Aussi loin que remonte l'histoire de l'Homme, il semble que sa curiosité et son imaginaire l'aient attiré vers les étoiles. Bien avant le temps du modernisme et de la technique, les Anciens avaient déjà cherché à expliquer cette profusion de joyaux scintillants qui parsemaient leurs ciels nocturnes ; ils désiraient comprendre la signification profonde de ces décors en apparence mobiles au fil des nuits mais suffisamment fixes toutefois pour revenir, immuables et lointains, selon le rythme des saisons. Mélangeant science balbutiante et mystique incertaine, toutes les grandes civilisations du passé ont accordé aux étoiles une place prépondérante dans l'avancée de leurs destinées et, afin de les mieux repérer, les ont répertoriées selon des critères qui, tous, faisaient appel à des constructions théoriques. C'est ainsi que, traçant des lignes imaginaires reliant ces soleils dont ils ne comprenaient pas encore la nature, leurs savants ont édifié de subtiles constructions géocentriques : les constellations. Que ces lignes abstraites, unissant des étoiles sans lien aucun, ne soient identifiables que de la Terre seule n'avait aucune importance aux yeux des habitants puisque leur unique univers était leur planète. Ces repères servaient essentiellement aux voyageurs de la Terre des origines – les caravanes traversant les étendues désertiques puis les marins s'aventurant sur des mers inconnues – ainsi qu'à quelques astronomes des Religions.
Pour calmer son angoisse existentielle, l'Homme a toujours eu besoin de s'en rapporter à des instances supérieures, inaccessibles, et dont les seules traces de leur existence résident dans des « signaux » qu'il convenait d'interpréter. Les étoiles ont longtemps tenu ce rôle puisque l'on ignorait tout de leur vraie nature : jusqu'à encore peu, la plupart pensait qu'il s'agissait, suivant Ptolémée, de « joyaux » accrochés sur une sphère extérieure à la Terre. L'astronomie a heureusement remis tout cela en perspective. Ah, l'astronomie... Certainement une des plus belles disciplines scientifiques - qui ne peut qu'observer et jamais toucher (ou si peu) - et qui révèle tout le génie de l'Homme, capable, à force d'observations et de contre-observations, d'expériences indirectes et de développement de ses outils d'analyse, de suggérer, de prédire, de comprendre enfin.
Venue des temps anciens, et hélas seulement séparée d'elle par deux petites lettres, l'astrologie croit pouvoir expliquer l'Univers et surtout anticiper l'avenir. A l'échelle de l'individu, elle prétend prédire le futur des uns et des autres, comme si celui-ci était inscrit par avance dans un grand dictionnaire de l'Humanité. Quels matériaux utilise-t-elle pour asseoir ses certitudes ? Les planètes, bien sûr, mais aussi les étoiles ou plus précisément leur agencement sous la forme de constellations ce qui, on l'a dit, relève de l'absurde : une constellation n'est qu'une vue théorique, créée par l'Homme pour repérer plus facilement les étoiles depuis la Terre et ne représentant rien de réel.
Prenons un exemple : la constellation du Scorpion, essentiellement visible de l'hémisphère austral. On peut la décrire de deux manières : littéraire ou astronomique.
* littéraire (j'ai écrit ces lignes il y a quelques années) : le Scorpion est une superbe constellation, peut-être une des plus remarquables qu'il soit donné d'observer par une belle nuit sans lune. Il est dominé par la géante rouge Antarès, une immense étoile incandescente, surveillée de près par les scientifiques redoutant sa transformation possible en supernova. Antarès unit la tête de l'arachnide à son corps et par sa magnificence éclipse tous ses autres partenaires imaginaires. C'est ainsi que l'œil même averti n'accorde guère d'attention aux derniers astres de la constellation, ceux qui composent la queue recourbée du prédateur céleste, notamment Shaula, l'ultime soleil du groupe, la pointe du dard dans le bestiaire cosmique des anciens.
* astronomique : la constellation du Scorpion, traversée par l'écliptique et appartenant de ce fait au zodiaque, s'inscrit surtout dans une très riche région de la Voie Lactée. Antarès est l'étoile la plus brillante de la constellation du Scorpion. Géante rouge de type spectral M1 en fin d'existence, elle nous apparaît bien rouge (son nom, qui signifie Rivale de Mars, se réfère à cette caractéristique). Elle est située à 700 années-lumière et sa magnitude absolue est autour de -5,28, soit une luminosité 10 000 fois supérieure à celle du Soleil. Les autres étoiles composant cette constellation sont respectivement : Argas (distance : 270 années-lumière ou al) ; Epsilon (distance : 65 al). Kappa (distante de 500 al) ; Upsilon (à 500 al) ; Tau (400 al) ; Pi (à 500 al) ; Acrab ; Dschubba ; Lesath, autre étoile multiple, (108 al) ; Alniyat, étoile massive bleue à 800 al ; Grafias correspondant à deux étoiles rapprochées par la perspective : Dzêta-1 Scorpii, supergéante bleue et Dzêta-2 Sco, une géante rouge, éloignée de 116 al, qui brille comme cent mille soleils et est 60 fois plus massive que le nôtre ; Shaula en fait trois étoiles associées distantes de 700 al ; Xi Scorpii, étoile double, à 68 al.
(sources : Imago Mundi, http://www.cosmovisions.com/sco.htm).
Ce qui est vrai pour le Scorpion l'est à l'évidence aussi pour toutes les autres constellations. Dès lors, comment ces corps célestes épars pourraient-ils avoir une quelconque influence sur nos destinées ? Non, le Zodiaque est une construction imaginaire héritée d'un passé d'ignorance. L'astrologie aussi...
Glossaire
* zodiaque : le zodiaque est le nom de la zone dans les cieux autour de l'écliptique où sont observés les déplacements du Soleil ainsi que des planètes. Le nom « zodiaque » vient du mot grec zodiakos, « cercle de petits animaux » Ce nom vient de ce que toutes les constellations du Zodiaque (sauf la Balance, anciennement partie du Scorpion) figurent des créatures vivantes.
* magnitude : en astronomie, la magnitude mesure la luminosité - depuis la Terre - d'une étoile, d'une planète ou d'un autre objet céleste. Elle peut-être apparente ou absolue. Cette grandeur a la particularité d'avoir une échelle logarithmique inverse.
* année-lumière : c'est la distance parcourue par un photon (ou plus simplement la lumière) dans le vide, en dehors de tout champ gravitationnel ou magnétique, en une année julienne (365,25 jours ; soit : 31 557 600 secondes). La vitesse de la lumière dans le vide étant (par définition) de 299 792, 458 km/s, une année-lumière est approximativement égale à 9 460 milliards de km.
Images
1. jeunes étoiles dans M 103 (amas ouvert dans Cassiopée)
2. constellation du Scorpion (source : membres.lycos.fr/nlonv/)
3. Universum, C. Flammarion, gravure sur bois, Paris 1888, Coloris : Heikenwaelder Hugo, Vienne 1998 (sources : www.astrofiles.net)
(Pour lire les légendes des illustrations, passer le pointeur de la souris dessus)
Mots-clés : astronomie - astrologie - constellations - constellation du Scorpion - Antarès - zodiaque
(les mots en blanc renvoient à des sites d'informations complémentaires)
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Mise à jour : 27 mars 2023