Au tout début de l’Humanité et jusqu’à il y a encore peu, la Terre, pour l’Homme, était le centre du Monde (voir l'article la Terre, centre du monde) et lui-même se jugeait son habitant privilégié, pour ne pas dire élu. Mais, la connaissance venant, il dût se rendre à l’évidence : non seulement la Terre, comme toutes les autres planètes du système, tourne autour du Soleil mais, fait encore plus troublant, notre étoile est elle-même très insignifiante, tant par sa taille, sa position ou son devenir. Située à l’écart du centre de la galaxie qui l’abrite (voir l'article place du Soleil dans la Galaxie), le Soleil est une naine jaune comme il en existe des milliards. Pire encore : notre Galaxie est de dimension moyenne, d’aspect banal, et l’on sait aussi depuis le siècle dernier que, des galaxies, il en existe des milliards (voir article les galaxies).
Voilà une accumulation de faits qui donne à réfléchir et renvoie l’espèce humaine à un destin moins glorieux qu’elle ne l’espérait. Homines quod volunt credunt (Les hommes croient ce qu'ils veulent croire).
Plusieurs affirmations péremptoires sont censées évoquer le destin notable de l’espèce humaine qui serait une forme de vie « à part ». Revenons sur les principales d’entre elles.
C’est la paléontologie qui répond le mieux à cette approche. Le genre homo, c’est vrai, n’est plus représenté que par homo sapiens. Exit les homo erectus, homo neandertalensis, etc. Cela veut-il dire que sapiens est forcément une lignée évolutive ayant conduit à l’apparition du plus doué ? Non, justement, car il faut bien l’avouer, nous avons de fortes raisons de soupçonner que c’est sapiens lui-même qui, consciemment ou non, a évincé ses proches parents (voir sujet le dernier ancêtre commun). Nulle progression irrévocable dans tout cela mais une compétition, âpre et cruelle, comme il en existe chez tous les êtres vivants. Comme je l’évoquais dans un article précédent, il n’est peut-être même pas certain que si, aujourd’hui, nous cohabitions encore avec les Néandertaliens, l’inévitable face-à-face se serait résolu à notre avantage.
Le fait d’être l’unique représentant d’une lignée évolutive est certainement le cas le moins fréquent mais, comme on vient de le voir, l’homme n’est pas le seul dans cette situation.
Durant des siècles, les hommes se sont acharnés à trouver à l’espèce humaine une caractéristique particulière qui la distinguerait des autres espèces vivantes : Linné, Buffon et bien d’autres ont étudié sa physiologie, la forme de sa boîte crânienne, le volume de son cerveau, sa faculté d’utiliser la station debout, etc., avec l’espoir d’identifier une caractéristique spécifique sans jamais y arriver. Il faut s’y résoudre : l’Homme est un animal, un primate qui s’inscrit de façon claire dans la longue lignée de l’Evolution. Il est bien sûr différent des autres – comme le zèbre l’est des autres équidés – mais, d’un point de vue évolutif, cette « différence » ne révèle aucun caractère particulier.
Le code génétique de l’Homme est très spécial et explique sa supériorité
Dès les débuts de la génétique moderne, une constatation s’imposa : notre plus proche « parent », le chimpanzé, est génétiquement éloigné ; il existe en effet 10 fois plus de différences entre les génomes (voir glossaire) d’un chimpanzé et d’un homme qu’entre ceux de deux hommes. Oui, mais la génétique ajoute : l’homme et le chimpanzé ont 99% de leur génome en commun et, dès lors, cet « éloignement » devient plus que relatif… En réalité, il s’agit, encore et toujours, de savoir de quel point d’observation on se place. Le fait est que plus des animaux sont morphologiquement et physiologiquement différents, plus leur patrimoine génétique diverge. On en revient, comme l’explique très bien la Théorie de l’Evolution, à des différences accumulées au gré des spéciations successives (voir glossaire et le sujet "spéciations et évolution des espèces"), le point de départ étant un « ancêtre commun » duquel tous sont issus. La preuve en est que, par exemple, l’Homme partage encore 35% de son génome… avec la mouche.
L’homme a inventé une culture qui lui est propre
Depuis quelques millénaires (environ 10 000 ans), l’Homme s’est sédentarisé et, c’est vrai, il s’est inventé une culture, ou, plutôt des cultures. La construction de notre civilisation (et de ses variantes) passe par l’acquisition d’un certain nombre de propriétés indispensables. Essayons d’en identifier quelques unes.
a. La constitution d’un ordre social
C’est une condition indispensable à l’édification d’une société. En existe-t-il des exemples chez l’animal ? A l’évidence oui si l’on se réfère à ces sociétésanimales organisées de façon à permettre une différenciation des tâches et des exécutants : on pense évidemment aux insectes justement nommés « sociaux » comme les abeilles, les fourmis, les termites, etc. Il s’agit toutefois de sociétés à l’aspect mécanique, aux actions répétitives, certes éloignées des sociétés humaines qui laissent plus d’initiatives aux actions personnelles.
b. La maîtrise des outils
Dans ce domaine également, l’Homme n’est pas le seul à pouvoir manier les objets. Les grands singes sont connus pour pouvoir utiliser une cinquantaine d’outils comme, par exemple, de longues tiges en forme de cuillère spécialement agencées pour la récolte des termites ou du miel mais également des feuilles roulées de façon à former des chapeaux rudimentaires pour se protéger du soleil.
Lorsqu’on redescend vers des lignées animales moins évoluées, on trouve également ce type de comportements. Nous connaissons tous le cas de la mouette rieuse qui fracasse les coquillages qu’elle veut ingérer en les jetant depuis plusieurs mètres de hauteur allant même, parfois, jusqu’à utiliser des galets qu’elle projette alors sur son futur repas. Et il existe bien d’autres comportements de ce genre. Un corbeau de Nouvelle-Calédonie est, par exemple, capable de découper les bords dentelés d’une plante grasse locale pour s’en faire une sorte de hameçon (voire de fabriquer un authentique crochet) afin de le glisser dans les anfractuosités des arbres à la recherche des larves.
c. Le langage articulé
Dans ce domaine également, la frontière n’est pas très précise : l’orang-outang, par exemple, est capable de maitriser plus d’un millier de signes qui ressemblent étrangement au langage des sourds-muets… Un chien peut reconnaître jusqu’à une cinquantaine de mots et comme disent les bonnes vieilles dames : il ne leur manque que la parole…
d. L’élevage et l’agriculture
Nous savons depuis longtemps que les fourmis – pour les citer à nouveau – sont capables d’élever, d’entretenir et de protéger des colonies de pucerons à leur avantage. Elles peuvent également faire de même avec des champignonnières…
La complexité de nos grandes villes qui a succédé aux sociétés humaines purement agricoles se retrouve également chez l’animal : certaines termitières sont extraordinairement compliquées et possèdent, elles aussi, des secteurs bien précis dévolus à des tâches très spécifiques.
e. Reste la culture
Il ne semble pas exister chez l’animal d’œuvres analogues aux peintures rupestres de sapiens (et de Neandertal) sans parler, évidemment, de l’art plus moderne tel que nous le connaissons. Ici, l’homme moderne a innové, certainement parce que son intellect plus développé le lui a permis, mais l’art ne saurait résumer à lui seul la culture.
La morale
De la même façon, la maitrise des concepts abstraits est très difficile à cerner. On pense évidemment en premier lieu (mais ce n’est pas la seule) à la notion de mort que l’on pourrait croire intensément humaine : la projection d’un avenir où, en tant qu’individu, nous sommes absents est très complexe à saisir. Pourtant, certains animaux paraissent en disposer : l’exemple souvent rapporté du « cimetière des éléphants » est troublant puisque l’on dit que les vieux mâles, sentant leur fin proche, rejoignent ce lieu très particulier pour y mourir. Ailleurs, certains éléphants recouvrent de terre le cadavre d’une femelle et vont même y déposer une couverture de branchages et de feuilles qui ressemble à un linceul. Ils restent ensuite toute une nuit auprès de cet endroit comme s’il « veillaient leur défunte »… Quelle signification apporter à ces comportements étranges ?
De quelque côté que l’on aborde ce type de problèmes, on s’aperçoit que, peu ou prou, les animaux possèdent, parfois potentiellement, des embryons d’attributs humains. On ne peut donc que constater que la différence entre l’Homme et les animaux n’est pas si simple à définir. En réalité, si cette différence existe – et on ne saurait la nier -, elle serait plutôt du domaine de l’Evolution, le grand cerveau du primate qu’est l’Homme lui ayant permis des avancées particulières. En somme, entre nous et nos amies les bêtes, il n’existe qu’une différence de degré mais pas de nature. Que cela nous rende modeste !
Le propre de l’homme
Il existe néanmoins un domaine où l’Homme se distingue vraiment : c’est le seul habitant de la Terre qui a réussi en quelques siècles à transformer de manière certaine son environnement. Il a pu le faire en un temps record ce dont aucun autre animal n’a été capable. Le bilan de cette action est d’ailleurs discutable : si sa haute technologie a permis des avancées considérables (habitat, transports, recherche et diffusion de l’information, etc.), il existe des effets indésirables moins convaincants, le premier d’entre eux étant le réchauffement de la planète par effet de serre dont les conséquences sont plus qu’incertaines.
Reste – et ce n’est certainement pas négligeable – cette incessante curiosité intellectuelle qui, peu à peu, permet à l’Homme de comprendre son environnement et de le modifier à son avantage. Alors, la Science est-elle le propre de l’Homme ?
Glossaire (in Wikipedia France)
* génome : le génome est l'ensemble du matériel génétique d'un individu ou d'une espèce encodé dans son ADN (à l'exception de certains virus dont le génome est porté par des molécules d'ARN). Il contient en particulier toutes les séquences codantes (traduites en protéines) et non-codantes (transcrites en ARN, non traduites).
* spéciation : en biologie, on nomme spéciation le processus évolutif par lequel de nouvelles espèces vivantes apparaissent.
* bonobo : le Bonobo (Pan paniscus), mot découlant de la déformation du nom de la ville de Bolobo (République démocratique du Congo), est une espèce de Paninés (genre Pan), membres de la famille des Hominidés et de l'ordre des primates. On l'appelle aussi chimpanzé nain.
Images :
1. de l'homo erectus à l'homo sapiens (sources : www.futura-sciences.com/)
2. ornithorynque (sources : naturendanger.canalblog.com/)
3. une termitière au Burkina Faso (sources : www.interet-general.info/)
4. bonobo (sources : www.wwf.be/)
(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)
Mots-clés : ornithorynque - ginko biloba - Linné - Buffon - génome - primate - théorie de l'évolution - mort - insectes sociaux - ordre social - langage articulé - agriculture - culture - peintures rupestres - bonobo - empathie - réchauffement planétaire
(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)
Sujets apparentés sur le blog
1. l'âme
2. Néandertal et sapiens, une quête de la spiritualité
4. les humains du paléolithique
5. l'inné et l'acquis chez l'Homme
6. la notion de mort chez les animaux
7. l'apparition de la conscience
8. spéciations et évolution des espèces
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Mise à jour : 28 février 2023