Il est morne et taciturne.
Il préside aux choses du temps.
Il porte un joli nom, Saturne,
Mais c’est un dieu fort inquiétant (bis)
chantait Brassens. Le dieu Saturne est sans doute inquiétant puisqu’il régit le temps dont on sait qu’il dégrade toutes choses en ce bas-monde mais la planète qui porte son nom est magnifique, peut-être la plus belle de notre système solaire. C’est également une des plus mystérieuses puisque, jusqu’à il y a peu, on ne connaissait presque rien de ses anneaux ou de ses multiples satellites. Aujourd’hui, on en sait un peu plus.
Jadis
Saturne est une des cinq planètes visibles à l’œil nu et est donc connue depuis l’antiquité et même – certaines représentations l’attestent – depuis la préhistoire. Sixième planète du système solaire, il faudra attendre le XVIIème siècle pour que soit menée une véritable observation de cet astre et c’est à Galilée que revint ce mérite. Le 25 juillet 1610, en effet, grâce à une des premières lunettes astronomiques qu’il avait lui-même construite, il tourna son regard vers Saturne, s’attendant à découvrir l’image d’une sphère flottant dans l’espace mais sa surprise fut immense : Saturne lui apparut sous la forme d’une planète « trijumelle », une sorte de visage possédant deux oreilles ! Il évoqua alors « deux serviteurs aux côtés du vieux Saturne pour lui permettre de tracer son chemin dans le ciel ». Il comprenait bien qu’il ne pouvait s’agir de satellites car il les aurait vu tourner autour de la planète et en conclut donc qu’il s’agissait de deux excroissances bizarres… Deux ans plus tard, reprenant son observation de l’astre, nouvelle énigme : les serviteurs avaient disparu ! Perplexité. On aura compris que le pauvre Galilée, avec sa lunette imparfaite, avait en réalité repéré les anneaux saturniens or on sait que ceux-ci se présentent tous les quinze ans par la tranche d’où leur apparente disparition dans son grossier instrument d’optique. Reprenant à son compte la vieille mythologie qui fait de Cronos (Saturne en grec), roi des Titans et père de Zeus, un dieu taciturne connu pour manger ses enfants qui pourraient le supplanter, il déclara alors tristement que « Saturne avait dévoré ses enfants »…
C’est le Hollandais Huygens, presque cinquante ans plus tard (1655) qui apporte la solution avec sa nouvelle lunette astronomique : il s’agit bien d’un anneau (un seul connu à l’époque) « qui entoure la planète, n’adhérant en aucun point avec elle ». Il en profite pour décrire un satellite, Titan, le premier d’une longue série, dont on sait aujourd’hui qu’il est plus gros que la planète Mercure.
On découvre un second anneau en 1675 (Cassini) mais on se perd en conjectures sur leur structure. Ce sont les sondes spatiales (notamment la sonde Cassini en 2004) qui apporteront vraiment des explications tangibles.
Saturne, une géante gazeuse
Les planètes gazeuses de notre système sont au nombre de quatre, la plus grosse étant évidemment Jupiter suivie précisément de Saturne. On les oppose aux planètes telluriques comme la Terre qui, bien plus petites, sont « solides ». Ces géantes gazeuses sont, comme leur appellation l’indique, majoritairement composées de gaz (hydrogène et hélium essentiellement) entourant un petit noyau rocheux. Ce sont des planètes théoriquement légères mais leur grande quantité de gaz finit par peser au point que, par exemple, Saturne (dont le diamètre est neuf fois plus grand que celui de la Terre) est 95 fois plus massive que notre planète. Détail curieux : sa masse volumique moyenne est inférieure à celle de l’eau et s’il existait une piscine suffisamment grande pour la contenir, elle flotterait… Signalons enfin que, tournant sur elle-même en environ 10h40 min, la planète, de par sa composition légère, est sensiblement aplatie aux pôles et renflée à l’équateur.
On a beaucoup écrit sur la formation de ces planètes gazeuses expliquant notamment qu’elles se constituèrent au tout début du système solaire en périphérie de celui-ci (c’est bien ce que l’on constate visuellement) mais nos certitudes sont actuellement remises en cause : la découverte de planètes géantes gazeuses extrasolaires très proches de leur étoile (parfois « tout contre ») ne colle plus avec ce schéma traditionnel.
Quoi qu’il en soit, vues au travers de la lentille d’un télescope, ces planètes géantes sont superbes et Saturne – avec ses anneaux – d’une beauté à couper le souffle.
Les satellites saturniens
Tout un petit monde de satellites resté longtemps ignoré gravite autour de notre géante. On a déjà évoqué Titan mais il en existe environ une soixantaine, leur nombre total n’étant pas encore définitivement fixé. Certains de ces astres gravitent entre Saturne et ses anneaux (on les appelle les satellites bergers), tandis que d’autres sont situés dans ou entre les anneaux, contribuant ainsi à créer une dynamique locale extrêmement complexe. Enfin, les derniers, dits externes, sont également les plus grands :
* Titan est la plus grande lune du système avec un diamètre de 5151 km ce qui en fait la deuxième plus grande lune du système solaire derrière Ganymède (satellite de Jupiter). Cet astre est la seule lune de tout le système solaire qui possède une vraie atmosphère (d’azote). Composée essentiellement de roches et d’eau sous forme de glace, Titan est longtemps resté un grand mystère en raison précisément de son atmosphère qui cache sa surface. C’est la mission Cassini en 2004 qui a permis de la voir, cette surface : vaste étendue relativement lisse avec quelques montagnes et volcans gelés et surtout des milliers de lacs d’hydrocarbures (méthane). On a l’impression de voir là une sorte de Terre primitive mais en plus froid. Certains scientifiques suggèrent qu’un immense océan souterrain existe sur Titan, un lieu peut-être propice au développement d’une certaine forme de vie ;
* Rhéa est plus petite et son sol est constellé de cratères d’impacts rappelant une surface lunaire classique ;
* Hypérion, proche de Titan, est de forme assez irrégulière et sa rotation est si chaotique que l’on ne peut y distinguer ni pôles, ni équateur. Les cratères d’impact y sont particulièrement nombreux au point que sa surface fait penser à une pierre ponce ;
* Japhet, enfin, le satellite le plus éloigné de Saturne, intrigue par l’opposition de ses deux hémisphères, l’une étant très brillante alors que l’autre est particulièrement sombre.
On ne peut s’empêcher de penser à l’immensité des réserves énergétiques présentes sur ces terres lointaines qui, un jour peut-être, permettront aux humains d’y trouver les ressources qui s’épuisent si rapidement sur notre globe.
Les anneaux de Saturne
Depuis la fin du XVIIème siècle, on connaissait donc les anneaux de Saturne et on imaginait, avec Pierre-Simon de Laplace, qu’il s’agissait de structures minces et solides. Ce n’est qu’au XIXème siècle que Maxwell, le père de l’électromagnétisme, expliqua que cela était rigoureusement impossible : une telle structure ne pourrait être suffisamment stable et finirait par se briser. Et c’est ces dernières années, grâce aux sondes spatiales déjà évoquées, que le voile s’est levé : les anneaux de Saturne sont composés de blocs de glace de tailles variables et multiples.
Il existe une dizaine d’anneaux autour de Saturne, entourant la planète en un diamètre de 135 000 à 1 000 000 de km. Composés à 99,9 % d’eau gelée et de quelques impuretés, ce sont sans doute les objets les plus fins du système solaire puisque pour un diamètre moyen de 300 000 km, ils ne font que de 10 à 100 m d’épaisseur. Les blocs de glace, quant à eux, mesurent de quelques cm à quelques mètres mais ils sont très proches les uns des autres, s‘agrégeant et se désintégrant continuellement au rythme de leur rotation autour la planète. Vu au travers des rayons du Soleil lointain, il doit s’agir d’un spectacle féérique (et dangereux) !
Origine des anneaux saturniens
On a longtemps pensé qu’il s’agissait d’un phénomène récent, voire fugace. Camille Flammarion lui-même les examinait en notant leur évolution au fil de ses observations, s’attendant à chaque moment à contempler leur destruction et leur captation par la planète géante. Il aurait pu attendre longtemps car les dernières analyses ont démontré que ces anneaux étaient aussi anciens que Saturne elle-même, témoignant certainement de l’époque de la formation de l’ensemble du système.
Les dernières observations de cet univers par les sondes permettent aujourd’hui d’avancer une hypothèse relativement crédible pour la formation de ces étranges objets. Il s’agit d’une histoire en trois temps :
* Au tout début, Saturne est entourée de ce que l’on appelle un disque d’accrétion, c'est-à-dire d’une épaisse couche de matière prisonnière de la gravitation de la planète. Cette matière est en orbite autour de l’astre et se recompose en permanence : de nombreux satellites se forment mais, attirés par lui, ils finissent par se désintégrer à sa surface. Le temps passant, la quantité de matière diminue et ne subsistent finalement plus que quelques satellites fixés sur des orbites stables et une grosse planète de la taille de Titan bloquée, elle, sur une trajectoire descendante vers la géante.
* cette planète est composée d’un corps solide entouré d’une épaisse gangue de glace. Au fur et à mesure qu’elle tourne autour de Saturne en s’en rapprochant, elle subit de plein fouet l’attraction de son énorme compagne au point que son enveloppe glacée finit se disloquer : son noyau central tombe sur Saturne tandis que sa glace s’éparpille dans l’espace.
* la glace éparpillée s’étale tout autour de la planète en suivant la trajectoire initiale du satellite pour former un immense anneau bien plus important que celui que l’on voit aujourd’hui. Cette source de matière permet la naissance de la plupart des satellites actuels qui, eux, se sont éloignés de Saturne pour trouver des orbites stables.
Ces phénomènes gigantesques se sont produits il y a des milliards d’années et ce que l’on peut voir aujourd’hui en est la résultante. Avec le temps, peu à peu, les anneaux continueront à se désagréger jusqu’à s’évaporer totalement… mais dans bien longtemps.
On pourrait penser que les anneaux de Saturne représentent une exception dans notre univers. Il n’en est en fait rien. On sait aujourd’hui que les autres planètes géantes, Jupiter, Neptune et Uranus, possèdent également des ceintures d’anneaux quoique bien moins développées que leur homologue Saturne. Ils existent, ces anneaux, mais ils ont si minces qu’on ne peut les repérer avec un simple télescope : c’est également cette découverte que nous auront apportées les sondes spatiales.
Saturne, un bijou dans l’espace
« Le monde de Saturne avec l’anneau qui l’entoure sans le toucher est ce que l’amateur d’astronomie peut voir de plus beau dans sa lunette. L’équilibre des formes, la justesse des proportions en font une parfaite œuvre d’art. De vieux observateurs chevronnés éprouvent encore, lorsqu’il entre pour la millième fois peut-être dans le champ de leur instrument, cette même émotion qui leur arrachait jadis des cris d’admiration. (Camille Flammarion, Astronomie populaire, éd. 1955).
Bien que l’on en sache bien plus sur ce « monde de Saturne » qui stupéfiait tant le grand astronome et que des clichés multiples nous le montrent « pour de vrai », l’émerveillement est toujours le même. Comme quoi, décrypter, comprendre, démontrer un phénomène ne lui enlève rien, bien au contraire. La Science en l’expliquant pare le monde qui nous entoure d’encore plus de d’éclat et cela aussi est un de ses grands mérites.
Sources :
* Wikipedia France
* Science & Vie, 1123, avril 2011
Images :
1. la planète Saturne et ses anneaux (sources : beaulieu.free.fr)
2. Galilée (sources : lafoliedeperrier.blogspot.com)
3. un télescope primitif (sources : www.bookdrum.com)
4. la planète Titan (sources : linternaute.com)
5. les anneaux de Saturne photographiés par la NASA (sources : www.cosmovisions.com)
6. vue d'artiste de la formation des anneaux saturniens (sources : futurasciences.com)
pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus
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mise à jour : 9 mars 2023