Depuis le lancement du premier Spoutnik soviétique le 4 octobre 1957, des milliers de sondes spatiales en tous genres se sont précipitées à l’assaut du cosmos. Parfois simples engins de communication, civils ou militaires, parfois réelles machines d’exploration des autres planètes et du vide intersidéral. Une des plus vieilles de ces sondes, lancée en 1977 et toujours en activité, est Voyager 1. C’est également, de par son ancienneté, celle qui se trouve actuellement le plus loin de la Terre, au point qu’elle est en train de quitter définitivement le système solaire, faisant ainsi d’elle l’objet le plus lointain jamais fabriqué par l’Homme. Retour sur une expédition mémorable.
Le programme Voyager
Voyager est un programme mis au point par la NASA dès les années 1960 afin d’explorer les planètes dites extérieures, (c'est-à-dire à partir de Mars et au-delà), programme comprenant deux sondes jumelles, forcément dénommées Voyager 1 et 2. Ces engins automatiques, lourdement équipés pour l’époque (800 kg chacun) sont très certainement les deux engins qui ont apporté la plus grande richesse d’informations parmi tous ceux jamais lancés. Plus surprenant encore : alors qu’ils avaient été conçus pour fonctionner à peu prés quatre ans, ils sont toujours en contact avec leur base de lancement 36 ans plus tard ! Si l’on ajoute que les deux sondes – notamment Voyager 1 - sont à présent à l’extrême limite du système solaire, on comprend tout l’intérêt de capter encore, avec un décalage de plus de douze heures et à la limite de l’audible, un faisceau d’informations sur une région jamais explorée et presque totalement inconnue du cosmos…
Pour être allées si loin, ces sondes ne pouvaient évidemment être alimentées que par des générateurs thermoélectriques à radio-isotope (ici du plutonium 238) ou, pour le dire plus simplement, un système à énergie nucléaire. Il était en effet impossible d’utiliser des panneaux solaires classiques puisque, aux confins du système solaire, la lumière de notre étoile est bien trop faible. Pour être certains de ne pas risquer une panne, les ingénieurs de la NASA avaient systématiquement doublé tous les instruments de bord vitaux : c’est ainsi que l’ordinateur principal de Voyager 1, tombé en panne, est depuis remplacé par un ordinateur central de secours…
Les planètes extérieures
Voyager 2 fut lancée en premier le 20 août 1977 suivie par sa jumelle une quinzaine de jours plus tard. Les deux engins devaient effectuer un grand tour du système solaire, profitant d’un alignement exceptionnel des quatre planètes gazeuses, une conjonction qui ne se répète que tous les 175 ans. En effet, on sait bien que le problème des sondes spatiales est avant tout celui du carburant. Pour économiser ce dernier, cette conjonction planétaire devait permettre de « relancer » à moindre coût les sondes en profitant de ce que l’on appelle une assistance gravitationnelle, à savoir une accélération de la sonde induite par la proximité de la planète survolée. Et c’est bien ce qui se passa. Voyager 2, par exemple, qui avait été programmée (faute de budget) pour n’aller que jusqu’à Saturne, put par ce mécanisme poursuivre jusqu’à Uranus et Neptune …
Voyager 1, quant à elle, survola Jupiter en 1979 puis Saturne l’année d’après, dépassa en 1998 sa cousine Pioneer 10 (lancée elle en 1972) avant de s’éloigner définitivement en direction de l’espace profond. Et plus particulièrement vers ce que l’on nomme l’héliopause, c'est-à-dire cet endroit très spécial où le vent solaire est stoppé par le milieu interstellaire, un lieu qui marque la limite du système de notre étoile…
Une moisson d’informations
Les découvertes de nos deux sondes sont si nombreuses qu’il est impossible de les décrire correctement dans ce sujet. Signalons simplement pour mémoire :
. la description pour la première fois des profils détaillés des atmosphères de Jupiter, Saturne et Uranus ;
. la prise en compte de nombreux détails sur les anneaux de Saturne dont on comprenait assez mal l’agencement (voir le sujet : les anneaux de Saturne)
. la mise en évidence autour de Jupiter d’anneaux jusque là restés invisibles de la Terre
. ainsi que d’extraordinaires images très détaillées des anneaux de Neptune et Uranus ;
. la découverte de 33 « nouvelles » lunes orbitant autour des géantes gazeuses ;
. la visualisation de volcans en activité (les premiers en dehors de notre planète) sur Io, satellite de Jupiter, avec des panaches géants montant jusqu’à plus de 300 km au dessus du sol ;
. la description d’un remodelage récent de la surface d’Europe, autre satellite de Jupiter, qui fut identifié ensuite par la sonde Galileo comme une couche de glace d’environ 20 km d’épaisseur recouvrant un gigantesque océan souterrain ;
. mais aussi la perception de l’atmosphère épaisse et dense de Titan (satellite de Saturne) et de geysers géants sur Triton (la plus grosse lune de Neptune) expliquant le réaménagement récent de près de 40% de la surface de cet astre…
On le voit, la moisson fut vraiment fructueuse et on ne peut s’empêcher de penser à l’étonnement et à la joie qu’aurait ressentis le grand astronome que fut Camille Flammarion, lui qui s’échinait à deviner toutes ces merveilles avec sa lunette astronomique. Pourtant, l’histoire ne s’arrête pas là, bien au contraire, car, en poursuivant leurs routes, ces courageux petits engins nous entraînent encore plus loin.
Au-delà du système solaire
Des deux jumelles, Voyager 1 est la plus éloignée. Elle file à la vitesse remarquable de 17 km/sec (soit 61 200km/h) ce qui, signalons-le au passage, en fait le deuxième engin le plus rapide jamais construit par l’Homme (après la sonde New Horizon lancée en 2006 pour le survol de la planète naine Pluton). Voyager 1 est à présent située à 18,5 milliards de km du Soleil. Il s’agit là d’un chiffre difficile à appréhender : disons, pour être plus compréhensible, que les informations qu’elle nous envoie encore mettent, à la vitesse de la lumière, plus de douze heures à nous parvenir (ce qui fait plus d’un jour pour une information aller-retour, par exemple un ordre venu de la Terre et contrôlé).
Cet incroyable éloignement entraîne la sonde aux limites du système solaire, nous l’avons déjà dit, limites qu’elle devrait franchir cette année ou en 2014.
Que sait-on de cet endroit ? Finalement, pas grand-chose. On sait qu’il s’agit d’un lieu appelé héliopause qui est la limite de l’héliosphère. L’héliosphère, elle, est la gigantesque sphère, allongée en une sorte de bulbe, qui délimite la zone d’influence des vents solaires, ces projections de particules atomiques engendrées par la haute atmosphère de notre étoile. Ces vents solaires repoussent les particules venues de l’espace lointain : lorsque les deux phénomènes se heurtent et s’annihilent, on se trouve dans l’héliopause. Franchir cette limite, c’est abandonner le système solaire et c’est bien ce que fait Voyager 1… tout en continuant de nous renseigner sur le milieu qu’elle traverse.
Curieusement, si cette mission peut se poursuivre aussi bien, c’est, en plus de la qualité de l’engin, l’effet principal du hasard. En effet, lors de son lancement, les ingénieurs de la NASA n’avaient certainement pas prévu que leur bébé irait si loin et ce qui comptait alors pour eux était l’alignement des planètes gazeuses déjà signalé. Or, en ricochant sur les planètes pour prendre son élan, Voyager 1 a quitté le système solaire par l’avant, c'est-à-dire vers le nez de l’héliosphère, permettant ainsi la poursuite de l’aventure.
Voyager 1 pourra ainsi renseigner les scientifiques sur ce qu’est ce milieu inconnu en mesurant les particules et les ondes interstellaires affranchies du vent solaire : pour la première fois, un engin d’origine humaine décrira le milieu interstellaire « brut » s’étendant entre les étoiles. On comprend donc l’impatience des astronomes…
La recherche d’une intelligence extraterrestre
Selon leurs concepteurs, les deux sondes possèdent encore suffisamment d’énergie pour nous renseigner jusqu’en 2020 (le générateur nucléaire de Voyager 1 sera épuisé vers 2025). Elles seront alors à 20 (Voyager 1) et 16,8 (Voyager 2) milliards de km du Soleil, lancées dans une course sans limitation dans l’espace interstellaire. Rien, en effet, n’est susceptible d’arrêter leur course sauf leur passage à proximité d’un autre système stellaire. Ce qui adviendra probablement mais certainement pas tout de suite tant les distances entre les étoiles sont immenses. Voyager 1, par exemple, se dirige vers une petite naine rouge de la constellation de la Girafe (AC+79 3888) qu’elle devrait frôler dans… 40 000 ans environ avant d’atteindre la brillante Sirius dans 296 000 ans ! Pour bien comprendre l'immensité des distances dans l'espace, signalons enfin que si la sonde devait aller en direction de notre plus proche voisine stellaire (ce qui n'est pas le cas) à savoir la naine rouge Proxima du Centaure, elle mettrait environ 75 000 ans... Je réponds d'avance à une question que l'on ne manquera pas de se poser : si Proxima du Centaure est la plus proche du Soleil, comment se ferait-il que Voyager 1 mette plus de temps à l'atteindre que AC+79 3888 ? Tout simplement parce que ces étoiles (et notre Soleil) sont toutes en mouvement et que l'étoile visée par Voyager se rapproche bien plus vite de nous que Proxima...
Et si les sondes devaient être repérées par une hypothétique intelligence extraterrestre ? L’éventualité a été envisagée dès le début de la mission. Les sondes (comme leurs cousines Pioneer) possèdent à leur bord des informations sur la Terre gravées sur un disque de cuivre accompagné d’une aiguille et d’une cellule pour le lire. On
y trouve, sélectionnés par l’astronome Carl Sagan (un des concepteurs du SETI : voir le sujet : SETI, une quête des extraterrestres), divers éléments tels que plus d’une centaine de photos de différents lieux caractéristiques de notre planète et des schémas indiquant la position de la Terre au sein du système solaire. C’est certainement faire preuve d’un certain optimisme : d’abord parce que, à l’évidence, les scientifiques ne s’attendent pas à ce que les engins rencontrent des créatures extraterrestres du type « aliens versus predators » qui font le bonheur des films de science-fiction. Ensuite, par le fait que, en dépit de leur grand éloignement de notre planète, les distances parcourues sont à l’échelle du cosmos quasiment minuscules…
Quoi qu’il en soit, on reste admiratif devant cette technologie déjà ancienne et ses multiples possibilités et résultats. La preuve qu’il ne faut jamais désespérer puisque, parties pour un simple voyage sur nos planètes extérieures, les 2 voyager ont été – c’est le moins que l’on puisse dire – jusqu’à aujourd’hui étonnamment vaillantes et prolifiques.
Sources :
1. Wikipedia France
2. http://www.planetoscope.com/
3. http://sciencesetavenir.nouvelobs.com/
4; www.science-et-vie.com/
Images :
1. schéma d'une sonde Voyager (sources : fr.wikipedia.org/)
2. la conjonction planétaire de 1977 (sources : webastro.net)
3. les anneaux de Jupiter (sources : fr.wikipedia.org/)
4. la Terre vue de Voyager 1 (sources : www.astronoo.com)
5. l'héliosphère (sources : www.gurumed.org)
6. le message embarqué par les Voyager (sources : mllecelaneus.blogspot.com)
(pour en lire les légendes, passer le curseur de la souris sur les illustrations)
Mots-clés : spoutnik - assistance gravitationnelle - Pioneer 10 - héliosphère - héliopause - anneaux de Saturne - Io - Europe - Titan - Triton - sonde Galileo - Camille Flammarion - sonde New Horizon - vent solaire - Sirius - Proxima du Centaure - Carl Sagan - projet SETI
(les mots en gris renvoient à des sites d'informations complémentaires)
Sujets apparentés sur le blog :
1. place du Soleil dans la Galaxie
5. SETI, une quête des extraterrestres
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mise à jour : 12 mars 2023