Après avoir publié son article sur la relativité restreinte en 1905, Albert Einstein récidiva dix ans plus tard en étendant ses équations à l’ensemble de l’Univers (voir sujet : théorie de la relativité générale). Dès lors, le cosmos qui nous entoure devenait intelligible. C’était une véritable révolution d’autant qu’il faut se rappeler que, à l’époque où il fit part de sa théorie, notre « Univers » se cantonnait pour les scientifiques à la seule Voie lactée, notre galaxie, puisque l’on croyait que rien n’existait en dehors d’elle… Il faudra en effet attendre les travaux de Hubble (basés sur ceux d’Henrietta Leavitt à propos des étoiles céphéides) en 1925 pour comprendre que l’Univers est beaucoup, beaucoup plus vaste puisque des galaxies comme la nôtre, il en existe des milliards…
Les scientifiques découvraient donc un Univers immense, peut-être infini, où la gravitation – grâce à Einstein – devenait enfin compréhensible. Toutefois, cet extraordinaire génie croyait à un univers statique, homogène et isotrope. Évoquons tout d’abord les deux derniers termes : ceux-ci veulent dire que quels que soient la direction et l’éloignement observés, la structure de l’Univers reste la même et que les vitesses (dites de récession par rapport à nous) des objets qu’il contient (à l’exception de notre « groupe local » décrit dans le sujet précédent) sont identiques quel que soit l’endroit où a lieu l’observation. Ce qui fut effectivement confirmé. Toutefois, pour des raisons restées plutôt mystérieuses (philosophiques ? Religieuses ?), Einstein avait conclu à un univers statique et fini, c'est-à-dire toujours de la même taille. Pour cela, compte tenu de ses calculs, il lui fallait ajouter une force susceptible de s’opposer à la gravitation (qui attire les objets entre eux), en l’occurrence une force dite répulsive (qui, au contraire, éloignerait ces mêmes objets). Il la nomma « constante cosmologique » et l’introduisit dans ses équations. Cependant, pour que son modèle réponde effectivement à un Univers statique, il lui donna une valeur exactement égale à celle des forces de gravitation. On sait aujourd’hui que cette proposition est fausse. Einstein, par la suite, affirma que « ce fut la plus grande erreur de sa vie ». On lui pardonne aisément… d’autant que cette constante cosmologique revient actuellement en état de grâce (mais quelque peu différente) comme on va le voir par la suite.
Observation de l’expansion de l’Univers
L’univers est donc plutôt en expansion mais en expansion comment ? En réalité, les scientifiques qui s’étaient attelés à la lourde tâche d’évaluer sa dynamique croyaient que son accroissement devait forcément se ralentir. Brian Schmidt, (prix Nobel en 2011 pour ses travaux entrepris avec son collègue Adam Riess) pensait comme la majorité des scientifiques d’alors que les forces de gravitation qui attirent les éléments massifs ne pouvaient que ralentir cette expansion. Leurs doutes portaient en réalité sur la question suivante : cette expansion bien que progressivement ralentie allait-elle être infinie ou bien le processus allait-il s’inverser pour aboutir à un repli sur lui-même en un décalque inversé du Big bang appelé Big crunch ?
Leurs travaux portaient sur une variété bien particulière de supernovas (voir sujet : novas et supernovas) constituées à partir de naines blanches (voir sujet : mort d’une étoile). Ces naines blanches sont des étoiles en fin de vie qui se contractent sous l’effet de la gravitation jusqu’à atteindre la taille d’une simple planète mais, fait remarquable, lorsque leur masse est voisine de 1,4 fois celle du Soleil, elles explosent en quelques secondes en produisant une réaction thermonucléaire gigantesque (supernova) extraordinairement lumineuse et visible de fort loin… Or ces explosions sont toujours identiques quelles que soient les distances d’où on les voit : ce sont de véritables témoins éparpillés dans le cosmos dont on peut calculer la distance… et permettre ainsi l’évaluation de l’expansion de l’Univers dans son ensemble.
Schmidt fit donc ses calculs… les refit et les refit encore avec toujours le même résultat, incroyable pour l’époque : non seulement la vitesse d’expansion de l’Univers n’allait pas en ralentissant mais, bien au contraire, s’accélérait sans cesse. Énorme émoi dans le Landerneau astronomique pour une raison évidente : si les forces de gravitation n’arrivent pas à ralentir comme prévu cette expansion, c’est que « quelque chose », une force répulsive, les contrecarre. Mais quoi ?
Matière noire et énergie sombre
En définitive, il existe bien une « constante cosmologique » mais un peu différente de celle imaginée par Einstein puisqu’elle s’oppose si bien aux forces gravitationnelles qu’elle en augmente la vitesse d’expansion totale de l’Univers. Cette mystérieuse force, à ce jour encore inconnue, représente environ 73% de l’énergie de l’Univers. Puisqu’on n’en connaît pas encore la nature, on l’a appelée énergie sombre (voir le sujet : matière noire et énergie sombre). Les éventuels candidats responsables de cette forme particulière (et dominante) d’énergie ont été passés au crible mais sans que l’un quelconque d’entre eux n’emporte la conviction. Bref, on ne sait toujours pas ce qu’il en est. Une chose est sûre : le fait que la seule matière connue (celle dont sont composés nos galaxies et tous les objets observables) ne représente que 4% de l’ensemble (pour 23% de matière noire et 73% d’énergie sombre) ne peut que nous laisser sur notre faim…
Nouvelles méthodes d’évaluation de l’expansion de l’Univers
On a vu que la principale méthode d’étude de cette expansion (et donc le moyen d’évaluer directement l’action de l’énergie sombre) est celle qui concerne les supernovas. D’autres preuves indirectes existent se fondant notamment sur la mesure du fonds diffus cosmologique (voir le sujet : fonds diffus cosmologique), c'est-à-dire l’étude de la carte résultant du tout premier rayonnement de l’Univers, vers 380 000 ans après le Big bang. Que montre cette étude ? Que l’Univers possède une courbure liée à la gravitation qui est très faible. En d’autres termes, l’Univers est pratiquement plat ce qui n’est possible que si toute la matière qu’il contient (visible ou invisible comme la matière noire) représente environ 25%, l’énergie sombre s’inscrivant pour 75% du total. On retombe sur les chiffres donnés par la première méthode des supernovas…
Très récemment, une autre approche a été tentée : la mesure des oscillations baryoniques, approche qui arrive au même résultat. De quoi s’agit-il cette fois-ci ? Il s’agit de mesurer les ondes sonores du tout jeune univers, un phénomène qui a dessiné de petites rides dans la répartition de la matière. Ces rides augmentent avec l’expansion à la manière de lignes qui s’étirent progressivement : on peut les mesurer à différentes époques et les résultats, assez précis, donnent la même réponse…
L’Univers est bien en expansion
On peut donc retenir cette incontestable conclusion : l’Univers est en expansion et celle-ci s’accélère. De plus, nous ne connaissons vraiment que 4% des acteurs de cette expansion, les 96% restants nous étant donc encore inconnus. C’est le modèle cosmologique standard actuellement retenu par les scientifiques et il semble parfaitement cohérent.
Les scientifiques poursuivent donc leurs études, d’autres techniques étant même exploitées : nouvelles mesures d’approche depuis le sol mais également à partir de plusieurs projets spatiaux. Elles ne feront probablement que confirmer ce que l’on sait déjà mais expliqueront-elles pour autant ce que sont ces fameuses forces inconnues ?
L’énergie sombre est la clé de l’explication
On ne sait pas ce d’où provient cette énergie, nous l’avons déjà dit, mais il est quasi certain qu’elle existe bien. Quelle est son action réelle ? Certaines observations semblent indiquer que l’expansion de l’Univers se serait accélérée il y a 6 milliards d’années (satellite Chandra en 2004) tandis que – rien n’est jamais simple – d’autres prétendent le contraire (satellite européen XMM-Newton). Il faudra donc encore attendre sur ce point.
Aux yeux de certains, cette question pourrait paraître anecdotique : il n’en est rien car, selon la réponse, trois scénarios peuvent être retenus pour l’avenir de l’Univers dans lequel nous vivons :
. si l’énergie sombre continue à dominer les forces de gravitation, l’expansion s’accélérera et les objets lointains qui ne sont pas liés par les forces de gravitation continueront à s’éloigner les uns des autres à grande vitesse. En pareil cas, d’immenses parties de l’Univers actuellement encore visibles disparaitront de notre champ de vision ce qui rétrécira considérablement nos possibilités d’observation. On peut également penser que l’énergie sombre continuant d’augmenter avec le temps, toute la matière de l’Univers finira par se diluer jusqu’au dernier de ses atomes, laissant un Univers vide et infini : on appelle ce modèle le « Big Rip » ;
. si la densité de l’énergie sombre n’augmente pas (ou très peu) tout restera à peu près en l’état. Notre Galaxie restera la même tandis que tous les autres amas galactiques s’éloigneront constamment ;
. enfin l’énergie sombre peut finir par se diluer avec le temps et même peut-être s’inverser. Les forces gravitationnelles pourraient alors reprendre le dessus et provoquer la contraction de l’Univers pour arriver au Big crunch déjà évoqué, en une sorte de gigantesque balancier cosmique. En l’état actuel de nos connaissances, c’est le scénario le moins probable.
Il reste donc bien des inconnues et de nombreuses interrogations. Il est certain que connaître la nature exacte de l’énergie sombre permettrait aux chercheurs de se faire une idée plus précise de l’avenir prévisible à très long terme. La solution de cette énigme est peut-être toute proche ou, au contraire, totalement hors de notre portée (comme c’est précis !). Nul ne le sait aujourd’hui. Consolons-nous en nous disant que, en moins d’un siècle, l’astronomie a fait d’extraordinaires progrès dans la compréhension de l’endroit parfois si étrange où nous vivons, même si ces nouvelles et remarquables connaissances posent souvent autant de questions qu’elles ne nous donnent de réponses…
Sources :
. la Recherche, n° 466, juillet-août 2012
. Wikipedia France
Images
1. que sont matière noire et énergie sombre ? (sources : lhcvhm.e-monsite.com)
2. l'amas Abell 1689 (sources : futura-sciences.com)
3. Brian Schmidt (sources : fr.wikipedia.org/wiki/Brian_P._Schmidt)
4. répartition des acteurs de l'Univers (source : thescientist.over-blog.net)
5. fonds diffus cosmologique (source : aither06.free.fr)
6. le Big rip (sources : www.leonardoscienze.it)
(pour en lire les légendes, passer le pointeur de la souris sur les illustrations)
Mots-clés : relativité générale - Edwin Hubble - céphéides - constante cosmologique - Brian Schmidt - supernova - naine blanche - matière noire - énergie sombre - fonds diffus cosmologique - Big bang - modèle cosmologique standard - Big rip - Big crunch
(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)
Brève : quelle est la taille de l'Univers ?
La réponse à cette question est on ne peut plus simple : les cosmologistes n'en ont pas la moindre idée ! Ce qui peut sembler étonnant dans la mesure où la théorie de la relativité générale permet de décrire l'évolution de l'Univers entier depuis sa naissance. Sauf que la théorie est peu diserte en ce qui concerne les propriétés géométriques du cosmos. Même nourrie des observations les plus précises, elle n'est fianalement capable de se prononcer que sur une chose : la courbure de l'Univers, qui serait nulle. Ce qui veut simplement dire que si l'on prend trois points de l'espace-temps, on obtient un objet plat - un triangle, et non une pyramide.
Cette donnée ne suffit pas à déterminer la taille de l'Univers qui, selon les lois de la topologie (l'étude des déformations spatiales), pourrait aussi bien être finie qu'infinie. Sachant que, d'après la théorie de l'inflation qui complète depuis 30 ans le modèle du Big bang, le cosmos aurait connu une période d'expansion brutale dans ses premiers instants et pourrait être devenu aujourd'hui infiniment grand.
Au sein de ce cosmos aux frontières si floues, il existe une "bulle" dont la taille est toutefois connue : l'Univers observable. Soit sa partie visible qui englobe tous les points de l'espace sufisamment proches de nous pour avoir eu le temps de nous faire parvenir leur lumière.
Les confins du cosmos ne cessent de s'éloigner
Pour mesurer sa taille, faisons un rapide calcul. Aucune particule de lumière n'a pu voyager plus longtemps que l'âge de l'Univers (estimé à 13,8 milliards d'années), et celles qui ont voyagé tout ce temps avant de nous parvenir proviennent fatalement des régions les plus lointaines que nous puissions voir de puis la Terre. La taille de cet univers observable est donc de 13,8 milliards d'années-lumière, serait-on tenté de répondre... Pas si simple. Car à cause du phénomène d'expansion de l'Univers, le lieu d'origine de ce particules s'est éloigné de nous en même temps que ces dernières se propageaient dans notre direction. D'après le modèle cosmologique en vigueur, ses confins se situeraient en fait aujourd'hui à 45 milliards d'années-lumères, faisant de l'Univers observable une sphère centrée sur la Terre de 45 milliards d'années-lumière de rayon - soit 450 000 milliards de milliards de kilomètres.
Mais la taille de cette partie visible, pas plus que les observations au sein de cette gignatesque sphère cosmique, ne renseigne sur les proportions de l'ensemble, ni sur l'existence d'une éventuelle frontière... La taille de l'Univers pris dans son intégralité va donc bien au delà. Aussi floue soit-elle, c'est la réponse la plus précise qu'il est aujourd'hui possible d'apporter à cette vielle interrogation. M.G
(revue Science & Vie, 1157, février 2014)
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mise à jour : 12 mars 2023