuels, le système digestif de ces grands sauriens dinosaures-gastrolithe.jpgs’améliorait par l’ingestion de gastrolithes, c'est-à-dire de pierres que l’animal avalait pour favoriser sa digestion par broyage, à la façon des pierres de gésier des oiseaux contemporains.

 

      Les cinq « trouvailles » adaptatives des sauropodes géants expliquent le succès de ces animaux qui, se rendant presque invulnérables à la prédation, ont pu se maintenir sous de multiples espèces différentes durant plus de 130 millions d’années

 

 

Une disparition sans rapport avec leur taille

 

      Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, ce n’est pas leur taille qui explique leur disparition au crétacé mais l’extinction de masse dont on pense qu’elle fut provoquée par la météorite géante du Yucatan, même si d’autres facteurs ont pu également influencer. On comprend que leur taille, bien qu’elle ait sensiblement diminué depuis le Jurassique, les prédisposa immédiatement à périr sous le déluge de feu qui eut alors lieu mais, de toute façon, ils n’auraient pas pu survivre à la disparition des plantes dont la photosynthèse ne se faisait plus en raison du nuage de cendres entourant la Terre.

 

      Cousins des théropodes dont descendent les oiseaux, les sauropodes sont en définitive plus proches des mammifères que des reptiles. Leur course au gigantisme peut être vue comme un excellent moyen d’adaptation à un monde où les prédateurs étaient particulièrement virulents ; eux-aussi, d’ailleurs, cherchèrent à grandir mais jusqu’à un certain point seulement : comment imaginer en effet la course d’un tyrannosaure de 40 tonnes ? Les sauropodes, les plus grands animaux que la Terre ait jamais portés, furent une réponse adaptative à une situation donnée et une réponse qui résista au temps : des dizaines de millions d’années de présence sur Terre. A titre de comparaison, rappelons que l’Homme moderne n’a que quelques dizaines de milliers d’années d’histoire. Quant à notre civilisation proprement dite…

 

 

Sources

 

1. science-et-vie.com

2. lesdinos.free.fr

3. Wikipedia.org

4. baladesnaturalistes.hautetfort.com

5. futura-sciences.com

 

 

Images

 

1. supersaurus, géant parmi les géants

(sources : anthrosaurs.com/Supersaurus.html)

2. marée basse (sources : regardsolitaires.free.fr)

3. araignée tissant sa toile (sources : leplus.nouvelobs.com/)

4. sauropodes (sources : lebloug.fr)

5. aucasaurus (sources : dkimages.com)

6. oeufs fossilisés de sauropodes (sources : jpmontfort83.over-blog.org)

7. vertèbre de diplodocus (sources : swissinfo.ch)

8. gastrolithes (sources : dinosoria.com)

 (pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

Mots-clés : sélection naturelle - avantage adaptatif - théropode - sauropode - bipédie initiale - oviparité - gastrolithes - météorite du Yucatan

  (les mots en gris renvoient à des sites d'information complémentaires)

 

 

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1. les extinctions de masse

2. les mécanismes de l'Évolution

3. la disparition des dinosaures

4. distance et durée des âges géologiques

5. l'empire des dinosaures

 

 

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mise à jour : 14 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #paléontologie, #Évolution

 

 

sauroposeidon.jpg

 

 

 

Les dinosaures – les terribles reptiles – dominèrent notre monde durant plus de 140 millions d’années ce qui est considérable… et un chiffre difficile à saisir pour notre cerveau habitué à des durées bien plus modestes. A titre de comparaison, la présence de l’homme moderne représente une durée de moins de 0,0005 % de celle de ces animaux sur la Terre et celle de l‘homme dit « civilisé » encore 10 fois moins.

 

Apparues vers le milieu du Trias (première partie de l’ère secondaire ou mésozoïque), rapidement, ces étranges créatures – qui effraient et fascinent tout à la fois - se diversifièrent et se reproduisirent pour, à la fin du crétacé (et de l’ère secondaire), représenter jusqu’à 95% de la biomasse des vertébrés et dominer pratiquement toutes les niches écologiques : une réussite adaptative remarquable ! Comment ils ont pu dominer ainsi cette planète et pourquoi ils ont assez brusquement disparu sont des questions forcément passionnantes.

 

 

Le monde du début

 

Le Trias moyen, première période de l’ère secondaire, voit donc apparaître ces nouveaux occupants d’une terre jusque-là dominée par les reptiles mammaliens (ancêtres éloignés des mammifères) et autres crocodiles archaïques.

 

Nous sommes à – 225 millions d’années et la Terre de ce temps-là pangee-au-trias.pngest bien différente. Un seul continent l’occupe, la Pangée, entourée d’un océan unique, la Panthalassée. On peut donc imaginer un centre continental où il ne pleut guère - et donc semi-désertique - associé à un pourtour bien plus humide et tempéré où s’épanouit une abondante végétation composée de grands conifères et de fougères mais pas encore de plantes à fleurs. Les simulations sur ordinateur du climat de l’époque suggèrent l’alternance de violents épisodes pluvieux, un peu comme les moussons d’aujourd’hui. C’est dans ce milieu somme toute plutôt favorable qu’apparurent les premiers dinosaures.

 

 

Une évolution rapide

 

Comme toujours lorsqu’on parle d’évolution, il faut chercher à identifier le caractère particulier qui permet à une espèce (et ses descendantes) de supplanter, par sélection naturelle, les occupants en place. Une des hypothèses souvent retenue par les spécialistes est Dinosaures.jpgl’apparition chez les dinosaures de pattes placées sous le corps. En effet, jusque-là, les reptiles ne possédaient que des membres latéraux leur permettant certes de marcher et de courir mais au prix d’un abdomen et d’une queue traînant sur le sol ce qui est un handicap pour la mobilité. De plus, une partie des efforts des individus se perd alors dans les ondulations latérales de la reptation. Avec la présence de membres verticaux, les grands sauriens acquièrent une marche plus facile, plus aisée, associant des pas plus longs à une bonne stabilité du corps, responsable, quant à  elle, d’une augmentation possible du poids corporel. Un atout peut-être décisif dans ce monde de compétitions et d’antagonismes en tous genres.

 

Une autre hypothèse avancée par les scientifiques est la disparition des reptiles mammaliens survenue vers la fin du Trias supérieur lors d’une extinction de masse, disparition qui aurait permis la colonisation des niches laissées vacantes par les nouveaux arrivants.

 

Quoi qu’il en soit l’expansion et la diversification des grands sauriens furent rapides et généralisées.

 

 

Diversification des dinosaures

 

Peu après leur apparition il y a 225 millions d’années, les dinosaures se séparent en deux branches : les saurischiens et les ornithischiens. La différence entre ces deux groupes est anatomique : les premiers ont un bassin de lézard (pubis orienté vers l’avant) tandis que les ornithischiens ont un bassin comme celui des oiseaux (pubis vers l’arrière). C’est d’ailleurs cette caractéristique très particulière qui fait dire aux spécialistes que les oiseaux sont bel et bien des descendants directs de cette lignée de grands sauriens… Viennent ensuite des diversifications qui conduisent aux théropodes carnivores et aux sauropodes (et tyranosaure2.jpgornithischiens) herbivores. Le fait que les prédateurs carnivores (théropodes) aient conservé la bipédie du début tandis que les herbivores retournèrent pour la plupart à la quadrupédie explique en partie le succès évolutif de ces animaux mais pas seulement.

 

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer (voir sujet : les humains du paléolithique) que la course à la survie est presque toujours une course vers le gigantisme (dans les limites des contraintes mécaniques bien sûr). En effet, il est toujours plus simple pour un prédateur de se saisir d’une proie plus petite : la lutte est plus facile même s’il faut la renouveler plus souvent. De ce fait, la sélection naturelle, au fil des millions d’années, privilégie les individus plus massifs (de même que plus combatifs) moins souvent attaqués ce qui, à terme, avantage également les prédateurs plus grands en une sorte de course sans fin. En revanche, dès que la prédation devient moins féroce (par exemple dans un milieu isolé, avec peu de prédateurs, comme une île), au fil du temps, les espèces ont tendance à diminuer de volume vers une taille moyenne voisine de celle d’un grand chien. Les dinosaures qui vivaient dans un milieu très compétitif ont vu leur taille augmenter avec les années ce qui est également un bon facteur d’adaptation.

 

Une autre explication de la diversification de ces « lézards géants » réside (comme j’ai déjà eu l’occasion de la mentionner dans le sujet sur la tectonique des plaques) dans la dérive des continents, un phénomène impossible à saisir durant une vie humaine (quelques cm par an seulement) et même pendant la durée d’une civilisation. Nous évoquons en effet ici des durées bien supérieures qui se comptent en millions d’années. On comprend donc que cette dérive qui va progressivement fractionner le supercontinent Pangée en plusieurs morceaux va séparer des espèces entières de dinosaures qui, dès lors, vont évoluer séparément et donc forcément différemment… pour les remettre en présence lors d’une autre dérive de plaque tectonique et provoquer alors de nouvelles compétitions et adaptations.

 

 

Le règne des dinosaures

 

Les scientifiques ont décrit jusqu’à présent plusieurs centaines d’espèces différentes de dinosaures (700 à 800) et il est très vraisemblable que beaucoup d’autres espèces restent à mettre au jour. Jurassic Park, l’excellent film de Steven Spielberg, l’a bien montré : à peu près toutes les formes et toutes les tailles de ces animaux ont existé. Le plus grand d’entre eux fut probablement le sauropode Argentinosaurus qui, avec ses 8O tonnes, était haut comme un bâtiment de six étages et long comme trois autobus mais il existait aussi de minuscules créatures (toutes proportions gardées) qui, comme le microraptor, mesurait à peine soixante centimètres et devait peut-être chasser en meute.

 

Toutes les tailles mais également toute la Terre ! Stricto sensu, on n’a sémantiquement le droit de parler de dinosaures que pour les animaux terrestres. Néanmoins, certains autres animaux leur étaient apparentés et surent conquérir des environnements nouveaux : je pense, par exemple, aux reptiles marins comme les ichthyosaures (apparus avant les dinosaures et disparus également avant eux) dont l’agilité en mer pterodactyle.jpgéquivalait à celles des dauphins actuels ou les ptérosaures, les fameux « reptiles volants », disparus également lors de la grande extinction du Crétacé, et dont toutes les tailles existaient (certains spécimens avaient une envergure de douze mètres).

 

Cette remarquable adaptation des grands sauriens se fit aussi – on l’a déjà évoqué -  dans le long terme ; ils régnèrent si longtemps que leurs représentants successifs assistèrent à la modification totale des continents. De la Pangée du Trias, il ne reste rien au Crétacé. Outre l’écologie des terres, avec la formation de blocs séparés qui deviendront bien plus tard les continents que nous connaissons, le climat lui-même s’est considérablement modifié. Vers la fin du Jurassique, après une période chaude et humide, le climat s’était refroidi mais le voilà à nouveau réchauffé et considérablement adouci vers le Crétacé moyen au point que vers – 70 millions d’années, il ne reste plus rien des calottes glaciaires. Inévitablement, la flore elle-aussi se transforme avec l’apparition des plantes à fleurs qui, peu à peu, repoussent les conifères et les fougères géantes du Jurassique. Les dinosaures ? Eh bien, ils s’adaptent parfaitement à tous ces changements ; pour les herbivores, on passe de la domination des sauropodes à celle des ornithopodes (qui, comme l’indique leur nom, ont des pieds ressemblant à ceux des oiseaux). Ces derniers sont tous herbivores et c’est dans ce groupe qu’on trouve les iguanodons et leshadrosaure-Brachylophosaurus-canadensis fameux hadrosaures à bec de canard. Bien entendu, ces changements entraînent forcément de nouveaux prédateurs carnivores. Toujours de nouvelles espèces de dinosaure pour des milieux différents…

 

Pourtant, en quelques milliers d’années, cette extraordinaire domination remontant à des temps presque immémoriaux va subitement cesser.

 

 

Disparition des grands sauriens

 

Le sujet fascinant à la fois les scientifiques et le grand public, on a beaucoup écrit en ce domaine et force est de constater que, s’il est possible d’émettre des hypothèses vraisemblables, il est néanmoins difficile de conclure définitivement. En fait, à y regarder de plus près, il semble que cette disparition relativement soudaine (en termes d’évolution) soit plutôt la conséquence de phénomènes intriqués.

 

On connaît bien sûr la météorite du Yucatan, longuement évoquée dans ce blog (voir le sujet : la disparition des dinosaures) et il est assez vraisemblable que son rôle a été primordial dans cette extinction de la fin du Crétacé. Il faut d’ailleurs bien préciser que les dinosaures n’ont certainement pas été les seuls à être décimés à cette époque : il s’agit en effet de la dernière extinction de masse connue qui emporta également de nombreuses autres espèces tant terrestres que, surtout, marines (les ammonites par exemple).

 

Toutefois, il reste un doute : certains auteurs expliquent que la disparition des grands sauriens semblait bien amorcée avant le passage de la météorite ; ils expliquent que des lignées entières de dinosauriens paraissaient en déclin, du moins selon certaines fouilles paléontologiques et qu’un tel phénomène ne peut s’expliquer que sur plusieurs milliers d’années. On pointe alors du doigt un autre événement, fort actif à cette époque : les trapps du Deccan. Il s’agit d’un épisode volcanique très important et durable : on en retrouve des traces durant plusieurs millions d’années. Ces trapps (escaliers en suédois) sont en rapport avec ce que l’on appelle un point chaud, c'est-à-dire la remontée de roches brûlantes depuis le manteau terrestre. S’en suit alors un écoulement volcanique trapps-du-deccan.jpgcontinu sur une surface immense (le tiers de l’Inde actuelle !) avec des épaisseurs de plusieurs km.  La tectonique des plaques ayant fait son œuvre, l’Inde est de nos jours à 4500 km de ce point chaud résiduel qui se trouve à présent juste sous l’île de la Réunion. A l’époque de la disparition des dinosaures, il semble qu’un paroxysme éruptif se soit produit pendant peut-être 15 à 20 000 ans, un temps assez long pour avoir transformé le milieu (réchauffement climatique, émanation de gaz, pluies acides, etc.) mais quand même trop rapide pour avoir permis une adaptation efficace des grands sauriens. Dans cette optique, la météorite aurait apporté le coup de grâce à des espèces déjà fragilisées.

 

Il existe d’autres hypothèses, plus discutées, comme l’explosion proche d’une supernova, voire le passage, il y a 65 millions d’années, du système solaire à travers la ceinture de Gould (complexe d’associations d’étoiles dont l’origine reste inconnue). Les trapps et la météorite restent quand même les meilleurs candidats pour expliquer cette extinction du Crétacé mais qui sait ?

 

 

L’empire d’homo sapiens

 

Aujourd’hui, grand singe évolué de la lignée des mammifères ayant pu prospérer lorsque les niches écologiques du crétacé se sont libérées, l’Homme domine la planète. Depuis peu de temps. Si l’on compare la durée du règne de l’Homme moderne à celle des dinosaures, c’est comme mettre côte à côte un grain de sable et une montagne de plusieurs km. Pourtant, durant ce laps de temps si court, l’Homme a plus changé la Terre que quiconque auparavant. Il agit rapidement et transforme son environnement sans trop se soucier des conséquences. Compte tenu de cela, je doute fortement qu’il puisse régner ici bas aussi longtemps que les grands lézards, ses lointains prédécesseurs.

 

 

 

Sources :

les dossiers de la Recherche, n° 39, mai 2010 ;

Wikipedia France ;

CNRS (https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/)

 

 

Images

 1. sauroposeidon : un herbivore du crétacé aussi énorme que l'Argentinosaurus (sources : prehistoricanimal.blogspot.com/)

   2. la Pangée fractionnée au Trias (sources : fr.academic.ru)   

   3. combat de dinosaures (sources :  boolsite.net)

   4. Spinosaurus (sources : forum.hardware.fr)

   5. Ptéodactyles (sources : eternelpresent.ch)

  6. hadrosaure (sources : techno-science.net)

  7. les trapps du Deccan (sources : futura-sciences.com)

 

 

(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

 

 Sujets apparentés sur le blog :

 

1. les extinctions de masse

2. la disparition des dinosaures

3. placentaires et marsupiaux, successeurs des dinosaures

4. ressusciter les dinosaures

5. la grande extinction du Permien

 

 

Mots-clés : reptiles mammaliens - Pangée - verticalisation des membres - saurischiens - ornithischiens - théropodes - sauropodes - extinctions de masse - tectoniques des plaques - isolement géographique - Argentinosaurus - ichthyosaure - ptérosaures - ornithopodes - météorite du Yuacatan - trapps du Deccan - supernova - ceinture de Gould -

(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

 

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mise à jour : 6 mars 2023

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Publié le par cepheides
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 mustangs2.jpg

 

 

 

 

     Dans le célèbre film de John Huston, « les désaxés » (the misfits, 1961), Clark Gable avait fait de la capture des chevaux sauvages son métier au grand désespoir de Marylin Monroe qui trouvait particulièrement cruel de priver de liberté les derniers mustangs (pour accessoirement les convertir en nourriture pour chiens). Depuis, la législation américaine a évolué et les mustangs sont à présent protégés : il en reste un peu moins de 100 000, pour la moitié d’entre eux dans l’état du Nevada. Ces chevaux sont les descendants de générations retournées à l’état sauvage bien des années auparavant et ayant survécu malgré les conditions parfois très dures de leur nouvel environnement. Dans un sujet précédent, nous avions évoqué la domestication par l’homme de nombreuses espèces animales : il s’agit ici du chemin exactement inverse. On peut certainement s’étonner de l’adaptation d’animaux jusque là hyperprotégés à des milieux forcément hostiles et se demander si de tels phénomènes sont fréquents…

 

 

Des cas plus fréquents qu’on ne le croit

 

     Le retour à l’état sauvage de nombreux animaux ne date évidemment pas d’aujourd’hui. De nos jours, toutefois, deux éléments supplémentaires sont à prendre en compte : d’abord le rétrécissement inévitable des territoires « possibles » pour ce retour et cela du fait de l’expansion humaine qui se fait de plus en plus pressante et, par ailleurs, la plus grande facilité des transports sur de longues distances en rapport avec les progrès techniques. Ces deux éléments sont en apparence antagonistes mais le premier est probablement plus important que le second. Quoi qu’il en soit, il faut souvent assez peu de temps (en termes d’évolution) pour voir des populations entières d’animaux revenir à leur état ancestral en s’organisant véritablement. Prenons quelques exemples :

 

 

* les mustangs du Nevada

 

     Revenons sur nos mustangs déjà évoqués. La légende veut qu’ils soient les descendants des chevaux amenés dans le nouveau monde par lesmustangs  conquistadors auxquels se seraient ajoutés les chevaux en surplus à la fin de la guerre de sécession. Ce qui est certain, c’est qu’ils ont assez rapidement prospéré puisqu’on en comptait jusqu’à un million au début du XXème siècle. Comme cela est très bien raconté dans le film que j’ai cité en début de sujet, leur nombre a progressivement diminué jusqu’à s’établir à un chiffre d’environ 100 000 à présent qu’ils sont protégés.

 

     Ce qu’il est intéressant de noter (et on le verra pour d’autres espèces), c’est que l’organisation de ces chevaux a très vite copié celle de leurs congénères sauvages. Ces animaux étant particulièrement robustes et très indépendants, ils errent par petits groupes d’une quinzaine d’individus entrainés par un étalon, souvent aidé de la jument la plus âgée. Bien entendu, les jeunes mâles qui sont rejetés du groupe lorsqu’ils atteignent 3 ans et se retrouvent par force solitaires, viennent régulièrement disputer le harem au mâle dominant. Bref, rien que de très classique dans la Nature.

 

     On peut d’ores et déjà se poser une question : le fait de retrouver une structure de groupe ancestrale est-elle d’origine génétique, un patrimoine en partie caché jusque là par la domestication ou ne s’agit-il que d’une conséquence de la vie sauvage elle-même qui n’autoriserait en fin de compte que ce genre d’organisation ?

 

 

* le dingo d’Australie

 

     Dans tout le sud-est asiatique vivent des chiens retournés à l’état sauvage. Nombreux il y a quelques années, ils ne subsistent plus de nos jours que dans quelques poches forestières résiduelles. On les trouve également en Australie où on les appelle les dingos (un nom emprunté à la langue des aborigènes) tandis que, en Nouvelle-Guinée, existe une variété de dingos appelés chiens chanteurs (en raison de leur vocalises bien spécifiques).

 

     Les dingos peuplent surtout le nord de l’Australie car le gouvernement de ce pays a construit pour eux la plus longue barrière du monde, ladingo.jpg « dingo fence », longue de près de 5 400 km. Il autorise également leur chasse en rémunérant les peaux (50 $ chacune) reproduisant ainsi la grossière erreur déjà commise avec le thylacine (ou chien marsupial) qui a été exterminé dans les années 1930.

 

     Il s’agit là d’un contre-sens car le dingo, s’il est opportuniste et attaque ce qu’il trouve (jusqu’à des chevaux ou des kangourous quand il est en meute), est un animal plutôt craintif qui vit aussi loin de l’Homme qu’il le peut. Très rapide (pouvant faire des pointes à 60 km/h), il lui arrive de se déplacer de plus de 20 km chaque jour. Souvent, quand des attaques proches des humains concernent des canidés, il s’agit plutôt de chiens retournés plus récemment à l’état sauvage – donc relativement plus habitués à la présence humaine – dans ce que l’on appelle le marronnage (ou féralisation) sur lequel nous reviendrons.

 

     Le dingo est un animal solitaire sauf que, comme ses ancêtres les loups, il peut vivre (et chasser) en meute ce qui est notamment le cas à la saison des amours qui a lieu pour lui une fois par an : exactement comme les loups et à la différence des chiens. Ce que certains scientifiques rattachent à une dimension génétique réapparue lors de l’ensauvagement.

 

 

* les chats et chiens errants des pays industrialisés.

 

     Les chats, on le sait bien, sont restés d’excellents chasseurs. Même parfaitement nourris par ceux qui pensent être leurs maîtres, ils continuent à guetter l’oiseau ou le petit rongeur qui a le malheur de croiser leur route. chat-chasseur.jpgC’est dire que, rendus à une liberté totale, ils n’ont aucune peine à survivre en solitaires ! Aux USA, il existe plus de 50 millions de chats errants (pour 90 millions de chats « domestiques ») qui, livrés à eux-mêmes, font un véritable carnage parmi les oiseaux, les rats, souris, lapins, serpents, lézards et autres grenouilles… Les américains estiment que plus de 3 milliards d’oiseaux et 7 milliards de petits mammifères succombent sous leurs griffes chaque année !

 

     Les chiens retournés à l’état sauvage ne sont pas en reste. Ils se réunissent alors en meutes qui ne sont pas sans rappeler celles des loups, avec un mâle dominant et des chasses en commun lorsque les déchets abandonnés par les humains ne leur suffisent plus. Dans certaines villes, ils vont jusqu’à provoquer de véritables catastrophes comme récemment à Bucarest, en Roumanie, où des hordes de chiens à demi-sauvageschien-sauvage.jpg terrorisaient les passants. Les autorités locales ont dû prendre de sévères mesures pas toujours comprises des populations locales pour y mettre fin. Le même phénomène s’est produit il y a une vingtaine d’années sur l’île de la Réunion où des cohortes de « chiens jaunes » provoquaient saccages et accidents de la route à répétition. Là-aussi, les autorités durent intervenir pour diminuer ces populations de canidés devenues incontrôlables, parfois au grand dam de certains habitants qui trouvaient les mesures trop radicales.

 

     Il n’existe pas en France métropolitaine de chiens retournés totalement à l’état sauvage mais tout au plus des animaux abandonnés par leurs maîtres et ayant appris à survivre seuls. Leur « ensauvagement » est alors à mi-parcours entre le statut du chien domestique et celui du chien sauvage. Comme s’il fallait une ou deux générations pour « gommer » vraiment la domestication…

 

 

* les mouflons corses

 

     Le mouflon, on le sait bien, est l’ancêtre du mouton. En Corse, c’est le processus inverse qui s’est produit : des moutons échappés à des éleveurs et retournés à l’état sauvage ont donné naissance à des hardes de chacune une quinzaine de mouflons (certains portant à nouveau des cornes). Ces animaux, très craintifs, se réfugient dans les forêts ou les secteursmouflon-corse.jpg escarpés si bien qu’il est difficile pour un humain de les apercevoir. Ils se sont parfaitement adaptés à leur habitat sauvage au point que l’Homme a réussi à en introduire dans d’autres endroits comme dans les Alpes, la baie de Somme, voire les îles Canaries…

 

 

* Les impasses de l’ensauvagement

 

     Il ne faudrait pourtant pas croire que tous les animaux domestiques peuvent ainsi être réadaptables à un milieu totalement sauvage. Certaines pratiques de domestication ont rendu biologiquement impossible pour certaines espèces de se passer de la présence humaine. Sans forcément insister sur des cas extrêmes comme certaines familles de vaches qui ne chien-yorkshire.jpgpeuvent mettre bas que par césarienne, pensons plutôt aux petits chiens comme les chihuahuas, yorkshire et autres caniches nains que leur petite taille désavantagerait fortement vis-à-vis de prédateurs plus imposants tandis que leur fragilité constitutionnelle les empêcherait de capturer les proies indispensables à leur alimentation carnassière…

 

     Quoi qu’il en soit, ce retour à la vie sauvage, cet « ensauvagement », est souvent possible et surtout remarquablement rapide. Là où il a fallu, comme on l’a déjà signalé dans un précédent sujet, bien des années et beaucoup de patience pour « domestiquer » certaines espèces animales (avec, parfois, des échecs retentissants pour d’autres), on s’aperçoit qu’il suffit de quelques générations pour aboutir à nouveau à un ensauvagement, difficile ensuite à inverser. On parle alors de « marronnage », par analogie avec les esclaves échappés de jadis qui étaient alors appelés « marrons », ou bien de féralisation, ce terme provenant du latin fera (animal sauvage) par l’intermédiaire de l’anglais « feral » (« on entendait la nuit les miaulements des chats féraux », a écrit le poète).

 

 

Quelles sont les causes de l’ensauvagement ?

 

     Elles peuvent certainement être volontaires de la part de l’Homme. Une partie des mustangs que nous évoquions plus haut viennent aussi de chevaux relâchés dans la Nature par leurs propriétaires incapables de les nourrir : à chaque crise économique, on voit ainsi leur cheptel s’accroître (et les autorités américaines confrontées à la nécessité de réguler leur nombre). Signalons au passage que certaines domestications ne vont jamais jusqu’au bout de façon totalement délibérée : par exemple, les rapacesfauconjpg.jpg élevés en captivité sont gardés à l’état semi-sauvage afin qu’ils ne perdent pas leurs instincts de chasseurs. Ailleurs – mais c’est bien plus triste – les chiens élevés dans le but de combattre sont « conservés à l’état presque sauvage » et « stimulés » en conséquence (il s’agit là bien sûr d’une pratique condamnée par la Loi mais l’homme étant ce qu’il est…).

 

     Le plus souvent toutefois, il s’agit d’actes involontaires qui concourent à relâcher dans la Nature des populations d’animaux domestiqués.

 

     On comprend, par exemple, que les guerres (et leurs ruines abandonnées) et d’une façon générale les troubles divers (les pandémies, il y a quelques siècles) contribuent à cette dissémination. De la même façon, les catastrophes naturelles, en faisant tomber les barrières érigées par l’Homme, autorisent cette diffusion : on cite souvent les poules de la Nouvelle-Orléans qui, à l’occasion du passage de l’ouragan Katrina, se sont échappées de leurs poulaillers ; on peut encore les voir voleter en grand nombre dans certaines rues de la ville aujourd’hui…

 

     Toutefois, le cas le plus fréquent est probablement l’insuffisance de surveillance des cheptels domestiques. Nombre d’animaux s’échappent de leur confinement d’élevage, à moins que plus simplement encore, ils soient importés volontairement ou non par l’Homme lui-même comme les chats ou les lapins en Australie. Ces « erreurs humaines » peuvent entraîner de véritables catastrophes : c’est le cas de ces saumons d’élevage en Norvège, échappés lors de tempêtes plus violentes que la moyenne, et qui, bien que peu adaptés à la vie sauvage, ont réussi par leur nombre à submerger et coloniser des rivières entières.

 

 

La domestication par l’Homme n’est pas irréversible

 

     La domestication – contrairement à ce que pensent bien des gens – n’a, au début, jamais eu un but utilitaire. Les hommes du néolithique ne pouvaient pas savoir que le mouflon deviendrait au fil des générations un mouton susceptible de leur donner de la laine pour se protéger du froid. De la même façon, impossible de prévoir que la vache donnerait bien plus de lait que n’en a besoin son veau… Le début de la domestication repose probablement sur le besoin que l’Homme a de « dominer » la Nature, de créer des situations nouvelles, de se lancer des défis. En domestiquant certains animaux, il n’a pas transformé la Nature : il l’a simplement adaptée, provisoirement, à ses besoins.

 

     Du fait, les attitudes instinctuelles des différents animaux sauvages ne disparaissent pas lorsqu’ils sont domestiqués par l’homme : tout au plus, peut-on parler d’une raréfaction des comportements sauvages. L’éthologue K. Lorenz expliquait que, en cas de domestication réussie, c’est le seuil de déclenchement du « comportement sauvage » qui est rehaussé : celui-ci ne disparaît pas mais a moins de chance de se produire dans un environnement protégé humain.

 

     Dans un monde qui, comme on le signalait, se réduit et s’interpénètre de plus en plus, quelle est la place laissée aujourd’hui à ces espèces nouvellement ensauvagées ? Elle suscite débats et controverses. D’aucuns sont tout bonnement furieux de voir des espèces quasi-nouvelles risquer de déstabiliser un peu plus le fragile équilibre de la nature : ceux-là, par exemple, pestent contre les chats « marrons » qui détruisent les oisillons chat-ensauvage.jpget les petits mammifères menaçant un peu plus encore la biodiversité (le chat en liberté est considéré comme nuisible en Nouvelle-Zélande). Les autres soutiennent qu’il s’agit comme à chaque fois de partager l’espace avec ces nouvelles espèces qui finiront, un jour ou l’autre, par devenir des espèces à part entière et ils défendent eux-aussi une biodiversité qui n’est pas tout à fait la même. La polémique est loin d’être close et chacun trouvera sa propre réponse.

 

 

 

 

Sources :

1. Wikipedia France

2. Science & Vie, n° 1157, février 2014

3. Encyclopediae Universalis

4. Encyclopediae Britannica

 

Images :

1. mustangs (sources : www.ac-grenoble.fr/)

2. chevaux sauvages ou mustangs (sources : www.chevauxmustang.com)

3. dingo (sources : www.qcm-de-culture-generale.com/)

4. le chat est bon chasseur (sources : www.linternaute.com)

 5. chiens sauvages : méfiance ! (sources : fr.123rf.com)

6. mouflons (sources : www.ladepeche.fr/)

7. Yorkshire : trop faible pour l'état sauvage (sources : fond-d-ecran-gratuit.org)

8. rapaces, jamais vraiment domestiqués; ici, un faucon  (sources : www.humanima.com)

9. le chat ensauvagé, encore ami ou déjà ennemi ? (sources : www.dinosauria.com) 

 (pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)

 

 

Mots-clés : film "the misfits", mustangs, domestication, mouflon de Corse, ouragan Katrina, marronage ou féralisation

(les mots en gris  renvoient à des sites d'information complémentaires)

 

 

 

Sujets apparentés sur le blog

 

1. l'agression

2. le rythme de l'évolution des espèces

3. domestication et Évolution

4. l'inné et l'acquis chez l'animal

5. superprédateurs et chaîne alimentaire

6. vie animale et colonisation humaine

 

 

 

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mise à jour : 13 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #divers

 

le faux miroir (Magritte 1922, musée d'art moderne de New-York)

 

 

Le troisième anniversaire de ce blog étant passé de quelques jours, il est temps de revenir, comme à l’accoutumée,  sur l’ensemble des sujets abordés sur ce blog en y incluant, bien sûr, les articles les plus récents. L’année dernière, j’avais proposé un classement thématique : je vais aujourd’hui chercher à composer – autant que faire se peut – un classement chronologique, c’est à dire sans tenir compte des différentes disciplines abordées. Il va de soi qu’il s’agit forcément d’une approche quelque peu arbitraire et si, d’aventure, certains lecteurs n’étaient pas en accord avec mon choix, qu’ils n’hésitent surtout pas à le faire savoir ! Pour ne pas se perdre avec des titres parfois lapidaires, chaque intitulé renverra au sujet correspondant au moyen d’un lien hypertexte et sera accompagné d’une phrase descriptive rudimentaire.

 

  

D’abord

 

big-bang 2 

les constituants de la matière : au début, la matière s’est créée mais, au fait, c’est quoi au juste la matière ?

Big Bang et origine de l'Univers : qu’est-ce que le Big Bang et est-on certain que tout a commencé ainsi ?

fond diffus cosmologique : retour sur l’observation physique qui conforta la théorie du Big Bang.

juste après le Big Bang : et si les trous noirs, lieux de destruction ultime, étaient aussi à l’origine de la création des galaxies ?

les premières galaxies : que s’est-il réellement passé peu après le Big Bang ? D’où proviennent les premières galaxies ?

 

 

 Ensuite

 

Ammonites.jpg

 

théorie de la relativité générale : grâce à Einstein, l’outil qui nous manquait pour décrypter l’Univers jusque dans ses recoins les plus lointains…

mécanique quantique : pour comprendre les lois qui régissent le monde de l’infiniment petit : hasard et probabilités…

matière noire et énergie sombre : lorsqu’on observe le ciel, peut-on voir toute la matière ? Certainement pas.

distances et durées des âges géologiques : l’Univers et si vaste et si âgé qu’il faut des exemples concrets à nos cerveaux limités pour interpréter (un peu) le temps et l’espace.

trous noirs : retour sur ces étranges objets qui échappent à la physique et à notre compréhension.

pulsars et quasars : ils se situent parmi les objets les plus mystérieux de l’Univers ; heureusement, aujourd’hui, on en sait un peu plus sur eux…

les galaxies : la nôtre, c’est la Voie lactée mais les autres ? Quels sont leurs aspects, comment se distribuent-elles et quelle est la place de notre galaxie dans ce grand ensemble ?

céphéides : les étoiles qui ont permis de mesurer l’Univers.

mort d'une étoile : les étoiles, comme toutes les structures de l’Univers, meurent aussi. Et c’est parfois cataclysmique.

étoiles doubles et systèmes multiples : des exceptions ou la règle commune ?

amas globulaires et traînards bleus : parfois, au sein de structures très anciennes, on découvre d’étonnantes jeunes étoiles. Explication.

météorites et autres bolides : une météorite géante est, croit-on, à l’origine de la disparition des dinosaures ; une catastrophe de ce genre pourrait-elle se reproduire aujourd’hui ?

la querelle sur l'âge de la Terre : elle opposa durant des décennies les plus grands scientifiques de la planète et c’était il n’y a pas si longtemps.

la dérive des continents ou tectonique des plaques : sans elle on ne peut pas comprendre l’histoire de notre planète et donc l’évolution des êtres vivants.

le schiste de Burgess : l’étude de fossiles très anciens qui a permis de mieux comprendre l’Évolution.

pour une définition de la Vie : la Vie sur Terre est vieille de plusieurs milliards d’années mais, au fait, c’est quoi la Vie ?

l'origine de la Vie sur Terre : ce fut long et laborieux mais on sait aujourd’hui quelles en furent les étapes vraisemblables.

les extinctions de masse : l’histoire de la Vie fut parsemée de catastrophes qui ont bien failli la faire disparaître.

l'empire des dinosaures : avoir régné si longtemps sur notre Terre pour disparaître si vite… Quelles ont été les raisons d’une telle domination sur le vivant ?

la disparition des dinosaures : retour plus précis sur la disparition des grands sauriens, il y a bien longtemps.

l'évolution est-elle irréversible ? Toutes les espèces vivantes évoluent selon la sélection naturelle mais ces transformations successives sont-elles irréversibles ? Verra-t-on renaître des animaux disparus ?

comportements animaux et évolution : parfois, l’évolution passe par des étapes difficiles à comprendre d’emblée mais il y a toujours une explication.

l'oeil, organe phare de l'évolution : difficile à comprendre en apparence, la création des organes visuels s’explique parfaitement bien par la théorie de l’Évolution.

reproduction sexuée et sélection naturelle : la reproduction sexuée semble s’opposer à la sélection naturelle mais, si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que c’est tout le contraire.

 

 

Maintenant

 

loup.jpg

 

astronomie et astrologie : séparées par deux lettres, il ne faut surtout pas les confondre…

place du Soleil dans la Galaxie : notre étoile brille au sein d’une galaxie comme il en existe des milliards mais où exactement ?

la Terre, centre du monde ? : non, la Terre n’est qu’une planète quelconque tournant autour d’une étoile banale mais comme ce fut difficile pour l’Homme de faire preuve d’humilité !

le hasard au centre de la Vie : et si, comme en physique quantique, le hasard était en biologie  plus présent qu’on le croit ?

indifférence de la Nature : la Nature n’est certainement pas ce que nous pensons qu’elle est. Elle a ses règles et ses limites.

insectes sociaux et comportements altruistes : contrairement à une idée reçue, dans la Nature, l’altruisme n’est presque toujours que la recherche d’un bénéfice secondaire.

la mort est-elle indispensable ? Réflexions sur la mort et le fait que la Nature aurait pu choisir une autre façon de traiter la matière vivante.

les mécanismes de l'évolution : l’évolution des êtres vivants suit des lois naturelles qui restèrent longtemps ignorées ; heureusement, il y a eu Darwin…

le rythme de l'évolution des espèces : bref résumé des idées actuelles sur le sujet.

évolution de l'Evolution : la science de l’Évolution n’est certainement pas quelque chose de figé.

l'agression : l’agression entre les espèces - où au sein d’entre elles - est-elle un phénomène naturel ?

le propre de l'Homme : l’Homme n’est qu’une espèce parmi toutes les autres. Peut-on définir quelles sont ses principales différences avec le reste du vivant ?

l'âme : on parle tout le temps de l’âme mais a-t-on la preuve de son existence ?

East Side Story, la trop belle histoire : on croyait avoir presque compris l’émergence de la lignée humaine. On se trompait.

le dernier ancêtre commun : et s’il était finalement impossible d’identifier l’ancêtre commun de tous les hommes ?

les humains du paléolithique : plusieurs espèces d’homo vécurent en même temps il y a « seulement » 30 000 ans mais une seule a survécu : la nôtre. En connait-on les raisons ?

Néandertal et Sapiens, une quête de la spiritualité : qui était notre cousin Néandertal ?

Edwin HUBBLE, le découvreur : retour sur la carrière de celui qui a permis de comprendre que notre galaxie, au sein d’un univers en expansion, se situait parmi des milliards d’autres.

l'énigme des taches solaires : depuis quelques années, les taches solaires sont moins présentes à la surface de notre étoile et on aimerait bien savoir pourquoi.

les canaux martiens (histoire d’une illusion collective) : évocation d’un conte romantique auquel tout le monde voulait croire mais qui ne reposait sur rien de concret.

grippe A (H1N1), inquiétudes et réalités : l’épidémie était inquiétante car inconnue. Si elle revenait, faudrait-il à nouveau s’alarmer ?

le vaccin de la grippe A (H1N1) : l’épidémie de grippe A est la première du genre, faut-il se faire vacciner et quels sont les sujets les plus à risque ?

retour sur la grippe A : l’épidémie n’a pas été aussi redoutable qu’attendue ; quelles sont les leçons à retenir pour l’avenir ?

les grandes pandémies : la grippe A nous l’a rappelé : nous ne sommes pas à l’abri d’une pandémie. Et dans le passé ?

vie extraterrestre (1) : rêve fou pour certains et terreur pour d’autres, une vie au-delà de la Terre est-elle possible ?

vie extraterrestre (2) : et si, de plus, on arrivait à calculer la probabilité d’un tel phénomène ?

médecines parallèles et dérives sectaires : entre médecines alternatives et charlatanisme, où se situe la limite ?

l'homéopathie : discipline géniale et injustement décriée ou simple effet placebo ?

la machination de Piltdown : la science est parfois victime de fausses allégations. En voici un exemple-type.

les mécanismes du cancer : maladie impitoyable, les cancers traduisent un dysfonctionnement de la cellule vivante. On aborde ici les principaux mécanismes permettant leur apparition.

cellules souches : incroyable espoir de guérison pour des millions d’êtres ou cauchemar eugénique ?

la mort du système solaire : comment, dans très longtemps, finira notre propre système solaire ?

évolution et créationnisme : les créationnistes sont-ils les ennemis de la science ?

intelligent design : dernière allégation des créationnistes, le « dessein intelligent » a-t-il fait la preuve de son intérêt scientifique ?

réponses aux créationnistes : pour ne pas tomber dans les pièges des faiseurs d’illusions.

la paléontologie du futur : combien de temps survivra notre héritage et comment prévenir nos lointains descendants (ou d’autres) des dangers enfouis ici ou là ?

 

 ... D'autres sujets sont, évidemment, à venir : à bientôt, donc !

 

 

Images

1. le faux miroir, tableau de René Magritte (sources : news.visitmonaco.com)    

2. vue d'artiste du Big Bang (sources: breakfastwithspanky.wordpress.com)  

3. une ammonite (sources :   www.asihs.org)

4. loup (sources :   www.st-andre.csvdc.qc.ca)

 

 

 

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Mise à jour : 6 mars 2023

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Publié le par cepheides
Publié dans : #éthologie

 

 

 dindon-parade-nuptiale.jpg

 

 

 

 

 

     Définir la part de l’inné et de l’acquis chez les êtres vivants : vaste programme aurait sûrement déclaré un personnage politique célèbre ! Il est vrai que le problème divise depuis toujours scientifiques, écrivains, philosophes, politiques, etc. et ce n’est certainement pas ici que l’on trouvera une réponse définitive… s’il en existe une. Ce qui ne doit pas nous empêcher de réfléchir sur la question et chercher à faire un point, même s’il ne peut être que partiel et provisoire…

 

     Pour cela, puisque ne se conçoit bien que ce qui s’énonce clairement, il nous faut d’abord définir ce que sont ces deux aspects, apparemment antagonistes mais en réalité complémentaires, de la plupart des formes de vie.

 

 

 

L’inné et l’acquis

 

        * l’inné : il s’agit d’un comportement qui se retrouve chez tous les individus d’une même espèce, comportement déterminé génétiquement et ne nécessitant pas d’apprentissage préalable. Jadis, on utilisait l’appellation de comportement instinctif qui veut dire la même chose.

 

         * l’acquis : à l’inverse, il s’agit là d’un comportement secondairement construit à partir d’informations, d’expériences et, d’une manière plus générale, d’un apprentissage. Ce comportement est emmagasiné dans la mémoire individuelle de l’individu et ne concerne que lui.

 

     Il paraît donc clair que le comportement d’un individu est un mélange de ces deux facteurs mais la question essentielle – qui fait toujours débat – reste : jusqu’à quel point ? Et quelles sont les parts respectives de l’un ou de l’autre…

 

 

 

Quelques exemples de comportements innés

 

     Observés depuis la nuit des temps mais singulièrement avec les débuts de l’éthologie (par Konrad Lorenz et Nikolaas Tinbergen dans les années 1930), les exemples de comportements innés sont légion : nous en sélectionnerons quelques uns pour illustrer ce propos.

 

 

          1. la parade nuptiale du canard colvert

 

     Pour séduire la femelle, le colvert use d’un ballet étrange pour qui n’en connait pas la signification : l’animal se jette hors de l’eau en sifflant, canard_colvert.jpgretombe en grognant puis se redresse en se raccourcissant avant de contempler sa future conquête ; il se met alors à nager autour d’elle, se dresse le plus qu’il le peut et lui présente les plumes de son arrière-tête avant de se baisser et de se redresser plusieurs fois tout en émettant d’étranges vocalises. Il est impératif que le canard mâle suive la procédure dans l’ordre précis, sans rien n’omettre, sinon la femelle ne lui attachera aucune importance…

 

     Tous les mâles intéressés par cette femelle suivront le même protocole, évidemment « instinctif ».

 

     Il existe des parades nuptiales, parfois fort compliquées, chez presque tous les animaux, depuis l’araignée jusqu’aux mammifères bien plus complexes comme le chien.

 

 

          2. la technique de construction des castors

 

     En dehors de l’Homme, le castor est probablement l’hydrographe animal le plus accompli. On sait que cet animal préfère de loin nager plutôt que se déplacer à terre : il va donc aménager des plans d’eau extrêmement élaborés, barrant des rivières par d’immenses digues (2 m de haut, plus decastor-construction.jpg cent mètres de long pour les castors américains) qu’il construit à l’aide de matériaux divers trouvés sur place (branches, pierres, boue) en n’omettant jamais de consolider son ouvrage en aval par des branches servant d’arcs-boutants, elles-même calées par de grosses pierres. Un processus compliqué s’il en est. On sait aussi qu’il apprécie parfaitement le poids des pièces de bois qu’il utilise : après avoir abattu un arbuste, il le débite en tronçons d’autant plus courts qu’ils sont larges de façon à en conserver le poids…

 

 

          3. l’épinoche

 

     L’épinoche est un petit poisson particulièrement bien étudié par l’éthologue Tibergen, déjà cité. Habituellement terne et nageant en bancs serrés, les mâles de cette espèce changent de couleur à l’approche du printemps : leur ventre devient rouge tandis que leur dos se pare d’une jolie couleur bleu-argenté. Ainsi transformé le poisson se met en quête d’un territoire où il construira un nid avec divers ingrédients, principalement des epinoche.jpgalgues. Dès lors, il défendra son territoire contre tous les intrus. Si l’un d’eux se présente, notre petit poisson se positionne tête en bas et fait mine de creuser. L’intrus est toujours là ? Il l’attaque sauvagement. C’est ainsi que Tibergen observa la scène suivante : il avait placé un aquarium contre une fenêtre et s’aperçut que, à la vision d’un camion postal rouge, le petit poisson entrait dans une rage absolue. Il comprit alors que c’était la couleur rouge (et non la forme ou l’éventuelle odeur) qui faisait réagir son petit pensionnaire. Il le démontra formellement en présentant au poisson des leurres : celui qui ressemblait parfaitement à un mâle épinoche mais sans coloration rouge était ignoré tandis que des leurres grossiers mais colorés en rouge entraînaient sa fureur…

 

 

          4. migration et hivernation

 

     A l’approche des frimas, certains animaux (notamment beaucoup d’oiseaux) migrent vers des cieux plus propices : ils retrouvent sans peine ces lieux plus cléments parfois très éloignés de leur villégiature d’été ; il s’agit à l’évidence d’un comportement génétiquement programmé et c’est le cas bien connu des hirondelles dont la sagesse populaire dit, lorsqu’elles reviennent,  « qu’une seule ne fait pas (encore) le printemps ».

 

     D’autres restent sur place, une migration leur étant impossible ou trop coûteuse en dépenses d’énergie. Ceux-là se préparent alors à l’hivernation qui consiste en un abaissement modéré de leur température corporelle (hypothermie) et d’une somnolence interrompue par de nombreux réveils (lorsqu’il existe une diminution très importante de la température interne de l’animal accompagnée d’une véritable léthargie, on parle alors d’hibernation).  Quel que soit le degré de léthargie, l’animal se prépare à l’épreuve du froid (sa fourrure ou son pelage s’étant épaissis à l’automne) en construisant un refuge souvent très élaboré tandis qu’il accumule des réserves de nourriture. C’est le cas bien connu de l’ours qui hiverne, n’interrompant pas tous ses mécanismes physiologiques (il peut donner naissance à des petits) tandis que la marmotte hiberne véritablement en ce sens qu’elle entre dans une profonde torpeur avec ralentissement de ses rythmes cardiaques et respiratoires et une température interne qui peut descendre jusqu’à 4°. Dans ce dernier cas, la marmotte a eu soin de construire son abri souterrain composé de pierres, de terre, de poils déglutis, etc., abri parfaitement clos – qu’on appelle hibernaculum – où plusieurs individus s’entassent bien serrés les uns contre les autres.

 

 

          5. la reconnaissance des oiseaux de proie

 

     Certaines espèces d’oiseaux reconnaissent immédiatement la silhouette d’un oiseau de proie planant dans le ciel SANS JAMAIS  l'avoir vu oiseau-de-proie.JPG auparavant (K. Lorenz) : cette information ne peut donc être transmise que par l’hérédité. Elle peut d’ailleurs rester cachée toute la vie de l’animal si ce dernier n’est jamais mis en présence de son prédateur. On comprend alors toute la difficulté de savoir ce qui revient à l’acquis ou à l’inné !

 

 

          6. d’autres exemples…

 

     … il en existe presque autant que d’espèces animales. J’ai déjà eu l’occasion d’en rapporter quelques uns dans un sujet précédent (voir comportements animaux et évolution) comme, par exemple, celui de la guêpe fouisseuse observée par l’entomologiste Fabre. Ici, la guêpe revient vers son trou avec sa proie mais, avant d’y pénétrer, abandonne sa victime et entre dans sa cache pour s’assurer que nul intrus n’y a pénétré. On déplace le butin de la guêpe de quelques cm et celle-ci n’a aucun problème pour le retrouver ; toutefois, elle recommence son manège de vérification de son trou comme si c’était la première fois et répétera ce manège autant de fois qu’on aura déplacé sa proie…

 

     De tels comportements sont innés, génétiquement transmis au fil des générations. C’est peut-être ce qui avait fait dire à René Descartes que les animaux (en tout cas dits « inférieurs ») ne sont que des mécaniques (il évoquait des « animaux-machines ») : erreur évidente car de nombreuses adaptations comportementales sont possibles et c’est bien là toute l’importance de l’acquis.

 

 

 

L’acquis tempère l’inné

 

     Plus un animal sera doté d’un système nerveux central développé, plus ses possibilités d’adaptation seront élevées ou, dit autrement, plus ses moyens de compléter l’inné seront importants : on parle alors d’apprentissage et on en distingue plusieurs formes :

 

 

   * le premier et le plus courant (au sein de la nature « sauvage » bien sûr) est la formule essais-erreurs. Confronté à un problème inopiné, l’individu va répondre au hasard : il ne retiendra que la procédure lui ayant permis d’atteindre son but et, parfois, il lui faudra bien des essais… mais, une fois le résultat obtenu, il conservera à titre individuel le « bon » moyen.

 

     On peut en rapprocher ce qu’on appelle l’accoutumance lorsqu’une situation se répète régulièrement. C’est, par exemple, le cas des pigeons qui viennent en masse dans un jardin public lorsqu’ils ont « compris » qu’une personne leur distribue à heure fixe de la nourriture.

 

 

   * l’imitation est un autre moyen qui concerne plutôt les individus disposant d’un système nerveux complexe comme les mammifères. Mais, même pour mésangedes animaux moins « développés neurologiquement » on peut se poser la question. L’éthologue américain Donald Griffin rapporte ainsi que les mésanges anglaises commencèrent dans les années 1930 à percer les capsules de bouteilles de lait abandonnées sur les pas de portes des maisons pour en boire le contenu. Comme il est peu probable que ce comportement se soit répété par hasard des milliers de fois, on peut facilement imaginer que certaines d’entre elles ont appris à imiter leurs congénères…

 

 

     *  l’apprentissage par empreinte

     Il s’agit ici d’une capacité d’acquisition rapide par un jeune qui s’attache à un individu précis. On parle alors d’imprégnation. Konrad Lorenz a pulorenz et ses oies montrer cet intéressant phénomène grâce à ses oies : il avait, en effet, remarqué, que les poussins s’attachent au premier objet mobile qu’ils voient à leur naissance (leur mère en principe, mais également un chien ou une simple balle de couleur). Dès lors, il entreprit d’être pour certaines de ses oies le « premier objet » visible par elles dès la naissance. L’image de l’éthologue suivi à la trace par toute une théorie de ces volatiles est restée célèbre…

 

 

     * le conditionnement

     Il y a en pareil cas le plus souvent intervention humaine : le dauphin qui fait des tours pour avoir une récompense ou l’animal de cirque qui « obéit » au dresseur en effectuant des exercices compliqués pour (hélas !) éviter le fouet…

 

 

     * le raisonnement

Il est à l’évidence réservé à l’Homme et à certains primates supérieurs puisqu’il faut marquer un temps d’arrêt et réfléchir afin de trouver la solution au problème posé. Nous y reviendrons ultérieurement.

 

 

 

L’acquis et l’inné s’interpénètrent… plus ou moins

 

     Konrad Lorenz fut accusé de faire une distinction trop franche entre inné et acquis : il faut dire qu’alors on ne comprenait guère de quelle façon un comportement pouvait être uniquement déterminé par des gènes. Il s’agissait là d’un mauvais procès car Lorenz était loin d’être aussi caricatural. Il s’en expliqua d’ailleurs longuement dans un livre paru en 1965 « essai sur le comportement animal et humain » (aux éditions du Seuil pour la version française) : il était persuadé qu’il existe à la fois des facteurs génétiques et environnementaux et qu’ils sont parfaitement intriqués. Pour cet éthologue, le comportement est adaptatif en ce sens que, face à un problème, l’animal « sait » ce qu’il convient de faire. Ce qu’il importe donc de connaître, c’est d’où vient l’information et là, d’après lui, il n’y a que deux possibilités : a. une acquisition au cours de la phylogénèse (on l’a déjà évoqué : il s’agit du développement des espèces), donc d’ordre génétique et régi par la sélection naturelle ou b. de l’ontogénèse (le développement de l’individu y compris dans l’œuf) donc apprise, notamment par l’apprentissage. Il ne voyait pas d’autre source d’information pour l’animal et on ne saurait lui donner tort.

 

     Reste qu’il est bien difficile d’apprécier la part de l’un et de l’autre chez un individu donné et c’est là toute la profondeur (et l’intensité) du débat entre inné et acquis car il est malaisé pour chacun d’entre nous de ne pas privilégier l’un ou l’autre… selon nos préférences philosophiques.

 

     Reposons-nous la question : peut-on appréhender les parts respectives de l’inné et de l’acquis chez un individu donné ? Il paraît impossible de répondre positivement tant il existe encore de zones d’ombre… Car, au fond, que sait-on vraiment d’un individu, d’une espèce ? Comment faire la part de l’apprentissage et du génétiquement transmis sinon à étudier en permanence les représentants d’une espèce animale bien définie durant toute leur existence et, bien sûr, en milieu dit « naturel » ? L’éthologie essaie de tenir ce pari presque impossible mais nous sommes encore loin du compte…

 

     On peut toutefois avancer quelques idées dont la première est qu’il semble que la part de l’acquis augmente (ou est susceptible d’augmenter) au fur et à mesure du développement cérébral de l’individu étudié. Il est certain qu’un apprentissage reste peu probable chez des êtres vivants élémentaires comme une paramécie ou un ver de terre (et encore ! Certaines études nous font douter d’une telle affirmation). En revanche, pour un système nerveux central plus complexe, la possibilité d’acquisitions comportementales nouvelles est certaine. Jusqu’à quel point ? Mystère. Du moins pour le moment…

 

     Comme le lecteur l’aura remarqué, nous n’avons pas encore évoqué le cas de l’Homme, notre cas. C’est que le cerveau humain est infiniment plus complexe que celui de la plupart des espèces animales que nous venons de citer. Plus complexe, certes, mais l’inné, chez nous, est également totalement présent. Dans quelle proportion ? Dans un prochain sujet, nous essaierons d’y voir un peu plus clair sur cette question… polémique s’il en est ! (voir le sujet : l'inné et l'acquis chez l'Homme)

 

  

Images

 

1.  la parade du dindon (sources : ca-photostyle.e-monsite.com)

2. canard colvert (sources : alpesoiseaux.free.fr)

3. barrage édifié par des castors (sources :/www.loup-ours-berger.org)

4. épinoche (sources : www.pescofi.com)

5. oiseau de proie (sources : fr.mongabay.com/travel/malaysia/)

6. mésange (sources :duboisyves.free.fr/)

7. Konrad Lorenz et ses oies (sources : lecerveau.mcgill.ca/)

 

 

 Mots-clés : apprentissage - Konrad Lorenz - Nikolaas tibergen - parade nuptiale - canard col-vert - castor - épinoche - hivernation - hibernation - Jean-Henri Fabre - René Descartes - Donald Griffin - mésanges anglaises - imprégnation en éthologie - phylogénèse - ontogénèse

 

 

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Publié dans : #Évolution
 
 
                                                           
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Stephen J. Gould (1841-2002)

 

  
 
 
     Les écrits de Stephen J. Gould furent pour moi une révélation : ce brillant paléontologue, géologue de formation, savait expliquer comme personne la paléontologie dont il était un des plus brillants représentants, sans jamais céder à la tentation de la caricature ou à la simplification. Pour paraphraser je ne sais plus qui, on avait, avec lui, l'impression d'être intelligent et de comprendre une science parfois un peu austère. Mais, au delà de cette remarquable faculté de vulgarisation, il permettait de réfléchir sur ce qu'est la science en général car, en sceptique qu'il était, il ne se contentait jamais de l'acquis et remettait sans cesse en question ce que l'on savait ou croyait savoir. Avec lui, la paléontologie était en perpétuelle mutation. J'en veux pour preuve son livre « Wonderful Life » (la vie est belle, 1989, traduit dans la collection Science, aux Editions du seuil).
 
     La trame de cet ouvrage est la suivante : au début du siècle dernier, en 1909, (cent ans déjà !) un paléontologue américain alors fort réputé puisque le chef de file incontesté de la paléontologie américaine, Charles Doolitle Walcott (1850-1927), mit au jour, au Canada britannique, un gisement d'animaux fossiles remontant au Cambrien, c'est-à-dire au tout début de l'apparition de la vie sur Terre (- 540 millions d'années) que, bien sûr, il chercha à interpréter. Ce gisement, appelé schiste de Burgess, mettait en évidence nombre d'animaux appartenant à des espèces n'ayant pas survécu à la sélection naturelle. Ce qui est passionnant est que Walcott les a catalogués comme des formes primitives, archaïques, dont la grande majorité aurait, selon lui, par la suite donné des descendants qualifiés de « modernes ». Or, et c'est là tout l'intérêt de l'histoire, dans les années 70, Harry Whittington (de l'université de Cambridge) et ses élèves ont réexaminé les travaux de Walcott et ont conclu à une faute d'interprétation de sa part, une faute en rapport avec des préjugés antiscientifiques principalement dus à l'approche religieuse de l'époque. Cette réinterprétation radicale (selon les termes de Gould) concernait non seulement la faune du schiste de Burgess mais, implicitement, l'histoire entière de la vie, y compris notre propre évolution.
 
 
 
 

« L'explosion » du Cambrien et les animaux du schiste de Burgess

 

     C'est à l'époque du Cambrien que se situe un épisode énorme de diversification avec la première apparition dans les archives fossiles d'animaux multicellulaires dotés de parties dures. Il est apparu à ce moment là – et en peu de temps – un nombre considérable de nouvelles espèces comme « venues du néant ». Aujourd'hui, beaucoup de fossiles antérieurs datant du Précambrien ont été découverts mais la prolifération soudaine du Cambrien reste en partie difficile à comprendre. Les animaux du schiste de Burgess (- 530 millions d'années) datent de peu de temps après. Incroyable coup de chance : le contexte particulier du schiste a permis de préserver les traces des parties molles de ces animaux, parties molles dont on sait qu'elles ne sont pratiquement jamais conservées (d'où les fossiles souvent assimilés à quelques os, voire à une ou deux dents). Or les parties molles, seules, permettent de comprendre la conformation et le degré de diversité des anciens animaux. Comme ils sont la seule grande faune d'animaux à corps mou de cette époque ancienne, les animaux du schiste de Burgess sont une sorte de témoins du moment où naquit la vie moderne dans toute son ampleur.

  

 

Stephen j Gould
animaux de la faune de Burgess


 

 

 L'interprétation de Walcott

 

 

 Charles Doolitle Walcott fut un des plus illustres paléontologues de son époque au point qu'il dirigea durant de nombreuses années le Smithsonian Institute de Washington, un des lieux les plus prestigieux de la discipline. Découvreur du site de Burgess, il chercha donc à interpréter, à l'aune des connaissances de l'époque, les étranges animaux découverts dans la couche de schiste (on pense que ces « habitants » d'un talus de boue situé à la base d'une haute muraille furent emportés lors d'un mini-tremblement de terre vers des bassins stagnants et dépourvus d'oxygène – et donc à l'abri de la décomposition et des charognards). Pour Walcott, suivant en cela les idées de son temps, il était impensable que ces animaux n'aient pas donné des « descendants » aussi est-ce la raison pour laquelle il chercha à les faire entrer de force dans des « moules », des « lignées » ayant conduit à la faune actuelle. En effet, Walcott pensait que l'Homme se situe au sommet de la hiérarchie animale, qu'il en est, en quelque sorte, le maillon évolutif ultime et que toute la chaîne de l'Evolution, depuis la première cellule procaryote, n'est qu'une longue marche vers le « progrès », une longue marche vers l'Homme. Selon cette analyse, forcément, les animaux de Burgess étaient donc des formes dites primitives ou archaïques des animaux contemporains.

 

 

 

Réinterprétation de la faune de Burgess

 

     Il aura fallu attendre des décennies pour repenser cette classification pour le moins arbitraire. Les fossiles réétudiés ont montré que la plupart d'entre eux n'ont donné aucun descendant dans aucune lignée actuelle bien que n'étant en aucune façon défavorisés fonctionnellement par rapport aux autres. Mieux, les solutions adaptatives apportées par certains de ces fossiles étaient tout à fait astucieuses et originales... Ces animaux anciens représentent, miraculeusement conservés, une étape de la Vie avec ses possibilités innombrables. Toutefois, puisqu'ils n'ont donné aucun descendant, il faut bien admettre l'intervention « d'extinctions » massives – et surtout aveugles – comme critères de sélection. C'est ce qu'ont cherché à établir les scientifiques qui ont réétudié ces fossiles, étude qui se poursuit toujours, puisque nombre d'entre eux n'ont pas encore pu être convenablement examinés.

 

 

 

 Au bout du compte, quelles leçons peut-on tirer de cette étude ?

 

 

     En premier lieu, une idée paraît acquise : les formes de vie décrites dans le schiste de Burgess ne sont en aucune manière archaïques et/ou primitives. Elles représentent simplement, non pas des impasses de l'évolution, mais bel et bien des lignées authentiques n'ayant pu fournir de descendance pour des raisons, certes inconnues, mais sans rapport avec leurs qualités intrinsèques.

 

     On peut avancer ensuite que la sélection naturelle a été dans ce cas « aveugle », ne retenant que certains au détriment d'autres sans qu'il existe  de raisons adaptatives spéciales, ce qui laisse supposer que cela a été également le cas lors des autres grandes extinctions massives : le hasard mais pas la nécessité... Il ne s'agit d'ailleurs pas en réalité d'un hasard au sens général du terme, mais de ce que Gould appelle « la contingence ». Autrement dit, s'il nous était possible de remonter de manière précise sur la réalité de ces extinctions, on trouverait une foule de « détails » dont l'accumulation logique conduit à la solution retenue par la Nature mais en sachant qu'une reprise au début des évènements étudiés conduirait à une autre solution évolutive... Il paraît en effet fort improbable que ces « détails » puissent se reproduire en nombre et en suite logique identiques ; chaque nouveau démarrage de l'histoire produirait une solution différente : l'Homme, de ce point de vue, est un accident historique. On peut donc dire que la contingence – c'est en tous cas ce que j'en comprends – est la résultante d'un mélange associant hasard (la solution retenue) et déterminisme (la suite des détails accidentels ayant conduit à l'état actuel), et que ce « mélange » finit par devenir une « chose en soi », la véritable essence de l'histoire.

 

     L'étude de la faune du schiste de Burgess a également permis de comprendre que la Vie, dès le début, était extraordinairement polymorphe, apportant presque d'emblée une multitude d'adaptations possibles au monde vivant. Par la suite, et en raison des extinctions massives (ce que certains nomment « décimations »), il s'est produit un appauvrissement des spécificités vivantes, appauvrissement que nous vivons encore aujourd'hui (surtout depuis l'apparition de l'Homme comme animal dominant).

 

     Dès lors, on comprend que rien n'est jamais écrit au départ et que, plus encore, l'orientation vers la survie des espèces qui ont conduit à l'émergence de l'Homme est du domaine de l'accidentel. Comme le dit Gould (c'est ce que j'évoquais ci-dessus), si on refaisait, à la manière d'un film, le chemin à l'envers, il est statistiquement certain que l'Evolution n'emprunterait pas le même chemin : des millions de probabilités différentes seraient qualifiées avant de (peut-être) en revenir au monde actuel. En somme, il n'existe pas de schéma évolutif particulier.

 

 

 

 

Glossaire

 

     * Schiste : un schiste est une roche métamorphique d'origine sédimentaire (souvent une argile) qui, sous l'action de la pression et de la température, a acquis un débit régulier en plans parallèles que l'on appelle plans de schistosité
     *
Cambrien : le Cambrien, qui s'étend de - 542 à - 488 millions d'années, est la première des six périodes du Paléozoïque (ou ère primaire)
     *
Cellule procaryote : cellule primitive qui ne contient ni noyau, ni organites par opposition aux cellules eucaryotes
     *
Contingence : la contingence est le pouvoir de se produire ou pas et donc le contraire de la nécessité.

  

 

 

Brêve : un petit ver marin, ancêtre des vertébrés

 

     C'est un petit squelette fossile de 5 cm, qui rappelle le ver ou l'anguille... Pikaïa gracilens, disparu depuis plus de 500 millions d'années, a pourtant une longue histoire et une grande postérité. Car en le décrivant pour la première fois, l'équipe des paléontologues canadiens Simon Conway Morris et Jean-Bernard Caron a prouvé qu'il était le plus primitif chordé connu : soit un membre du groupe dont sont issus tous les vertébrés, et donc... les mammifères ! Sa découverte remonte à 1911, dans les schistes de Burgess (Canada). Sommairement étudié, Pikaïa est alors classé avec les vers. L'hypothèse de son appartenance aux chordés n'est lancée que dans les années 70, sans réelle preuve. C'est désormais chose faite grâce au méticuleux travail de description effectué par les paléontologues canadiens. Ils ont mis en évidence sa bouche entourée de deux petits tentacules, entre 4 et 9 paires d'appendices un peu en dessous de sa tête, ainsi que l'existence de vaisseaux sanguins et de myomères - des faisceaux de muscles. Mais surtout, ils ont pointé la présence d'un tube neural et d'une "chorde", la structure cartilagineuse qui définit l'appartenance aux chordés. Des découvertes qui ouvrent de nouvelles pistes de réflexion sur le mode de vie et surtout sur l'origine de ce groupe fondamental pour comprendre les animaux actuels.

(in Science & Vie, n° 1136, p. 13, mai 2012)

 

 

Brêve 2 : nouvelles découvertes sur Hallucigénia sparsa

Avec ses longues épines dorsales, on dirait un personnage de l'univers des Pokémon. Mais Hallucigenia sparsa était un ver minuscule qui a vécu il y a 508 millions d'années. Une nouvelle étude canado-britannique vient d'élucider certains de ses mystères, chambardant le monde de la paléontologie.

 

«Nous avons découvert qu'Hallucigenia avait le pharynx tapissé de petites épines qui agissaient comme des dents pour le traitement de la nourriture», explique Martin Smith, de l'Université de Cambridge, qui, avec un collègue ontarien, publie dans la revue Nature une nouvelle analyse d'un fossile découvert il y a 100 ans dans les schistes de Burgess, dans les Rocheuses. «On pensait que ce type d'épines du pharynx était apparu plus tard dans l'évolution. Nos résultats montrent qu'elles étaient présentes dans les espèces qui sont les ancêtres d'une foule d'insectes et de crustacés.»

Hallucigenia, qui faisait environ un centimètre de longueur, a reçu son nom dans les années 70, quand un célèbre paléontologue britannique, Simon Conway Morris, a découvert que la classification initiale du fossile comme un simple ver était inexacte et qu'il avait des tentacules d'un côté du corps et des épines de l'autre. «C'était l'époque des drogues hallucinogènes, et Hallucigenia avait vraiment l'air sorti d'une hallucination», dit M. Smith.

Mais cette reclassification contenait elle aussi une erreur fondamentale: Conway Morris pensait qu'Hallucigenia marchait sur ses épines. Une nouvelle étude en 1991 a découvert que les tentacules dorsaux étaient en réalité des pieds.

La nouvelle étude canado-britannique ajoute la description de la tête d'Hallucigenia. «Personne n'avait jamais pu l'examiner, parce qu'elle est trop petite, dit M. Smith. On avait peur de la détruire en essayant de la dégager de la pierre.» Le fossile était conservé au Musée royal de l'Ontario à Toronto (ROM). Les schistes de Burgess sont l'un des sites les plus importants du monde pour les fossiles de l'«explosion du cambrien», une période d'une cinquantaine de millions d'années où la diversification de la vie, apparue sur Terre il y a 3,8 milliards d'années, s'est accélérée.

publié le 29 juin 2015 par Mathieu PERREAULT, La Presse (Canada)

 

 

 

Images:

 

1. Stephen J. Gould (sources :  www.stephenjaygould.org)

2. le mont Burgess et son lac (Canada, Colombie britannique)

3. les animaux du schiste de Burgess. Beaucoup de ces êtres n'ont donné aucun descendant actuel : ils étaient pourtant aussi bien armés que les autres, certains ayant même développé des solutions très originales. (source : maxicours.com)

4. la carte de la Terre au cambrien (sources : www.alex-bernardini.com/)

 

 

Mots-clés : Stephen J Gould - livre de Gould : "la vie est belle" - Charles Doolittle Walcott - cambrien - Harry Whittington - "explosion" du cambrien - extinctions de masse - sélection naturelle - contingence - hasard - déterminisme

(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)

 

 

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