Dans un sujet précédent, je cherchais à replacer notre Soleil dans le grand concert cosmique (voir sujet place du Soleil dans la Galaxie) et, comme on l'a vu, les étoiles (ou les « soleils ») de notre galaxie ne sont bien sûr pas organisés au hasard. Rappelons que, comme pour toutes les galaxies du même type, la nôtre est grossièrement divisée en deux parties : le disque qui contient approximativement les 2/3 des étoiles, plutôt jeunes, et le halo, c'est-à dire la partie sphéroïdale située en dehors du bulbe galactique renfermant surtout des étoiles âgées (et où se trouve d'ailleurs notre Soleil, plus précisément dans un des bras annexes de cet ensemble, le bras d'Orion). Afin d'être un peu plus complet, j'aimerais revenir aujourd'hui sur l'organisation plus particulière de certaines étoiles : les amas globulaires.
Il existe deux types d'amas globulaires : les amas globulaires proprement dits et les amas ouverts.
généralités
Un amas globulaire est un conglomérat d'étoiles toutes liées entre elles par les forces de gravitation et qui ont été formées dans des conditions identiques durant un laps de temps assez court (d'un point de vue astronomique, cela va sans dire) : ces étoiles évoluent donc de la même manière. Les amas globulaires sont des systèmes sphériques assez denses qui contiennent de quelques milliers à quelques centaines de milliers d'étoiles, le centre de l'amas en contenant la plus grande concentration. On y trouve surtout des étoiles âgées.
A l'inverse, les amas dits « ouverts » (qu'on appelle aussi amas galactiques), à l'exemple de celui des Pléiades, sont bien moins riches en étoiles et on n'y retrouve pas de centre identifiable : de formes irrégulières, tous situés dans le plan galactique, on en connaît environ un millier (mais ils sont très certainement beaucoup plus nombreux). Ces amas ouverts sont en fait de petits groupes d'étoiles jeunes mais ce n'est pas cette organisation d'étoiles qui nous intéresse aujourd'hui. Revenons donc sur le premier type stellaire d'amas.
les amas globulaires
Ces groupes particuliers d'étoiles se distribuent principalement, on l'a dit, autour du centre de la Galaxie (dans le halo), grossièrement selon une sphère, mais pas seulement puisque on a pu mettre en évidence la présence de certains de ces amas autour des galaxies satellites de la nôtre comme les nuages de Magellan et également autour de notre plus proche voisine, la grande galaxie d'Andromède M31. Le calcul de la vélocité radiale de la plupart des amas globulaires montre qu'ils se déplacent selon des orbites elliptiques excentrées qui les entraînent loin de la Galaxie et qui peuvent atteindre jusqu'à 100 000 al, bien plus que les dimensions du disque galactique. Ils contiennent beaucoup d'étoiles variables (céphéides) dont le nombre varie d'ailleurs selon les amas mais également de nombreuses naines blanches, voire des étoiles à neutrons dont certaines sont des pulsars (voir glossaire). Ce qui est passionnant c'est que, à l'exemple de l'amas d'Hercule M13, ces formations d'étoiles datent du tout début de la Galaxie et sont, en quelque sorte, les témoins des premiers temps de sa formation. Ces amas sont généralement massifs puisque composés de centaines de milliers (voire millions) d'étoiles, étoiles qui, de par leur origine, sont forcément toutes très âgées et donnent à l'ensemble une teinte tirant sur le rouge. Toutes ? Pas vraiment puisqu'on a la surprise d'y rencontrer quelques géantes bleues, donc jeunes, plutôt situées dans leurs centres. Comment cela est-il possible puisque l'on vient de voir que ces amas globulaires sont vieux (par exemple, pour l'un d'entre eux appelé M3, on a calculé qu'il était âgé de 6,5 milliards d'années) et que le temps écoulé depuis leur formation est suffisant pour que certaines étoiles aient pu parcourir tout le cycle de l'évolution stellaire et se retrouver à l'état de naines blanches. Que viennent faire ces jeunes géantes bleues dans le modèle ?
les traînards bleus
On vient de voir que les amas globulaires sont vieux, très vieux : la plupart ont vu la naissance de l'Univers ou peu s'en faut, c'est à dire il y a 12 à 13 milliards d'années (voir nota 1). Les géantes bleues que l'on vient d'évoquer font donc quelque peu désordre : en fait, ces étoiles (découvertes par Alan Sandage en 1953) qu'on appelle des « traînards bleus » (sic) sont probablement formés à partir de la fusion de vieilles étoiles et cela sous l'effet des remaniements des forces de liaison. Expliquons nous : ces amas se trouvent à proximité de la Galaxie, masse énorme de dizaines de milliards d'étoiles, qui exerce sur eux une attraction considérable grandissant d'autant plus qu'ils s'approchent d'elle. De ce fait, la force d'attraction galactique peut augmenter jusqu'à dépasser les forces de liaison des étoiles de l'amas entre elles. Un certain nombre de ces étoiles sont alors « aspirées » vers la Galaxie. Toutefois, un phénomène de compensation se produit alors par l'intermédiaire d'étoiles binaires (voir glossaire) nouvellement formées ou renforcées qui consolident les liaisons internes de l'amas ce qui lui permet de garder sa cohésion (nota 2).
On comprend donc que, chaque fois qu'un amas globulaire s'approche un peu trop de la Galaxie (par exemple lorsqu'il se trouve à proximité de l'extrémité d'un des bras galactiques), il perd un certain nombre d'étoiles... au point, au bout d'un certain nombre de rotations, de se voir complètement démembré. On estime que, depuis le Big Bang, la moitié d'entre eux a déjà été « réabsorbée » par leur gigantesque voisine. Certains d'entre eux – comme Palomar 13 – en sont au stade ultime et on peut penser que ce sont leurs derniers passages autour de la Galaxie, leurs étoiles ayant été pour l'essentiel déjà dispersées.
On voit donc que, à l'échelle cosmique également, la Vie (traînards bleus) peut naître de la mort, même si, au bout du compte, il s'agit d'un combat perdu d'avance...
Je ne saurais terminer ce bref sujet sur les amas globulaires sans préciser qu'ils ont fourni un grand tribut à l'astronomie contemporaine : ce sont eux qui ont permis de valider le diagramme de Hertzsprung-Russel qui permet de classer les étoiles ou plus précisément de répartir statistiquement leurs âges : c'est avec cette classification qu'on peut estimer que notre Soleil est à la moitié de son existence tandis que d'autres étoiles (je pense à Antarès) sont sur le point de terminer la leur.
Ce sont aussi les amas globulaires qui servent d'indicateurs de distance en cosmologie et eux encore qui ont permis de démontrer que le Soleil – on y revient - est situé en lointaine banlieue de la Galaxie (En 1919, Shapley a démontré que la répartition des amas globulaires n'est pas uniforme dans le ciel puisque leur concentration est plus importante dans la direction du Sagittaire; comme cette répartition ne peut être, comme on l'a déjà dit, que sphérique dans la Galaxie, cette irrégularité apparente ne peut s'expliquer que parce que le Soleil est loin du centre de la Galaxie. On sait à présent qu'il s'en situe à environ 10 000 al alors que le rayon de la Voie Lactée est d'environ 15 000 parsecs (soit 50 000 al).
Nota 1 : de nouvelles observations de Hubble confirment un Univers âgé de 13 à 14 milliards d'années. En auscultant l'amas globulaire M4, à 7000 années-lumière du Soleil dans la constellation du Scorpion, les astronomes ont détecté en 2002 les étoiles les plus vieilles de l'Univers, des naines blanches de magnitude 30 dont on a pu déterminer la température et l'âge. Ces étoiles sont âgées de 12 à 13 milliards d'années. Des modèles du cycle de la vie des étoiles soutiennent que ces premiers astres se sont formés 1 milliard d'années après le Big-Bang. Du coup, l'Univers serait âgé de 13 à 14 milliards d'années. (sources : futura-sciences.com)
Nota 2 : les énergies de liaison de certaines binaires peuvent être supérieures à celles de l'amas tout entier : cette énergie peut donc s'opposer efficacement au phénomène de collapse dû au stimulus gravitationnel. On parle alors de système autogravitant, c'est-à-dire un système qui subit un effet inverse à un système thermodynamique classique qui voit sa température augmenter lorsqu'on lui fournit de l'énergie : la dispersion des vitesses des éléments qui le composent, l'analogue de la température, augmente lorsque son énergie totale diminue.
Glossaire (in Wikipedia France)
* étoile binaire : en astronomie, une étoile binaire se compose de deux étoiles orbitant autour de leur centre de gravité commun.
* naine blanche : résidu d'une étoile éteinte, c'est l'avant-dernière phase de l'évolution des étoiles dont la masse est comprise entre 0,8 et 8 fois celle du Soleil.
* étoile à neutrons : c'est le résultat de l'effondrement d'une étoile massive sous l'effet de sa propre gravité, lorsqu'elle a épuisé tout son combustible nucléaire. Selon la masse du noyau qui s'effondre, il se forme, par ordre croissant de masse, soit une naine blanche, soit une étoile à neutrons, soit un trou noir. La libération d'énergie qui en résulte produit une supernova de type II, Ib ou Ic.
* pulsar : nom donné à une étoile à neutrons, tournant très rapidement sur elle-même (période typique de l'ordre de la seconde, voire beaucoup moins pour les pulsars milliseconde) et, émettant un fort rayonnement électromagnétique dans la direction de son axe magnétique. Le nom de pulsar vient de ce que lors de leur découverte, ces objets ont dans un premier temps été interprétés comme étant des étoiles variables sujettes à des pulsations très rapides. Pulsar étant l'abréviation de pulsating radio source (source radio pulsante), cette hypothèse s'est rapidement avérée incorrecte, mais le nom leur est malgré tout resté.
Images
1. amas globulaire fermé (sources : wwwlapp.in2p3.fr)
2. amas globulaire ngc 1850b (sources : http://spt06.chez-alice.fr/amas.htm)
3. amas globulaire M13(sources : fr.wikipedia.org/wiki/)
Compléments
En juillet dernier (2008), l'origine des amas globulaires a été dévoilée par la plus grosse simulation de galaxies jamais réalisée ce qui a permis de retracer l'histoire de ces zones de forte densité stellaire. Lors de la collision de deux galaxies spirales, les nuages de gaz qu'elles contiennent entrent en collision. Leur pression est telle qu'elle provoque une flambée de formations stellaires. Toutes ces étoiles restent alors concentrées dans la grande banlieue des galaxies, donnant naissance aux amas globulaires.
(Science & Vie, n° 1092, sept. 2008)
Brève : l'origine des traînardes bleues
... le seul moyen pour une étoile de se regénérer est de gagner du poids. Restait à savoir d'où provenait cette matière revivifiante. Les théoriciens avaient établi deux scénarios possibles. Soit un choc entre deux étoiles les fait fusionner. Elles forment alors une étoile deux fois plus massive, qui paraît donc plus jeune. Soit les traînardes bleues sont issues de systèmes binaires, c'est-à-dire de couples d'étoiles tournant l'une autour de l'autre. Lorsque l'une d'elles commence à vieillir, son enveloppe d'hydrogène et d'hélium se dilate et elle se rapproche dangereusement de sa partenaire. Jusqu'au moment où celle-ci, par gravité, aspire la matière de l'enveloppe et ainsi se regénère au détriment de la première.
Pour départager les deux hypothèses, les chercheurs ont donc compté le nombre de blue stragglers de plusieurs amas. Ils ont alors observé qu'il est fortement corrélé au nombre théorique de systèmes binaires qu'ils contiennent tandis qu'il est sans rapport avec les probabilités de collisions.
(Science & Vie, 1098, mars 2009)
Mots-clés : amas fermés - amas ouverts - trainards (ou trainardes) bleu(e)s - nuages de Magellan - galaxie d'Andromède - céphéides - géantes bleues - Alan Sondage - diagramme de Hertzsprung-Russel - distances galactiques - étoiles binaires - pulsars - Harlow Shapley
(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)
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Mise à jour : 28 mars 2023