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Le blog de cepheides

Le blog de cepheides

articles de vulgarisation en astronomie et sur la théorie de l'Évolution

Publié le par Céphéides
Publié dans : #astronomie

     

Bételgeuse

 

 

     Comme nous avons eu souvent l’occasion de l’écrire ici, notre Soleil est une naine jaune de type G2-V, G2 signifiant qu’elle est un peu plus chaude que la moyenne des étoiles de sa catégorie tandis que V (prononcer cinq) veut simplement dire que le Soleil se situe au centre de la séquence principale du diagramme de

Hertzsprung - Russell qui répertorie la vie des étoiles. 

 

diagramme de Hertzsprung-Russell

En somme une étoile assez commune comme il en existe des milliards (environ 13% des 180 milliards d’étoiles de la seule Voie lactée). Des étoiles plus grosses que la notre existent mais elles sont bien plus rares.

 

     Le Soleil aura une fin de vie assez extraordinaire dans environ 5 milliards d’années lorsqu’il aura épuisé sa réserve d’hydrogène qui lui sert de carburant. À cette époque lointaine, il commencera à se contracter sur lui-même entraînant de nouvelles réactions de fusion qui l’amèneront à gonfler démesurément jusqu’à environ l’orbite de la Terre (qui, certes carbonisée, continuera d’exister car repoussée vers la périphérie par le phénomène). Le Soleil sera devenu une géante rouge. Rouge car en gonflant l’étoile perdra de la chaleur en rencontrant le froid de l’espace. Seul, en son centre, subsistera un cadavre minuscule sous la forme d’une naine blanche tandis que l’enveloppe externe se dispersera progressivement.

 

     Les étoiles plus grosses que le Soleil subissent, du moins au début, une évolution voisine.

 

 

LES SUPERGEANTES ROUGES

 

     Les étoiles dont la masse se situe entre 10 et 40 masses solaires (MS) sont des géantes bleues dont la principale caractéristique est d’avoir une durée de vie très courte (en termes astronomiques), de l’ordre de 10 à 100 millions d’années. Certes, elles possèdent au début une quantité d’hydrogène très supérieure à leurs voisines plus petites mais leur taille les amène à consommer cet hydrogène infiniment plus rapidement. Elles se transforment lors de leur fin de vie en supergéantes rouges, puis, leur carburant totalement consommé, elles explosent en supernovas. Leur cœur s’effondre et peut évoluer selon deux schémas suivant leur taille : en étoiles à neutrons pour les moins géantes (jusqu’à environ 30 MS) et pour les plus grosses en trous noirs.

 

     Une caractéristique importante de ces supergéantes rouges est qu’elles génèrent un fort vent stellaire qui leur fait perdre énormément de matière.

vents stellaires de l'étoile WR 124

Citons, par exemple, VY Canis Majoris, une supergéante rouge bien connue, qui perd chaque année 6 X 10-4 masse solaire. On estime qu’elle aurait déjà perdu 30% de la masse qu’elle possédait lorsqu’elle était encore une géante bleue.

 

     Ajoutons que nous ne savons certainement pas tout sur le devenir de ce type d’étoiles : les scientifiques ont pu mettre en évidence des « retours en arrière » pour certaines d’entre elles. Ainsi a-t-on décrit des supergéantes rouges qui, alors qu’on les pensait à l’agonie, sont repassées au stade de géantes bleues… qui se sont ensuite remises à évoluer en supergéantes rouges… ou non. En effet, certaines de ces étoiles ayant retrouvé une étrange jeunesse ont soudain explosé au stade de géante bleue, voire même au stade intermédiaire de supergéante jaune. Où se situe réellement Bételgeuse dans ce contexte compliqué ?

 

 

LA SUPERGEANTE ROUGE BETELGEUSE

 

     Bételgeuse (α Orionis) est une étoile singulière dans la mesure où, de tout temps, elle a été connue car, après Antarès, elle est la deuxième supergéante rouge la plus proche du système solaire. Sauf que Antarès est voisine du centre

constellation d'Orion

galactique et qu’elle est donc entourée de nombreuses étoiles ce qui rend sa recherche plus complexe. En revanche, Bételgeuse fait partie de la constellation d’Orion, immédiatement repérable par sa ceinture (ou baudrier) qui aligne parfaitement trois étoiles. De part et d’autre de cette ceinture, on trouve deux étoiles très visibles, une géante bleue Rigel et la supergéante rouge Bételgeuse. On comprend dès lors que cette dernière est très étudiée par les scientifiques.

 

 

     Curieusement, la distance de Bételgeuse est difficile à connaître. Habituellement, pour estimer la distance d’un astre, on utilise la méthode de laparallaxe (l’observateur – un télescope – observe l’étoile à six mois d’intervalle selon deux positions opposées lors de la révolution de la Terre autour du Soleil pour obtenir un angle trigonométrique). Plus une étoile est proche, plus la parallaxe est facile à évaluer. Malheureusement, cela ne fonctionne pas ici : bien que proche, Bételgeuse est si grosse (1000 fois le diamètre du Soleil) qu’elle ne peut être vue comme un simple point et, du coup, la parallaxe est inférieure à son diamètre… Le satellite Hipparcos, spécialisé dans ce type d’exercices, a bien tenté de mesurer de façon plus précise la parallaxe de Bételgeuse mais sans succès : l’étoile est trop brillante pour sa caméra ! Les scientifiques sont donc dans l’incertitude : entre 500 et 750 années-lumière environ paraissent être les chiffres probables. Assez imprécis pour une étoile si proche… La taille de Bételgeuse et sa proximité offrent toutefois un avantage : c’est la seule étoile dont nous pouvons voir la surface et c’est donc un moyen incomparable d’observer l’évolution d’une supergéante rouge.

 

 

L’ÉTRANGE COMPORTEMENT DE BÉTELGEUSE

 

         Bételgeuse, comme toutes ses semblables, perd au long de son évolution une grande partie de sa matière sous la forme de vents stellaires. On estime néanmoins qu’il lui reste encore 98% de la masse de la géante bleue qu’elle fut jadis. La supergéante présente par ailleurs un environnement stellaire relativement transparent permettant d’apprécier ses pertes régulières de matière. On a ainsi pu mettre en évidence un cycle d’expulsion et donc une baisse de sa luminosité oscillant selon une cycle d’environ 400 jours.

 

        Toutefois, un événement étrange est apparu en janvier 2020 : la luminosité de Bételgeuse a soudain diminué d’un facteur 2,5 ce qui n’était jamais arrivé. De coup, dans la constellation d’Orion, on pouvait se rendre compte même à l’œil nu que, par rapport à Rigel, elle paraissait particulièrement pâle.

Bételgeuse géante rouge
une baisse soudaine de luminosité

Le phénomène fut simarqué et si inattendu qu’il fit les gros titres des journaux dont certains éditorialistes allèrent même jusqu’à évoquer son passage imminent en supernova… C’était aller un peu vite en besogne ! Puisqu’on pouvait avoir une image de la surface de l’étoile, les scientifiques mirent en évidence que sa partie basse était dix fois plus sombre que le reste. Quelle pouvait être l’explication d’un tel événement ?

 

       Avait-on affaire à une contraction-dilatation de l’étoile ou à une énorme masse de poussière l’occultant en partie ? La première hypothèse a été rapidement abandonnée car les mesures faites alors montrèrent que Bételgeuse n’avait pas modifié sa taille. On rejeta également l’hypothèse d’un nuage de poussière circumstellaire pour la bonne raison que la partie obscure restait fixe alors qu’un nuage entourant l’étoile se serait forcément déplacé. Il fallait chercher ailleurs.

 

     On a alors pensé à corréler la baisse de la luminosité de l’étoile avec l’apparition en surface de cellules de convexion. Cellules de convexion ? C’est un moyen pour une étoile d’évacuer la chaleur de son centre par des réactions de fusion thermonucléaire via des phénomènes de convexion, c’est-à-dire des

plaques de convexion de Bételgeuse (vue d'artiste)

mouvements de fluide dus à une importante variation de température. Ainsi, pour le Soleil, les cellules de convexion appelées granules sont constituées au centre d’une zone montante de plasma chaud et en périphérie de plasma plus froid (sic), la différence entre les deux zones étant d’environ 400 K. De ce fait, la couche supérieure de la cellule « refroidie » contraste en plus sombre avec le reste de la surface stellaire qui rayonne.

 

      Dans le cas d’un astre aussi massif, que Bételgeuse les cellules de convexion sont forcément gigantesques pouvant atteindre les ¾ du volume de l’étoile (alors que pour un astre plus petit comme le Soleil, les cellules de convexion en surface dépassent rarement le millier de km de largeur).

 

      Certains scientifiques prolongent cette explication en expliquant que le gaz très chaud de la cellule de convexion est arrivé si vite en surface qu’il aurait échappé à l’attraction de l’étoile et, en s’en éloignant, une partie du gaz aurait pu se refroidir jusqu’à cacher partiellement sa surface. Après de nombreuses observations par radiotélescopes (mais parfois difficiles à réaliser en ces temps de pandémie) et après avoir modélisé l’étoile et le nuage, les scientifiques ont proposé l’explication de la surprenante baisse de luminosité de Bételgeuse par l’expulsion par celle-ci d’un nuage sphérique de poussière dont le rayon pourrait être compris entre 675 et 900 millions de km. Une perte de matière, certainement, mais pas de signe immédiat d’explosion en supernova !

 

 

Que nous apprend Bételgeuse sur les étoiles de ce type ?

 

     Les supergéantes rouges, nous l’avons déjà écrit, expulsent régulièrement de grandes quantités de matière sous la forme de vents stellaires. Si l’hypothèse que nous venons d’évoquer se confirme – et pour l’instant, on voit mal quelle autre explication avancer – cet événement montre que, indépendamment d’un flux régulier, elles peuvent aussi expulser de façon intermittente de conséquentes quantités de manière. Dans le cas de Bételgeuse, selon les modélisations, l’incident de ces derniers mois montre une perte ponctuelle et imprévue de matière comprise entre 35 et 128% de la perte subie par elle chaque année ce qui est loin d’être négligeable.

 

     Depuis la date de cette grande baisse de luminosité, cette dernière est remontée rapidement et plus tôt que prévu si l’on se réfère au cycle de 400 jours précédemment évoqué. Il n’empêche qu’un nouveau décrochage a été constaté ensuite ce qui indique une courbe de luminosité plutôt irrégulière même s’il semble au total que les observations plus récentes montrent un probable retour à la normale. Les scientifiques poursuivent leur étude de notre grande voisine.

 

 

Tailles comparées du Soleil et de Bételgeuse

     Le risque de voir Bételgeuse exploser en supernova semble écarté et c’est heureux ! Un tel événement, en effet, pourrait avoir des conséquences nonnégligeables pour la Vie sur Terre. Les flux de rayons gamma émis lors de l’explosion sont des destructeurs puissants de l’atmosphère d’une planète. Au cours des onze derniers millions d’années, il est estimé qu’une vingtaine de supernovas ont explosé dans une fourchette de distance s’étendant entre 30 et 1000 années-lumière. Chaque fois, il a été corrélé un réchauffement planétaire d’environ quatre degrés ce qui est considérable. On se demande même si un tel sursaut gamma n’aurait pas pu être responsable de l’extinction de masse apparue lors de la jonction Ordovicien-Silurien, il y a 445 millions d’années, une extinction considérée comme la deuxième plus importante des cinq grandes extinctions du passé (elle conduisit à la disparition de 85% des espèces vivant sur notre planète). Il est plutôt réconfortant de savoir que Bételgeuse a, en quelque sorte, repris des couleurs et ne nous menacera pas avant des milliers, voire des dizaines de milliers d’années. Une époque où l’Homme, en raison de sa démographie incontrôlée, aura probablement fini de saccager sa planète.

 

 

 

 

Sources

* l'énigme de Bételgeuse est probablement résolue (Miguel Montargès, revue Pour la Science, juillet 2021, n°525, pp 34-39)

* Encyclopaedia Universalis

* https://trustmyscience.com

* Wikipedia France :  fr.wikipedia.org/

* Wikipedia (USA) : en.wikipedia.org/

 

Images :

1. Bételgeuse (crédits : pressreader.com)

2. diagramme de Hertzsprung-Russell (crédits : astronomie.savoir.fr)

3. vents stellaires (crédits : cidehom.com)

4. constellation d’Orion (crédits : blogs.futura-sciences.com)

5. calcul d’une parallaxe (crédits : larousse.fr)

6. constellation d’Orion (crédits : numerama.com)

7. taches sur Bételgeuse (crédits : numerama.com)

8. Bételgeuse comparée au Soleil (crédits : wikipedia.org)

 

Mots-clés : naine jaune -diagramme de Hertzsprung*Russell - supergéante rouge - vents stellaires - cellules de convexion stellaires - extinctions de masse

 

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mise à jour : 27 mars 2023

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Article remarquable (comme d'habitude !)...
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