un peu d'histoire
Tout débute en 1933. A cette époque pas si lointaine, un astronome suisse du nom de Fritz ZWICKY (1898-1974) s'intéresse à un groupe de sept galaxies dans l'amas de Coma. Il cherche à en estimer la masse en étudiant la dispersion des vitesse de ces galaxies. Il a la surprise de constater que ses calculs montrent des vitesses bien plus élevées que celles auxquelles on aurait pu s'attendre : la masse totale calculée qui en découle est 400 fois plus importante que la masse lumineuse relevée. Il refait encore et encore ses calculs mais aboutit toujours au même résultat.
nature de la matière noire
Les astronomes se doutaient bien qu'un grand nombre d'objets comme, par exemple les naines brunes, ne sont pas observables avec nos méthodes d'observation actuelles en raison de leur trop faible luminosité. Toutefois, la masse nécessaire pour expliquer le phénomène est bien trop importante pour expliquer la différence observée. Il y a forcément autre chose mais quoi ?
De nombreux candidats ont été proposé sans preuves convaincantes. On s'est d'abord tout naturellement tourné vers la matière ordinaire :
* des nuages de gaz : il est vrai que, dans les années 90, les nouveaux moyens d'observation satellitaires ont mis en évidence la présence de très grandes quantités de gaz ionisé (voir glossaire) dans les galaxies, du gaz très chaud et invisible. Est-ce la fameuse matière noire ? Hélas, bien au contraire ils sont la preuve indirecte de la présence de matière noire périphérique, seule à même d'expliquer pourquoi ils ne peuvent s'échapper de la galaxie...
* les objets compacts n'émettant pas de lumière : on pense ici aux naines brunes (étoiles avortées) déjà signalées ou aux naines blanches (résidus d'étoiles). Malheureusement, ces objets, eux-aussi, ne sont pas en nombre suffisant pour expliquer les observations.
* les trous noirs : notamment les trous noirs supermassifs pourraient être de bons candidats... sauf qu'il en faudrait énormément dans chaque galaxie et que, dans ce cas, on verrait bien plus de conséquences sur les étoiles qui les entourent.
Faute de prétendants sérieux avec la matière connue, certains se sont tournés vers une matière inconnue, dite exotique, composée d'éléments très particuliers comme les neutrinos ou les WIMP (voir glossaire). Toutefois, avant de conclure, faudrait-il encore que l'on ait pu détecter et mettre en évidence ces particules... si particulières.
Enfin, poussant le raisonnement jusqu'à la limite, certains astronomes ont décidé d'affirmer que si l'on ne pouvait pas détecter cette hypothétique matière noire, eh bien c'est qu'elle n'existe tout simplement pas ! Oui, mais alors comment expliquer les observations sur la rotation excessive des étoiles et des galaxies ? Tout simplement par le fait que les lois de la physique ne s'appliquent pas dans ce cas et qu'il faut les réinventer... Une opinion qui, on s'en doute, n'a pas l'aval de la majorité des scientifiques.
Comme on peut le comprendre, le moins que l'on puisse dire est qu'il n'existe pas de consensus au sein de la communauté scientifique. Il faudra probablement bien plus d'observations et de savants calculs pour expliquer ce mystère, l'un des principaux défis posés à l'astronomie moderne.
l'énergie sombre
Comme si toutes ces questions sans réponses ne suffisait pas, voilà que vers la toute fin du siècle dernier, grâce au perfectionnement des méthodes d'observation (notamment la mesure affinée des supernovas et de la cartographie du fond diffus cosmologique, (voir sujet fond diffus cosmologique), les scientifiques sont arrivés à la conclusion qu'il existait une accélération de l'expansion de l'univers.
Brêve : le satellite Planck confirme et précise ce que l'on sait de la composition de l'Univers (mars 2013)
Après avoir cartographié le ciel dans toutes les directions entre l'été 2009 et janvier 2012, le satellite européen Planck a permis la publication d'une photographie époustouflante du fonds diffus cosmologique, complétant celle de 2003 de la NASA. Plus encore, le satellite Planck a permis d'affiner nos connaissances des premiers instants de l'Univers en recalculant tous les paramètres cosmologiques. On peut donc aujourd'hui affirmer que 1. l'Univers est âgé de 13,82 milliards d'années, que 2. il est composé de 4,9% de poussières, gaz et galaxies, de 26,8 % de matière noire et de 68,3 % d'énergie sombre. Planck nous confirme également que l'Univers est bien en expansion mais en précisant qu'il s'étend à la vitesse de 67 km par seconde...
Au delà de ces chiffres qui, déjà en eux-mêmes, sont un exploit, le satellite Planck nous conforte dans l'idée que le modèle cosmogonique standard de l'Univers est bien celui auquel il faut se référer (confirmation du Big bang, de l'inflation, etc.)..
Et dire que la plus grande partie du décryptage de cette moisson de nouvelles données est à peine ébauché !
On trouvera l'image rapportée par le satellite Planck à l'adresse suivante : http://www.cieletespace.fr/node/10241
Glossaire (sources Wikipedia France)
* ionisation : c'est la faculté pour un atome de ne plus être électriquement neutre par la perte ou l'ajout d'une charge, en l'occurrence un électron. De ce fait, l'atome résultant est appelé un ion. Un rayonnement ionisant quant à lui est un rayonnement qui produit des ionisations dans la matière qu'il traverse.
* neutrino : le neutrino est une particule élémentaire du modèle standard de la physique des particules. Longtemps sa masse fut supposée nulle. Toutefois, des expériences récentes (Super-Kamiokande) ont montré que celle-ci, bien que très petite, est différente de zéro. L'existence du neutrino a été postulée pour la première fois par Wolfgang Pauli pour expliquer le spectre continu de la désintégration bêta ainsi que l'apparente non-conservation du moment cinétique.
* WIMP : en astrophysique, les WIMPs (acronyme anglais pour « particules massives interagissant faiblement ») forment une solution au problème de la matière noire. Ces particules interagissent très faiblement avec la matière ordinaire (nucléons, électrons). C'est cette très faible interaction, associée à une masse importante (de l'ordre de celle d'un noyau atomique), qui en font un candidat crédible pour la matière noire.